AVANT-PROPOS

La commission d'enquête a été créée à l'initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste - Kanaky (CRCE-K), en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat. Il en a formulé la demande lors de la Conférence des présidents du 24 janvier 2024. Ses membres ont été nommés le 1er février et elle a tenu sa réunion constitutive le 14 février.

Elle a depuis tenu une quinzaine de journées d'auditions plénières, entendant une cinquantaine de responsables représentant l'ensemble des acteurs du secteur, dont deux ministres. Ces auditions ont été complétées par quatre séries d'auditions de la rapporteure ouvertes aux membres de la commission et qui ont permis d'entendre une trentaine de personnalités qualifiées supplémentaires.

Deux déplacements ont été organisés, le premier dans le Pas-de-Calais, à Béthune et à Auchel, le second en Seine-et-Marne, à Torcy, puis dans l'Essonne, à Épinay-sous-Sénart et à Grigny, afin de rencontrer des élus locaux, des acteurs de terrain et des copropriétaires confrontés aux difficultés de la gestion de leur immeuble. Au total, plus d'une centaine de personnes ont été entendues.

La commission d'enquête a également sollicité une étude de législation comparée pour actualiser et compléter celle qui avait été réalisée il y a dix ans en préparation de la loi ALUR afin de s'inspirer des meilleures pratiques étrangères.

Elle a en outre obtenu la communication intégrale du Registre national d'immatriculation des copropriétés, le RNIC, auprès de l'Anah pour avoir la vision la plus complète possible du sujet et mesurer la pertinence de l'outil.

Elle a en revanche limité ses investigations à la France métropolitaine, la situation de l'habitat outre-mer et notamment de l'habitat indigne étant très différente.

C'est donc un travail approfondi qui a été réalisé, montrant toute l'importance de la question de la paupérisation des copropriétés.

Lancée parallèlement au dépôt par le gouvernement et à l'examen au parlement du projet de loi sur l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, la commission a permis de prolonger un travail parlementaire réalisé dans des délais trop courts et sur des mesures essentiellement destinées aux grands ensembles des banlieues des métropoles et non aux petites copropriétés des villes moyennes qui maillent notre territoire. D'ailleurs, de nombreux acteurs ont apporté des contributions et des propositions complémentaires qu'ils n'avaient pas pu formuler lors de l'examen de la loi.

Mais au-delà de l'actualité immédiate, cette commission d'enquête incarne la volonté du Sénat d'inscrire ses missions de contrôle dans le temps long de l'action publique, environ 60 ans après l'adoption de la loi de 1965, 10 ans après la loi ALUR, 12 ans après le rapport Braye et 6 ans après le lancement du PIC, soit à mi-parcours. En 60 ans, on serait passé de 2 % de résidences principales en copropriété à 29 %2(*) en faisant un véritable fait de société et progressivement un objet de politique publique.

D'impensée, elle est devenue l'un des lieux de précipitation, pour employer une image chimique, des crises du logement, mais aussi sociale et migratoire. La copropriété est l'un des maillons du parcours résidentiel pour les locataires comme pour les propriétaires. Mais elle peut rapidement devenir au regard du coût du logement, en raison des difficultés d'accès à un parc social insuffisamment développé ou tout simplement inaccessible pour une population sans droit ni titre, un parc social de fait, un sous-marché de l'habitat, voire une zone de relégation et de concentration des difficultés où se développera l'habitat indigne et proliféreront les marchands de sommeil. De havre, la copropriété peut aussi constituer un piège pour des « naufragés de l'accession » finalement trop pauvres pour faire face aux charges, aux travaux et au statut de propriétaire auxquels ils aspiraient.

Ce travail permettra aussi de prendre conscience que l'aide à apporter aux copropriétés en fragilisation doit sortir d'une logique de stock et de plan à durée déterminée pour entrer dans une logique de flux nécessitant une véritable politique publique dans la durée, mais aussi une politique globale impliquant le véritable développement d'une offre de logements abordables, condition sine qua non d'une vraie réduction des mécanismes de paupérisation dans le logement.

Les copropriétés méritent de devenir le véritable objet de politiques du logement pour elles-mêmes, dans leur dimension collective, et non comme la résultante d'une prise en charge de l'habitat ou d'un logement individualisé à rénover.

Les copropriétés le méritent, enfin, car elles sont un sujet politique. Elles posent la question de la gestion démocratique de ce qui est commun dans une société toujours plus individualiste où l'action collective est confrontée à une crise d'engagement et d'efficacité.


* 2 Entre 1962 et 2022, selon le Rapport annuel 2024 sur l'état du mal-logement en France de la Fondation Abbé Pierre p. 54.

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