AVANT PROPOS

Le constat est ancien et documenté : les outre-mer français sont faiblement insérés dans leur environnement régional. Pour reprendre la formule de Serge Letchimy, président du conseil exécutif de Martinique et initiateur de la loi éponyme du 5 mars 20161(*), les outre-mer sont « étrangers à leur géographie ». En cause : des relations historiques et des liens économiques avec la « métropole » encore hérités de la période coloniale. L'utilisation de ce terme, plutôt que celui d'Hexagone, est à dessein car c'est bien la relation de dépendance par rapport à un centre qui est ici critiquée.

Cet état de fait, objectivé par des données claires, est de plus en plus considéré comme un frein au développement économique et une des causes de la cherté de la vie. Il peut aussi étouffer le rayonnement culturel, universitaire ou scientifique des territoires ultramarins dans leurs bassins de vie.

Pour sortir ces territoires du « couloir économique » - mais pas que - qui les relie à l'Hexagone, une politique de coopération régionale a été développée depuis plus de trente ans.

La coopération régionale présente un intérêt réciproque :

- du point de vue des territoires, elle est censée favoriser leur insertion régionale et leur développement endogène dans le respect de leur identité ;

- du point de vue de la France, des outre-mer bien insérés participent à l'accroissement de son influence et de son rayonnement. Il en va de même pour l'Union européenne, à travers les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

La conception de territoires ultramarins perçus comme les simples relais ou porte-avions de la puissance française est dépassée. Il faut inverser la logique. Les intérêts propres des territoires au sein de leur géographie doivent prévaloir et leur rayonnement bénéficiera naturellement en retour au renforcement de l'influence française.

La coopération doit aussi être un facteur de stabilisation et de sécurité. De plus en plus, les outre-mer sont exposés à des risques environnementaux, mais aussi à des risques géostratégiques. Dans le jeu des relations internationales, ces territoires peuvent être la cible de tentatives de déstabilisation et de jeux d'influences. Les enjeux de police et de sécurité sont aussi croissants face à des réseaux criminels puissants.

Pourtant, le sentiment général reste celui d'une politique de coopération régionale qui peine à produire des résultats concrets et à enclencher des dynamiques propres. Un foisonnement d'initiatives, d'acteurs, de financements, de priorités ne suffit pas à faire une politique efficace. Sous de multiples vocables - coopération régionale/coopération décentralisée/ action internationale ou extérieure des collectivités -, de nombreux acteurs s'engagent sans toujours se coordonner ou se concerter.

Là où la coopération régionale devrait être un catalyseur de l'insertion régionale des outre-mer, elle apparaît plutôt comme un substitut.

Ce tableau sévère ne saurait pour autant conduire les territoires, l'État, l'Union européenne et les acteurs socio-économiques à relâcher leurs efforts, ni à les disqualifier. Des progrès réels ont été accomplis ces dernières années. En revanche, il invite à interroger la manière dont sont conduites ces politiques et les mécanismes bloquants à l'oeuvre.

L'objet de ce rapport n'est pas d'ériger l'intégration régionale en panacée. Au demeurant, l'objectif d'insertion régionale paraît plus réaliste et conforme aux intérêts des territoires eux-mêmes. L'idée d'intégration renvoie notamment à l'intégration européenne, qui ne peut être un modèle pertinent pour imaginer les relations des outre-mer avec leur environnement régional. L'intégration économique régionale des outre-mer présenterait des risques, notamment face à la concurrence de pays ayant des coûts très bas et des normes moins exigeantes. Enfin, la question se pose de savoir si l'atout de l'appartenance à l'Union européenne, en particulier pour les régions ultrapériphériques (RUP), en est toujours un, hormis l'accès à des financements européens importants.

Pour dresser un état des lieux, évaluer les politiques conduites et faire des recommandations, la délégation a décidé de privilégier une étude par bassin océanique. Certes, des enjeux transversaux existent. Mais les spécificités de chaque bassin - voire de chaque territoire au sein d'un bassin - requièrent une approche moins générale. La coopération régionale ne peut produire des résultats que si elle s'appuie sur les atouts et les caractéristiques de chaque territoire.

À cette fin, la délégation a désigné Christian Cambon, ancien président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en qualité de rapporteur coordonnateur, ainsi que trois binômes de rapporteurs, soit un binôme par bassin :

- pour le bassin Indien : Georges Patient, sénateur de la Guyane et Stéphane Demilly, sénateur de la Somme ;

- pour le bassin Atlantique : Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française et Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise ;

- pour le bassin Pacifique : Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion et Rachid Temal, sénateur du Val-d'Oise.

La délégation a décidé de démarrer le premier volet de son étude par le bassin de l'océan Indien. Quatorze auditions en réunion plénière, une audition en format rapporteurs et des déplacements à Marseille, Mayotte, La Réunion et Maurice ont nourri les travaux.

Par rapport aux autres bassins, l'océan Indien présente des singularités :

- plusieurs contestations de la souveraineté française : les Comores sur Mayotte, mais aussi Maurice sur l'île Tromelin et Madagascar sur les îles Éparses ;

- des territoires situés sur des routes maritimes stratégiques pour le commerce mondial ;

- près d'1,3 million de ressortissants français, ce qui en fait le bassin ultramarin le plus peuplé, et un quart de la ZEE française ;

- deux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution qui sont aussi deux régions ultrapériphériques de l'Union européenne : La Réunion et Mayotte ;

- La Réunion et Mayotte sont deux collectivités très différentes par l'histoire, le développement économique, le positionnement géostratégique ;

- une collectivité inhabitée régie par l'article 74 de la Constitution et qui est aussi un PTOM (les Terres australes et antarctiques françaises) ;

- des écarts de richesse et d'indice de développement humain parmi les plus élevés dans le monde ;

- un espace régional largement francophone et structuré par une organisation régionale ancienne, la Commission de l'océan Indien (COI).

Ces quelques singularités, non exhaustives, justifient une étude par bassin, qui n'est pas exclusive de toute conclusion transversale.

Le choix a été fait de concentrer l'analyse sur les enjeux les plus importants pour ce bassin, compte tenu de ses singularités :

- la dimension économique de l'insertion régionale et les opportunités de lutte contre la vie chère ;

- la dimension européenne, et incidemment celle des normes ;

- les enjeux de souveraineté et de sécurité, dans le contexte Indopacifique et de contestations territoriales.

Les prochains volets sur les bassins Atlantique et Pacifique pourront se concentrer sur d'autres enjeux, notamment culturels, environnementaux ou scientifiques.

Les rapporteurs formulent vingt propositions articulées autour de quatre objectifs pour que La Réunion et Mayotte cessent d'être « étrangers à leur géographie » et s'y réenracinent.

I. L'INTÉGRATION RÉGIONALE DE MAYOTTE ET DE LA RÉUNION : UNE RÉALITÉ TOUJOURS FRAGILE MALGRÉ LES EFFORTS DE COOPÉRATION

A. LEVIER D'INSERTION LONGTEMPS NÉGLIGÉ, LA COOPÉRATION RÉGIONALE DANS LE BASSIN OCÉAN INDIEN CONNAÎT UN NOUVEL ÉLAN

1. D'un discours convenu à une véritable prise de conscience

Si la coopération régionale a progressé lentement, sans connaître de saut qualitatif ou quantitatif majeur jusqu'au début des années 2010, elle semble connaître un nouvel élan depuis une dizaine d'années.

a) De lents progrès en 30 ans

Depuis les années 80 et les premiers textes reconnaissant aux DROM une compétence pour développer des actions extérieures en complément de la politique étrangère de l'État, la coopération régionale comme levier d'une indispensable intégration régionale est un discours constant, presque mécanique, qui peine à se traduire en résultats probants.

Dans le bassin océan Indien, et plus particulièrement sa partie sud-ouest où se situent Mayotte, La Réunion et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), ce constat est encore plus vrai. Hormis la Commission de l'océan Indien (COI), peu d'organisations régionales internationales structurent une architecture de la coopération dans cette région du monde.

Par ailleurs, si la France est membre de la COI, qu'elle a rejointe dès 1986 au titre de La Réunion, elle ne l'est pas au titre de Mayotte.

Ajoutons enfin, qu'à la différence des outre-mer français des Antilles ou du Pacifique, ceux du bassin océan Indien ne sont membres d'aucune organisation régionale en leur nom propre ou en qualité de membre associé ou d'observateur. La Réunion ne s'impose pas politiquement comme un acteur régional avec la même force que la Guadeloupe, la Martinique, la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie. Mayotte encore moins.

Cette attitude de La Réunion et Mayotte, moins marquée par une volonté d'affirmation de leur identité propre que les autres outre-mer français, reflète un positionnement institutionnel général, très attaché à la départementalisation et réticent à l'égard des revendications autonomistes ou différentialistes.

La France est aussi devenue en 2020 membre de l'Indian Ocean Rim Association (IORA) au titre de La Réunion, 19 ans après être devenue un partenaire de dialogue. Mais cette organisation est plus un espace de discussion qu'une organisation avec une feuille de route opérationnelle.

Ni la France, ni La Réunion, ni Mayotte ne sont en revanche membres ou observateurs de l'autre organisation régionale importante, la Communauté de développement de l'Afrique Australe (CDAA ou SADC pour Southern African Development Community).

Le bassin océan Indien se singularise également par la persistance de contestations de la souveraineté française sur plusieurs de ses territoires ultramarins : Mayotte par les Comores, Tromelin par Maurice et les îles Éparses par Madagascar. Ces contestations ont peu ou pas évolué depuis 30 ans, malgré les efforts de la coopération. Elles en sont un frein.

Il faut aussi relever une relative faiblesse de la coopération décentralisée de droit commun, de la part des collectivités ultramarines françaises. Mayotte et La Réunion n'échappent pas à cette réalité. Les outre-mer ne se distinguent pas particulièrement par rapport à leurs homologues hexagonales, alors que leur positionnement géographique devrait les y conduire.

Selon Jean-Paul Guihaumé, ambassadeur, délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT)2(*), ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAF), « même si la priorité ultramarine est réaffirmée à chaque réunion plénière de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), c'est avec ces collectivités que nous avons le plus de difficultés à soutenir des projets de coopération décentralisée. Nous n'avons pas d'action spécifique qu'il faudrait peut-être développer comme le fait l'Agence Française de Développement (AFD). Nous avons conscience de l'enjeu mais je dois reconnaître que nous n'en avons sans doute pas fait suffisamment. Il y a une forte appétence pour la coopération décentralisée des élus ultramarins mais peu de résultats concrets ».

On notera toutefois que La Réunion est de loin l'outre-mer le plus actif avec 1283(*) actions de coopération décentralisée recensée depuis 1977 et environ 2 à 5 projets nouveaux chaque année depuis 10 ans. Ses actions sont très diverses et se concentrent sur les membres de la COI, y compris les Comores. L'Afrique de l'Est et australe est aussi une région privilégiée.

Mayotte en revanche est très peu active. La commune de Mamoudzou avait engagé quelques projets avec les Comores, mais ils ont été annulés du fait du contentieux territorial. Des jumelages et accords-cadres avec plusieurs communes de Madagascar ont été signés. Mais les suites opérationnelles sont modestes.

Enfin, malgré la tenue régulière des conférences de coopération régionale océan Indien sous l'égide de l'État, les élus réunionnais, mais aussi mahorais, revendiquent plus de responsabilités dans ces matières, reprochant régulièrement à l'État, malgré ses engagements, de ne pas les associer réellement à la définition des priorités stratégiques de la France dans la région. Les consultations par l'État ou participations à ses côtés à des rencontres internationales sont encore trop perçues comme des initiatives de façade. Ce fut le cas pour la définition de la stratégie Indopacifique de la France. Ce le fut aussi à la suite de la feuille de route France-Comores issue du Haut Conseil paritaire bilatéral du 12 septembre 2017, annoncée sans que les élus de Mayotte en aient été informés.

Si l'on compare le bassin Indien aux bassins Atlantique et Pacifique, les progrès de la coopération régionale ont été plus timides et lents dans le premier.

Par ailleurs, l'action extérieure des collectivités est un travail de Pénélope, avançant ou reculant au gré des gouvernements ou des priorités politiques. La constance manque parfois pour construire des stratégies de long terme, malgré des déclarations politiques parfois emphatiques.

La multiplicité des acteurs de la coopération (État, collectivités, opérateurs divers, chambres consulaires ...) n'est pas compensée par des instances de coordination solides.

b) Face à des chocs exogènes de plus en plus forts, la nécessité impose une coopération renforcée

Depuis plusieurs années, de nouveaux enjeux et risques émergent, dans un monde plus instable, qui rendent urgente une action extérieure régionale démultipliée.

À l'occasion du déplacement à La Réunion, le général Jean-Marc Giraud, commandant supérieur des Forces armées de la zone sud de l'océan Indien (Fazsoi), a souligné que cette zone « n'était plus à la périphérie des enjeux du monde ». Quatre raisons à cela :

- des contestations territoriales de plus en plus instrumentalisées, notamment par la Russie ;

- une compétition militaire entre les grandes puissances ;

- des routes commerciales stratégiques, en particulier depuis la crise des Houthis en mer Rouge : plus de 30 % des flux d'hydrocarbures transitent par la région ;

- l'accumulation des menaces et risques (narcotrafics, pêche illégale, islam radical, sécheresse, catastrophes naturelles, immigration illégale...).

Ce tableau en clair-obscur complète celui d'Emmanuelle Blatmann, directrice de l'Afrique et de l'océan Indien au MEAE, qui dépeint une région « profondément marquée par une forte instabilité [...] mais qui dispose également de nombreuses opportunités ». À côté de partenaires comme le Kenya et la Tanzanie, marqués par une politique d'ouverture et un dynamisme économique et avec lesquels la France développe une politique active de coopération, d'autres territoires endurent des guerres civiles, voire des insurrections djihadistes comme au Mozambique. À cette instabilité politique, s'ajoutent des crises sanitaires régulières, la dernière étant l'épidémie de choléra dans plusieurs pays de la région qui a fini par atteindre les côtes mahoraises.

La crise migratoire à Mayotte a atteint des niveaux sans précédent. Au flux traditionnel en provenance des Comores, s'est ajoutée l'arrivée depuis un an environ de nombreux demandeurs d'asile en provenance de l'Afrique continentale et transitant par la Tanzanie, puis les Comores. Mayotte est devenue une porte d'entrée vers l'Union européenne pour ces réseaux, le passage par le Maroc, la Libye ou la Tunisie étant de plus en plus difficile.

L'instabilité et les déséquilibres de la région peuvent aussi être exacerbés par des ingérences. Emmanuelle Blatmann confirme que « les Russes utilisent des méthodes inacceptables - désinformation, diffamation, etc. - aux Comores, à Madagascar et ailleurs. Le Quai d'Orsay a récemment mis en place une structure visant à lutter contre la désinformation et à envisager la riposte à ces attaques méprisables. Nous défendrons la souveraineté française dans nos territoires ultramarins ».

La zone sud-ouest de l'océan Indien est située à la confluence des stratégies Indopacifique et Afrique de la France et « tangente » pour reprendre les termes du général François-Xavier Mabin, le Golfe persique et le Moyen-Orient.

Tous les grands compétiteurs stratégiques sont présents. L'Inde considère cette région comme sa mare nostrum. À titre d'illustration, l'Inde va installer une base militaire sur l'archipel Agaléga appartenant à Maurice et la marine mauricienne est sous le commandement d'un officier supérieur indien. La Chine a aussi renforcé sa présence, notamment dans le cadre de son projet de route de la soie. La Russie a réactivé ses anciennes relations dans la région héritées de la période soviétique. Des accords de défense ont été signés avec plusieurs États africains, dont Madagascar en 2022. Quant aux États-Unis, leur principal point d'ancrage est la base de Diego Garcia, louée par le Royaume-Uni.

Dans ce contexte, les outre-mer français de l'océan Indien sont à la fois, d'une part, une raison d'être de cette stratégie Indopacifique pour y défendre leurs intérêts propres et, d'autre part, des points d'appui et de légitimité indispensable de notre politique étrangère et de défense.

Cette notion de point d'appui est d'ailleurs clef du point de vue militaire et a été défendue dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030 du 1er août 2023.

Pour le général François-Xavier Mabin, « La Réunion et Mayotte font figure de bases militaires sûres, car elles sont situées sur le territoire national : ces points d'appui ne sont soumis ni aux potentielles versatilités politiques ni à des menaces directes que pourraient connaître nos forces prépositionnées à Djibouti ou aux Émirats arabes unis (EAU). Ils se trouvent également sur une route maritime majeure qui accueille une part du trafic maritime international plus importante que par le passé en raison des menaces existant en mer Rouge. Cela renforce la position géostratégique de Mayotte et de La Réunion, qui constituent de facto une pièce majeure de notre stratégie Indopacifique. Relativement excentrés, ces deux points d'appui nous fournissent une forme de profondeur stratégique essentielle vis-à-vis de nos compétiteurs majeurs et nous placent à bonne distance des éventuels conflits entre puissances : en cas de conflit ouvert dans le Pacifique, la zone sud de l'océan Indien pourrait assez naturellement procurer des facilités importantes en termes de soutien pour projeter des forces françaises ou alliées. La notion de points d'appui prendrait alors tout son sens pour accueillir, soutenir et régénérer ces forces. Enfin, ces points d'appui nous permettent d'intervenir dans la zone et dans sa périphérie afin de défendre nos intérêts stratégiques et notre souveraineté, de garantir la sécurité de nos ressortissants et d'intervenir au profit de nos partenaires dans la zone ».

Dans ce climat, la coopération régionale est un instrument politique essentiel avec un double objectif : favoriser le développement et le rayonnement des territoires ultramarins français et stabiliser une région en proie à des tensions croissantes.

c) L'affirmation de Mayotte

Outre le contexte régional, un autre élément majeur qui fait bouger les lignes de la coopération dans la région est l'affirmation nouvelle de Mayotte.

La départementalisation de Mayotte depuis le 31 mars 2011 a enclenché un processus de professionnalisation et de structuration de sa politique de coopération régionale. La loi « Letchimy » du 5 décembre 2016 a aligné le cadre législatif de l'action extérieure de Mayotte sur celui des autres DROM. En octobre 2018, l'assemblée départementale a adopté un Cadre stratégique de coopération décentralisée et d'action internationale.

Corollaire de la départementalisation, l'admission de Mayotte au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne (RUP) le 1er juillet 2014 fait que l'île est désormais partie du territoire de l'Union européenne. Ce changement de statut a également des conséquences importantes pour la coopération régionale. Un programme Interreg dédié a été créé : le programme 2014-2020 Mayotte-Comores-Madagascar suivi du programme 2021-2027 Canal du Mozambique. Du point de vue douanier, Mayotte est devenue une porte d'entrée vers l'UE, au même titre que La Réunion, et l'ensemble de la législation européenne s'y applique.

Enfin, dans ce contexte d'affirmation nationale et européenne, la non reconnaissance de la souveraineté française à Mayotte par les partenaires de la région, en particulier les Comores, et par ricochet de la COI, est de moins en moins tolérée, à la fois par les élus et la population mahoraise.

Ce point de tension, perçu à juste titre par les Mahorais comme une humiliation, pousse les autorités à déployer une nouvelle dynamique de coopération régionale.

Le déplacement à Mayotte et l'audition du président du conseil départemental Ben Issa Ousseni ont montré cette volonté de diversifier les actions de coopération et de rompre avec le face-à-face en forme d'impasse avec les Comores, pour ouvrir l'horizon et tenter d'enjamber la question de la reconnaissance, dans l'attente de sa résolution.

2. Une architecture de la coopération qui se structure progressivement et des initiatives de tous bords
a) Les initiatives de l'État et les annonces du CIOM

Depuis les années 2010, l'État s'efforce d'organiser son action pour permettre le déploiement d'une diplomatie prenant mieux en compte les intérêts propres des outre-mer et laissant une place plus importante aux acteurs du territoire pour conduire leurs initiatives extérieures. Plus important encore, l'État s'efforce de changer son regard et de ne plus percevoir systématiquement les collectivités ultramarines comme des trublions ou au mieux des entités négligeables.

Les premiers instruments de la coopération régionale outre-mer

La prise en compte de l'enjeu particulier de la coopération régionale outre-mer, distincte de la coopération décentralisée ou transfrontalière des collectivités hexagonales, a émergé à la fin des années 1990.

La loi n° 2000-1207 d'orientation pour l'outre-mer (LOOM) du 13 décembre 2000 a constitué un tournant.

Elle a introduit dans le code général des collectivités territoriales une série de dispositions accordant aux départements et régions d'outre-mer des attributions nouvelles.

A été notamment admise la faculté pour ces collectivités de solliciter de l'État l'autorisation de négocier et signer des accords internationaux, au nom de l'État et sous son entier contrôle. Le Conseil constitutionnel a validé le dispositif en rappelant qu'à toutes les étapes de la procédure, l'État demeure libre de retirer les pouvoirs confiés, les collectivités agissant toujours au nom de l'État4(*).

La LOOM a aussi prévu la création de cinq fonds de coopération régionale (FCR) pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte et La Réunion (article L.4433-4-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT)). Les crédits disponibles demeurent néanmoins très modestes (voir infra).

La LOOM a également permis aux DROM de devenir membre associé ou observateur des organisations internationales régionales (article L.4433-4-5 du CGCT).

Enfin, la LOOM a institué la conférence de coopération régionale, qui est une « instance de concertation des politiques de coopération régionale ». Prévue initialement pour la seule zone Antilles-Guyane, une conférence analogue a été créée pour l'océan Indien par la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte. Cette conférence se réunit tous les ans (article L.4433-4-7 du CGCT). Dès 2002, deux ambassadeurs délégués à la coopération régionale - un pour la zone Antilles-Guyane, l'autre pour la zone océan Indien ont été nommés. Ils sont notamment chargés d'organiser cette conférence et, de manière beaucoup plus large, de faciliter la coordination des actions de l'État et des collectivités territoriales et de développer les actions internationales de ces dernières, en cohérence avec les orientations de l'action diplomatique de l'État. Ils sont placés sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et du ministère chargé des Outre-mer. Leurs locaux sont situés au ministère des Outre-mer à Paris.

La publication en 2017 du Livre blanc « Diplomatie et territoires : pour une action extérieure démultipliée » marquait ce changement de perspectives. Quelques mois plus tôt, l'adoption de la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional dite loi « Letchimy » (voir infra), avait déjà largement initié ce mouvement d'ouverture en faveur de l'action extérieure des DROM.

En 2016, sont créés également les postes de conseiller diplomatique auprès des préfets de région (CDPR). Ces conseillers diplomatiques ont vocation à assurer le lien entre les territoires et le réseau à l'étranger, ainsi qu'à traiter l'ensemble des enjeux intéressant le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer : du développement international des territoires, notamment économique, à la coopération décentralisée ou transfrontalière, en passant par la circulation des personnes et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Le ministère chargé des Outre-mer a obtenu un renforcement progressif de ce réseau.

Sur 16 postes de CDPR en janvier 2024, quatre sont outre-mer dont deux à La Réunion et Mayotte. Le bassin océan Indien est entièrement couvert à la différence du bassin Atlantique. Par ailleurs, les CDPR à La Réunion et Mayotte sont aussi adjoints de l'Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien, Jean-Claude Brunet. Enfin, en sa qualité de chef de la mission diplomatique, le CDPR à La Réunion assure également les fonctions d'Officier permanent de liaison (OPL) français auprès de la Commission de l'océan Indien (COI).

Dans le bassin océan Indien, l'architecture de la coopération régionale s'articule donc, côté État, autour de l'ambassadeur délégué à la coopération régionale et des deux CDPR à La Réunion et Mayotte. Les CDPR demeurent naturellement sous l'autorité des préfets. Le préfet des TAAF est également en liaison régulière avec l'ambassadeur et le conseiller diplomatique auprès du préfet de La Réunion. Les ambassadeurs de la zone sont associés au dispositif.

Afin d'animer ce réseau État en liaison avec tous les autres partenaires (collectivités, opérateurs de l'État...), une plateforme de coopération de la France de l'océan Indien (PCFOI) a été créée en février 2019 pour faciliter le partage d'information et les retours d'expérience. Cette instance demeure assez informelle. Sa création repose sur une déclaration d'intention. Cela demeure avant tout un échelon technique de dialogue.

Malgré ces initiatives et déclarations, la préparation du Comité interministériel des outre-mer (CIOM) du 18 juillet 2023 a fait remonter de nombreuses critiques et propositions des territoires, afin que ces derniers soient mieux associés à la définition de la politique extérieure de la France. L'appel de Fort-de-France du 17 mai 2022, qui fut à l'origine de ce nouveau CIOM, pointait notamment l'urgence à « instaurer une nouvelle politique économique fondée sur nos atouts notamment géostratégiques » et, plus largement, à définir « un nouveau cadre permettant la mise en oeuvre de politiques publiques conformes aux réalités (des territoires) ».

Lors de son audition, Emmanuelle Blatmann, directrice de l'Afrique et de l'océan Indien au MEAE, a rappelé en ouverture de son propos « les travaux de l'État sur l'insertion régionale des outre-mer, récemment illustrés par la tenue du comité interministériel des outre-mer (CIOM), qui a pris des engagements sur l'association des outre-mer à la conduite de notre politique étrangère dans leurs bassins régionaux respectifs ».

Concrètement, plusieurs mesures du CIOM tendent à répondre à cette demande de co-construction :

la mesure 9 : Définir une stratégie, sous six mois, pour développer les échanges commerciaux des territoires de l'océan Atlantique et de l'océan Indien. L'enjeu est d'identifier les freins aux échanges et de mettre en place une stratégie opérationnelle pour fluidifier et diversifier les échanges commerciaux des territoires ultramarins ;

la mesure 54 : Associer les territoires ultramarins à la politique étrangère de la France.

Ces deux mesures, sur lesquelles le Gouvernement a insisté lors de la présentation du CIOM, s'apparentent plutôt à des objectifs, les modalités de leur mise en oeuvre restant à préciser.

Des concertations ou consultations ont été engagées dans les territoires. Concernant le bassin océan Indien, la conférence de coopération océan Indien à Mayotte du 16 au 18 avril 2024 aurait dû donner lieu à l'adoption de ces deux documents stratégiques. La conférence a toutefois été reportée à novembre 2024 en raison de la situation à Mayotte.

b) Des collectivités en pointe dans l'affichage de leurs ambitions régionales

Le conseil départemental de Mayotte ainsi que le département et la région de La Réunion démultiplient leurs annonces et initiatives dans le domaine de la coopération régionale.

L'élément décisif est certainement les programmes Interreg financés par l'Union européenne, gérés par le département de Mayotte et la région Réunion, dont les enveloppes budgétaires ont fortement cru au cours des 20 dernières années (voir infra). Interreg permet à chaque territoire de développer de nombreuses actions de coopération avec les pays de la région et d'entretenir des relations techniques et politiques à haut niveau.

Mayotte souhaite ainsi profiter de cet instrument pour développer sa coopération notamment avec la Tanzanie, les Seychelles, en plus de Madagascar et les Comores (voir infra).

La Réunion a développé ces dernières années le cercle géographique de ses coopérations régionales (conseil régional et conseil départemental). En plus des relations approfondies avec Maurice et Madagascar, notamment, des coopérations se développent avec l'Organisation Internationale de la Francophonie et avec les partenaires africains (Afrique du Sud, Mozambique, Kenya, récemment la Namibie), mais aussi l'Inde, le Sri Lanka, l'Australie, dans des domaines variés : culturels, universitaires, économiques.

Les exécutifs locaux multiplient également les contacts à haut niveau avec les États de la zone. Par exemple, en septembre 2023, le président du département de La Réunion, Cyrille Melchior, s'est rendu en Namibie à l'invitation du président de la République Hage Geingob. En juin 2023, la présidente de la région Réunion, Huguette Bello, rencontrait le président de la République de Madagascar, ainsi que plusieurs membres du Gouvernement. Lors du 38ème Conseil des ministres de la COI, elle faisait partie de la délégation française conduite par Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès du MEAE, chargée du Développement et des Partenariats internationaux de la République française. Pour Mayotte, les rencontres à haut niveau sont plus compliquées en raison de la contestation de la souveraineté française. Mais des rencontres à un niveau technique sont organisées, en particulier avec Madagascar ou la Tanzanie.

De manière plus générale, des représentants de La Réunion (région et département) sont présents dans les délégations ministérielles ou infra-ministérielles pour les réunions de la COI et désormais aussi de l'IORA.

Cette activité régionale est enrichie par les projets de coopération décentralisée portés par les communes. À titre d'exemple, la ville de Saint-Denis a co-signé une lettre d'intention avec la ville de Walvis Bay en Namibie en septembre 2023, pour amorcer des projets dans le domaine éducatif. Ce partenariat fait écho au déplacement précité du président Cyrille Melchior.

Le développement de ces projets de coopération régionale et la gestion des crédits Interreg ont conduit à étoffer et professionnaliser les services administratifs en charge de ce domaine, en particulier à la région et au département de La Réunion et dans une moindre mesure au département de Mayotte.

L'implication de Mayotte et de La Réunion au sein des activités de la COI a également progressé.

Malgré la contestation de la souveraineté française par les Comores, Mayotte participe à certains programmes des deux organisations régionales (en particulier, pour la COI, dans la sécurité et sûreté maritime, ou dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire) à la suite d'un accord de principe obtenu en 2019. Toutefois, le différend territorial empêche pour le moment d'obtenir une participation systématique de Mayotte.

Mayotte, au même titre que La Réunion, participe aux Jeux des îles et à la Commission jeunesse et sports de l'océan Indien (CJSOI), qui organise les Jeux des Jeunes et également des rencontres de jeunes de toutes les îles, y compris avec des événements prévus à Mayotte. Toutefois, les Comores empêchent pour le moment l'utilisation des symboles de la République pour les cérémonies de remises de médailles aux sportifs mahorais.

La Réunion participe avec ses propres capacités à de nombreux projets de la COI : gestion des pêches, santé, sécurité alimentaire, résilience côtière, météorologie, sécurité portuaire, sécurité et sûreté maritimes, etc. Au sein de l'IORA, La Réunion pilote des programmes nouveaux : création d'un centre de ressources virtuel des 23 pays sur le tourisme, direction d'un groupe de coordination sur la biodiversité et l'observation des cétacés. Avec la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien (PIROI) et la sécurité civile, La Réunion sera également impliquée dans les projets de la présidence franco-malgache du groupe de travail IORA sur la gestion des risques naturels. La création d'un PIROI Center à La Réunion, centre de formation et d'excellence à vocation régionale, apportera un potentiel accru de coopération régionale.

Enfin, il faut noter que les collectivités déploient leur réseau de coopération à l'étranger. La région Réunion dispose de trois antennes à Madagascar (depuis 2004), à Maurice et aux Comores. Mayotte, après de premiers essais en 2020 à Madagascar, devrait déployer dans plusieurs pays de la région des agents au sein des ambassades de France. Les collectivités ont aussi recours au volontariat de solidarité internationale (VSI). Aussi bien le département que la région Réunion ont conclu des conventions avec l'antenne de France Volontaires sur financement européen. Elle propose aux jeunes réunionnais diplômés des missions de VSI de 12 mois minimum, dans les pays de la région Afrique australe et océan Indien. En 2022, 21 postes étaient à pourvoir, certains réalisant leurs missions auprès du point focal Interreg.

Le très prometteur accord de partenariat entre le département de Mayotte, le MEAE et le ministère chargé des Outre-mer signé le 11 mars 2024

Le 11 mars dernier, à l'occasion des Assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée, le conseil départemental de Mayotte a signé pour les trois prochaines années une convention inédite de partenariat avec le MEAE et le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. La signature a eu lieu en présence du président du conseil départemental et de deux ministres, dont Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Pour Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte, « cette convention recouvre un triple objectif : le renforcement de la place et de l'influence de Mayotte dans l'océan Indien, la reconnaissance internationale de Mayotte en tant que département français et région ultrapériphérique (RUP) de l'Union européenne, et enfin la formation de nos agents dans le but de les faire monter en compétences dans les missions diplomatiques ».

La convention formalise la coopération entre le MEAE, le ministère de l'Intérieur et des Outre-Mer et le conseil départemental de Mayotte en matière d'appui à l'action extérieure de la collectivité. Elle crée un cadre général et permanent « de partenariat et de dialogue, pour développer les coopérations et le rayonnement de Mayotte dans le sud-ouest de l'océan Indien ».

Elle prévoit notamment l'instauration d'un Comité pour l'insertion régionale de Mayotte (CIRM). Le CIRM, paritaire, sera co-présidé par l'ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien et par un représentant du conseil départemental de Mayotte. Son secrétariat est assuré par le conseiller diplomatique auprès du préfet, adjoint de l'ambassadeur délégué à la coopération, et le directeur de la coopération régionale du département.

Le CIRM sera chargé :

- de proposer des orientations pluriannuelles en matière de coopération ;

- de définir une feuille de route annuelle qui décline ces orientations ;

- d'identifier les formations nécessaires à certains agents territoriaux ;

- d'assurer le suivi des initiatives de coopération engagées dans le cadre de la convention.

Le communiqué de presse du ministère inscrit clairement cette convention « dans le cadre de la mobilisation du Gouvernement pour améliorer l'insertion et le rayonnement de Mayotte dans son environnement régional et pour défendre, sur la scène internationale, son appartenance à la République Française », ainsi qu'à la suite du CIOM du 18 juillet 2023.

Le suivi de la mise en oeuvre de cette convention inédite de partenariat entre le MEAE et un outre-mer devra permettre de déterminer si c'est un outil opérant pour, d'une part, renforcer les compétences et la légitimité des acteurs territoriaux dans leurs relations avec les interlocuteurs étrangers et, d'autre part, co-construire une action extérieure partagée État-Collectivité.

c) La stratégie « Trois océans » de l'AFD : une voie prometteuse

Dans le paysage de la coopération régionale, l'AFD est l'acteur dont la vision est sans doute la plus large, en particulier depuis la mise en place en 2019 de la stratégie « Trois océans »5(*). C'est aussi, avec l'Union européenne, le principal financeur de la coopération.

L'AFD est à la fois présent dans les outre-mer et dans les petits États insulaires en développement (PEID) voisins. Ce maillage territorial, qui est commun aux trois bassins Indien, Atlantique et Pacifique, est propre à l'AFD du fait de son histoire.

La stratégie « Trois Océans » regroupe les activités dans les outre-mer et dans les pays insulaires voisins, afin de casser les logiques en silo. L'insertion régionale des outre-mer est devenue un objectif transversal qui figure au coeur de la stratégie, à côté de celui du rattrapage du niveau de développement par rapport à l'Hexagone. Les outre-mer sont appréhendés dans leur propre trajectoire de développement ancrée dans une réalité géographique.

Charles Trottmann, directeur du département « Trois océans » de l'AFD, ajoute que cette approche met en évidence les enjeux communs aux territoires d'une même région (sécurité sanitaire, migrations, adaptation au changement climatique, commerce, mobilités...) et se traduit par « une maille d'action beaucoup plus forte à l'échelle des bassins ; cet échelon se révèle le plus adapté à la mise en oeuvre des projets qui relient les différents territoires ».

Le fait d'être présent dans les trois bassins et des deux côtés - de part et d'autre des frontières - permet également de partager des solutions entre territoires insulaires partout dans le monde. L'AFD participe à mettre en relation ces territoires insulaires, français et étrangers, et au partage des bonnes pratiques, dans un sens comme dans l'autre.

Enfin, cette approche doit prévenir des politiques incohérentes ou perçues comme telles, au détriment des outre-mer, comme cela a pu être reproché à l'AFD. Un cas topique a été le financement par l'AFD de projets d'infrastructures potentiellement concurrentes de celles de La Réunion, comme le port de Port-Louis à Maurice face au Grand port maritime de La Réunion.

Depuis, trois stratégies régionales - océan Atlantique, océan Indien et océan Pacifique - pour la période 2019-2023 ont été approuvées par le conseil d'administration du 23 octobre 2019. Le cadrage stratégique devrait encore être simplifié à la suite du rapport de la Cour des comptes du 29 septembre 20236(*).

S'agissant du bassin océan Indien, depuis l'implantation en 2018 de la direction régionale océan Indien (DROI) de l'AFD à La Réunion, laquelle coiffe toutes les agences de la zone, la qualité de la coordination avec les autorités locales de Mayotte et de La Réunion a connu un vrai saut qualitatif.

Avec La Réunion, ces bonnes relations se sont traduites en février dernier par le renouvellement de l'accord-cadre entre la région et l'AFD, qui prévoit notamment la réunion régulière d'un comité de pilotage. L'AFD a aussi adopté sa stratégie 2022-2026 pour Mayotte dont un des quatre objectifs est le développement de la coopération régionale.

Par ailleurs, la palette des services rendus par l'AFD s'est élargie depuis qu'Expertise France est devenue une nouvelle filiale du groupe AFD7(*). En effet, Expertise France met également en oeuvre des projets régionaux qui bénéficient en partie aux collectivités ultramarines françaises (sur financements européens principalement). En 2023, Expertise France dispose de six directions pays installées dans les principales géographies d'intervention, afin de renforcer le pilotage des projets, au plus près des réalités et des partenaires du terrain. L'une de ces six directions est aux Comores, traduction de la priorité accordée à ce pays en raison des enjeux particuliers pour Mayotte. Cette intégration d'Expertise France dans le groupe AFD doit permettre de rapprocher les financements (AFD) de l'expertise.

d) Les autres opérateurs de l'État

Sans procéder à un recensement exhaustif, la quasi-totalité des opérateurs de l'État présents dans les outre-mer, et dans le bassin océan Indien en particulier, développe des actions de coopération régionale.

C'est le cas dans le domaine de la recherche et de la coopération scientifique. L'antériorité est ancienne pour certains établissements, en particulier le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l'Institut de recherche pour le développement (IRD). La dimension régionale et internationale de leurs travaux est au coeur de leur mission.

L'IRD et le Cirad dans l'océan Indien

L'IRD est un établissement public français à caractère scientifique et technologique, sous la double tutelle des ministères de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de l'Europe et des affaires étrangères. Créé en 1944, l'IRD est spécialisé dans la recherche scientifique appliquée aux défis mondiaux du développement durable, en collaboration étroite avec les pays du Sud.

En partenariat avec des institutions de la zone sud de l'océan indien, l'IRD développe des projets de recherche conjoints sur des sujets tels que le changement climatique, la biodiversité marine et terrestre, et la santé publique. Sa représentation dans l'océan Indien est composée de 60 agents basés à La Réunion dont 90 % dédiés à la recherche et cinq doctorants. Ces derniers couvrent également le territoire des îles Éparses et de Mayotte.

L'institut a publié en juillet 2023 sa stratégie outre-mer dans laquelle il se positionne comme acteur de l'agenda diplomatique de la France notamment en facilitant le transfert de technologies et de connaissances innovantes. Dans la région Afrique de l'Est, Australe et océan Indien, l'IRD est implanté dans 14 pays étrangers soit au travers d'une collaboration avec une équipe locale, soit par un laboratoire mixte international comme à Madagascar et en Afrique du Sud.

Le Cirad est un établissement public français de recherche agronomique et de coopération internationale. Fondé en 1984, le Cirad est spécialisé dans les sciences de l'agriculture et les systèmes alimentaires durables, travaillant principalement avec les régions tropicales et méditerranéennes. Dans le bassin océan Indien, le Cirad oeuvre depuis 60 ans à La Réunion, sa première base ultramarine, où il dispose d'infrastructures de pointe. Ses actions de recherche et développement ont contribué à l'essor des filières agricoles et alimentaires d'aujourd'hui. Elles accompagnent désormais leur transition écologique et leur adaptation au changement climatique. Les projets de recherche du Cirad dans l'océan Indien sont soutenus par les fonds structurels (Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et Fonds européen de développement régional (Feder)) de l'Union européenne, l'État, la Région et le département de La Réunion.

Depuis plus de 25 ans, le Cirad participe au rayonnement de La Réunion en océan Indien par un partenariat singulier, notamment avec les pays membres de la Commission de l'océan Indien (COI). Tous ces partenaires travaillent de concert en réseaux, qui se sont structurés au fil du temps, des connaissances et de nombreux projets partagés, autour de cinq thématiques stratégiques que sont l'adaptation des systèmes d'élevage au changement climatique (réseau ARChE_Net); l'épidémiosurveillance, la biosécurité et le biocontrôle et la gestion de crises en santés végétale et animale avec une approche « une seule santé » (réseaux PRPV & One Health) ; la conservation et la valorisation de la biodiversité cultivée dans l'océan Indien (réseau Germination) ; les systèmes alimentaires sains et durables (réseau Qualireg).

En 2014, les cinq pays membres de la COI se sont dotés d'un outil faitier, unique et singulier au service de la coopération scientifique régionale, la plateforme régionale en recherche agronomique pour le développement dans l'océan Indien (la PRéRAD-OI), animée depuis par le Cirad et qui fédère ces réseaux thématiques.

L'IRD et le Cirad participent de concert pour le compte de la France au Réseau régional One Health de l'océan Indien qui vise à améliorer le contrôle des maladies infectieuses animales et humaines en partenariat avec les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles.

Dans le domaine économique, Business France est l'opérateur du Gouvernement chargé de l'internationalisation de l'économie. Il bénéficie pour cette mission d'une subvention nationale pour charges de service public afin :

- d'accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) sur les marchés internationaux soit de manière individuelle, soit de manière collective en organisant notamment la présence de stands français sur les salons professionnels majeurs du monde entier (les « pavillons France ») ;

- d'identifier et d'accompagner les décideurs internationaux dans leur choix d'implantation en France et de promouvoir les mesures gouvernementales en faveur de la compétitivité du territoire national ;

- de gérer pour le compte de l'État le Volontariat international en entreprise (VIE).

Outre-mer, Business France est présent. De la même manière que sur le reste du territoire national, il intervient au travers des dispositifs Team France Export et Team France Invest, qui ont été créés à la suite d'une réforme mise en place il y a cinq ans. Ils consistent en une fédération de compétences dans chaque région. Business France travaille main dans la main avec les opérateurs publics de terrain que sont, d'une part, les Chambres de commerce et d'industrie (CCI) dans leurs directions internationales en région, y compris dans les collectivités du Pacifique depuis février dernier et, d'autre part, Bpifrance sur le volet des financements, le tout sous couvert des collectivités régionales et de l'État dans chacune des régions. Quentin Geevers, conseiller spécial pour les relations parlementaires de Business France, a rappelé que « Team France Export et Team France Invest n'étaient pas des structures supplémentaires à proprement parler, mais sont davantage des méthodes de travail. Les acteurs publics et les acteurs privés peuvent travailler ensemble et cesser de se faire concurrence, dans l'intérêt même des entreprises. Il ne s'agit pas d'ajouter une strate supplémentaire mais de naviguer entre les structures existantes au moyen d'un guichet unique, pour simplifier les choses ».

Une convention lie depuis 15 ans la DGOM et Business France pour compenser les freins à l'internationalisation des entreprises ultramarines en prenant en charge une partie des frais facturés à l'entreprise utilisatrice et en organisant des actions spécifiques pour les entreprises ultramarines. Business France s'appuie sur un équivalent temps plein (ETP) à La Réunion8(*) et des correspondants locaux dans les CCI de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Son implantation est donc limitée, mais elle met son réseau mondial à disposition de ses partenaires locaux, au premier rang desquels les chambres consulaires. À Mayotte, l'organisation est un peu différente. En effet, la CCI n'est pas positionnée sur l'internationalisation des entreprises. Cette mission est exercée par l'Agence de développement et d'innovation de Mayotte (ADIM)9(*), au sein duquel le correspondant de Business France est placé.

Cette convention avec la DGOM permet de prendre en charge une part importante des prestations fournies aux entreprises intéressées. Dans la continuité du plan « Osez l'export » annoncé le 31 août 2023, la convention prévoit :

- la prise en charge de 50 % à 75 % du coût des solutions de préparation et de projection individuelles et collectives proposées par Business France et ses partenaires de la Team France Export (Régions, Bpifrance, CCI France) ;

- la prise en charge du coût du dispositif VIE jusqu'à 50 %.

À l'export, au premier semestre 2023, 53 entreprises des DROM ont été préparées à l'international et 63 d'entre elles ont effectué une mission de prospection.

S'agissant du VIE (voir l'encadré infra), pour Quentin Geevers, conseiller spécial pour les relations parlementaires de Business France, « que ce soit un jeune des outre-mer qui parte à l'étranger ou une entreprise des outre-mer qui emploie un jeune à l'étranger, nous obtenons un résultat immédiat qui est celui de l'internationalisation des outre-mer. Il existe aussi des effets de plus long terme à prendre en considération. En effet, lorsque le nombre de VIE issus des outre-mer augmente, et que les jeunes reviennent ensuite sur leur territoire d'origine enrichis d'une forte expérience internationale, ils deviennent aussi des ambassadeurs de leur territoire à l'étranger ».

Le Volontariat international en entreprise (VIE)

Le Volontariat international en entreprise (VIE) est un dispositif permettant aux entreprises françaises installées à l'étranger et aux entreprises étrangères liées à une entreprise française par un accord de partenariat de disposer de ressources humaines qualifiées pour mener des missions variées.

Le VIE est un service civique mis en place par l'État français pour encourager l'activité des jeunes et des entreprises à l'étranger. Les contrats sont ouverts aux jeunes de nationalité française ou ressortissants de l'Union européenne âgés de 18 à 28 ans, et qui jouissent de leurs droits civiques.

Le contrat de VIE dure entre 6 et 24 mois. Pendant cette période, le lien contractuel s'effectue avec Business France et non l'entreprise, ce qui simplifie les démarches pour cette dernière.

Les entreprises ayant recours aux VIE bénéficient de nombreux avantages financiers et fiscaux, tels que des crédits d'impôt ou encore une exonération de la taxe d'apprentissage. De plus, Business France prend en charge la quasi-totalité de la gestion administrative et de l'organisation logistique de la mission VIE, ce qui permet de réduire le coût budgétaire pour l'entreprise. Cette prise en charge comprend l'établissement du contrat, le visa, les assurances, la paie et les frais de voyage.

Fin 2023, Business France a enregistré le 100 000ème VIE depuis le début du programme en 2000. En 2024, 11 500 VIE étaient en cours.

Pour favoriser le développement à l'export des PME de leur territoire, des régions françaises apportent également un soutien financier aux entreprises qui souhaitent recourir au dispositif V.I.E, en prenant en charge une part du coût du dispositif.

Les PME/ETI lauréates « France 2030 » ayant intégré le programme France 2030 Export ainsi que les French Tech 2030 peuvent bénéficier d'une prise en charge du coût d'un VIE à hauteur de 1 500 €/mois sur 16 mois dans la limite de 24 000 €.

Fin 2023, Business France a renouvelé une convention avec le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer afin d'encourager les initiatives des entreprises ultramarines dans leurs activités à l'export et d'inciter les investisseurs étrangers à venir s'implanter dans les outre-mer. En 2024, 148 entreprises ultramarines avaient utilisé le VIE depuis 2002, avec 373 missions proposées. Depuis 2002, 1 400 jeunes ultramarins ont réalisé une mission VIE dans le monde.

À la fin du premier semestre 2024, 228 jeunes ultramarins étaient en poste, et 1 075 candidats des outre-mer étaient inscrits sur la plateforme de recrutement en 2024.

On soulignera aussi que les acteurs publics dans le secteur de l'environnement (parc national, réserve naturelle marine, Office français de la biodiversité (OFB), Agence de la transition écologique (Ademe), Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Météo France...) sont très actifs dans la coopération régionale et font figure de référence dans l'océan Indien par leur niveau d'expertise.

3. Un cadre normatif en progrès
a) De nombreux outils au service des collectivités pour développer leur propre politique de coopération régionale

Plusieurs réformes successives ont enrichi la palette des outils et facultés à la disposition des départements et régions d'outre-mer pour déployer des actions extérieures dans leur environnement régional. La compétence reconnue aux DROM excède largement celle admise pour les collectivités hexagonales dont l'action se limite pour l'essentiel à la coopération décentralisée.

Principales réformes relatives à l'action extérieure des collectivités territoriales hexagonales ou ultramarines :

- décret du 24 janvier 1956 relatif aux jumelages et circulaire « Bourgès-Maunoury » du 9 mai 1957 ;

- circulaire « Mauroy » du 26 mai 1983 instituant le Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales (DAECL), devenu la DAECT, et qui a rattaché cette fonction interministérielle au ministère des affaires étrangères ;

- loi d'orientation du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République, qui a consacrée l'appellation « coopération décentralisée » et qui a créé l'ossature du droit actuellement applicable, désormais codifié aux articles L.1115-1 à L.1115-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;

- loi du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales interdisant aux collectivités territoriales de conclure un accord ou une convention avec un État étranger mais autorisant la création d'un groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) avec des collectivités étrangères ;

- loi « Oudin-Santini » du 9 février 2005 qui autorise le financement d'actions de coopération décentralisée dans le domaine de l'eau et de l'assainissement par prélèvement jusqu'à 1 % de la redevance perçue par les communes, syndicats et agences de l'eau, étendu au domaine de l'énergie par la loi du 7 décembre 2006 ;

- loi « Thiollière » du 2 février 2007, rendant possible les interventions humanitaires d'urgence et établissant de fait une présomption d'intérêt public local dans le cas des conventions de coopération décentralisée, les collectivités territoriales n'étant plus limités au seul domaine de leur compétence en droit interne ;

- loi du 16 avril 2008 transposant un règlement européen introduisant la possibilité pour les collectivités territoriales de mettre en place un groupement européen de coopération territoriale (GECT) avec des collectivités étrangères ou même avec un État membre de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe, sous réserve de l'autorisation de l'État ;

- loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », qui fixe désormais clairement les cas dérogatoires dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions internationales avec des États étrangers, à savoir lorsque la loi l'autorise ou lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre un GLCT, un GECT, ou un groupement eurorégional de coopération (GEC). Dans ces cas-là, la signature de l'accord est préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région.

Source : Rapport de l'Assemblée nationale n° 3581 (XIVème législature) du 16 mars 2016 par Serge Letchimy, député, sur la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales
et à la coopération de l'outre-mer dans son environnement régional

Les DROM ont des compétences et moyens d'action importants dans le champ de l'action extérieure :

- dans les domaines de compétence de l'État, celui-ci peut donner pouvoir au président de la région pour négocier et signer des accords, simplement l'associer aux négociations ou le charger de représenter l'État au sein des organisations internationales régionales (article L.4433-4-2 du CGCT) ;

- dans les domaines de compétence de la région, à la demande de celle-ci, l'État peut aussi autoriser la collectivité à négocier un projet d'accord avec les États étrangers, lequel projet est soumis pour acceptation au conseil régional. L'État peut ensuite donner pouvoir de signer au président du conseil régional (article L.4433-4-3 du CGCT) ;

- la région La Réunion et le département de Mayotte peuvent, avec l'accord de l'État, être membres associés des organisations internationales régionales (article L.4433-4-5 du CGCT) ;

- elles peuvent aussi, dans les conditions fixées par une convention avec l'État, désigner des agents publics chargés de les représenter au sein des missions diplomatiques de la France (article L.4433-4-5-3 du CGCT). Le décret n° 2017-1060 du 10 mai 2017 a traduit les dispositions relatives à la mise à disposition d'agents de la Guadeloupe, Martinique, Mayotte et La Réunion auprès d'une ambassade de France ;

- dans les cas où un accord international négocié par l'État concerne à la fois des compétences de l'État et de la région, le président de la région participe de droit à la négociation de l'accord, au sein de la délégation française (article L.4433-4-4 du CGCT) ;

- le président du conseil régional peut demander à l'État de prendre l'initiative de négociations avec l'Union européenne en vue d'obtenir des mesures spécifiques utiles au développement de son territoire (article L.4433-4-4 3ème alinéa du CGCT).

Enfin, dans les domaines de compétences des régions, « le président du conseil régional peut, pour la durée de l'exercice de ses fonctions, élaborer un programme-cadre de coopération régionale précisant la nature, l'objet et la portée des engagements internationaux qu'il se propose de négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux » (article L.4433-4-3-2 du CGCT).

Le président du conseil régional soumet ce programme-cadre à la délibération du conseil régional, qui peut alors demander, dans la même délibération, aux autorités de la République d'autoriser son président à négocier les accords prévus dans ce programme-cadre. Lorsque cette autorisation est expressément accordée, le président du conseil régional peut engager les négociations prévues dans le programme-cadre.

À l'issue de la négociation, le projet d'accord est soumis à la délibération du conseil régional pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner pouvoir au président du conseil régional aux fins de signature de l'accord.

Ce cadre d'action considérablement élargi à la faveur de plusieurs lois10(*) s'inscrit dans les limites imposées par l'article 52 de la Constitution : « Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification ». La conduite des relations internationales de la France demeure de la compétence exclusive de l'État qui conserve le dernier mot dans l'hypothèse où une initiative d'une collectivité ultramarine - en l'espèce La Réunion ou Mayotte - contreviendrait aux intérêts et objectifs de la diplomatie française. À l'épreuve de la pratique, cette hypothèse ne s'est que très rarement réalisée.

La mise en oeuvre de l'ensemble de ces dispositions est précisément décrite par la circulaire du 3 mai 2017 « Ayrault-Bareigts » relative aux compétences exercées par les collectivités territoriales d'outre-mer en matière internationale à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional. S'agissant de l'action extérieure des collectivités territoriales de droit commun, le texte de référence est la circulaire INTB1809792C du 24 mai 2018.

b) Le dossier des normes, frein à l'insertion régionale, enfin sur le haut de la pile

La Réunion et Mayotte, départements français et RUP de l'Union européenne, forment deux enclaves juridiques régies par un corpus normatif conçu d'abord pour des territoires européens aux économies développées et à haute exigence environnementale ou sanitaire.

Ces enclaves sont entourées d'États à l'indice de développement humain (IDH) très faible11(*), régis par des traditions juridiques différentes et bénéficiant du statut d'ACP12(*).

Cette situation entrave la simple possibilité, au-delà même de la question de l'opportunité, de développer des échanges avec les pays de la région, en particulier les échanges économiques.

Depuis longtemps connu et évoqué, ce problème majeur semble connaître enfin quelques évolutions concrètes.

Comme le relève Hervé Mariton, président de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), « les crises ont contraint à déroger », à propos de la dérogation accordée pour importer de l'eau depuis Maurice au plus fort de la crise de l'eau à Mayotte en 2023. Les deux initiatives ci-après indiquent que l'acceptation de dérogations pérennes pour les RUP progresse, hors situation d'urgence.

Dans sa communication du 3 mai 2022 intitulée « Donner la priorité aux citoyens, assurer une croissance durable et inclusive, libérer le potentiel des régions ultrapériphériques de l'Union », la Commission européenne s'est engagée à mieux mobiliser les possibilités d'adaptation des normes aux régions ultrapériphériques prévues à l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cet objectif a été réaffirmé par le Conseil dans ses conclusions du 30 novembre 2023 sur l'avenir de la politique de cohésion. Le Conseil invite la Commission à procéder à une analyse systématique de l'impact dans les RUP de toute proposition de norme européenne. Cette référence aux études d'impact pour les RUP, applicable à l'ensemble de la réglementation européenne, obtenue à la demande des autorités françaises, a été souligné par Karine Delamarche, directrice générale adjointe de la direction générale des outre-mer (DGOM), lors de son audition.

Le respect effectif de cet engagement devra être suivi attentivement. Il conviendra d'obtenir de la prochaine Commission européenne qu'elle l'inscrive à son programme de travail.

L'adaptation des normes pour les matériaux de construction est une autre revendication ancienne sur le point d'aboutir.

Les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer plaident depuis de nombreuses années pour une différenciation normative, notamment pour faire baisser les coûts prohibitifs de la construction dans les outre-mer.

En effet, un des facteurs renchérissant le coût de la construction est l'obligation d'utiliser des matériaux marqués CE ou NF en provenance souvent de régions très éloignées qui augmentent les coûts de transport. Or, dans le voisinage, des matériaux traditionnels ou des productions n'ayant pas nécessairement la certification CE pour des raisons de coût ou de mode de production propre aux contraintes du climat tropical existent, mais ne peuvent être importés.

Les recommandations 5 à 7 du rapport d'information sur les normes en matière de construction et d'équipements publics dans les outre-mer13(*) et les recommandations 27 et 28 du rapport d'information sur le logement outre-mer14(*) proposent :

- d'établir sur une gamme de matériaux de base pour une série de pays fournisseurs de l'environnement régional (Maurice, la Tanzanie ou l'Afrique du sud par exemple pour l'océan Indien) des tableaux d'équivalence entre matériaux européens et régionaux en matière de performance technique et d'emploi ;

- d'expérimenter dans les outre-mer une dérogation à l'emploi de matériaux marqués CE, dès lors que ces matériaux ne présentent pas de risque sanitaire ;

- sur la base des tableaux d'équivalence et des expérimentations précitées, dresser à moyen terme une liste positive de pays et de produits pour lesquels est reconnue une équivalence avec les normes françaises et européennes afin d'en faciliter l'emploi.

Cette idée d'une dérogation au marquage CE dans les outre-mer au profit d'un marquage RUP, ou plus exactement d'une équivalence admise dans les seules RUP compte tenu de l'étroitesse de ces marchés, de leur isolement et du risque faible d'une réexportation illégale vers l'Union européenne, a connu d'importantes avancées au cours des deux dernières années.

En effet, la réglementation européenne relative à la commercialisation des matériaux de construction est en cours de révision depuis le dépôt en 2022 par la Commission européenne de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (UE) 305/201115(*).

Le 18 juillet 2023, la mesure 10 du CIOM reprenait cette idée de faciliter les importations régionales de matériaux de construction grâce à un marquage « RUP » en substitution du marquage « CE ».

À la suite des négociations, cette proposition a été approuvée en première lecture par le Parlement européen le 10 avril 2023. L'article 2 de la proposition prévoit en particulier que :

« 3. Les États membres peuvent exempter de l'application du présent règlement les produits couverts par le présent règlement qui sont mis sur le marché dans les régions ultrapériphériques de l'Union européenne au sens de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les États membres notifient à la Commission européenne et aux autres États membres les lois nationales, règlements et dispositions administratives prévoyant de telles dérogations. Ils veillent à ce que les produits exemptés ne portent pas le marquage CE conformément à l'article 17. Les produits mis sur le marché sur la base d'une telle exemption ne sont pas réputés être mis sur le marché dans l'UE au sens du présent règlement ».

La proposition de règlement n'a pas encore été publiée au Journal officiel de l'Union européenne. Le texte retenu laisse aux États membres intéressés (la France, l'Espagne et le Portugal) la liberté d'organiser ces équivalences en fonction de l'environnement propre à chaque RUP.

Un décret d'application devrait être publié à la suite de l'adoption définitive du règlement européen. Les matériaux susceptibles d'être utilisés dans chaque RUP devront être recensés, afin que les équivalences soient établies et certifiées. La mise en oeuvre de cette dérogation européenne devra être une des priorités du prochain Gouvernement.

4. Des financements croissants, notamment européens
a) Des financements européens Interreg prépondérants

La coopération régionale dans le bassin océan Indien, comme dans le bassin Atlantique, est très largement financée par l'Union européenne. Le programme Interreg en est le principal support financier.

La région Réunion et le conseil départemental de Mayotte ont chacune la responsabilité de gérer un programme Interreg :

- le programme Interreg VI océan Indien, géré par la région Réunion16(*) ;

- le programme Interreg VI Canal du Mozambique, géré par le conseil départemental de Mayotte17(*).

On notera que Mayotte est pleine autorité de gestion pour ce fonds Interreg, à la différence des autres fonds Feder qui sont gérés par le GIP Europe à Mayotte avec une présidence tournante entre le préfet et le président du conseil départemental. Lors de la précédente programmation 2014-2020, les crédits Interreg V Mayotte-Comores-Madagascar - qui est le prédécesseur du programme Interreg VI Canal du Mozambique - étaient eux aussi gérés par le GIP Europe à Mayotte.

Le fait que le département soit l'autorité de gestion pour le programme Interreg VI Canal du Mozambique, démontre l'engagement de Mayotte à prendre ses responsabilités pour s'affirmer sur la scène régionale, sans rester dans l'ombre de l'État.

S'agissant du programme Interreg VI Canal du Mozambique géré par le conseil départemental de Mayotte, son périmètre géographique concerne les territoires de Mayotte (autorité de gestion), de La Réunion, des Comores, de Madagascar, du Mozambique, de Tanzanie et des Seychelles18(*).

Le programme Interreg VI océan Indien a un périmètre beaucoup plus large : La Réunion, Mayotte, Madagascar, TAAF, Maurice, Maldives, Australie, Comores, Mozambique, Inde, Kenya, Seychelles et Tanzanie. Contrairement à Interreg V, il n'est plus divisé en deux enveloppes19(*), lesquelles compliquaient la gestion et le choix des projets.

Montants des programmes Interreg V et VI

2014-2020

Programme Interreg V

Océan Indien

Mayotte-Comores- Madagascar

Autorité de gestion

Région La Réunion

Préfecture de Mayotte

Montant Feder initial

63,2 M€

12 M€

2021-2027

Programme Interreg VI

Océan Indien

Canal du Mozambique

Autorité de gestion

Région La Réunion

Conseil départemental de Mayotte

Montant Feder

62,3 M€

10,2 M€

On observe donc une stabilité des fonds d'une période à l'autre, voire une baisse en valeur réelle. Elle survient néanmoins après une très forte hausse par rapport à la période 2007-2013 (+ 80 % pour le programme Interreg IV océan Indien). Le programme Canal du Mozambique ou son équivalent n'existait pas avant 2014.

Pour la période 2021-2027, le programme Interreg VI Océan Indien doté d'une enveloppe de 62,2 millions d'euros est répartie autour de 4 priorités stratégiques20(*) :

- recherche collaborative et coopération économique (28,9 M€) ;

- résilience et développement durable (14,3 M€) ;

- inclusion, culture, développement économique et social (16,9 M€) ;

- amélioration de la gouvernance de la coopération (2,1 M€).

Grâce à l'engagement et l'expertise développée par la région Réunion depuis 20 ans, le taux de consommation des crédits est satisfaisant : 100 % pour 2000-2006, 98 % pour 2007-2013 et 90 % sur la programmation 2014-2020 malgré la crise du Covid.

Le programme opérationnel (PO) Interreg Canal du Mozambique 2021-2027 a été adopté en mars 2023. Le premier appel à projet a été lancé au quatrième trimestre 2023. L'instruction des dossiers est en cours, les projets devraient être sélectionnés d'ici la fin du premier semestre 2024. Ce lancement plus dynamique augure une meilleure consommation des crédits. En raison des difficultés diplomatiques et du champ géographique plus limité du programme Interreg V Mayotte-Comores-Madagascar, ce dernier souffre d'un taux d'exécution moyen.

Exécution du programme Interreg V Mayotte-Comores-Madagascar

En bleu ciel : le montant total du programme (dont contribution totale de l'UE de11,65 millions d'euros, complétée par la contribution nationale de 2,05 millions d'euros et le solde par les collectivités) ;
en bleu foncé : les crédits engagés ; en jaune : les crédits décaissés

Au 30 septembre 2023, la Commission européenne enregistre un taux d'engagement de 75 % et un taux de décaissement de 35 %.

Les programmes Interreg sont le levier le plus puissant à la disposition des deux collectivités pour développer une politique extérieure régionale.

Pour Mayotte, le nouveau programme Canal du Mozambique devrait lui permettre de dépasser la simple coopération transfrontalière avec les Comores et Madagascar et de se projeter au-delà.

La Réunion est à un stade plus avancé. Aussi bien le conseil régional que le conseil départemental ont développé ces dernières années le cercle géographique de leurs coopérations régionales.

L'impact prépondérant d'Interreg peut d'ailleurs expliquer la relative faiblesse de la coopération décentralisée ordinaire, comme elle se pratique dans l'Hexagone. Les fonds de la DAECT, de la Facilité de financement des collectivités territoriales (Ficol) ou du Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (Fexte) sont peu sollicités par les outre-mer, alors que la dimension régionale de leurs enjeux devrait les sur-mobiliser en théorie. Mayotte et La Réunion se tournent préférentiellement vers les programmes de coopération territoriale Interreg qui permettent de co-financer les projets à hauteur de 85 %, les collectivités mobilisant leurs financements dédiés à la coopération pour apporter les 15 % de contrepartie.

L'effort financier de l'Union européenne en faveur de la coopération régionale dans le bassin océan Indien, au travers des programmes Interreg, est donc très important et se maintient à des niveaux élevés. Il doit néanmoins être relativisé. À titre de comparaison, sur la période 2018-2022, la COI a bénéficié d'une enveloppe de 87 millions d'euros de l'Union européenne pour financer des projets.

b) Les crédits modestes de l'État

Les soutiens directs de l'État - hors AFD et autres opérateurs sous tutelle de l'État - à la coopération régionale dans le bassin océan Indien sont modestes.

Le principal outil, prévu par la loi, est le Fonds de coopération régionale (FCR). La LOOM a en effet créé cinq fonds de coopération régionale pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte et La Réunion (article L.4433-4-6 du CGCT)21(*). Ces fonds, abondés par l'État dans le cadre du programme « Conditions de vie en outre-mer » au sein de la mission Outre-mer du projet de loi de finances annuel, doivent encourager l'insertion de ces collectivités dans leur environnement géographique dans tous les secteurs d'activités, dès lors que les projets de coopération régionale comportent une implication pour les économies ou facilitent les échanges économiques et humains. Un comité paritaire, composé de représentants de l'État et des collectivités régionales et départementales, arrête la liste des opérations éligibles au FCR et le taux de subvention applicables à chacune d'elles. Le secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) en assure le secrétariat.

Les crédits disponibles demeurent néanmoins très modestes (0,97 million d'euros en loi de finances pour 2024 pour les cinq territoires, soit 0,1 % des crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission Outre-mer) et servent parfois d'appoint pour compléter le financement d'autres projets ou manifestations. Pour le bassin océan Indien, le FCR a représenté un peu de moins de deux millions d'euros au total sur cinq ans pour La Réunion et Mayotte. S'y ajoute le Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique, dit « Fonds Pacifique », créé en 1985.

On citera aussi le budget d'intervention de la DAECT au MEAE. En 2023, son budget était de 13 millions d'euros pour soutenir l'ensemble de la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises. Cet instrument n'est donc pas propre à la coopération régionale outre-mer.

Enfin, l'État verse chaque année aux organisations régionales une quote-part pour le budget de fonctionnement. Pour la COI, la quote-part de la France, au titre de La Réunion seulement, est d'environ 680 000 euros par an, soit 40 % du budget total de fonctionnement de la COI.

Pour l'IORA, la contribution française est modique : 24 000 euros annuels pour un budget de fonctionnement total de 500 000 dollars environ.

c) Des financements AFD importants mais cloisonnés et qui plafonnent

La stratégie « Trois océans » se traduit notamment par le maintien à un haut niveau des engagements financiers de l'AFD au bénéfice des outre-mer - tous financements inclus - et une attention particulière pour les projets comportant une dimension régionale.

Ainsi, l'AFD s'est dotée dans le cadre de son Contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 d'un indicateur de suivi (sans cible) du nombre de projets de coopération régionale ayant des activités dans au moins un territoire ultramarin et un État étranger. Sur l'année 2022, trois nouveaux projets de coopération régionale ont ainsi été engagés sur ce périmètre, dont le projet Horizon 2030 porté par la COI.

À la suite du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) et du CIOM en juillet 2023, cet indicateur de suivi sera repris dans le nouveau COM 2024-2026, en élargissant le périmètre à Expertise France, nouvelle filiale du groupe AFD, qui met aussi en oeuvre des projets régionaux impliquant les outre-mer.

Par ailleurs, l'AFD est le premier partenaire de l'Union européenne pour la mise en oeuvre de projets dans les trois océans, du fait de sa présence dans les trois bassins. Elle intervient notamment en cofinancement des projets Feder Interreg dans les DROM ou en délégation de crédits de l'Union européenne.

Les graphiques ci-dessous montrent toutefois qu'après une phase dynamique de hausse des financements entre 2018 et 2020 - aussi bien pour les outre-mer que pour les projets à dimension régionale -, le volume d'activité s'est stabilisé sur un plateau proche du niveau de 2018. Le pic de 2020 s'explique par des prêts consentis en urgence à plusieurs outre-mer ou États de la région pendant la crise du Covid, notamment un prêt de 300 millions d'euros à Maurice.

S'agissant du bassin océan Indien, il faut rappeler que les Comores et Madagascar figuraient sur la liste des 19 pays prioritaires de l'aide française au développement22(*), c'est-à-dire ceux concentrant plus de la moitié de l'effort en subvention de l'État et plus des deux-tiers des subventions mises en oeuvre par l'AFD hors fonds dédiés à la préparation des projets.

Évolution de l'activité du département des Trois Océans (OCN) dans
les outre-mer et dans les États étrangers (EE) depuis la création
du département en 2018

Source : AFD

S'agissant de la part des projets régionaux, elle demeure faible, malgré sa progression jusqu'en 2020. Avec 4 %, la part des projets à dimension régionale reste donc très modeste23(*). Au cours de son audition, Charles Trottmann, directeur du département « Trois Océans », a toutefois souligné que « ce cadre stratégique se traduit opérationnellement par une très forte montée en charge du nombre et du volume de projets menés à l'échelle régionale, impliquant au moins deux territoires d'un même bassin océanique. Alors que ces projets régionaux étaient presque inexistants auparavant, leur volume annuel se situe en moyenne autour de 50 ou 60 millions d'euros dans les trois bassins ».

Répartition de l'activité Trois Océans sur la période 2018-2023

Source : AFD

Évolution et répartition des financements en direction de projets à dimension régionale 2018-2023

Source : AFD

Depuis 2019, les volumes financiers engagés sur la coopération régionale pour les trois bassins oscillent entre 38 et 83 millions d'euros, hormis 2020 qui connut une activité exceptionnelle. Ces montants en nette hausse par rapport à 2018 demeurent néanmoins modestes à l'échelle des trois bassins océaniques. Cette part est encore plus modeste au bénéfice des outre-mer français, si l'on considère qu'ils ne sont pas impliqués dans tous les projets à dimension régionale (projets en rouge sur le graphique ci-dessus).

Fin 2023, le montant des financements en exécution par l'AFD pour accompagner des projets régionaux en multi-pays ou des projets nationaux à composante régionale avoisine 230 millions d'euros en exécution, dont 220 en multi-pays (en incluant 129 millions d'euros au bénéfice de la Commission de l'océan Indien). Environ six millions d'euros sont consacrés à des projets nationaux portés par des acteurs ultramarins via les dispositifs Fexte et Ficol (voir infra).

Cette lente érosion des crédits de l'AFD consacrés aux outre-mer se traduit aussi dans les effectifs du département « Trois Océans » qui sont passés de 217 à 201 entre 2018 et 2022, soit une baisse de 8 %. La direction régionale océan Indien a toutefois maintenu ses effectifs24(*).

D'autres sources de financement sont mobilisables par l'AFD au profit de projets à dimension régionale. En effet, l'AFD est accréditée par le Fonds vert pour le climat (FVC)25(*) depuis 2015. Elle est donc éligible pour mobiliser des subventions, des prêts ou des garanties financés sur ce fonds. À titre d'exemple, le projet Hydromet bénéficie de 49,7 millions d'euros du FVC sur un montant total de 60,7 millions d'euros (le solde a été financé par l'AFD et l'Union européenne). Charles Trottmann précise que « l'AFD a mobilisé le Fonds vert pour le climat, uniquement dans l'océan Indien à ce stade, dans le cadre de deux projets conséquents, pour lesquels nous avons levé environ 80 millions d'euros : le premier concerne l'hydrométéorologie (projet Hydromet), le second des solutions fondées sur la nature pour préserver la biodiversité ». L'AFD mobilise également d'autres crédits délégués alloués par des financeurs internationaux, notamment l'Union européenne via l'instrument unique de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale de l'Union européenne (NDICI - ex-FED) pour des projets de coopération régionale.

Le bassin océan Indien est celui qui bénéficie le plus de financements de l'AFD en faveur de la coopération régionale, mais ces derniers alimentent principalement les organisations internationales régionales. L'AFD totalise 184,7 millions d'euros de financements dont 129 au bénéfice de la COI pour des programmes en cours. Pour l'IORA, l'AFD a financé à hauteur de 900 000 euros le premier programme d'appui au secrétariat de l'IORA et à certains programmes menés par la France (2020-2023). Pour 2024-2027, il est prévu de tripler le montant d'engagement. Au total, le bureau régional de l'AFD à Maurice en appui à la COI et à l'IORA gère environ 132 millions d'euros d'engagements financiers.

Le Ficol et le Fexte : deux autres fonds mobilisables pour la coopération régionale

Créé en 2014, la Facilité de financement des collectivités locales (Ficol) est un fonds créé par l'AFD et dédiée au soutien des actions décentralisées des collectivités locales (ultramarines ou non). Formalisée en 2016, elle permet à l'AFD de financer directement les initiatives de collectivités françaises avec leurs partenaires étrangers jusqu'à 70 % des besoins. Ce dispositif est devenu l'un des piliers du cadre d'intervention adopté par l'AFD en 2018 en matière d'appui à l'action extérieure des collectivités territoriales.

De 2017-2022, 63 projets ont été financés pour un total de 48 millions d'euros. 52 collectivités françaises ont été soutenues dont La Réunion. Au total, 8 projets sur 63 ont été portés par des collectivités ultramarines, 34 pays partenaires, Madagascar et les Comores figurant parmi les cinq principaux. Les engagements annuels ont augmenté fortement passant de 3,8 millions d'euros en 2017 à 10,6 en 2022. Les aides peuvent aller jusqu'à deux millions d'euros par projet.

Charles Trottmann a indiqué qu'un premier bilan du recours au Ficol dans les bassins ultramarins serait réalisé dans le courant de l'année.

Le Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (Fexte) finance des programmes de coopération technique et des études de préparation de projet dans les pays en développement. Créé en 2013, ce fonds avait engagé 14,7 millions d'euros en 2017. En loi de finances pour 2024, 30 millions d'euros étaient inscrits en autorisation d'engagement et 24 en crédits de paiement.

Le Fexte est destiné à répondre aux demandes et besoins d'expertise et d'expériences françaises des pays bénéficiaires de l'aide publique au développement dans lesquels l'AFD est autorisée à intervenir. Il peut être utilisé pour financer plusieurs types d'opérations :

- études de préparation de projets : programmation, pré-faisabilité, faisabilité, avant-projet sommaire ou détaillé ;

- coopération technique : assistance technique résidente, expertise court terme ou itérative, actions de formation de haut niveau, partenariats stratégiques entre institutions paires.

Pour Charles Trottmann, « les résultats sont très positifs dans nos bassins. À titre d'exemple, nous avons sollicité l'Agence d'urbanisme de La Réunion pour appuyer des plans de développement à Madagascar et aux Comores. Ces fonds confiés par le ministère des Finances constituent un instrument de projection d'une expertise française localisée dans les bassins, jugée plus pertinente par les États de la zone, car elle est plus proche d'eux ». On peut aussi citer le projet de coopération Fexte « espèces exotiques envahissantes » entre l'Afrique du sud et La Réunion en mars 2022, initié par le parc national de La Réunion et South-African National PARKS (qui gère les 19 parcs nationaux sud-africains).

Enfin, il existe aussi le dispositif Initiatives OSC (organisation de la société civile). Il fonctionne chaque année sous forme d'appel à projets permettant aux organisations de la société civile française d'intervenir dans les États étrangers au titre de la solidarité internationale. Historiquement, le dispositif était assez peu mobilisé outre-mer, mais une communication ciblée depuis deux ans a permis de toucher le tissu ultramarin. Une dizaine d'OSC ultramarines ont ainsi pu bénéficier de financements pour des programmes majoritairement mis en oeuvre à proximité dans leur bassin.

5. Des organisations régionales et des projets de coopération de plus en plus opérationnels et à fort impact
a) La COI, une organisation porteuse de projets concrets

Créée en 1984, la Commission de l'océan Indien (COI) est l'organisation régionale phare de la région du sud-ouest de l'océan Indien. Elle est la seule organisation régionale africaine dont la France est membre et constitue à ce titre un vecteur essentiel de renforcement de la légitimité de la présence française dans l'océan Indien. Autre spécificité majeure : l'ensemble de ses membres sont des pays francophones. La COI organise un espace de solidarité francophone homogène au coeur de l'océan Indien. Enfin, la participation active à la COI est un axe important de la mise en oeuvre de la stratégie Indopacifique. Elle a été un levier dans les démarches d'adhésion à l'IORA (effective depuis décembre 2020).

La France en est devenue membre en 1986, en même temps que les Comores, mais seulement au titre de La Réunion. En effet, une condition sine qua non de l'adhésion de la France à la COI, posée par les autorités comoriennes, était de mentionner que la France est membre « au titre de La Réunion », ce qui a eu pour effet d'exclure Mayotte de la plupart des travaux de la COI. Depuis, l'Union des Comores continue à opposer un refus inflexible.

Malgré les différents territoriaux entre la France et trois États membres de la COI (Comores sur Mayotte, Madagascar sur les îles Éparses et Maurice sur Tromelin), cette organisation a pris une ampleur nouvelle depuis plusieurs années et est devenue le vecteur privilégié de la coopération régionale, à la fois par la France et l'Union européenne.

Cette priorité donnée à la COI se traduit dans les soutiens financiers.

Le budget de fonctionnement tout d'abord. De 1,43 millions d'euros en 2022, il a augmenté de 25 % en 2023 pour renforcer son secrétariat et faire face à ses attributions et son portefeuille croissants. La France est un membre très actif et contribue à hauteur de 40 % au budget de fonctionnement de l'organisation.

Le budget d'intervention est lui financé majoritairement par l'Union européenne et l'AFD. Sur la période 2018-2022, les contributions des quatre premiers partenaires de la COI se répartissent comme suit :

- Union européenne : 87 millions d'euros ;

- Fonds Vert pour le Climat : 53,3 millions d'euros ;

- Agence française de développement : 43,6 millions d'euros ;

- la Banque mondiale : 11 millions d'euros.

Sur la même période, environ 194 millions de projets ont été financés et, selon les projections du secrétariat général, la COI gèrera pour environ 500 millions d'euros de projets d'ici à 2027. L'AFD participe au financement des projets à hauteur de 21 % et l'UE de 44 %. L'UE et la France financent donc à elles deux près de deux tiers des projets de la COI.

Cette démultiplication de l'activité de la COI s'explique par le portage de plusieurs projets majeurs, dont certains très opérationnels.

La coopération est développée sur les sujets de sécurité et de sûreté maritimes, de lutte contre les trafics, de sécurité civile, à l'aide de centres régionaux de fusion d'informations (Madagascar, Inde, Singapour), d'un centre de coordination régionale opérationnelle (Seychelles) et de plusieurs projets d'initiatives françaises à l'étude portées par des structures présentes et en développement à La Réunion : Institut régional sécurité maritime (avec le maillage de coopérations du CROSS26(*) Réunion), Centre régional en projet de la Gendarmerie d'Outre-Mer, Capacités de projection de la PIROI (Croix-Rouge) et de la sécurité civile. Récemment, un forum régional des fonctions garde-côtes a été créé pour lutter notamment contre les trafics de drogue.

Le 38ème Conseil des ministres de la COI s'est tenu en mai dernier à un moment-clé pour cette organisation régionale dont les programmes commencent à apporter des résultats concrets (santé, sécurité maritime, pêches, environnement) et qui doit réussir cette année, par la modernisation du secrétariat, un processus d'accréditation au Fonds vert et à l'Union européenne.

Quelques points d'attention sont à mentionner néanmoins.

La France a adhéré à la COI pour permettre à La Réunion de participer à la coopération régionale et de mieux s'intégrer dans sa zone. Toutefois, l'État demeure le principal pilote et La Réunion, malgré la participation à haut niveau des exécutifs territoriaux, a du mal à s'identifier indépendamment de la France. La gestion des fonds Interreg par la région demeure le seul vrai levier d'influence. Par ailleurs, comme l'a indiqué Vêlayoudom Marimoutou, secrétaire général de la COI depuis le 16 juillet 2020 et de nationalité française, lors du déplacement à Maurice, La Réunion n'est pas directement bénéficiaire de nombreux programmes de la COI en raison de son niveau de richesse.

Une autre faiblesse de la COI est son déficit de communication, lié en partie à la multitude de projets portés. Ce déficit de communication participe d'une forme d'invisibilisation des actions françaises et européennes dans la région auprès des populations. L'Union européenne et la France financent les deux tiers des interventions de la COI. Mais cet effort massif est dilué dans la dimension multilatérale de la COI qui est elle-même mal identifiée.

Au-delà de la COI, la France, et donc La Réunion et Mayotte, tangentent une autre organisation internationale régionale, la SADC (Southern African Development Community), ex-Indian Ocean RIM. La SADC regroupe 16 États de l'Afrique australe et de l'océan Indien : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Seychelles, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe et Comores. Son siège se situe au Botswana. Ni La Réunion, ni la France n'en sont membres, contrairement à tous les autres membres de la COI. Or, les entreprises réunionnaises souhaiteraient se développer dans cette région peu francophone. Des déplacements récents du président du conseil départemental de La Réunion en Namibie témoigne de cette envie. Une réflexion devrait être engagée en faveur d'un rapprochement de la France de la SADC au titre de La Réunion et de Mayotte, au moins au titre d'observateur ou de membre associé.

b) L'IORA, un cadre plus prospectif et ouvert sur le grand large de l'Indopacifique

L'Association des États riverains de l'océan Indien (IORA), créée en 1997 à Maurice, vise à promouvoir le développement de la région du pourtour de l'océan Indien et à renforcer les échanges économiques entre ses membres. Elle regroupe aujourd'hui 23 États riverains de l'océan Indien27(*), de l'Australie à l'Afrique du Sud en passant par le Moyen-Orient, l'Inde et l'Asie du Sud. Comme pour la COI, la France est membre à part entière au titre de La Réunion seule, depuis 2020, après avoir été membre de l'IORA depuis 2001 en qualité de « partenaire du dialogue ».

L'IORA n'est pas une organisation de même nature que la COI et ne gère pas directement des projets opérationnels. Elle anime principalement des groupes de travail sur différentes thématiques pour partager et rapprocher les points de vue des États.

L'IORA a initié un renforcement institutionnel en 2011 sous la présidence indienne (2011-2012) et a défini six domaines prioritaires : (i) sureté et sécurité maritime, (ii) gestion de la pêche, (iii) la facilitation du commerce et de l'investissement, (iv) la gestion des catastrophes, (v) les échanges touristiques et culturels, et (vi) la coopération universitaire, scientifique et technologique. La présidence qui a suivi, celle de l'Australie (2013-2014), a introduit comme « thématiques transversales » de l'IORA l'économie bleue et l'autonomisation économique des femmes. Le Conseil des ministres de novembre 2022 a adopté la question du changement climatique comme une thématique transversale de l'IORA, ce qui amène à neuf le nombre de domaines prioritaires de l'IORA.

Un défi pour l'IORA est de mieux structurer son secrétariat. L'AFD a renouvelé son financement dans ce but pour 2024-2027 (trois millions d'euros) ce qui place la France en troisième place des financeurs, avec l'Inde, l'Australie et devant l'Afrique du Sud. La France a d'ailleurs renforcé sa présence au sein du secrétariat, avec une ETI à ce jour et prochainement la mise à disposition d'un directeur ou d'une directrice comme l'Inde et l'Australie.

Les objectifs de la France sont doubles :

- renforcer la stratégie Indopacifique française et s'affirmer comme un acteur à part entière de cet espace28(*) ;

- développer les synergies et rapprochements entre l'IORA et la COI.

La sécurité maritime, la lutte contre la pêche illégale ou la coopération universitaire font partie des sujets communs les plus importants. En 2024, la France présidera le groupe de travail sur la gestion des catastrophes naturelles, qui est un des domaines d'action fort de la COI, notamment avec le projet PIROI.

En l'état, l'IORA est d'abord un cercle d'influence, mais n'est pas un cadre utile pour une coopération régionale opérationnelle.

c) Une diversité d'autres organisations à vocation régionale dans les domaines économiques ou sportifs

Le sud-ouest de l'océan Indien compte d'autres organisations à vocation régionale qui animent la coopération dans des domaines divers.

Dans le domaine économique, l'association Cap Business Océan Indien, anciennement Union des chambres de commerce et d'industrie de l'océan Indien jusqu'en 2020, fédère les acteurs économiques des pays membres de la COI. Point remarquable : la CCI de Mayotte en est aussi membre.

Créé en 2005, son siège social est à Maurice et son réseau comprend 20 000 entreprises. La vocation première de cette association est de promouvoir les échanges économiques entre les îles et identifier des enjeux communs. Elle s'est dotée d'une feuille de route pour 2021-2026 avec cinq secteurs prioritaires et quatre axes transversaux. Ces orientations stratégiques ont été arrêtées à la suite de quatre millions d'euros alloués sur les cinq prochaines années à Cap Business par l'AFD, afin de lancer un dialogue public-privé et des projets de développement économique. L'AFD soutient également d'autres projets ayant pour finalité l'accélération de la transition économique et écologique régionale. À titre d'exemple, en début d'année, s'est tenue une journée de l'écoconstruction organisée au bénéfice des entreprises réunionnaises et de la zone, couplée à une mission de prospection des entreprises de la zone auprès des entreprises réunionnaises.

Cap Business Océan Indien organise aussi le Forum économique des îles de l'océan Indien, avec le soutien de l'AFD, dont la dernière édition s'est tenue en 2022 à Maurice. La 14ème édition se tiendra à Mayotte en novembre 2024. Cet événement sera un marqueur fort pour l'insertion de Mayotte dans les cercles de la coopération régionale économique.

L'IORA organise également un forum des affaires, auquel des entreprises réunionnaises participent.

Dans un tout autre domaine, le sport, mais hautement symbolique et fédérateur, deux organisations sont incontournables : la Commission de la jeunesse et des sports de l'océan Indien (CJSOI) et le Conseil international des Jeux des îles.

La CJSOI est une organisation internationale créée en 1988 et qui organise les jeux éponymes. Ces jeux rassemblent tous les deux ans des jeunes de Djibouti, des Comores, de Madagascar, de Maurice, de Mayotte, des Seychelles et de La Réunion. Près de 700 jeunes sportifs y participent. La prochaine édition se tiendra en 2025 aux Seychelles. En 2022, lors de l'édition à Maurice, 125 jeunes réunionnais et 50 mahorais y avaient participé.

Jean-Claude Brunet, ambassadeur délégué, a souligné « qu'en matière de jeunesse et sports, Mayotte a été reconnue comme partenaire, avec La Réunion, par la Commission de la jeunesse et des sports de l'océan Indien (CJSOI) dont la ministérielle s'est tenue à La Réunion récemment. Mayotte et La Réunion y sont actives au travers des préfectures qui préparent un programme d'échanges de jeunes en provenance des îles concernées, en y associant aussi Djibouti. Au cours de l'année 2024, des activités de rencontres de jeunes se tiendront à Mayotte et quelques mois plus tard, à La Réunion ».

Les Jeux de la jeunesse de l'océan Indien sont aussi des événements majeurs pour faire vivre la francophonie dans la zone. Toutefois, un point noir subsiste : les jeunes sportifs français venant de Mayotte, pourtant autorisés à participer aux épreuves, sont toujours privés d'hymne national et de drapeau tricolore. Cette aberration est vécue par ces jeunes comme une humiliation.

Le Conseil international des Jeux des îles est un mouvement sportif qui organise les Jeux des îles. Cet événement organisé tous les quatre ans environ réunit cette fois des sportifs professionnels. Né d'une initiative du comité régional olympique et sportif (CROS) de La Réunion au début des années 70, cette compétition sportive a été adoptée par le Comité international olympique en 1976. Les participants sont les mêmes qu'à la CJSOI. Lors des 11ème Jeux des îles à Madagascar en 2023, 460 athlètes réunionnais et 218 mahorais avaient participé.

Le cas de Mayotte demeure toujours un sujet compliqué et fait l'objet de compromis variables selon les éditions depuis 2003 (première participation des athlètes mahorais) : participation au sein de la délégation réunionnaise, création d'une équipe France Océan Indien, choix des hymnes... Les prochaines éditions des Jeux seront encore délicates. L'édition 2027 se tiendra aux Comores, l'édition 2031 aux Maldives, mais surtout l'édition 2035 se déroulera à Mayotte. Cette décision est un grand succès pour Mayotte. Il paraît dès lors impossible que les athlètes français de Mayotte ne soient pas célébrés au son de la Marseillaise et aux couleurs du drapeau français. Une clarification en amont sera impérative pour éviter un incident lors des jeux, comme cela a pu arriver par le passé avec le départ de la délégation comorienne en 2015 au motif que la délégation mahoraise avait défilé lors de la cérémonie d'ouverture avec le drapeau français et une banderole « France Océan Indien ».

Pour le président du conseil départemental Ben Issa Ousseni, la réussite de la participation de Mayotte aux prochaines éditions et à son organisation en 2035 est un enjeu politique majeur.

On notera, sur cette question des hymnes et des drapeaux, l'écart qui peut exister avec les outre-mer des Antilles qui souhaitent avant tout participer au nom de leurs îles. Frédéric Buval, sénateur de la Martinique, a rappelé ainsi que « la Martinique est inscrite dans toutes les instances officielles de la Caraïbe. Dans les Jeux caraïbéens, le drapeau martiniquais flotte et l'hymne martiniquais est joué. Nous ne renions évidemment pas le drapeau français, bien au contraire, puisqu'il flotte sur toutes les mairies de l'île. En revanche quand nous nous déplaçons dans le domaine des sports et de la culture, ce sont le drapeau et l'hymne martiniquais qui sont à l'honneur ».

Enfin, parmi les organisations régionales, l'Association des villes et collectivités de l'océan Indien (AVCOI) se conçoit comme un espace de partage d'expérience, de mutualisation, d'information. Elle est principalement financée par l'Association internationale des maires francophones. Son activité pourrait connaître un regain depuis la nomination d'un nouveau secrétaire général en 2023.

6. Des relations bilatérales fortes

Si Mayotte peine à consolider des relations bilatérales fortes, contrainte par la politique des petits pas et les blocages comoriens, la France et La Réunion ont en revanche tissé des liens forts avec plusieurs États de la région.

C'est en particulier le cas de la relation entre Maurice et la France.

Lors de son déplacement à Maurice, la délégation a échangé longuement avec Alan Ganoo, ministre des affaires étrangères par intérim, et Ravi Meettook, secrétaire aux affaires intérieures, conseiller du Premier ministre pour les affaires intérieures et de sécurité. Cette rencontre a mis en évidence l'importante de la relation bilatérale et la nécessité de consolider le duo La Réunion-Maurice. Ce duo doit s'affirmer comme un pôle de stabilité dans un environnement régional fragile.

Selon les données de l'ambassade de France à Maurice, la France est un acteur économique majeur à Maurice : 2ème client (263 M€ d'importations en 2022) et 5ème fournisseur (433 M€ d'exportations en 2022). Le commerce France-Maurice a progressé de 28 % en 2022. La France est également le 1er investisseur étranger dans le domaine productif (près de 200 entreprises pour un stock d'IDE estimé à 1,3 milliards d'euros fin 2021) et son 1er pourvoyeur de touristes (240 000 Français sur près d'un million de touristes en 2022). En revanche, les relations économiques entre La Réunion et Maurice sont marginales. En juillet 2023, une convention de partenariat a été conclue entre Business France, l'AFD et l'Economic Development Board (EDB)29(*). L'objectif est notamment de faciliter les investissements entre les deux pays. Toutefois, cet accord ne pointe pas particulièrement les investissements en lien avec La Réunion ou Mayotte.

La France est également le principal partenaire bilatéral de Maurice en termes d'aide publique au développement. Depuis la réouverture de son agence à Port-Louis en 2006, l'AFD a réalisé 1,2 milliard d'euros d'engagements à Maurice. Le 1er décembre 2023, Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l'Attractivité et des Français de l'étranger, s'est d'ailleurs rendu à Maurice pour la signature d'une convention de prêt de 200 millions d'euros de l'AFD pour optimiser la gestion de la ressource en eau.

La France et Maurice entretiennent aussi une coopération dynamique en matière de défense et de sécurité, menée notamment par l'intermédiaire des Forces armées de la zone Sud de l'océan Indien (Fazsoi) et qui passe en particulier par des actions de formation et des exercices conjoints.

Par ailleurs, compte tenu de l'émergence de certaines menaces, en particulier le trafic de drogues et la délinquance financière, un groupe de contact sur la sécurité entre La Réunion et Maurice se réunit régulièrement sous la co-présidence du préfet de La Réunion pour évoquer les questions d'intérêt partagé (sécurité intérieure, sécurité maritime, etc.). Après avoir été longtemps un pays de transit pour le trafic de drogue, Maurice est devenu également un lieu important de consommation. Le taux de consommation de drogue est l'un des plus élevés de la région. Les stupéfiants arrivent souvent par des « speed boats » en provenance de La Réunion.

Un accord d'entraide judiciaire et une convention d'extradition étaient en attente de ratification depuis 2022. La loi autorisant leur ratification a été publiée le 6 février 2024.

Enfin, en janvier 2011, la France et Maurice ont signé un accord-cadre sur la coopération régionale entre La Réunion et Maurice. Cet accord avait été porté par la région La Réunion au nom de la France, en application de la LOOM qui permet à la région de solliciter l'autorisation de l'État pour négocier et signer des accords internationaux. Toutefois, en pratique, la commission mixte prévue par cet accord-cadre ne s'est réunie pour la première fois à Saint-Denis de La Réunion que le 4 novembre 2022, en présence de Huguette Bello, présidente de la région Réunion, et Cyrille Melchior, président du conseil départemental de La Réunion. Une déclaration politique identifiant des champs d'action prioritaires pour les cinq prochaines années a été adoptée à cette occasion. La prochaine réunion de la commission mixte est prévue au second semestre 2024 à Port-Louis. Les prochaines années diront si cet accord-cadre est porteur de projets opérationnels.

Un autre exemple de relations bilatérales très fortes est celui de la France avec l'Union des Comores.

Malgré ou à cause de la situation mahoraise, les liens entre Paris et Moroni sont étroits. Il en va de même des relations avec La Réunion. Plusieurs collectivités réunionnaises ont développé des projets de coopération décentralisée avec les Comores.

Outre le partenariat signé en 2019 et qui prévoit 150 millions d'euros d'aides gérées par l'AFD en contrepartie de facilités pour la réadmission des Comoriens en situation illégale à Mayotte (voir infra), les relations bilatérales sont exceptionnellement denses rapportées à la taille du pays (entre 900 000 et un million d'habitants et 2 235 km2).

L'ambassade de France aux Comores en est la meilleure illustration avec 64 temps plein (ETP), et plus de 200 ETP en comptabilisant les trois alliances françaises, le Campus France, l'AFD ou Expertise France. Ces moyens sont exorbitants et sont justifiés par l'importance stratégique de la relation avec les Comores pour la stabilité de Mayotte.

L'aide au développement bilatéral classique est aussi importante avec 240 millions d'euros en engagement pour l'AFD. Par ailleurs, les transferts financiers de la diaspora franco-comorienne en France30(*) vers les Comores avoisinent les 300 millions d'euros par an. Ces transferts privés vont à 85 % vers les Grandes Comores dont est originaire la plus grande partie de la diaspora dans l'Hexagone. Ces montants sont à rapprocher du budget de l'État comorien qui avoisine les 100 millions d'euros par an. L'aide au développement représente 1,5 fois le budget de l'État. C'est considérable.

La France est le deuxième client des Comores en 2022 (21,9 % des exportations comoriennes) derrière l'Inde (27,1 %) et devant la Tanzanie (16 %).

Ces liens économiques et financiers se doublent de liens politiques forts, en dépit de l'irrédentisme affirmé sur Mayotte. De nombreux responsables politiques comoriens ont la double nationalité. Par ailleurs, des rencontres au plus haut niveau ont lieu régulièrement : en 2022, le président Azali Assoumani assistait au défilé militaire du 14 juillet et en 2023, une rencontre avec le président de la République se tenait à l'occasion d'une visite à Paris. Par ailleurs, le régime comorien est un allié de la France en Afrique et c'est notamment avec le soutien de la France que le président Azali Assoumani a présidé l'Union africaine l'année dernière.

La relation bilatérale est donc forte, mais ambivalente et complexe, et soumise à un jeu d'équilibre permanent.

Enfin, un dernier exemple de relation bilatérale prometteuse est celle entre la Tanzanie et Mayotte. Ce potentiel s'appuie sur des relations entre la Tanzanie et la France qui se développent favorablement depuis plusieurs années.

Emmanuelle Blatmann, directrice de l'Afrique et de l'océan Indien au MEAE, a souligné que « la politique d'ouverture de la présidente Samia Suluhu Hassan, qui a exprimé sa volonté de densifier la relation bilatérale avec la France, a permis de sortir le pays de l'isolement dans lequel son prédécesseur l'avait plongé. Nous en faisons désormais l'une de nos priorités, puisque la Tanzanie a été retenue comme l'un des pays accélérateurs des nouveaux partenariats entre la France et les pays africains voulus par le président de la République ». Elle ajoute que la Tanzanie est le pays de la zone Afrique orientale pour lequel les coopérations avec les outre-mer pourraient être le plus utilement et le plus facilement développées.

La qualité de la relation bilatérale s'est encore renforcée à la suite de la visite officielle en mai 2024 à Paris de Samia Suluhu Hassan, présidente de la République unie de Tanzanie. Le partenariat franco-tanzanien a été renforcé au plan bilatéral et au plan multilatéral.

Au plan multilatéral, l'Agence internationale de l'énergie a accueilli le 14 mai 2024, à Paris, le sommet sur la cuisson propre coprésidé par la Tanzanie et la Norvège.

Au plan bilatéral, a été signée une déclaration conjointe pour amplifier le partenariat franco-tanzanien dans cinq domaines : la transition énergétique et la lutte contre les dérèglements climatiques, les infrastructures de transport, le développement de l'agriculture, les investissements dans l'économie bleue, et le soutien à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ce climat très positif ouvre des perspectives intéressantes pour Mayotte qui a fait du développement de ses relations et coopérations dans la région une priorité. Plusieurs facteurs jouent naturellement en faveur de nouvelles coopérations entre Mayotte et la Tanzanie.

Mayotte et la Tanzanie, en particulier Zanzibar, partagent de nombreuses similitudes culturelles, linguistiques et traditionnelles. Cette proximité culturelle et géographique constitue une base solide pour le renforcement de leurs liens économiques et commerciaux. À cet égard, l'ambassade de France en Tanzanie a mis en place des coopérations culturelles dans les domaines de la musique, de la danse, notamment le hip-hop, et du théâtre - par exemple, au travers d'une résidence à l'Alliance française de Dar Es Salaam.

Par ailleurs, Mayotte est une porte d'entrée vers l'Union européenne à quelques encablures de la Tanzanie.

L'irrédentisme des Comores est le frein principal à l'épanouissement officiel de cette relation, la Tanzanie ne souhaitant pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de l'Union africaine.

Toutefois, les domaines d'intérêts communs sont nombreux et le développement des échanges et projets économiques sont possibles, à la condition de ne pas en faire un étendard.

L'ambassade de France en Tanzanie travaille en vue de favoriser les activités économiques de Mayotte en Tanzanie. Selon Axel-David Guillon, premier conseiller, nombre de commerçants mahorais viennent s'approvisionner en Tanzanie. Il indique avoir « reçu de nombreuses délégations d'entrepreneurs agricoles souhaitant y produire pour exporter vers Mayotte ; un premier accord a d'ailleurs été signé entre une société mahoraise et une ferme tanzanienne ». L'ambassadeur de Tanzanie en France a confirmé cette inclination favorable : « La Tanzanie possède d'importantes ressources agricoles ; c'est l'un des pays africains autonomes dans le domaine alimentaire, notamment sur les céréales, les légumineuses, les haricots, les pois chiches et nous sommes exportateurs nets d'animaux vivants et de viande. Nous exportons vers les pays voisins, notamment les Comores. Nous pouvons faciliter la mise à disposition de terrains, via des groupes d'investisseurs, pour de la culture ou de l'élevage au bénéfice de Mayotte, voire de La Réunion. Cela ne devrait pas poser problème ».

Le domaine agricole paraît en effet être le plus prometteur dans les prochaines années à condition de structurer et coordonner les acteurs mahorais. La signature d'accords de partenariats agricoles entre la Chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (Capam) et les Chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture (CCIA) de la Tanzanie est une étape importante. Suite à ces accords, une délégation tanzanienne, composée de personnalités du monde économique, politique et gouvernemental, s'est rendue à Mayotte du 15 au 18 juin 2023 pour renforcer les liens économiques.

Un contrat a aussi été signé entre l'association d'agriculteurs mahorais ABCentral et des propriétaires tanzaniens pour mettre à disposition d'ABCentral 30 hectares de terres fertiles, afin d'y développer des productions agricoles à destination de Mayotte.

Ce premier contrat pourrait ouvrir la voie à des accords plus ambitieux portant sur des centaines ou milliers d'hectares. Toutefois, pour y parvenir et trouver les fonds nécessaires pour mettre en culture et exploiter ces terres, il convient de construire un cadre de travail clair pour permettre à tous les acteurs - agriculteurs, CCI, Capam, Conseil départemental, AFD - de se fédérer autour d'un projet d'intérêt public. En l'état, cette initiative prometteuse reste en devenir, en raison notamment de désaccords entre acteurs mahorais.

À terme, outre l'approvisionnement de Mayotte en produits frais, il pourrait être imaginé une activité de transformation agroalimentaire, à partir des produits agricoles tanzaniens, à destination du marché européen dont Mayotte serait la porte d'entrée.

À court-moyen terme, les efforts devraient porter sur la connectivité. À ce jour, il n'existe pas de liaisons maritimes directes entre Mayotte et la Tanzanie, ce qui complique l'acheminement des marchandises. Une escale par Mombasa au Kenya est nécessaire. CMA-CGM travaillerait à une liaison directe. Au plan aérien, un accord entre la France et la Tanzanie sur les droits de trafic a été signé à Mayotte même en juin 2022. Cet accord autorise une liaison régionale entre la Tanzanie et Mayotte avec jusqu'à sept fréquences hebdomadaires. Pour le service tout-cargo, chaque pavillon pourrait exploiter une fréquence hebdomadaire entre la Tanzanie et Mayotte. Cet accord ouvre donc grand le champ des possibles et prend explicitement en compte les liaisons directes vers Mayotte. La difficulté est désormais de trouver un opérateur aérien pour exploiter la ligne dans des conditions économiques viables.

Enfin, l'autre priorité à court terme est d'inclure la Tanzanie dans le programme Interreg VI Canal du Mozambique. Un travail de conviction est encore nécessaire du côté mahorais. Lors de son audition, Son Excellence Ali Jabir Mwadini, ambassadeur de la République unie de Tanzanie en France, a indiqué ne pas avoir connaissance de ce programme et des possibilités de financement offertes pour des projets de coopération. Il conviendra de rassurer les autorités tanzaniennes sur la pleine participation des Comores, de Madagascar et du Mozambique à ce programme, ces États ayant déjà donné leur accord. Seules la Tanzanie et les Seychelles manquaient encore.

Enfin, sur le volet de la coopération judiciaire et policière, les choses avancent également, alors que la Tanzanie est un point de passage et de transit pour l'immigration continentale africaine vers Mayotte. Deux projets d'accords bilatéraux sont en cours de négociation. Les autorités tanzaniennes sont très allantes sur ces sujets. En particulier, un projet d'accord de facilitation de transit à partir de l'aéroport de Dar Es Salaam est en discussion. À Mayotte, de nombreux clandestins doivent être reconduits, volontairement ou de force, vers leur pays d'origine - Burundi, Rwanda, République démocratique du Congo (RDC). Or, il n'y a pas de vol direct entre Mayotte et ces pays ; la plateforme de transit serait donc la Tanzanie, qui a des lignes commerciales avec ces trois pays.

Sur ces questions, l'ambassade de France en Tanzanie devrait voir ses moyens renforcés avec l'affectation, à partir de septembre 2024, d'un conseiller chargé de la sécurité et de l'immigration qui formera à la détection de la fraude documentaire et qui sera le point de contact avec les autorités tanzaniennes de toutes nos actions de lutte contre l'immigration clandestine.


* 1 Loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional.

* 2 Depuis le 29 décembre 2023, la Délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) est rattachée à la Direction générale de la mondialisation (DGM). Elle est issue de la fusion entre les délégations pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) et pour la société civile, l'engagement citoyen et la jeunesse (CIV).

* 3 La part des jumelages est de 15 % environ.

* 4 Décision n° 2000-435 DC.

* 5 À la suite du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018.

* 6 Rapport de la Cour des comptes sur les interventions de l'AFD en outre-mer sur la période 2018-2022, délibéré le 29 septembre 2023.

* 7 La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a modifié le statut d'Expertise France en transformant l'établissement public en une société par actions simplifiée. Son capital est public et est entièrement détenu par l'Agence française de développement depuis le 1er janvier 2022.

* 8 Sur un financement de la région Réunion.

* 9 Créée en août 2016, l'Agence de développement et d'innovation de Mayotte (ADIM) a commencé son activité en 2017. L'ADIM est un groupement d'intérêt public (GIP) qui a pour objet le développement économique de Mayotte, et sa promotion en France et à l'étranger, dans le cadre des orientations définies par le conseil départemental et en complémentarité de l'action propre de ses services. L'ADIM vise à promouvoir l'attractivité économique du territoire et à accompagner les entreprises dans leur compétitivité. Cet objectif d'attractivité et de renforcement des entreprises passe par une meilleure connectivité avec les pays de la zone océan Indien.

Les membres du GIP sont le département, la CCI, la chambre d'agriculture, le centre universitaire et les syndicats de salariés et d'entreprises.

* 10 À titre principal :

- la loi n° 2000-1207 d'orientation pour l'outre-mer (LOOM) du 13 décembre 2000 ;

- la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, dite loi « Letchimy ».

* 11 Classement IDH en 2022 sur 193 pays : Madagascar (177ème), Maurice (72ème), Seychelles (67ème), Mozambique (185ème), Comores (156ème), Kenya (152ème), Tanzanie (160ème), France (28ème).

* 12 ACP : pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

* 13 Rapport d'information n° 601 (2016-2017) d'Éric Doligé, rapporteur coordonnateur, et Karine Claireaux et Vivette Lopez, rapporteurs, sur « Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : faire d'un obstacle un atout », fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

* 14 Rapport d'information n° 728 (2020-2021) de Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel, rapporteurs, sur « Reconstruire la politique du logement outre-mer », fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

* 15 COM (2022) 0144

* 16 La région Réunion est Autorité de gestion des programmes Interreg depuis 2000.

* 17 Le département de Mayotte est Autorité de gestion de fonds européen pour la première fois.

* 18 Interreg V était un programme transfrontalier réservé à des projets avec les voisins immédiats (Comores et Madagascar).

* 19 Une enveloppe dite transfrontalière, réservée à des projets avec les membres de la COI, et une enveloppe dite transnationale pour des projets intéressant tous les pays dans le champ du programme.

* 20 Contre cinq pour la programmation 2014-2020.

* 21 Quatre à l'origine, portés à cinq avec la départementalisation de Mayotte

* 22 Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) 2023 a décidé de la fin de la liste de pays prioritaires de l'aide bilatérale de la France, au profit d'une cible fixée à 50 % de l'effort financier bilatéral de l'État vers les pays les moins avancés (PMA).

* 23 Parmi les 71 % des financements en direction des outre-mer, 2 % concernent des projets intéressant plusieurs outre-mer (coopération entre des outre-mer français).

* 24 La direction régionale océan Atlantique a absorbé l'essentiel de la baisse.

* 25 Le Fonds Vert pour le climat a été mis en place en 2010 par les 194 pays qui sont Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) dont il constitue l'un des mécanismes de financement. Il a pour mandat de « réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables afin de financer des projets de lutte contre les effets du changement climatique ».

* 26 Centre régional opérationnel de surveillance et sauvetage (CROSS)

* 27 Afrique du Sud, Australie, Bangladesh, Comores, Émirats arabes unis, France, Inde, Indonésie, Iran, Kenya, Madagascar, Malaisie, Maldives, Maurice, Mozambique, Oman, Seychelles, Singapour, Somalie, Sri Lanka, Tanzanie, Thaïlande, Yémen.

* 28 Les efforts déployés pour convaincre les membres de l'IORA du bien-fondé de l'appartenance de la France à l'IORA en qualité de membre à part entière illustrent la nécessité pour la France d'affirmer une stratégie Indopacifique qui ne va pas toujours de soi pour les États de la région.

* 29 Il s'agit d'une agence gouvernementale de Maurice.

* 30 300 à 400 000 personnes, principalement à Marseille et en région parisienne.

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