B. UNE CRISE ASSOCIÉE À DES FACTEURS CONJONCTURELS
1. Un taux d'occupation en berne
Les taux d'occupation moyens des Ehpad ont chuté entre 2020 et 2021 et ne se sont pas encore redressés à leur niveau de 2019.
Taux d'occupation moyen des Ehpad par trimestre de 2019 à 2023
Source : Commission des affaires sociales d'après la CNSA
Cette baisse spectaculaire peut être associée à la succession de deux crises.
• La crise sanitaire due à la pandémie de covid-19 a eu des impacts directs sur les Ehpad :
- les mesures de confinement imposées pendant la crise ont pu entraîner une baisse des admissions en Ehpad ;
- les établissements ont été particulièrement touchés par la pandémie, certains ayant compté un nombre élevé de décès.
En outre, les mesures restrictives prises pendant la crise sanitaire ont dégradé la relation des Français aux Ehpad, renforçant leur image de « mouroirs » et de lieux de privation de liberté.
• Le « scandale Orpea » qui a suivi la publication du livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet a entraîné une crise de confiance envers les Ehpad et aggravé la chute du taux d'occupation, en particulier (mais pas uniquement) dans le secteur privé commercial. Cette crise a installé dans l'opinion un soupçon de maltraitance généralisée concernant les Ehpad. Entre 2019 et 2022, selon une enquête de l'Ifop, la part des Français souhaitant rester à domicile est passée de 75 % à 81 %.
2. Un « effet ciseaux » entre recettes et dépenses de fonctionnement
Les Ehpad ont subi la conjonction du contexte inflationniste, des revalorisations salariales et de l'évolution insuffisante du tarif hébergement, créant un « effet ciseaux ».
Les dépenses quotidiennes d'hébergement sont concentrées sur l'alimentation et l'énergie, deux postes ayant subi une forte inflation. Les boucliers énergétiques n'ont pas été suffisants pour annuler l'effet de la hausse des prix et leur sortie progressive annonce une nouvelle hausse des dépenses pour les Ehpad.
À la suite du Ségur de la Santé (I et II) et de la Conférence des métiers 2022, ont été engagées des revalorisations des professionnels dans les Ehpad. La branche autonomie et les départements devaient financer ces augmentations, mais une partie des personnels est rémunérée sur le tarif hébergement et la majorité des structures n'ont pas perçu tous les financements auxquelles elles avaient droit. Ainsi, si ces revalorisations étaient indispensables, elles ont contribué à l'aggravation de l'effet ciseaux.
Depuis 2020, tout mode d'habilitation confondu, les revalorisations des tarifs hébergement ont été inférieures à l'inflation. S'il est légitime que les départements conservent une marge d'appréciation pour fixer les tarifs hébergement pour les places habilitées à l'aide sociale, un plancher de revalorisation annuelle, indexé sur l'inflation, permettrait de sécuriser les ressources des Ehpad.
Évolution de l'inflation et des tarifs d'hébergement par catégorie
Source : Commission des affaires sociales, d'après l'Insee et la CNSA, « Repères statistiques n° 19 : hausse de 4,4 % du prix de l'hébergement en Ehpad en 2023 », 2024