N° 776
SÉNAT
2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
la financiarisation
de
l'offre de soins,
Par Mme Corinne IMBERT, MM. Bernard JOMIER
et Olivier
HENNO,
Sénatrice et Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
L'ESSENTIEL
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Récemment entrée dans le débat public, la financiarisation de l'offre de soins demeure mal appréhendée et insuffisamment régulée par les autorités sanitaires, malgré les transformations de l'offre qu'elle induit.
Au terme de neuf mois de travaux, la commission des affaires sociales formule 18 propositions visant à mieux maîtriser le phénomène, à limiter ses conséquences indésirables et à protéger l'indépendance des professionnels de santé.
I. LE RETARD DES POUVOIRS PUBLICS FACE À UN PHÉNOMÈNE EN PROGRESSION
A. UNE FINANCIARISATION QUI PROGRESSE
1. L'hospitalisation privée et la biologie médicale : des secteurs concentrés et financiarisés
La financiarisation du secteur hospitalier privé lucratif, qui se manifeste par l'intervention de fonds d'investissement dans le capital des groupes, connaît une progression rapide depuis les années 2000 et appuie le processus de concentration des cliniques privées.
Pas moins de 40 % du secteur en France est aujourd'hui détenu par quatre groupes (Ramsay Santé, Elsan, Vivalto et Amalviva). Le développement de ces groupes repose sur leur capacité à réaliser des investissements massifs et des opérations d'intégration, permettant une croissance externe très dynamique.
La biologie médicale privée constitue, de son côté, le secteur le plus financiarisé en ambulatoire. Six grands groupes de laboratoires concentraient, en 2021, 62 % des sites de biologie médicale sur le territoire national.
L'évolution du cadre législatif a favorisé la concentration et la financiarisation du secteur, permettant à des biologistes n'exerçant pas directement au sein de la société de détenir plus de la moitié de son capital. La loi de 2013 portant réforme de la biologie médicale, qui visait à maîtriser ce phénomène, n'a pas supprimé cette faculté pour les sociétés créées antérieurement à son entrée en vigueur.
2. La financiarisation récente de nouveaux secteurs de l'offre de soins
Le secteur de l'imagerie enregistre une dynamique très active de financiarisation, porté par un mouvement de concentration dans un secteur historiquement fragmenté. Ce processus pose la question de la transmission du patrimoine professionnel et fragilise le modèle des indépendants.
Outre les dérives marchandes qui ont accompagné le développement des centres dentaires et ophtalmologiques, l'intérêt des investisseurs se porte depuis peu sur les centres de soins primaires. Malgré un modèle économique fragile, des acteurs spécialisés émergent sur ce segment, tel Ipso Santé, tandis que les grands groupes d'hospitalisation (comme Ramsay Santé) y voient un moyen de recruter de nouvelles files actives de patients depuis la médecine de ville.
Enfin, un phénomène de financiarisation est observé dans le secteur officinal, pourtant protégé par un cadre juridique réservant la propriété des officines aux pharmaciens diplômés. Certains pharmaciens recourent à des fonds d'investissement, parfois sous la forme d'obligations convertibles en actions, qui leur imposent en retour des obligations relatives à la gestion de l'officine ou à son activité, susceptibles de réduire leur indépendance professionnelle.
Le fonds « Unipharma II »
La mission a pu consulter la plaquette de présentation du fonds Unipharma II, spécialisé dans les pharmacies de taille significative présentant un « fort potentiel de croissance non exploité du fait d'une approche commerciale peu structurée ». Celui-ci promet un « couple rendement-risque attractif », fondé notamment sur une évolution du mix produit, un développement de la parapharmacie et une « meilleure discipline de gestion. »