III. PROPOSER UN NOUVEAU MODÈLE POUR LE RISQUE AUTONOMIE FACE AU DÉFI DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

A. DÉVELOPPER UN MODÈLE D'EHPAD À TAILLE HUMAINE

La France a construit un modèle d'Ehpad avec 60 à 80 résidents. Cependant, la taille de ces Ehpad réduit le lien social et ne répond pas aux aspirations de la population qui voient en ces derniers des mouroirs. C'est pourquoi, afin de redonner une dimension humaine à ces établissements et en s'inspirant du modèle néerlandais, la dimension de ces derniers pourrait être réduite à une vingtaine de résidents. Au vu de la pression sur le foncier et des surcoûts qu'une telle transition imposerait, celle-ci ne pourrait se faire sur l'ensemble du territoire mais pourrait s'intégrer dans la ruralité.

Ce modèle d'Ehpad à taille humaine revêtirait plusieurs avantages. Tout d'abord, il répondrait à une aspiration des personnes âgées, notamment en ruralité, où la solidarité et les liens entre les individus sont plus forts que dans les territoires urbains. Les résidents resteraient ainsi proches de leur ancien habitat et ne perdraient pas leurs repères. En deuxième lieu, la disponibilité et les prix du foncier permettraient de limiter les surcoûts liés à l'exploitation d'un tel modèle. Enfin, ces Ehpad à taille humaine assureraient, par leur nombre, un maillage territorial utile au redéploiement de services publics et de structures de la vie quotidienne dans les territoires ruraux300(*).

Le renforcement de la mutualisation des fonctions supports des Ehpad pourrait également participer à une réduction des coûts de ce modèle.

De nouveaux modèles d'Ehpad à taille humaine se développent également à travers le pays via les coopératives comme à Cerizay. Grâce à leur rôle de sociétaire, ces Ehpad à but non lucratif permettent d'intégrer les résidents et le personnel soignant comme des acteurs à part entière de l'évolution et des besoins de l'établissement. L'expérience de Cerizay démontre que la coopérative peut être un nouveau modèle économique pour les petits Ehpad grâce à une fidélisation du personnel et un taux d'occupation élevé. Le développement de ce modèle pourrait être renforcé par la création de guides et un soutien en matière d'ingénierie de projets de la part de l'Anap et de la CNSA pour les collectivités et les associations souhaitant développer ce type de projets.

B. RENFORCER LA POLITIQUE DOMICILIAIRE EN COMPLÉMENT DES EHPAD

Si le modèle des Ehpad est à reconstruire pour mieux accueillir les résidents, il convient également de renforcer le virage domiciliaire afin de ne pas emboliser les Ehpad dans un contexte de vieillissement de la population. Offrir le choix doit être la boussole des politiques publiques en matière de prise en charge des personnes âgées. Pour cela, il faut prendre en compte les aspirations des Français pour qui l'Ehpad est aujourd'hui une solution de dernier recours : 92 % des Français souhaitent vieillir chez eux301(*).

Le développement de l'habitat inclusif pourrait constituer le vecteur le plus acceptable pour prendre en charge la dépendance, une solution à mi-chemin entre le maintien à domicile et l'intégration d'un Ehpad. Ces habitats pourraient permettre de prendre en charge les personnes âgées ayant une perte d'autonomie très modérée, notamment une impossibilité de cuisiner ou des troubles neurocognitifs. À titre d'exemple, les colocations dites « Alzheimer » permettent aux résidents atteints par cette pathologie de vieillir dans un environnement sécurisant et avec un groupe d'individus qu'ils connaissent.

L'habitat intermédiaire souffre cependant de difficultés de développement du fait des tensions en matière de ressources humaines (manque de soignants et de personnel médico-social) et de la diminution du nombre d'aidants. Pourtant, au vu du vieillissement de la population, il serait nécessaire de construire 100 000 logements intermédiaires d'ici à 2030, c'est-à-dire doubler le parc existant. Pour cela, suivant les préconisations de l'Igas302(*), il pourrait être prévu un soutien à l'investissement initial, la mise à disposition d'un foncier communal à prix abordable sur le modèle des baux réels solidaires ou bien une mise en place d'une tarification différenciée des loyers selon les revenus.


* 300 Cf. deuxième partie, V, A.

* 301 Ifop, « Étude sur les attentes des seniors en matière de lieu de vie », 2023.

* 302 Igas, « Lieux de vie et accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie : les défis de la politique domiciliaire, se sentir chez soi où que l'on soit », mars 2024.

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