PREMIÈRE PARTIE : DES EHPAD À BOUT DE SOUFFLE AVANT D'ABORDER L'OBSTACLE DÉMOGRAPHIQUE

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE TRÈS DÉGRADÉE

A. DES DIFFICULTÉS QUI AFFECTENT L'ENSEMBLE DES INDICATEURS FINANCIERS

1. Des Ehpad massivement déficitaires

Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) connaissent des difficultés financières inédites, qui affectent l'ensemble de leurs indicateurs financiers. Entre 2020 et 2023, d'après les données transmises par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la part des Ehpad déficitaires, tous statuts confondus, est passée de 27 % à 66 % des Ehpad.

La dégradation des résultats des Ehpad

Les données transmises par la DGCS concernent les Ehpad du secteur public, à l'exclusion des Ehpad rattachés à un établissement public de santé, et ceux du secteur privé non lucratif. Ces données provenant des états réalisés des recettes et des dépenses (ERRD), elles restent incomplètes pour 2023.

Ces données confirment la nette dégradation du taux de résultat médian des Ehpad entre 2020 et 2023. En 2023, 50 % des Ehpad présentent ainsi un taux de résultat inférieur à - 1,75 %, alors que la médiane était de + 1,39 % en 2020 (cf. tableau ci-dessous).

Source : DGCS

La répartition des taux de résultat en 2023 révèle des déficits pesant de plus en plus lourdement sur l'exploitation. Ainsi, 25 % des Ehpad présentent un taux de résultat inférieur à - 5,29 %.

Source : DGCS

L'analyse section par section pour 2022 montre cependant que les déficits sont essentiellement liés aux sections dépendance et hébergement.

Taux de résultat médian en 2023

Source : Commission des affaires sociales / données DGCS

La tripartition du financement des Ehpad

Le financement actuel des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) repose sur une répartition des charges et des ressources entre trois sections tarifaires qui relèvent de règles et de financeurs différents et ne sont pas fongibles entre elles :

- une section « soins », financée intégralement par la branche autonomie de la sécurité sociale via les agences régionales de santé (ARS) ;

- une section « dépendance », financée par les conseils départementaux par le biais d'une prestation individuelle, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en établissement, avec une participation des résidents qui représente environ un tiers du total en moyenne ;

- une section « hébergement » financée par les résidents, qui peuvent toutefois bénéficier à ce titre, en fonction de leurs ressources, de l'aide sociale à l'hébergement (ASH), financée par les départements.

En 2020, l'ensemble des ressources des Ehpad représentait un total de 26 milliards d'euros : 14 milliards d'euros au titre de la section hébergement (dont 1,3 milliard d'euros couvert par l'ASH), 8,4 milliards au titre de la section soins et 3,6 milliards au titre de la section dépendance.

Ressources totales des Ehpad par section

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales / données DGCS

Les déficits répétés depuis 2022 entament la capacité des Ehpad à dégager une trésorerie courante : d'après la DGCS, les résultats partiels pour 2023 montrent que la trésorerie des Ehpad en jours d'exploitation courante s'est réduite, la médiane tous statuts confondus passant de 87 jours en 2022 à 72  jours en 2023.

2. Des taux d'occupation en berne

Pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la récente dégradation de la situation financière des Ehpad est avant tout liée à la section hébergement, avec une croissance des recettes inférieure à la hausse constatée des dépenses en lien avec le contexte inflationniste observé en France au cours des dernières années.

D'après les données fournies par la CNSA, les taux d'occupation moyens des Ehpad ont chuté entre 2020 et 2021 et ne se sont pas encore redressés à leur niveau de 2019.

Taux d'occupation moyens des Ehpad par trimestre de 2019 à 2023

Source : CNSA/RESID-EHPAD/Cnam

La baisse spectaculaire des taux d'occupation des Ehpad observée entre 2020 et 2021 peut être associée à la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, qui a eu des impacts directs sur les Ehpad. D'une part, les mesures de confinement imposées pendant la crise ont pu entraîner une baisse des admissions dans les Ehpad (cf. infra). D'autre part, les Ehpad ont été particulièrement touchés par la pandémie, certains établissements ayant compté un nombre élevé de décès.

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