III. QUEL OFB POUR LA DÉCENNIE À VENIR ? LES MARGES D'AMÉLIORATION POUR UN ANCRAGE INSTITUTIONNEL PLUS ABOUTI

A. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE RECRÉER DE LA CONFIANCE

1. Rééquilibrer les missions de prévention et de contrôle, pour atténuer l'image répressive attachée à l'établissement

Alors que le législateur a souhaité que l'OFB soit un opérateur ensemblier de la biodiversité, intervenant sur l'ensemble de la chaîne de communication, de sensibilisation, de gestion, de protection, de restauration et de police de l'environnement, son image souffre de n'être souvent réduite qu'au seul aspect répressif de son action. Plusieurs acteurs disent regretter que les missions de police environnementale prédominent sur celles d'accompagnement et de conseil, ce qui nourrit l'image d'un « établissement censeur ».

S'il convient de relativiser la pression de contrôle ressentie par certains acteurs, avec par exemple un contrôle en moyenne par siècle pour les exploitations agricoles171(*), il est cependant exact que les relations de l'OFB avec le monde agricole sur le terrain se limitent trop souvent au contrôle et à la recherche des infractions, tant et si bien qu'au niveau local, l'OFB est souvent réduit à n'être que le gendarme de la biodiversité. Cette situation nuit par contrecoup à la capacité de l'OFB à mener à bien ses autres missions ; une réflexion approfondie doit être engagée pour mieux articuler les actions de sensibilisation et les missions de police mises en oeuvre par les mêmes agents, afin que le temps consacré à l'accompagnement permette également de sensibiliser les acteurs aux législations environnementales et aux conséquences de leur non-respect, dans le cadre d'un dialogue plus confiant et à tout le moins apaisé.

Dans la mesure où la séquence « éviter, réduire, compenser172(*) » vise principalement l'évitement des dommages à l'environnement, l'information et la sensibilisation sont essentielles et doivent faire partie des missions coeurs de métier des inspecteurs de l'environnement. Le législateur a un rôle à jouer dans le renforcement du caractère pédagogique des interventions de l'OFB au titre de la police de l'environnement, en procédant à la dépénalisation de certaines infractions environnementales, afin qu'elles relèvent de la police administrative qui fait primer l'aspect préventif sur la dimension répressive.

Recommandation n° 9 : Dépénaliser certaines infractions environnementales afin de favoriser un meilleur équilibre entre police judiciaire et police administrative, moins inquisitoriale et traumatisante, et établir une panoplie de sanctions administratives mieux proportionnées aux atteintes à l'environnement en fonction de leur gravité.

Bien que l'OFB agisse dans le cadre d'un régime strict et sécurisé par de nombreuses instructions, il est également crucial de renforcer la communication et la sensibilisation des acteurs locaux, à travers des ateliers, des guides pratiques, des « fiches réflexe », des campagnes d'information ciblées pour expliquer les réglementations de manière claire et accessible - qui permettront notamment de réduire les infractions involontaires.

Dans la mesure où l'OFB est un établissement faisant face à un déficit de connaissance des modalités de son action et des missions qui lui sont confiées par la loi, la mission d'information considère que l'État doit participer au renforcement de sa légitimité en matière de préservation de l'environnement, à travers des campagnes de sensibilisation du grand public aux missions de l'OFB. L'établissement pourrait, de son côté, s'appuyer sur les réseaux sociaux pour présenter de façon moins institutionnelle et « humaniser » l'action de ses agents dans les territoires et les missions dont ils sont investis. L'établissement doit en tout état de cause poursuivre sa quête de visibilité pour être mieux identifié et mieux accepté.

Si la légitimité d'un établissement s'acquiert au premier chef par son professionnalisme et son expertise, le ministère de l'environnement et les services déconcentrés de l'État ont également un rôle à jouer pour soutenir l'action territoriale de l'OFB, renforcer la compréhension des interventions de ses agents et réaffirmer le rôle de l'établissement, en rappelant que certaines actions répressives mises en oeuvre par l'OFB relèvent de la police judiciaire et, à ce titre, sont déclenchées par le Procureur de la République et non l'établissement lui-même. À cet égard, le syndicat FO-OFB a déploré que « l'éducation aux réglementations environnementales est insuffisamment prise en charge dans notre pays ; ce sont les agents de l'OFB, chargés par les politiques qui les ont votées, qui se trouvent confrontés à la vindicte populaire quand ils ont pour mission de les faire respecter. » Le soutien des pouvoirs publics est d'autant plus nécessaire que, comme cela a été rappelé plus haut, l'acceptabilité sociale des normes environnementales et des contrôles ne va pas de soi et constitue un processus toujours à l'oeuvre.

Il pourrait ainsi être opportun de rappeler que l'édifice judiciaire et le corpus normatif en faveur de la biodiversité n'ont pas été conçus pour entraîner la saisine systématique du procureur de la République pour toutes les irrégularités environnementales. Au contraire, la régulation des infractions environnementales privilégie la restauration des atteintes aux milieux plutôt que les sanctions pécuniaires : une réponse pénale pédagogique est recherchée chaque fois que possible, qui s'appuie notamment sur des mesures alternatives aux poursuites (telles que les obligations de réparation, les stages de sensibilisation, les régularisations a posteriori). Les comparutions sont réservées aux infractions les plus graves, afin de garantir la proportionnalité de la réponse apportée à la situation constatée. L'OFB apparaît, aux yeux du parquet, comme un pourvoyeur de procédures environnementales de qualité et équilibrées, au point de devenir, selon la Conférence nationale des procureurs de la République, un interlocuteur tout à fait crédible, à même de porter et défendre les enjeux importants de la biodiversité.

C'est la raison pour laquelle la mission d'information salue les initiatives de sensibilisation et d'initiation à l'environnement portées par l'OFB, à l'instar des aires éducatives, qui prennent la forme d'un petit territoire naturel géré de manière participative par les élèves d'une école, d'un collège ou d'un lycée. Encadrés par leurs enseignants et une structure de l'éducation à l'environnement, les élèves se réunissent sous la forme d'un « conseil des enfants » et prennent toutes les décisions concernant leur aire éducative. La SNB 2030 vise la création de 18 000 aires éducatives d'ici la fin de la décennie : cet objectif semble particulièrement ambitieux puisqu'il n'en existe qu'un millier aujourd'hui, avec un enjeu budgétaire significatif, sachant que le budget annuel moyen d'une aire éducative est estimé à 4 000 euros.

La mission d'information plaide également pour l'amélioration de l'identification territoriale de l'OFB, à travers un dialogue plus nourri avec les élus locaux et les acteurs agricoles et économiques, fondé notamment sur la concertation et la prise en compte des enjeux en fonction de leur sensibilité locale. L'établissement trouverait intérêt à renforcer sa coopération avec les chambres d'agriculture, en formalisant par exemple un cadre de rencontres régulières ou un cadre conventionnel afin d'assurer des formations conjointes aux personnels de l'OFB et des chambres. Le monde économique attend, quant à lui, que l'établissement devienne le référent pour améliorer la compréhension de la législation, l'application des textes et leur interprétation pour apporter des réponses claires et équilibrées quant aux obligations et aux interdictions.

Les chefs de service départemental pourraient quant à eux endosser le rôle d'« ambassadeurs de l'OFB173(*) », en participant notamment à des rencontres régulières avec les élus locaux pour améliorer l'identification de leur rôle par les maires ruraux et en facilitant les échanges avec les chambres d'agriculture, qui identifierait plus nettement l'OFB comme partenaire de référence en matière de protection de la biodiversité et de conciliation des activités agricoles avec l'environnement. Il pourrait également être opportun que le chef de service départemental et le directeur régional de l'OFB assistent à l'audience solennelle de rentrée judiciaire, afin de favoriser la connaissance mutuelle entre l'OFB et la sphère judiciaire. Cette démarche volontariste permettrait à la fois de mieux valoriser l'expertise des agents de l'OFB et de marquer la volonté d'accroître la dimension pédagogique de leur action, tout en normalisant le dialogue de l'OFB avec son écosystème d'acteurs.

Ce nécessaire rééquilibrage entre les missions de prévention et de police ne se traduira pas nécessairement par une baisse du nombre de contrôles, mais par un accompagnement plus marqué des acteurs sur le terrain, en amont des contrôles. C'est la raison pour laquelle la mission d'information considère avec perplexité l'annonce du Premier ministre en janvier dernier de limiter à un contrôle par an l'intervention des inspecteurs de l'environnement dans les exploitations agricoles. Cette disposition n'est en premier lieu valable que pour les contrôles mis en oeuvre par l'OFB, alors que les agriculteurs sont contrôlés par une pluralité d'organismes. De plus, cette annonce est potentiellement porteuse d'un message erroné, qui laisserait à penser qu'une fois le contrôle passé, l'exploitant serait libre d'agir comme bon lui semble, sans tenir compte des réglementations environnementales, dans la mesure où l'OFB ne pourrait plus mettre en oeuvre de contrôles aléatoires.

La mission d'information estime qu'il est préférable d'agir sur la perception des contrôles mis en oeuvre par l'Office français de la biodiversité. Pour améliorer leur acceptabilité, elle recommande plusieurs évolutions par rapport à la situation actuelle. Dans un premier temps, il serait opportun de rendre public le plan de contrôle annuel adopté par la mission interservices de l'eau et de la nature (Misen) et validé par le préfet ainsi que les priorités du Comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), afin d'assurer la bonne coordination de l'action judiciaire avec l'action administrative et communiquer autour des réponses pénales et administratives qui ont vocation à être apportées aux atteintes à l'environnement constatées.

Recommandation n° 10 : Rendre public le plan de contrôle annuel élaboré dans le cadre des missions interservices de l'eau et de la nature (Misen) et les priorités des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden) pour permettre aux acteurs de se familiariser avec les priorités environnementales à l'échelle de chaque territoire.

De cette manière, les priorités départementales en matière de police administrative et judiciaire de l'environnement seraient connues de tous les acteurs, leur permettant d'anticiper et d'adapter leurs pratiques en conséquence. Le caractère prévisible et pédagogique des actions de contrôle de nature administrative constitue, pour la mission d'information, un gage de leur acceptabilité. Il s'agit d'ailleurs d'une orientation en phase avec l'instruction du Gouvernement du 2 janvier 2024 relative à la stratégie des contrôles en matière de police de l'eau et de la nature174(*), qui stipule que « la communication et la pédagogie sur la politique de contrôle contribuent à leur acceptabilité par les personnes visées par ces contrôles et à une meilleure compréhension des enjeux de préservation des ressources naturelles ».

Les objectifs de cette stratégie nationale doivent pleinement être intégrés dans la programmation des contrôles de l'OFB et favoriser le rééquilibrage entre les missions préventives et répressives que la mission d'information appelle de ses voeux. Ces priorités doivent également être relayées et accompagnées politiquement au niveau des territoires, afin de mieux identifier ce qui relève de la stratégie nationale de contrôle et des enjeux définis territoire par territoire.

2. Une présence optimisée sur le terrain aux côtés des élus locaux et des acteurs pour une légitimité renforcée

La qualité du maillage territorial de l'OFB est primordiale pour lui permettre d'appréhender les enjeux locaux et de répondre aux priorités de l'action environnementale définies au sein des Misen et des Colden. Après près de 2 000 agents de terrain répartis dans ses services départementaux et ses 8 délégations territoriales, l'OFB dispose d'une bonne connaissance des enjeux et spécificités propres à chaque territoire. Cet ancrage lui permet notamment d'alimenter la connaissance du préfet et de ses services afin de prioriser l'action de police dans le département.

L'effort de réduction des implantations territoriales, mis en oeuvre à travers le schéma pluriannuel de stratégie immobilière175(*) (SPSI) dans le cadre de la rationalisation de la gestion immobilière de l'État, a cependant conduit à la réduction de la densité de la présence territoriale et à la centralisation des implantations dans de nombreux départements. Rappelons que la réduction des implantations a été inspirée par la volonté que les équipes territoriales atteignent une taille critique suffisante afin de garantir la continuité du service public.

Malgré cet objectif que partage la mission d'information, tous les services départementaux ne sont pas dotés de leurs effectifs théoriques, ce qui est regrettable pour répondre efficacement au besoin de proximité exprimé par les élus locaux et d'autres acteurs. Le rôle de l'OFB, complémentaire à celui du maire, détenteur du pouvoir de police administrative générale sur l'ensemble du territoire communal, qu'il s'agisse de la police de la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels, des occupations illégales, des décharges sauvages et des remblais, est notamment essentiel en milieu rural, où certaines communes ne disposent pas des moyens pour assurer efficacement une police de proximité.

C'est la raison pour laquelle on observe une augmentation significative de la demande d'accompagnement des collectivités territoriales sur les sujets environnementaux, que renforce encore l'acuité des enjeux climatiques. La mission d'information appelle l'établissement public à résorber dans les meilleurs délais les déficits de personnel constatés dans certaines unités départementales, afin d'assurer la continuité de l'action de l'OFB dans tous les territoires et venir en appui aux politiques en faveur de la biodiversité mises en oeuvre au niveau communal et intercommunal.

Recommandation n° 11 : Mieux accompagner les collectivités territoriales dans leur action quotidienne de préservation de la biodiversité et de gestion des milieux et des espèces, dans une logique de « guichet unique de la biodiversité » à mettre en oeuvre par l'OFB.

L'OFB constitue en effet l'un des derniers services de police rurale, dont le maillage territorial est plébiscité par les élus locaux. Les évolutions administratives, l'augmentation du nombre des missions et les effectifs calculés au plus juste ont cependant contribué à éloigner les agents du terrain, rendant plus complexe sa capacité de maintenir un lien de proximité avec les acteurs. De ce fait, il n'est pas réaliste d'espérer de l'OFB les services auparavant rendus par les 40 000 gardes-champêtres qui sillonnaient le territoire national au XIXe siècle ou la présence territoriale que la gendarmerie nationale est en mesure d'assurer aujourd'hui.

L'OFB doit par conséquent s'efforcer de tirer le meilleur parti de ce maillage territorial, en renforçant sa proximité avec le terrain, dans la mesure où les enjeux de préservation de la biodiversité sont éminemment locaux. Cet effort est cependant malaisé à mettre en oeuvre, en raison des tâches administratives croissantes que doivent remplir les agents, qui entraînent un découplage entre le temps passé sur le terrain et le temps de bureau consacré à la rédaction de procès-verbaux, d'avis techniques et à mener des auditions. La Cour des comptes partage cette analyse, en soulignant dans son rapport de juillet dernier que « la complexification des procédures génère une hausse du temps passé au bureau. La majorité des procédures réalisées sont des procédures judiciaires, dont beaucoup d'actes ne sont pas programmés. »

Au cours de son enquête176(*), le sociologue Léo Magnin a fait le constat que « ces tâches de rédaction produisent une surcharge de travail qui peut inciter [les agents] à considérer l'engagement d'une procédure comme un dernier recours, une fois que toutes les autres voies moins formalisées (conseils, avertissements informels, avertissements judiciaires, etc.) ont été tentées. » Cela permet d'expliquer pourquoi le nombre de procédures environnementales ne dépasse pas la trentaine dans certains départements. Les organisations représentatives du personnel de l'OFB ont indiqué à la mission que la recherche d'infractions sur le terrain est de moins en moins effective, par manque de moyens et de temps. Le syndicat EFA-CGC estime ainsi qu'« il est nécessaire de pouvoir recréer un lien fort entre les acteurs de terrain et les services qui travaillent avec eux. Pour cela, il faut réussir à dégager du temps dans nos priorités pour rétablir les missions de surveillance et de contact qui ont été supprimées ».

Cela signifie notamment que la flagrance et les signalements occupent désormais l'essentiel du temps consacré aux missions de police judiciaire, un constat corroboré par le syndicat CGT Environnement, qui souligne que « les deux anciens établissements publics fonctionnaient beaucoup par la présence sur le terrain. Il y avait une répartition en secteurs, où les agents étaient assez présents et avaient un dialogue plus fréquent avec les différents usagers. Aujourd'hui, le travail se fait sur signalement, les agents de l'OFB ne sont sur place que pour la constatation d'infractions, que nous devons constater obligatoirement en raison de nos prérogatives. C'est un problème de manque de présence d'agents de terrain et sur le terrain qui rend impossible un rôle de prévention non quantifiable et non quantifié par le passé, mais sans doute important ». La mission d'information déplore cette évolution, qui conduit à l'augmentation de la part des enquêtes initiées sur le fondement d'une procédure de signalement, qui présente dans certains cas des similitudes avec le phénomène de délation : cette tendance n'est pas propice à l'apaisement des relations contrôleur-contrôlé, les inspecteurs de l'environnement pouvant être fragilisés par cette procédure qui peut s'apparenter à une instrumentalisation de leurs prérogatives de police.

Lors des déplacements du rapporteur sur le terrain, dans le Var et l'Eure, plusieurs agriculteurs ont fustigé cette tendance à l'accroissement des contrôles de l'OFB mis en oeuvre sur le fondement de signalements anonymes. La mission d'information considère qu'ils constituent un phénomène propre à aviver des tensions supplémentaires lors des contrôles, à propos duquel une réflexion pourrait utilement être menée, notamment sur l'opportunité de conditionner la recevabilité du signalement à la levée de l'anonymat.

La présence optimisée des agents de l'OFB sur le terrain dépend également de la capacité de l'établissement public à assurer la continuité du service en dehors des heures de service des agents, en soirée et le week-end. L'organisation au niveau territorial est perfectible : les fédérations départementales des chasseurs ont par exemple indiqué à la mission que le système d'astreinte instauré au niveau local ne permet pas d'assurer correctement les missions de police de la chasse et la lutte contre le braconnage. Dans son rapport de juillet 2024, la Cour des comptes a également appelé l'attention « sur les modalités de mise en oeuvre de la continuité de service durant les week-ends et jours fériés qui amputent la capacité d'intervention de l'établissement et devraient être mieux encadrées. » Elle a ainsi recommandé de renforcer les modalités assurant la continuité de service, en affinant les besoins de programmation les week-ends et jours fériés, en clarifiant la plage horaire correspondante et en imposant le choix de l'indemnisation pour les cinq premiers dimanches et jours fériés travaillés pour chaque agent. La mission d'information partage le constat de la nécessité d'une plus grande vigilance de la part de l'établissement public à la continuité de son action territoriale.

Il est en effet essentiel de préserver la capacité d'intervention de l'OFB dans l'espace et dans le temps, reposant sur un maillage territorial d'unités départementales dotées de leurs effectifs théoriques et d'agents mobiles sur leur ressort, facilitant la mise en oeuvre de la continuité du service les soirs et week-ends en fonction de l'acuité des enjeux territoriaux.

3. Des agents mieux formés et informés, pour des échanges fondés sur une meilleure compréhension des contextes d'intervention

La capacité de l'Office français de la biodiversité à forger et à renforcer sa légitimité repose également sur la qualité des formations dispensées à ses agents. Grâce à la prise de conscience de la diversité des contextes dans lesquels ils interviennent et à leur capacité à appréhender la complexité réglementaire, les inspecteurs de l'environnement sont en mesure d'entretenir des échanges plus fructueux avec les acteurs, avec une dimension pédagogique plus affirmée.

Dès la création de l'OFB, le défi de la formation des personnels a été identifié comme un enjeu central pour l'établissement public. Le contrat d'objectifs et de performance 2021-2025 indiquait ainsi que « l'OFB s'attachera à valoriser et développer les compétences et le savoir-faire de ses agents. Il veillera à la formation de ces derniers, non seulement pour leur permettre des évolutions de carrière, mais aussi pour être en mesure de répondre aux nouveaux défis. » Outre la définition d'un socle de compétences à acquérir pour tous les nouveaux agents recrutés, l'établissement a également mis en oeuvre le parcours de formation « OFB + 2020 », mentionné précédemment, afin d'acculturer les agents des services départementaux aux nouvelles compétences de l'établissement.

Dès les premiers temps de l'OFB, la direction générale a déployé d'importants efforts de formation en direction de ses personnels, notamment dispensés au sein de ses deux centres de formation : hors formation initiale des nouveaux inspecteurs de l'environnement, les agents de l'OFB ont suivi en moyenne 7,2 jours de formation en 2023. Dans son rapport de juillet 2024, la Cour des comptes relève que « l'année 2021 a enregistré un effort de formation majeur (22 826 jours de formation, dont 9 843 jours de formation continue collective et 4 580 jours de formation des nouveaux inspecteurs de l'environnement), représentant 6,4 % du total des heures de travail déclarées par les agents sur l'année, pour un budget de 2,3 M€. En 2022, ce sont 6,9 % des heures déclarées qui ont concouru à la formation interne, pour un budget de 2,4 M€ ».

Malgré le caractère significatif de cet effort de formation, plusieurs syndicats du personnel ont déploré l'insuffisance récurrente des capacités d'accueil des centres de formation, face au « choc de formation » induit par la fusion des deux établissements publics, et la difficulté à répondre aux enjeux de formation des agents des gestionnaires d'aires protégées. Si ce déficit est en phase de résorption, cette saturation de la capacité de formation interne de l'OFB a conduit à retarder l'atteinte des objectifs en matière d'acculturation des personnels et d'acquisition de nouvelles compétences spécialisées. De même, cette situation a conduit à réduire ou à différer la formation de certains agents de l'OFB aux enjeux socio-économiques et aux contextes d'exercice des activités économiques qu'ils sont amenés à contrôler.

La mission d'information invite l'établissement public à ne pas fléchir ses efforts en matière de formation, considérant qu'il s'agit de la pierre angulaire de l'expertise de l'OFB, et à promouvoir une approche plus systémique et pluridisciplinaire de la formation initiale. Les formations peuvent constituer des vecteurs efficaces afin de graduer et proportionner la manière de procéder aux contrôles, en lien avec une compréhension plus fine des enjeux économiques et sociaux des professions contrôlées, mais également en tenant compte de la saisonnalité et des contraintes propres aux professions agricoles et forestières, exposées à des aléas météorologiques et climatiques. La formation permet de lever certains préjugés ainsi que des appréciations erronées, de nature à réduire des incompréhensions entre contrôleur et contrôlé et à apaiser certaines tensions. Cet effort accru de formation permettra également de rompre avec le ressenti de certains acteurs selon lequel les agents de l'OFB seraient des militants de la protection de la biodiversité. Une police de l'environnement compétente, bien formée et ayant une attitude appropriée lors des contrôles est une nécessité fondamentale, que la mission d'information souhaite rappeler avec force.

Recommandation n° 12 : Promouvoir une approche systémique et pluridisciplinaire de la formation initiale des agents de l'OFB et accentuer la formation continue sur les enjeux socio-économiques afin de mieux appréhender la complexité des interventions agricoles et économiques.

La mission d'information recommande en outre à la direction générale d'intensifier son offre en direction des gestionnaires d'aires protégées, afin de créer une culture commune et unifier les pratiques dans ces espaces qui représentent un tiers du territoire et des espaces maritimes sous juridiction et souveraineté nationale. Les gestionnaires entendus par la mission d'information ont en effet déploré que les centres de formation de l'OFB n'étaient pas en mesure d'assurer suffisamment de formations tout au long de l'année.

La mission d'information s'étonne également que les missions des agents de l'OFB ne soient pas encadrées par un code de déontologie. Étant donné les contestations dont peuvent faire l'objet certaines interventions, il est surprenant que cette réflexion n'ait pas été conduite avec les organisations représentatives du personnel de l'OFB, alors qu'elle permettrait de parer aux critiques de militantisme et d'arbitraire des interventions des inspecteurs de l'environnement. En effet, les missions des inspecteurs de l'environnement imposent souvent une intrusion dans les exploitations agricoles, perturbantes et mal ressenties : l'harmonisation des principes et du cadre déontologique dans un document unique s'appliquant à tous les agents permettrait de lever certains malentendus. Dans son rapport de juillet 2024, la Cour des comptes a elle aussi relevé « l'absence de guide, code ou charte de déontologie, rappelant à tous les agents leurs obligations, en particulier en matière d'intervention financière pour prévenir les conflits d'intérêts ou en matière de police, à l'instar du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale. »

Il serait donc hautement souhaitable que le cadre d'intervention des inspecteurs de l'environnement, lors des contrôles de police administrative ou pour les missions de recherche et de constatation des infractions, puisse s'appuyer sur une charte de déontologie, sur le modèle de celle applicable aux membres du conseil d'administration, adoptée le 14 mars 2024. La mission d'information invite donc la direction générale de l'OFB à initier ce chantier et le dialogue social qu'il implique dans les meilleurs délais.

Recommandation n° 13 : Élaborer, en concertation avec les associations représentatives du personnel, une charte de déontologie pour l'ensemble des agents, notamment les inspecteurs de l'environnement préposés aux contrôles et à la recherche des infractions.

Cette réflexion collective autour des modalités d'intervention et de l'accomplissement des missions par le personnel de l'établissement permettra notamment de préciser les devoirs déontologiques auxquels sont soumis les agents de l'OFB, d'encadrer les différentes étapes de la relation contrôleur-contrôlé à travers notamment un séquençage plus précis des démarches de contrôle et de verbalisation, ainsi qu'une meilleure formalisation du protocole d'entrée en contact avec les personnes contrôlées ou mises en cause, tout en rappelant les droits et prérogatives dont disposent les inspecteurs de l'environnement dans le cadre de leurs interventions.

Ce cadre déontologique pourrait notamment insister sur le fait que les auditions menées par les inspecteurs de l'environnement sont réalisées à charge et à décharge, et que les preuves de l'innocence doivent tout autant être recherchées que celles de la culpabilité. L'édiction d'une charte de déontologie applicable aux personnels permettrait ainsi de renforcer la compréhension mutuelle entre l'établissement public, le monde économique et agricole et les chasseurs, en objectivant le rôle, les pouvoirs et les conditions d'intervention des agents de l'OFB.

4. Un port de l'arme moins ostensible lors des contrôles de routine, pour diminuer les tensions

Pour les raisons évoquées précédemment, le port de l'arme de service par les inspecteurs de l'environnement constitue une question épineuse. L'armement des agents de l'OFB en situation de contrôle, lorsqu'ils interviennent au titre de la police administrative ou lors des constatations judiciaires, fait l'objet de contestations récurrentes, fortement médiatisées pendant le mouvement de colère agricole au début de l'année 2024. Plusieurs syndicats agricoles souhaitent ainsi le désarmement des agents de l'OFB lorsqu'ils sont amenés à contrôler des exploitations agricoles.

En premier lieu, il convient de rappeler que les agents commissionnés et assermentés177(*) sont astreints178(*), selon des modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l'environnement, au port d'arme et à porter l'équipement et les signes distinctifs qui leur sont fournis par l'établissement. Afin de garantir le cadre juridique de l'exercice de la police de l'environnement, un arrêté de 2004179(*) encadre les types d'armes, les formations requises et les conditions dans lesquelles les agents de l'OFB en sont dotés dans l'exercice de leurs fonctions ; son article 5 dispose notamment que les agents sont tenus de suivre les formations au maniement et à l'utilisation des armes organisées à leur intention, dont la fréquence ne peut être inférieure à deux par an. Le port de l'arme par les policiers de l'environnement répond ainsi au souhait du législateur et de l'autorité règlementaire, au même titre que d'autres types de police.

Aux côtés de l'insigne et de l'uniforme, le port de l'arme favorise l'identification de l'agent en question comme titulaire d'une mission de police. Son port est défini afin de permettre de réagir rapidement et en toute sécurité dans le cadre de la légitime défense des agents et d'autrui : il s'agit d'une arme de défense, dont le port vise à dissuader une personne qui serait mal intentionnée de passer à l'acte. Selon le syndicat FO-OFB, l'arme constitue un moyen de défense et de protection pour les agents au quotidien, un « préalable indispensable à la réalisation de missions de police judiciaire pour des agents porteurs de tenues qui les identifient sans équivoque à des agents dépositaires de l'autorité publique et confrontés à des publics qui peuvent être hostiles, au mieux provocateurs, au pire dangereux. »

Il serait en effet malvenu de désarmer la police de l'environnement, à un moment où la protection de l'environnement a été érigée au rang de priorité de l'action publique et alors que les inspecteurs de l'OFB sont amenés à contrôler des publics armés dans le cadre de leurs missions de police de la chasse. Les agents de l'établissement public sont susceptibles de faire face à des publics potentiellement hostiles, lorsqu'ils interviennent en matière de lutte contre le braconnage ou pour sanctionner la circulation prohibée de véhicules à moteur dans les espaces naturels, qui constituent des contextes à fort potentiel d'hostilité.

En revanche, la mission d'information estime qu'il est nécessaire de proportionner la visibilité du port de l'arme à la conflictualité potentielle des situations de contrôle : le port ostensible de l'arme pouvant déboucher sur des tensions préjudiciables au bon déroulement du contrôle, il serait utile d'adopter un port discret pour les interactions avec des publics non armés. L'arme n'étant utile que pour les situations de légitime défense, il n'y a dès lors aucune nécessité de la montrer, d'autant plus que l'exercice de la police de l'environnement ne présente pas de dimension de maintien de l'ordre. La mission d'information tient à cet égard à rappeler qu'en quatre années d'existence, le port de l'arme des agents de l'OFB n'a donné lieu à aucun accident ou incident documenté.

Cette mesure pourrait être de nature à apaiser certaines tensions, notamment lors des contrôles réalisés aux abords et au sein des exploitations agricoles. Dans le même temps, la mission insiste sur la nécessité de renforcer les efforts en matière de formation continue des agents aux gestes et postures en matière de port de l'arme de service et l'utilité de renforcer les modules de formation à l'anticipation et à la gestion des situations de conflit, afin de limiter les tensions qui peuvent naître d'une situation de contrôle et minimiser les confrontations stériles à travers des attitudes adéquates.

Recommandation n° 14 : Proportionner la visibilité du port de l'arme à la dangerosité des situations de contrôle et mieux former les agents à la prévention et la gestion des conflits.

Ces formations ont pour finalité d'objectiver la posture du contrôleur et le comportement du contrôlé, afin de comprendre et systématiser les mécanismes et les ressorts d'une relation apaisée. Des formations comportementales récurrentes constituent ainsi un prérequis pour que l'OFB crée la confiance dans le professionnalisme de ses inspecteurs de l'environnement, pour ne pas alimenter l'idée d'une police partiale ou d'agents assimilés à des « cowboys verts ».

De même, la sensibilisation des publics contrôlés aux raisons du port de l'arme pourrait aider à réduire les malentendus et mettre fin au ressenti de certains contrôlés d'être assimilés à des délinquants. Les inspecteurs de l'environnement interviennent selon un régime strict, encadré par une circulaire relative à leur armement de plus de 50 pages. L'OFB a pris la mesure de la responsabilité qu'impose l'armement de ses agents en élaborant un cadre exigeant, dont le respect est surveillé par la voie hiérarchique. Rappelons que si un comportement semble inadapté à un usager, il lui appartient de le signaler au chef de service départemental ou au directeur régional afin qu'ils puissent prendre les sanctions disciplinaires qui s'imposent si les faits sont avérés.

Cependant, dans la mesure où ce recours hiérarchique ne constitue pas forcément une voie procédurale connue des acteurs, la mission d'information recommande aux autorités de tutelle de l'OFB et à la direction générale d'instaurer une inspection générale, sur le modèle de ce qui existe pour la police nationale. Cette instance présenterait l'avantage d'élargir les voies de recours des publics contrôlés et de s'assurer, par un nouveau canal et selon des modalités de saisine classiques, du respect des procédures par les inspecteurs de l'environnement.

Bien qu'il s'agisse d'une obligation statutaire qui leur incombe d'ores et déjà en vertu des circulaires qui encadrent leur activité, la création d'une inspection générale de l'OFB aurait le mérite de donner à voir, selon la théorie des apparences, que l'établissement est bien assujetti aux règles de droit que lui ont fixées le législateur et la direction générale de l'établissement. Cette instance, qui pourrait être interne à l'OFB et composée notamment d'inspecteurs de l'environnement qui connaissent les réalités du métier, aurait vocation à superviser et évaluer les actions des agents de l'OFB sur le terrain pour les situations dont ils seraient saisis et à maîtriser les risques liés à l'exercice quotidien de l'activité de police.

Recommandation n° 15 : Créer un service d'inspection générale au sein de l'OFB pour maîtriser les risques liés à l'exercice de l'activité de police de l'environnement et diligenter des enquêtes administratives pour les contrôles faisant l'objet de contestation.

L'inspection générale de l'Office français de la biodiversité a vocation à renforcer le respect du cadre déontologique, une fois que ce dernier aura été élaboré, en créant une instance dotée de moyens d'enquête pour contrôler tout manquement ou comportement fautif lors des contrôles, tout en offrant un recours supplémentaire pour les personnes contrôlées en cas de litige. Elle pourrait également servir à analyser les « mauvaises pratiques » et les « cas d'école », pour éviter qu'ils ne se reproduisent, tout en jouant un rôle dans la diffusion des bonnes pratiques et des techniques éprouvées de désamorçage des conflits à destination des inspecteurs de l'environnement. Cette inspection générale pourrait également procéder à des audits, proposer des recommandations afin d'améliorer le fonctionnement de l'établissement et organiser des contrôles inopinés auprès des services départementaux.

Interrogées sur l'opportunité de créer cette instance, les tutelles de l'établissement public ont considéré « qu'une inspection générale parait une solution équilibrée à la fois pour avoir une meilleure connaissance des difficultés rencontrées et pouvoir objectiver les améliorations ainsi que les solutions à proposer. » La mission d'information estime qu'il s'agirait d'un levier efficace pour assurer l'indispensable confiance dont l'OFB doit bénéficier auprès des acteurs avec qui il interagit afin de répondre au mieux à l'ensemble de ses missions. Ce service d'inspection générale permettrait ainsi de maîtriser les risques liés à l'exercice de l'activité de police judiciaire et pourrait diligenter des enquêtes administratives pour les contrôles faisant l'objet de contestation.


* 171 Le directeur général de l'OFB a indiqué lors de son audition devant la commission qu'à son sens, « la pression de contrôle est faible, notamment dans le monde agricole. En moyenne, treize procès-verbaux sont dressés chaque année par département. Nous passons une fois tous les 130 ans dans une exploitation agricole pour des contrôles administratifs... Mais la pression ressentie est très forte et - il faut dire ce qui est - les agents de l'OFB prennent pour tous les autres agents chargés de contrôle. »

* 172 Définie à l'article L. 110-1 du code de l'environnement : Ce principe [d'action préventive] implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées.

* 173 Il s'agit d'un rôle conforme à celui qu'avait tracé en février 2020 le Président de la République dans son discours d'inauguration de l'OFB, en souhaitant que « l'ensemble des agents de l'OFB [en soient] les ambassadeurs, de l'entreprise à l'administration, de la collectivité aux citoyens, vous devez permettre à tous de continuer, embarquer le plus de citoyens possible dans le sillage de votre engagement et être des véritables fers de lance dans la bataille pour la préservation de la biodiversité. Cela passe par des campagnes de communication sur les bons gestes à adopter, tous les gestes de la vie quotidienne, dans aussi l'organisation, les approvisionnements pour les entreprises et pouvoir ainsi nous appuyer sur votre expertise, votre réseau. »

* 174  https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45 507

* 175 Au 1er janvier 2019, au début de la mission de préfiguration, les deux établissements comptaient 331 sites, un an après l'établissement fusionné reposait sur 319 sites, avec un objectif inscrit dans la SPSI de 245 sites en 2025. En début d'année 2024, l'OFB dispose de 270 implantations dans l'hexagone et en outre-mer.

* 176 Polices environnementales sous contraintes, de Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, Rue d'Ulm, février 2024.

* 177 La formule du serment que les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés, prononcent devant le président du tribunal judicaire est la suivante : « Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent. Je jure également de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l'occasion de l'exercice de mes fonctions. »

* 178 Article R. 131-34-1 du code de l'environnement.

* 179 Arrêté du 27 février 2004 portant autorisation de port d'arme pour les fonctionnaires et les agents assermentés en fonction dans les parcs nationaux, à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche.

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