III. DES INTERVENTIONS PUBLIQUES INSUFFISANTES POUR SOUTENIR UN MODÈLE À BOUT DE SOUFFLE

A. DES INITIATIVES LOCALES NOMBREUSES MAIS DE PORTÉE LIMITÉE DANS UN CONTEXTE DE CRISE DES FINANCES DÉPARTEMENTALES

1. Des interventions des collectivités locales...

La consultation des élus locaux menée du 18 mars au 19 avril 2024 sur la plateforme en ligne du Sénat a permis de mesurer la diversité des interventions des collectivités locales afin de soutenir les Ehpad110(*).

Mesures de soutien aux Ehpad : les réponses des élus locaux

Sur 737 élus ayant répondu à la question : « Votre collectivité a-t-elle contribué à soutenir les Ehpad de son territoire ? Si oui, par quels moyens ? », 23,6 % déclarent que leur collectivité a contribué à soutenir les Ehpad de leur territoire111(*).

Outre les canaux de financement classiques à leur disposition (octroi de subventions au CCAS), les élus municipaux ont spontanément mentionné de nombreuses formes d'aide aux établissements.

Les moyens mentionnés par les élus locaux sont les suivants :

• Conseils municipaux :

- octroi d'une subvention d'équilibre au CCAS

- aide financière pour l'achat de matériel

- avance de trésorerie

- aide à l'investissement / garantie pour l'investissement

- cautionnement d'emprunt

- achat de terrains / financement d'une partie de l'acquisition du terrain / don de terrains

- acquisition par la ville d'une partie du foncier

- octroi de permis de construire sur des parcelles détachées pour assurer des recettes d'investissement

- prise en charge d'aménagements extérieurs : voies d'accès, parking, entrée de l'établissement...

- portage des projets d'extension et de réhabilitation

- prêt de véhicules / aide à l'achat de véhicules

- paiement par le CCAS d'une partie du repas des résidents

- mise à disposition de matériel

- loyer très modéré / non-indexation du loyer / paiement différé du loyer

- bail emphytéotique

- mise en place d'une communauté énergétique avec revente d'électricité à un tarif inférieur au tarif du marché

- don de kits hydro-économes et de récupérateurs d'eau pour diminuer la consommation d'eau

- création d'un réseau public de chaleur pour garantir la stabilité du coût de l'énergie

- financement de travaux de rénovation énergétique

- accompagnement dans des démarches d'urbanisme

- exonération partielle de la taxe d'assainissement

- réduction du prix de l'eau potable

- entretien des bâtiments et des espaces verts

- partage de frais de service

- aide au recrutement

- mise à disposition de personnel technique ou administratif

- recrutement d'animateurs

- organisation d'activités du CCAS au sein de l'Ehpad / ouverture de l'Ehpad aux habitants / échanges intergénérationnels entre les crèches, les écoles et les centres de loisirs / subventionnement d'opérateurs associatifs pour des animations en Ehpad

- communication : valorisation de l'image / information aux familles sur l'offre d'Ehpad / communication sur l'emploi en Ehpad

- orientation des personnes sortant de la résidence autonomie vers les Ehpad locaux

- financement d'un audit privé des comptes

- mise en place d'une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS)

- appui à la négociation avec les partenaires

- information de l'ARS sur la situation des Ehpad

• Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) :

- octroi d'une subvention d'équilibre / aide financière

- règlement du loyer de l'Ehpad / baisse des loyers en compensation d'un investissement dans un pôle d'activité de soins adapté (Pasa)

- bail emphytéotique

- financement des travaux d'entretien du bâtiment

- financement d'aides techniques pour améliorer les conditions de travail

- soutien en moyens matériels

• Conseils départementaux :

- augmentation de la dotation dépendance

- réévaluation du tarif hébergement

- mise en place de la modulation tarifaire

- crédits non reconductibles pour les établissements en difficulté

- crédits supplémentaires pour les établissements habilités à l'aide sociale

- abondement du fonds de l'ARS pour les établissements en difficulté

- avance exceptionnelle

- prêts remboursables

- dispositif de soutien à l'investissement

- fonds départemental pour les fluides

À titre d'exemple, le département des Hauts-de-Seine a indiqué avoir voté en 2022 une autorisation de programme pluriannuelle de 20 millions d'euros en investissement afin de soutenir douze Ehpad, identifiés conjointement avec l'ARS, dans leurs projets de rénovation et de modernisation de locaux. À ce titre, 5 millions d'euros ont été alloués à six Ehpad sur les exercices 2022 et 2023. Un montant de 3,2 millions d'euros est inscrit au budget 2024 dans le cadre de cette autorisation de programme.

Par ailleurs, pour 2024, le département envisage d'accompagner les Ehpad publics et privés associatifs en situation critique, à hauteur de 2,5 millions d'euros en fonctionnement.

2. ... percutées par la crise des finances départementales

Alors que le département reste l'un des principaux financeurs des Ehpad, les finances départementales sont frappées depuis 2023 par une crise brutale. La mauvaise conjoncture immobilière a en effet entraîné une chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui constituent l'une des principales recettes des départements. Au total, l'épargne brute des départements se serait contractée de - 31,2 % en 2023112(*).

Le cas de l'Ille-et-Vilaine

À l'occasion du déplacement des rapporteures à Rennes, Jean-Luc Chenut, président du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, les a alertées sur la crise financière inédite qui frappe la collectivité.

Alors que le département enregistrait, en 2022, la meilleure épargne nette de son histoire sous l'effet notamment de la forte progression de ses recettes de TVA dans un contexte d'inflation, il a connu en 2023 un effondrement de son épargne en raison de la forte baisse des DMTO, combinée à la hausse de l'ensemble de ses dépenses sociales. En particulier, le département a fait face à une hausse de 21 % de ses dépenses dédiées au secteur des personnes âgées, qui s'explique notamment par l'effet en année pleine de certaines mesures de revalorisation salariale et par la progression des bénéficiaires de l'APA. Avec un taux de couverture de 34 % de ses dépenses d'APA par la CNSA, le département doit supporter un reste à charge important. Or, l'APA est la première aide directe versée par le département.

Cette hausse des dépenses résulte également de la mobilisation de 5 millions d'euros de crédits non reconductibles (CNR) en faveur des Ehpad en difficulté. Le département, qui a annoncé l'adoption d'un nouveau plan d'économies en juin 2024 devant la poursuite de la baisse de ses recettes, n'est pas en capacité de reconduire ces aides cette année.

Plus généralement, Départements de France considère que le modèle de financement des Ehpad est structurellement déséquilibré et que les dotations de la branche autonomie sont insuffisantes. Ils appellent en particulier à un meilleur taux de couverture des dépenses des départements, à hauteur de 50 % de l'ensemble des dépenses d'APA, par la CNSA.

Jean-Luc Chenut, président du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, a également déploré la perte de marges de manoeuvre financières des départements à la suite de la réforme des finances locales, qui s'est notamment traduite par le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFB).


* 110 Pour plus de précisions, voir l'analyse des résultats de la consultation annexée au présent rapport.

* 111 Plus de 80 % des répondants à la consultation sont des élus municipaux.

* 112 Regard financier sur les départements, Départements de France et La Banque Postale, novembre 2023.

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