N° 736

SÉNAT

SESSION DE DROIT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 12 DE LA CONSTITUTION

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 18 juillet 2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1)
sur la
paupérisation des copropriétés immobilières,

Présidente
Mme Amel GACQUERRE,

Rapporteure
Mme Marianne MARGATÉ,

Sénatrices

Tome I - Rapport

(1) Cette commission est composée de : Mme Amel Gacquerre, présidente ; Mme Marianne Margaté, rapporteure ; M. Laurent Burgoa, Mme Marie Mercier, MM. Stéphane Sautarel, Hussein Bourgi, Mme Audrey Linkenheld, MM. Guislain Cambier, Bernard Buis, Cédric Chevalier, Mme Antoinette Guhl, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; MM. Rémi Cardon, Stéphane Demilly, Mmes Sabine Drexler, Muriel Jourda, Sylviane Noël, Frédérique Puissat, M. David Ros.

L'ESSENTIEL

60 ans ou presque après la loi de 1965 sur la copropriété, 10 ans après sa dernière réforme d'ampleur, la loi ALUR de 2014, elle-même directement inspirée, comme le Plan initiative copropriétés et la loi ELAN de 2018, du rapport du sénateur Dominique Braye, publié en 2012, la commission d'enquête avait pour objectif de procéder à une évaluation et de proposer des directions pour les années à venir.

Constituée mi-février 2024 à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky dans le cadre de son droit de tirage, la commission d'enquête a tenu une quinzaine de séances plénières, réalisé deux déplacements, dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne et en Essonne.

Au total, une centaine de personnes ont été auditionnées afin, d'une part, de comprendre les origines des difficultés des copropriétés et, d'autre part, d'imaginer des solutions pour garantir à tous l'accès à un habitat de qualité mais aussi pour favoriser le vivre ensemble. En effet, la copropriété est une petite démocratie dans laquelle l'intérêt immédiat de chacun peut être de ne pas coopérer, mais où l'intérêt de tous est que chacun coopère au bien commun.

 
 
 

10 millions de logements
en copropriété

1 million de copropriétaires modestes et très modestes

300 000 copropriétés
non immatriculées

I. LA PAUPÉRISATION DES COPROPRIÉTÉS, UN PHÉNOMÈNE DONT ON COMMENCE SEULEMENT À PRENDRE TOUTE LA MESURE

Alors que la copropriété ne représentait que 2 % des logements au début des années 1960, ce sont désormais environ un tiers des résidences principales, soit plus de 10 millions de logements, qui sont sous ce statut du fait de la construction des grands ensembles mais aussi de la division de nombreux immeubles autrefois en monopropriété.

A. LES COPROPRIÉTÉS RESTENT MAL CONNUES

578 000 copropriétés sont immatriculées dans le registre national (RNIC), mais le fichier Filocom (Fichier des logements à la commune) en comptait environ 779 000 en 2019 et le référentiel CoproFF, établi par l'Anah et le CEREMA en croisant le RNIC avec les fichiers fonciers et sans doute le plus fiable, en dénombrait près de 888 000 en 2023.

Ce sont donc plus de 300 000 copropriétés qui ne seraient pas immatriculées
et encore les données sur celles qui le sont restent souvent lacunaires voire erronées.

Or, tout laisse à penser que ce sont les plus petites et les moins bien gérées sur lesquelles nous avons le moins d'information.

Répartition des copropriétés selon leur taille

Source : commission d'enquête, à partir des données communiquées par l'Anah
à partir de la base Filocom (2019)

Les chiffres sur les copropriétés en difficulté ne permettent pas non plus d'avoir une photographie précise. La Banque des territoires a avancé l'évaluation de 215 000 copropriétés ayant un montant d'impayés d'au moins 20 % de leur budget annuel. En examinant le RNIC, la commission d'enquête a relevé qu'environ 90 000 copropriétés n'auraient pas approuvé leur compte depuis plus de deux ans et 23 000 depuis plus de cinq ans. Sur la base d'une étude fine de Filocom, l'Agence nationale de l'habitat, l'Anah, a estimé qu'environ 115 000 copropriétés seraient fragiles et que les copropriétés de moins de 12 logements représentaient les quatre cinquièmes des plus fragiles d'entre elles.

Par ailleurs, plus de 200 000 copropriétés immatriculées seraient sans syndic dont 20 % des copropriétés comprenant 50 à 200 lots.

Enfin, 35 % des copropriétés auraient un DPE de classe F ou G, et, en Île-de-France, la moitié des logements indignes seraient en copropriété selon l'Anah.

B. QUELLES SONT LES CAUSES DE LA FRAGILISATION ?

Une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient. Il n'y a pas d'explication unique en la matière mais plutôt un faisceau de facteurs.

Il y a tout d'abord un phénomène de vieillissement des immeubles qui se manifeste aussi bien dans les centres anciens et sur les grands ensembles d'après-guerre que dans des copropriétés construites sur la base d'avantages fiscaux pour l'investissement locatif dont les propriétaires sont éloignés et peu concernés.

Il y a ensuite les difficultés propres des copropriétaires. Contrairement à une idée répandue, le parc privé accueille deux tiers des ménages situés sous le seuil de pauvreté et la moitié d'entre eux sont propriétaires occupants. Plus d'un million de propriétaires modestes ou très modestes seraient copropriétaires. À ces difficultés structurelles s'ajoutent l'accroissement des charges liées aux prix de l'énergie et l'obligation de réaliser dans un délai rapproché d'importants travaux de rénovation énergétique. Peut également s'ajouter un vieillissement des copropriétaires eux-mêmes, disposant de moins de ressources et moins à même de s'investir dans la vie de leur immeuble.

Dès lors, le cycle vicieux de la dégradation de la copropriété peut rapidement s'enclencher (ci-dessus le schéma issu de la thèse d'Eva Simon, 2017). Les impayés, les conflits, le blocage des organes de gestion, l'augmentation des charges, l'absence de travaux d'entretien s'alimentent et s'amplifient. Cela entraîne la dégradation des locaux et la dévalorisation du bien, l'arrivée de copropriétaires plus pauvres mais aussi de marchands de sommeil amplifiant le blocage et la dégradation pour mieux prendre la main sur la copropriété. D'autres trafics peuvent s'y incruster.

À un stade avancé de dégradation, une copropriété peut être essentiellement composée de propriétaires bailleurs. Il y en avait plus de 70 % au démarrage des opérations de redressement à Clichy-sous-Bois, Grigny ou Mantes-la-Jolie.

En fait, ces copropriétés prises dans la spirale de la paupérisation qui deviennent un « parc social de fait » sont l'un des symptômes de la grave crise du logement et de l'hébergement, la dernière solution de ménages ne pouvant accéder au logement social ou un piège pour des accédants à la propriété.

C. LES LIMITES DES DISPOSITIFS DE PRÉVENTION ET DE REDRESSEMENT

Les élus locaux ne sont souvent que tardivement informés. Les outils disponibles ne sont pas toujours utilisés.

Les pouvoirs publics peinent à détecter,
à prévenir ou à contrer les phénomènes de dégradation.

Les copropriétés n'ont presque jamais recours au mandat ad hoc qui devrait formuler un diagnostic et des préconisations. Il n'y en a eu que 56 en 2022 sur tout le territoire. D'autres dispositifs préventifs comme le POPAC1(*) ont une durée et une portée trop limitées.

Les syndics peuvent parfois être partie prenante de la dégradation mais ils sont aussi souvent prisonniers du blocage, n'étant que les mandataires d'une assemblée générale devenue dysfonctionnelle et pas toujours en capacité d'enrayer les impayés. Il en est de même des administrateurs judiciaires pas toujours suffisamment préparés pour mener une véritable opération de redressement.

Les difficultés spécifiques à certaines copropriétés pointent les limites inhérentes à cette forme juridique qui peut entraîner des blocages car elle est peu adaptée aux grands ensembles comme aux plus petits.

Fondamentalement, la loi de 1965 est plus proche de l'organisation d'une propriété en indivision que par exemple des règles de fonctionnement d'une société par actions. Cela se manifeste par la protection du droit de propriété à travers des majorités spécifiques avec des cas où l'unanimité est requise - ce qui est complètement impossible au-delà d'un certain nombre de copropriétaires - ou à travers la faible délégation de pouvoirs de l'assemblée générale que ce soit au syndic ou au conseil syndical.

Il faut également prendre en compte le courtermisme de copropriétaires qui perçoivent l'immeuble comme immuable, alors qu'il est en réalité périssable, et veulent minimiser leurs charges ou leurs gains locatifs et n'intègrent pas la nécessité de faire des travaux pour préserver l'immeuble sur

le moyen et le long terme.

Mais il convient également d'élargir le champ et de prendre en compte les Associations syndicales libres. Sans être reconnues comme telles, ce sont pourtant des copropriétés horizontales de fait qui permettent l'organisation de lotissements mais aussi de grands ensembles. En Essonne, 50 % des ASL seraient considérées comme dégradées et le PUCA considère ces cas comme typiques de lotissements vieillissants et mal gérés qui se multiplient en France.

C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics ont mis en place une panoplie de plus en large d'outils d'intervention.

Les plus emblématiques d'entre eux sont, sur le volet juridique et depuis 2014, les opérations de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD) dont cinq sont d'intérêt national, les ORCOD-IN, et sur les plans financiers et du pilotage, le Plan initiative copropriétés (PIC - ci-dessus) lancé en 2018 et mobilisant les grands acteurs du logement (Anah, ANRU, Procivis, CDC Habitat, Action Logement, USH, EPF) et doté de 3 milliards d'euros pour traiter un nombre limité de grands ensembles particulièrement en souffrance.

Le retour des acteurs est très positif car il y a vraiment un avant et un après cette mobilisation. C'est palpable tant à Grigny qu'à Clichy-sous-Bois. Mais ces opérations sont extrêmement complexes et longues et durent au moins vingt ans.

En dehors de ces grands sites, la prise en charge des copropriétés en zone diffuse à travers la mosaïque des outils existants : VOC, POPAC, OPAH, PIG, ORI, ORT ou PDS est beaucoup plus problématique faute de moyens suffisants ou s'inscrivant dans des durées adaptées. Par ailleurs, les programmes Action Coeur de Ville ou Petites villes de demain ne ciblent pas systématiquement les copropriétés. Malgré les chiffrages encourageants qui ont été transmis à la commission d'enquête, les différents acteurs peinent à identifier vraiment un volet spécifique pour traiter la question. C'est un point que la commission a identifié dès le départ de ses travaux et qui s'est confirmé par la suite. Les petites copropriétés, quelle que soit la taille des communes, sont bien dans un angle mort des politiques publiques actuelles.

II. LES 25 RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

A. MIEUX REPÉRER, PRÉVENIR ET TRAITER LES DIFFICULTÉS

1 - Améliorer le renseignement du Registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC).

2 - Généraliser les « Maisons de l'habitat » portées par les intercommunalités intégrant la problématique des copropriétés en fédérant les professionnels du secteur et les associations et visant à simplifier les démarches. Développer les dispositifs « d'aller vers » et les équipes mobiles pour identifier et appuyer les petites copropriétés.

3 - Assurer la continuité et la cohérence entre les dispositifs de repérage et de prévention. Porter à 10 ans, au lieu de cinq ans, la durée des opérations programmées destinées à prévenir et redresser les copropriétés.

4 - Permettre le financement de la mission du mandataire ad hoc par des aides Anah sur demande des collectivités et rendre obligatoire l'exécution de ses recommandations.

5 - Associer le syndic d'intérêt collectif dès les programmes de prévention à la demande des collectivités et lui octroyer des aides à la gestion pour en couvrir les surcoûts.

6 - Renforcer la capacité d'action des administrateurs provisoires en accroissant leur nombre et en prévoyant une spécialisation des administrateurs judiciaires. Prévoir la passation d'un contrat avec la puissance publique et la collectivité afin de définir les objectifs et les coûts.

7 - Accélérer la lutte contre les marchands de sommeil par l'introduction de sanctions en cas de manquement à l'obligation de signalement incombant aux professionnels et par l'attribution de nouveaux pouvoirs d'enquête aux services municipaux.

8 - Compléter les moyens pour intervenir sur l'habitat dégradé diffus et les copropriétés de fait : création d'une ORU pavillonnaire, d'un PIG pavillonnaire et extension des possibilités de recours au droit de préemption.

B. PÉRENNISER ET AMÉLIORER LES POLITIQUES PUBLIQUES

9 - Préparer dès maintenant un nouveau PIC après 2028. Accroître les ressources financières des EPF, l'implication de l'ANRU et de l'Anah et tripler la capacité de préfinancement des aides de l'Anah et de Procivis. Impliquer de nouveaux acteurs que sont les ministères de la justice et de l'intérieur et la Banque de France.

10 - Créer un « PIC PC » dédié aux petites copropriétés.

11 - Élargir les pôles de pilotage et de coordination de la lutte contre l'habitat indigne au niveau national et départemental aux copropriétés dégradées pour créer un PNLHI CD et des PDLHI CD. Assurer la liaison avec les intercommunalités compétentes.

12 - Créer une banque de la rénovation et de la copropriété et confier à un parlementaire une mission de préfiguration.

13 - Élargir les aides de l'Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales, aux ASL et aux petites copropriétés en visant à ce que le reste à charge ne soit pas plus important et en élargissant le champ d'application de l'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' Petites copropriétés à tout le territoire et en portant la durée de l'expérimentation de 3 ans à 5 ans au minimum.

14 - Faciliter le recours aux Fonds de solidarité pour le logement (FSL) au profit des copropriétaires pauvres pour faire face aux charges.

C. PERMETTRE UN MEILLEUR FONCTIONNEMENT DES COPROPRIÉTÉS

15 - Renforcer les obligations d'information et de formation des nouveaux acquéreurs en copropriété, notamment en publiant l'arrêté prévu depuis 2014 par la loi ALUR afin de permettre l'information pleine et entière des acquéreurs d'un lot soumis au statut de la copropriété.

16 - Ajouter aux normes prudentielles du HCSF l'intégration des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux de la copropriété dans le calcul du taux d'effort des ménages souhaitant contracter un prêt auprès d'un établissement bancaire.

17 - Procéder à la codification du droit de la copropriété.

18 - Confier au ministère de la justice la rédaction d'un règlement de copropriété type.

19 - Faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété.

20 - Renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs :

- limiter le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges ;

- limiter le droit de recours contre les décisions d'assemblées générales des copropriétaires n'y assistant pas ;

- donner un « bonus » aux copropriétaires occupants sur les questions d'entretien et de vie quotidienne de la copropriété.

21 - Lutter contre les impayés de charges :

- généraliser la mensualisation des charges de copropriété ;

- faciliter le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d'apurement de la dette jusqu'à 10 ans.

22 - Mieux protéger les copropriétaires face aux situations d'impayés irrémédiables en :

- élargissant le « super-privilège » de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d'hypothèque légale ;

- confiant au ministère de la justice l'élaboration d'une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d'éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement.

23 - Faciliter la désignation de syndics professionnels pour éviter les copropriétés sans syndic en :

- abaissant le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d'un syndic,

- permettant de déroger au contrat type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de 20 lots.

24 - Poursuivre l'encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale (publication du décret sur les compétences des collaborateurs attendu depuis 2014), de formation continue ainsi qu'en dotant la profession d'un véritable organe disciplinaire (au minimum nomination de la commission de contrôle prévue par la loi).

25 - Renforcer l'inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l'ensemble des copropriétés :

- créer un conseil de résidents ;

- permettre à des locataires mandatés d'assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

I- MIEUX REPÉRER, MIEUX PRÉVENIR MIEUX TRAITER LES DIFFICULTÉS DES COPROPRIÉTÉS

1 - Acquérir une meilleure connaissance des copropriétés :

- Améliorer le renseignement du Registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) et y intégrer des informations essentielles du plan pluriannuel de travaux, et imposer la transmission du plan pluriannuel de travaux aux banques lors d'une demande de prêt, afin que les charges de copropriété, notamment en cas de travaux, puissent être intégrées dans un projet de financement immobilier ;

- Achever le déploiement de la plateforme Histologe de lutte contre l'habitat indigne et garantir le suivi des signalements.

2 - Généraliser les « Maisons de l'habitat » portées par les intercommunalités intégrant la problématique des copropriétés en fédérant les professionnels du secteur et les associations spécialisées et visant à simplifier les démarches. Développer les dispositifs « d'aller vers » et les équipes mobiles pour identifier et appuyer les petites copropriétés. Réussir le déploiement d'une ADIL dans chaque département et garantir leur financement.

3 - Assurer la continuité et la cohérence entre les dispositifs de repérage et de prévention des difficultés des copropriétés en établissant un lien entre VOC, POPAC, RNIC et mandataire ad hoc qui sont initiés par les collectivités locales. Assurer ce lien avec les opérations programmées de l'habitat destinées au redressement des copropriétés. Porter à 10 ans, au lieu de cinq ans, la durée des opérations programmées destinées à prévenir et redresser les copropriétés pour adapter le temps des politiques publiques à la réalité de la vie des copropriétés.

4 - Permettre le financement de la mission du mandataire ad hoc par des aides Anah sur demande des collectivités dans le cadre d'un VOC, Popac ou OPAH et rendre obligatoire l'exécution de ses recommandations.

5 - Associer le syndic d'intérêt collectif dès les programmes de prévention à la demande des collectivités et lui octroyer des aides à la gestion pour en couvrir les surcoûts.

6 - Renforcer la capacité d'action des administrateurs provisoires en accroissant leur nombre et en prévoyant une spécialisation des administrateurs judiciaires. Simplifier des modalités de saisine du juge et pour toute intervention d'un administrateur judiciaire, prévoir la passation d'un contrat entre ce dernier, la puissance publique et la collectivité afin de définir ses objectifs et les coûts prévisionnels associés.

7 - Accélérer la lutte contre les marchands de sommeil par l'introduction de sanctions en cas de manquement à l'obligation de signalement incombant aux syndics et par l'attribution de nouveaux pouvoirs d'enquête aux services municipaux.

8 - Compléter les moyens pour intervenir sur l'habitat dégradé diffus et les copropriétés de fait : création d'une ORU pavillonnaire, d'un PIG pavillonnaire et extension des possibilités de recours au droit de préemption.

II- PÉRENNISER ET AMÉLIORER LES POLITIQUES PUBLIQUES POUR AIDER LES COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉ :

9 - Préparer dès maintenant un nouveau PIC après 2028 pour achever les opérations lancées et mener à bien celles qui le sont actuellement. Dans cette perspective :

- Accroître les ressources financières des EPF, l'implication de l'ANRU et de l'Anah et tripler la capacité de préfinancement des aides de l'Anah de Procivis.

- Impliquer de nouveaux acteurs que sont :

Ø les ministères de la Justice et de l'Intérieur pour assurer une réponse coordonnée des tribunaux et des forces de l'ordre afin de réussir le redressement des copropriétés dans de meilleurs délais et sans goulots d'étranglement liés au manque de magistrat ou sans rechutes liées aux trafics ou aux squats.

Ø la Banque de France pour assurer la coordination des mesures de surendettement avec les efforts de redressement des copropriétés.

10 - Créer un PIC PC dédié aux petites copropriétés permettant de mobiliser tous les acteurs concernés, de diffuser les bonnes pratiques, de fixer des objectifs, d'identifier des moyens budgétaires et de mesurer réellement l'impact de cette politique publique à destination des copropriétés dans le secteur diffus.

11 - Élargir les outils de pilotage et de coordination de la lutte contre l'habitat indigne au niveau national et départemental aux copropriétés dégradées pour créer un PLHI CD et des PDLHI CD. Assurer la liaison avec le pilotage opérationnel des intercommunalités compétentes.

12 - Créer une banque de la rénovation et de la copropriété et confier à un parlementaire une mission de préfiguration. Publier rapidement les décrets relatifs au nouveau prêt global et collectif pour les copropriétés.

13 - Élargir les aides de l'Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales, aux ASL et aux petites copropriétés en visant à ce que le reste à charge ne soit pas plus important et en élargissant le champ d'application de l'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' Petites copropriétés à tout le territoire et en portant la durée de l'expérimentation de 3 ans à 5 ans au minimum.

14 - Faciliter le recours aux Fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les départements et les métropoles au profit des copropriétaires pauvres pour faire face aux charges.

III- PERMETTRE UN MEILLEUR FONCTIONNEMENT DES COPROPRIÉTÉS

15 - Renforcer les obligations d'information et de formation des nouveaux acquéreurs en copropriété. Cela doit notamment se concrétiser par la publication de l'arrêté prévu depuis 2014 par la loi ALUR afin de permettre l'information pleine et entière des acquéreurs d'un lot soumis au statut de la copropriété ;

16 - Ajouter aux normes prudentielles du HCSF l'intégration des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux de la copropriété dans le calcul du taux d'effort des ménages souhaitant contracter un prêt auprès d'un établissement bancaire.

17 - Procéder à la codification du droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de regrouper, d'harmonisation et de moderniser l'ensemble des dispositions juridiques encadrant le fonctionnement des copropriétés relevant de la loi de 1965 comme celles de fait relevant d'autres dispositifs juridiques (ASL notamment).

18 - Confier au ministère de la Justice la rédaction d'un règlement de copropriété type ainsi que la création d'une plateforme digitale recensant les dernières dispositions législatives devant entraîner modification du règlement de la copropriété.

19 - Faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété, muni de pouvoirs exécutifs étendus.

20 - Renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs :

- Limiter le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges ;

- Limiter le droit de recours contre les décisions d'assemblées générales des copropriétaires n'y assistant pas ;

- Donner un « bonus » aux copropriétaires occupants en confiant au ministère de la Justice une réflexion autour de l'octroi d'un « bonus copropriétaires résidents » aux copropriétaires occupants lors des votes en assemblée générale ayant trait à certaines questions d'entretien et de vie quotidienne de la copropriété.

21 - Lutter contre les impayés de charges : généraliser la mensualisation des charges de copropriété, permettant une gestion simplifiée du budget des ménages. Faciliter le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d'apurement de la dette jusqu'à 10 ans.

22 - Mieux protéger les copropriétaires face aux situations d'impayés irrémédiables, notamment :

- en élargissant le « super-privilège » de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d'hypothèque légale ;

- en confiant au ministère de la Justice l'élaboration d'une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d'éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement.

23 - Faciliter la désignation de syndics professionnels pour éviter les copropriétés sans syndic :

- Abaisser le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d'un syndic ;

- Permettre de déroger au contrat type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de 20 lots.

24 - Poursuivre l'encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale (publication du décret sur les compétences des collaborateurs attendu depuis 2014), de formation continue ainsi qu'en dotant la profession d'un véritable organe disciplinaire (au minimum nomination de la commission de contrôle prévue par la loi).

25 - Renforcer l'inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l'ensemble des copropriétés :

- de créer un conseil de résidents se réunissant en amont et/ou en aval des assemblées générales, ou lorsque les résidents en ressentent la nécessité ;

- de permettre à des locataires mandatés d'assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.

AVANT-PROPOS

La commission d'enquête a été créée à l'initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste - Kanaky (CRCE-K), en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat. Il en a formulé la demande lors de la Conférence des présidents du 24 janvier 2024. Ses membres ont été nommés le 1er février et elle a tenu sa réunion constitutive le 14 février.

Elle a depuis tenu une quinzaine de journées d'auditions plénières, entendant une cinquantaine de responsables représentant l'ensemble des acteurs du secteur, dont deux ministres. Ces auditions ont été complétées par quatre séries d'auditions de la rapporteure ouvertes aux membres de la commission et qui ont permis d'entendre une trentaine de personnalités qualifiées supplémentaires.

Deux déplacements ont été organisés, le premier dans le Pas-de-Calais, à Béthune et à Auchel, le second en Seine-et-Marne, à Torcy, puis dans l'Essonne, à Épinay-sous-Sénart et à Grigny, afin de rencontrer des élus locaux, des acteurs de terrain et des copropriétaires confrontés aux difficultés de la gestion de leur immeuble. Au total, plus d'une centaine de personnes ont été entendues.

La commission d'enquête a également sollicité une étude de législation comparée pour actualiser et compléter celle qui avait été réalisée il y a dix ans en préparation de la loi ALUR afin de s'inspirer des meilleures pratiques étrangères.

Elle a en outre obtenu la communication intégrale du Registre national d'immatriculation des copropriétés, le RNIC, auprès de l'Anah pour avoir la vision la plus complète possible du sujet et mesurer la pertinence de l'outil.

Elle a en revanche limité ses investigations à la France métropolitaine, la situation de l'habitat outre-mer et notamment de l'habitat indigne étant très différente.

C'est donc un travail approfondi qui a été réalisé, montrant toute l'importance de la question de la paupérisation des copropriétés.

Lancée parallèlement au dépôt par le gouvernement et à l'examen au parlement du projet de loi sur l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, la commission a permis de prolonger un travail parlementaire réalisé dans des délais trop courts et sur des mesures essentiellement destinées aux grands ensembles des banlieues des métropoles et non aux petites copropriétés des villes moyennes qui maillent notre territoire. D'ailleurs, de nombreux acteurs ont apporté des contributions et des propositions complémentaires qu'ils n'avaient pas pu formuler lors de l'examen de la loi.

Mais au-delà de l'actualité immédiate, cette commission d'enquête incarne la volonté du Sénat d'inscrire ses missions de contrôle dans le temps long de l'action publique, environ 60 ans après l'adoption de la loi de 1965, 10 ans après la loi ALUR, 12 ans après le rapport Braye et 6 ans après le lancement du PIC, soit à mi-parcours. En 60 ans, on serait passé de 2 % de résidences principales en copropriété à 29 %2(*) en faisant un véritable fait de société et progressivement un objet de politique publique.

D'impensée, elle est devenue l'un des lieux de précipitation, pour employer une image chimique, des crises du logement, mais aussi sociale et migratoire. La copropriété est l'un des maillons du parcours résidentiel pour les locataires comme pour les propriétaires. Mais elle peut rapidement devenir au regard du coût du logement, en raison des difficultés d'accès à un parc social insuffisamment développé ou tout simplement inaccessible pour une population sans droit ni titre, un parc social de fait, un sous-marché de l'habitat, voire une zone de relégation et de concentration des difficultés où se développera l'habitat indigne et proliféreront les marchands de sommeil. De havre, la copropriété peut aussi constituer un piège pour des « naufragés de l'accession » finalement trop pauvres pour faire face aux charges, aux travaux et au statut de propriétaire auxquels ils aspiraient.

Ce travail permettra aussi de prendre conscience que l'aide à apporter aux copropriétés en fragilisation doit sortir d'une logique de stock et de plan à durée déterminée pour entrer dans une logique de flux nécessitant une véritable politique publique dans la durée, mais aussi une politique globale impliquant le véritable développement d'une offre de logements abordables, condition sine qua non d'une vraie réduction des mécanismes de paupérisation dans le logement.

Les copropriétés méritent de devenir le véritable objet de politiques du logement pour elles-mêmes, dans leur dimension collective, et non comme la résultante d'une prise en charge de l'habitat ou d'un logement individualisé à rénover.

Les copropriétés le méritent, enfin, car elles sont un sujet politique. Elles posent la question de la gestion démocratique de ce qui est commun dans une société toujours plus individualiste où l'action collective est confrontée à une crise d'engagement et d'efficacité.

LA PAUPÉRISATION DES COPROPRIÉTÉS,
MIEUX LA CONNAÎTRE POUR MIEUX LA COMBATTRE

I. LA PAUPÉRISATION DES COPROPRIÉTÉS, UN PHÉNOMÈNE DONT ON COMMENCE À PRENDRE LA MESURE

A. LES COPROPRIÉTÉS FRAGILISÉES, UNE IDENTIFICATION INSUFFISANTE

1. Des données statistiques incomplètes et peu accessibles

Si les données disponibles sont nombreuses en matière de copropriété, elles ne sont généralement pas exhaustives et manquent parfois de fiabilité ou sont difficiles à rapprocher les unes des autres. Malgré les efforts réels réalisés depuis quelques années par l'ensemble des acteurs, l'incertitude statistique soulignée en 2012 par le rapport Braye3(*) demeure en large partie d'actualité.

Par ailleurs, la mesure des copropriétés en difficulté, fragiles ou paupérisées dépend du périmètre retenu, c'est-à-dire de l'étendue des difficultés rencontrées.

a) Le parc des copropriétés reste largement méconnu

L'Agence nationale de l'habitat (Anah) utilise principalement deux bases pour suivre le parc de copropriétés.

La base de données Filocom est issue des données de la taxe d'habitation. Elle est utilisée pour présenter des chiffres clés sur les logements et les ménages en copropriété à des échelles communales.

Sur les 778 790 copropriétés identifiées par cette base regroupant 10 198 238 logements en France métropolitaine, 60 % du parc de logements en copropriété est localisé dans trois régions : l'Île-de-France (29,6 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (14,8 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (15,2 %).

26,4 % des logements sont situés dans des copropriétés construites avant 1949, et près de 28 % dans des copropriétés construites entre 1949 et 1974, ce qui signifie que la majorité d'entre eux ont été conçus avant les premières réglementations thermiques4(*).

Enfin, les petites copropriétés sont les plus nombreuses, mais elles ne regroupent qu'une minorité de logements en copropriété. À l'inverse, les copropriétés de plus de 100 logements, peu nombreuses, regroupent plus de 20 % des logements.

Répartition des copropriétés selon leur taille

Source : commission d'enquête, à partir des données communiquées par l'Anah
à partir de la base Filocom (2019)

Lecture : 70,5 % des copropriétés sont de petite taille, mais elles ne regroupent que 19,5 % des logements en copropriété.

b) Le registre national d'immatriculation des copropriétés, pensé comme le pivot de la collecte des données, mais encore insuffisant

Le registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) à destination partielle ou totale d'habitation est régi par les articles L. 711-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, issus de la loi ALUR de 20145(*). Il a pour objet de faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur l'état des copropriétés et de donner les éléments nécessaires pour la mise en oeuvre des actions destinées à prévenir la survenance des dysfonctionnements. La commission d'enquête a eu la possibilité de le consulter dans son intégralité.

Le renseignement du registre est en principe obligatoire pour les syndicats de copropriétaires6(*). Toutefois, les associations syndicales libres (ASL) et les associations foncières urbaines libres (AFUL), ainsi que celles qui ne comportent que des lots à usage commercial, de bureau ou de stationnement, ne sont pas soumises à cette obligation.

Les données du RNIC relèvent de plusieurs catégories :

identification et organisation de la copropriété : nom, adresse, date de création du syndicat, nature des lots, nom du syndic éventuel ;

existence de procédures spéciales : désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un administrateur provisoire7(*), existence d'un arrêté d'insalubrité et de sécurité ;

données relatives à la gestion et aux comptes du syndicat, issues notamment du budget prévisionnel, des comptes du syndicat et de leurs annexes ;

données relatives au bâti issues, le cas échéant, du carnet d'entretien et du diagnostic technique.

Le registre est accessible à trois types d'utilisateurs.

En premier lieu, le grand public a accès à un sous-ensemble de données par le portail des données publiques8(*), qui couvre l'ensemble du territoire, mais ne comprend pas les données financières et comptables.

Les acteurs de la copropriété (syndics, administrateurs, notaires) peuvent déclarer les données relatives à une copropriété lors de son immatriculation et de ses mises à jour annuelles. Les notaires peuvent consulter les données relatives à chacune des copropriétés du territoire en les appelant par leur numéro d'immatriculation, afin notamment de vérifier leur immatriculation dans le cadre de la mutation d'un bien en copropriété. Les syndics, pour leur part, accèdent aux données des copropriétés dont ils sont les représentants légaux et qui sont rattachées à leur compte sur le registre.

Enfin, les acteurs institutionnels et les collectivités peuvent consulter et télécharger les informations relatives aux copropriétés de leur territoire par le biais d'un accès sécurisé. Un outil de cartographie est mis à leur disposition pour visualiser ces copropriétés selon certains critères.

Le RNIC a permis de mettre à la disposition des acteurs nationaux, tels que l'Anah, une connaissance qui n'était jusque-là accessible que par des enquêtes de terrain et disséminée parmi les acteurs locaux. Des analyses peuvent être conduites au niveau national sans dépendre des remontées d'information, nécessairement inégales, de la part des collectivités locales9(*).

Le RNIC présente toutefois de fortes limites dues à son manque d'exhaustivité et de qualité des données, mais aussi en raison de sa vocation même.

Sur le dernier point, l'Anah indique que le RNIC n'a pas vocation à intégrer des informations sur le peuplement ou sur la situation économique des occupants : il ne pourra donc, à lui seul, permettre d'identifier toutes les copropriétés paupérisées.

S'agissant de l'exhaustivité des données, près de 578 000 copropriétés sont immatriculées, alors que le nombre total des copropriétés est estimé à plus de 778 790 (fichier FILOCOM, 2019) ou 887 855 (référentiel des copropriétés CoproFF, 2023). Un quart à un tiers des copropriétés n'y sont donc pas référencées.

En outre, la qualité des données ne peut être garantie en raison de leur caractère déclaratif, tout particulièrement dans le cas de petites copropriétés, éventuellement gérées par des syndics bénévoles, qui ne disposent pas toujours de la capacité à rassembler toutes les informations nécessaires.

L'Anah indique qu'elle réalise un travail de contrôle qualité sur les données financières renseignées dans le RNIC, dans le cadre de l'observatoire des copropriétés mis en place par l'Agence afin de suivre les évolutions sur les impayés, mais ce contrôle demeure ponctuel. Elle prévoit de le renforcer par des comparaisons de données dans le cadre du référentiel CoproFF10(*).

Le retour d'information des collectivités permet également de corriger certaines données relatives aux données techniques, financières ou de gestion des copropriétés, ainsi qu'à l'existence des procédures administratives et judiciaires.

Pour l'avenir, l'exhaustivité du remplissage devrait être améliorée par le conditionnement des subventions à l'inscription sur le registre.

c) La tentative d'une agrégation, le référentiel national CoproFF

Un référentiel national des copropriétés (CoproFF) a été mis en place en 2023 afin de permettre un suivi précis de l'immatriculation des copropriétés et de la qualité des données.

Ce référentiel résulte d'un appariement, réalisé par l'Anah et le CEREMA, entre le RNIC dont l'Anah est gestionnaire, les fichiers fonciers et d'autres bases relatives au logement, comme les valeurs foncières et les données relatives à la vacance des locaux. Les données sont géolocalisées afin de permettre de réaliser une agrégation à toute échelle sur le territoire.

Selon les éléments apportés par l'Anah à la commission d'enquête, le CoproFF recense 887 855 copropriétés dont 527 624 sont immatriculées, soit un taux d'immatriculation d'environ 60 %. 35 % de ces copropriétés ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) logement de classe F ou G, parmi celles pour lesquelles un tel DPE a été recensé depuis juillet 2021.

Un quart des logements se trouvent dans une copropriété de moins de 20 logements, alors que près de la moitié des logements se trouvent dans des copropriétés de plus de 50 logements.

Le fichier CoproFF comme la base Filocom identifient un taux relativement important de logements vacants dans les immeubles en copropriétés (environ 10 %).

Les indicateurs statistiques doivent être compris pour ce qu'ils sont : ils « indiquent » ce qui ressort des chiffres et doivent être complétés par une connaissance directe du tissu urbain et social. Il ressort des témoignages des acteurs de terrain que des copropriétés connaissant de vrais dysfonctionnements leur échappent, ou à l'inverse que l'application stricte des indicateurs conduirait à considérer comme fragiles des copropriétés qui n'ont connu qu'un retard de paiement passager.

d) Le nombre des copropriétés paupérisées dépend du degré des difficultés rencontrées

On peut distinguer les copropriétés en difficulté, pour lesquelles une action de veille ou de redressement est engagée, des copropriétés fragiles pour lesquelles les difficultés réelles n'apparaissent pas, ou pas encore.

Le nombre de copropriétés en difficulté (suivies dans le cadre des dispositifs de redressement, de prévention et de veille de l'Anah) serait de l'ordre de 10 00011(*).

Selon la typologie des copropriétés inscrites dans le Plan initiative copropriétés (PIC), le nombre de copropriétés en difficulté au sens strict est de l'ordre de 2 200, dont 1 458 en redressement et 776 en prévention, pour un total de l'ordre de 110 000 logements. Ces nombres ne prennent en compte que les copropriétés pour lesquelles la collectivité a décidé d'engager un des dispositifs opérationnels proposés par l'Anah et ne mesurent donc qu'une partie des copropriétés connaissant des difficultés importantes.

Les copropriétés en difficulté

(en nombre de copropriétés)

Source : commission d'enquête, à partir des données de la Banque des territoires

En supplément, 4 000 à 5 000 copropriétés connaissant leurs premières difficultés sont incluses dans les dispositifs de veille et observation des copropriétés (VOC) et plus de 2 500 copropriétés dans des programmes opérationnels de prévention et d'accompagnement des copropriétés (POPAC). Là encore, il s'agit de copropriétés identifiées par les pouvoirs publics et pour lesquelles une action a été engagée.

La mission exploratoire de la Banque des territoires estime pour sa part à 80 000 le nombre des copropriétés dont le niveau des impayés est supérieur aux seuils d'alerte visés dans la loi de 196512(*), chiffre auquel elle ajoute 200 000 à 300 000 petites copropriétés non recensées dans le registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) et dont une majorité peuvent, selon elle être considérées comme fragiles ou en difficulté. La Banque des territoires note également que le montant des impayés dépasse le seuil de 20 % du budget annuel pour 215 000 copropriétés environ, en se limitant à celles recensées dans le RNIC.

L'Agence nationale de l'habitat (Anah), sur la base des données Filocom 2017, constate que le nombre de copropriétés particulièrement fragiles est de 114 253 copropriétés pour 1 483 433 logements, soit 19,3 % du parc étudié13(*). Le niveau de fragilité des copropriétés est estimé à partir d'un faisceau d'indicateurs relatifs aux caractéristiques des logements et des ménages les occupant. Chaque copropriété reçoit une notation de A à D, la catégorie D regroupant les copropriétés au plus fort risque potentiel de fragilité.

Il apparaît que, selon cette mesure, les copropriétés fragiles sont réparties sur l'ensemble du territoire, mais avec une concentration particulière dans la région d'Île-de-France (notamment les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise) et dans l'arc méditerranéen (tout particulièrement dans l'agglomération de Marseille).

e) Au-delà de la situation des syndicats de copropriété, un phénomène de paupérisation affecte les propriétaires occupants eux-mêmes

Si la composition sociodémographique du parc de copropriétés n'est pas connue avec précision, des indicateurs permettent d'appréhender la paupérisation qui affecte ce parc. Ainsi, contrairement à une idée répandue, les deux tiers des ménages situés sous le seuil de pauvreté sont logés dans le parc privé et près de la moitié d'entre eux sont des propriétaires occupants (1,3 million de propriétaires occupants, contre 1,7 million de locataires)14(*).

Un tiers des propriétaires occupants, soit 5,5 millions, sont considérés comme modestes (revenu médian inférieur au revenu médian national, soit 13 % de l'ensemble des ménages propriétaires occupants) ou très modestes (revenu médian plus faible que celui des ménages du parc social, soit 20 % de l'ensemble des ménages propriétaires occupants). Plus d'un million de ces propriétaires occupants modestes ou très modestes sont des copropriétaires.

Enfin, 260 000 propriétaires occupants sont en situation du suroccupation, soit 1,5 % du total des propriétaires occupants, avec une proportion nettement supérieure dans des départements particulièrement marqués par les phénomènes de copropriétés fragiles : 2,04 % dans les Bouches-du-Rhône, 3,22 % dans les Alpes-Maritimes, et des taux de 3 % à 9 % dans les départements de la petite couronne parisienne et du Val-d'Oise15(*).

f) Le cas des copropriétés inorganisées

Enfin, sans qu'elles soient toujours paupérisées ou en difficulté, l'inorganisation du syndicat est un indice supplémentaire à prendre en compte et permet, en plus du nombre des copropriétés non immatriculées, de comprendre la difficulté du sujet.

Ce point a été particulièrement soulevé par le Pr Hugues Périnet-Marquet lors de son audition : « Les statistiques de l'Anah mentionnent un élément surprenant, à savoir que 213 000 copropriétés, sur un total de 577 000, sont dépourvues de syndic. Et, parmi les 57 000 copropriétés comprenant de 50 à 200 lots, 12 000 copropriétés ne disposent pas d'un syndic. » et d'observer avec raison « Si l'on entend faire reposer la politique d'éradication des copropriétés en difficulté sur les syndics, encore faut-il s'assurer qu'ils soient présents partout. »16(*)

2. Des indicateurs insuffisants et imparfaits
a) L'indicateur d'impayés, le plus facile à mesurer, mais au prix d'un ciblage approximatif

L'article 29-1 A de la loi de 196517(*) détermine un indicateur d'impayés qui est aussi, en principe, une obligation d'action.

Introduit en 200918(*), ce critère prévoit que le syndic doit informer le conseil syndical et demander au juge la désignation d'un mandataire ad hoc lorsqu'il constate, à la clôture des comptes, que les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles. Le critère a été renforcé en 201419(*) par l'abaissement du seuil à 15 % pour les copropriétés de plus de deux cents lots. Le juge peut également être saisi, sous les mêmes conditions, par les copropriétaires ou par les autorités locales.

En pratique, cet indicateur a fait l'objet de nombreuses critiques devant la commission d'enquête. Elles sont de deux ordres.

En premier lieu, les seuils d'impayés peuvent être atteints par l'effet de retards de paiement ponctuels constatés à la date d'arrêté des comptes (succession non réglée, appels de fonds travaux récents...), sans constituer de véritables signes de fragilité. Ils ne caractérisent pas suffisamment la dynamique - positive ou négative - des comptes de la copropriété.

À l'inverse, les comptes d'une copropriété peuvent présenter un niveau faible ou nul d'impayés pour des raisons liées non pas à sa bonne santé, mais à son organisation, telles que l'absence d'équipements communs et de dépenses collectives, ou tout simplement parce qu'aucune assemblée générale n'a été réunie pour approuver les comptes. L'un de ces points est traité par la récente loi « Habitat dégradé » du 9 avril 2024, qui a introduit un cas de désignation du mandataire ad hoc fondé sur l'inactivité de l'assemblée générale, indépendamment de l'atteinte du seuil d'impayés20(*). Dans le RNIC, la date de dernière assemblée générale approuvant les comptes date de plus de deux ans pour 90 000 copropriétés, et de plus de cinq ans pour 23 000 copropriétés21(*).

b) Les dispositifs complémentaires : Orthi, Histologe

Certains outils aident à repérer les copropriétés en voie de fragilisation à travers la détection de l'habitat indigne.

La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite loi ENL, avait prévu la mise en place d'observatoires des logements indignes et des locaux impropres à l'habitation22(*) dans le cadre des plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).

Afin de fournir à ces observatoires les données nécessaires, le système ORTHI (outil de repérage et de traitement de l'habitat indigne) a été mis en place à partir de 201123(*) afin de regrouper des renseignements précis sur les logements concernés, mais aussi sur les actions entreprises en matière de repérage et de traitement. L'accès aux données est accordé aux services de l'État, ainsi qu'aux collectivités territoriales et aux autres administrations en charge des PDALHPD.

Alors que la base ORTHI est destinée aux acteurs publics, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) propose désormais un outil destiné au grand public : Histologe. C'est un service public qui permet de faciliter le signalement, l'évaluation et le suivi des situations de mal-logement afin d'accélérer leur prise en charge et leur résolution24(*).

Les signalements des particuliers sont traités par le pôle départemental de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI), qui réunit plusieurs administrations présentes dans le département25(*). La plateforme est déployée à date dans 69 départements et a reçu 35 852 signalements, dont 9 917 (27,7 %) dans les deux départements des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône. Les désordres les plus souvent signalés sont, pour les bâtiments, la mauvaise isolation des murs, les infiltrations d'eau et l'absence de portes ou de fenêtres ; pour les logements, l'humidité et les traces de moisissure, la difficulté de chauffer et le manque d'étanchéité des fenêtres26(*).

Dans son rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre a formulé de fortes réserves. Outre son déploiement inégal, elle relevait que moins de 10 % des signalements étaient suivis de travaux de mise en conformité faute d'arrêtés préfectoraux ou municipaux par manque de volonté ou de moyens. Dans le Finistère, l'ADIL aurait ainsi demandé la fermeture de la plateforme Histologe compte tenu de l'absence de coordination territoriale pour traiter les signalements.

La portée de la plateforme Histologe, pour l'identification des copropriétés en voie de fragilisation, est certainement limitée par son retard de déploiement dans certains territoires fortement concernés par cet enjeu : en Île-de-France, seuls les départements des Yvelines et de la Seine-Saint-Denis sont couverts. Il paraît donc nécessaire d'achever son déploiement et de conforter ses moyens.

Proposition : Achever le déploiement de la plateforme Histologe dans l'ensemble du territoire, tout particulièrement dans les départements les plus concernés par les enjeux de l'habitat indigne et des copropriétés paupérisées et garantir le suivi des signalements.

Par ailleurs, pour mémoire, un numéro national « info logement indigne », le 0806 706 806, existe depuis 2019. Il a été créé à la suite de l'effondrement de plusieurs immeubles à Marseille afin de permettre à un locataire, un propriétaire ou toute personne ayant connaissance d'une situation relevant de l'indignité d'être mis en relation avec un conseiller de l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL).

c) La nécessité de définir des indicateurs plus fins

Des indicateurs différents pourraient être mis en place.

M. Gilles Frémont, président de l'association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANCG), a suggéré devant la commission d'enquête de définir un indicateur moins « simpliste » que celui des impayés, fondé sur des ratios relatifs à la trésorerie, aux dettes, aux créances, à l'épargne, permettant de réaliser une analyse dynamique des comptes présentés.

La Banque des territoires a constaté que le montant des impayés dépasse le seuil de 20 % du budget annuel pour 215 000 copropriétés environ, en se limitant à celles recensées dans le RNIC. M. Kosta Katrinidis, directeur des prêts à la Banque des territoires et responsable de la mission exploratoire précitée, a toutefois relativisé la portée de cet indicateur, qui comme celui de la loi de 1965 peut être trompeur s'il est mesuré juste après un appel de charges. Il a suggéré de croiser le montant des impayés avec le contexte immobilier de la copropriété et le profil socio-économique des habitants.

La construction d'un indicateur est une tâche complexe : les caractéristiques socio-économiques des résidents ou des propriétaires, l'état du bâti même ne sont pas suffisants par eux-mêmes pour identifier une copropriété en dysfonctionnement. Certains acteurs locaux soulignent qu'ils identifient une copropriété en voie de fragilisation lorsque les ventes se multiplient, à des prix de plus en plus bas27(*). Un taux élevé de propriétaires bailleurs peut être un signe de désengagement dans la vie de la copropriété, mais il ne s'agit, au mieux, que d'un signal faible.

À titre d'exemple, l'Agence nationale de l'habitat a mis en place depuis 2012, avec la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), un indice de vulnérabilité du parc de copropriété.

Sur la base de cet indicateur, un outil de pré-repérage est ainsi mis à disposition des collectivités à l'échelle de la commune. Il semble diversement utilisé selon les territoires : certains agents locaux considèrent qu'il est insuffisamment précis en termes de localisation géographique, en raison de l'application des règles de protection des données personnelles, mais d'autres le considèrent comme utile pour identifier de petites copropriétés peu connues des pouvoirs publics28(*).

Comme l'ont montré les réponses de l'Anah aux questions de la rapporteure, l'Agence est consciente des limites posées par l'application des règles de secrétisation à ces données : près d'un EPCI sur deux et presque neuf communes sur dix voient leurs données secrétisées, ce qui réduit la possibilité de leur utilisation opérationnelle.

Plusieurs améliorations seraient envisageables.

Le RNIC pourrait être étendu à un plus grand nombre d'informations sur les copropriétés, avec le risque toutefois d'un effet retour : une complexité trop grande risquerait de décourager les petites copropriétés ou les syndics bénévoles.

L'Anah suggère aussi d'harmoniser et d'améliorer les pratiques de mises à jour des classements cadastraux, qui constituent des informations clés dans la production des indicateurs Filocom, et de déployer l'identifiant bâtiment et de l'identifiant d'immatriculation dans toutes les bases pertinentes afin de faciliter leur appariement.

Elle a surtout engagé l'élaboration d'un nouvel indicateur basé sur les données du fichier CoproFF. Il devrait être disponible au deuxième semestre 2024 et sera actualisé chaque année.

Toutefois, malgré le développement des bases de données nationales, le rôle des acteurs locaux demeure essentiel. En complément aux données et indicateurs mis à disposition par l'État, les observatoires locaux mobilisent des critères spécifiques au fonctionnement des copropriétés : taux de présence aux assemblées générales, présence d'un conseil syndical, impayés29(*)...

d) La difficulté particulière de la détection des petites copropriétés fragiles

La notion de « petite copropriété » est définie de manière variable.

Selon les sources statistiques, sont qualifiées ainsi celles qui comportent moins de dix lots, parfois moins de vingt lots pour l'obtention de MaPrimeRénov' à des conditions dérogatoires30(*), tandis que les dispositions de la loi de 1965 spécifiques aux petites copropriétés s'appliquent à celles qui comportent au plus cinq lots à usage de logement, de bureau ou de commerce, ou lorsque le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros. La mission de la Banque des territoires sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté a retenu un seuil de 16 lots, correspondant à 43 % des copropriétés et 13 % des logements.

L'identification des petites copropriétés fragiles représente une difficulté particulière.

D'une manière générale, les petites copropriétés ne marquent pas le paysage et l'imaginaire urbains comme les grands ensembles situés à la périphérie des villes, qu'ils dominent parfois sur les hauteurs. Or ces petites copropriétés contribuent à la dégradation progressive et la perte de vitalité de nombreux quartiers de villes moyennes et des certains centres bourgs.

Elles occupent des immeubles plus petits, disséminés à travers la ville et leur situation intérieure n'est pas toujours visible depuis l'extérieur. La commission d'enquête a pu constater, en visite à Épinay-sous-Sénart, que rien ne permet, parfois, de distinguer un immeuble occupé par une copropriété identifiée comme fragile et les immeubles environnants, tous issus d'une même opération, mais dont certains sont restés gérés par des bailleurs sociaux tandis que d'autres étaient transformés en copropriétés privées.

Plus difficiles à repérer pour les acteurs de terrain, les petites copropriétés passent aussi plus facilement à travers les mailles des filtres statistiques. Un bon nombre d'entre elles ne sont pas immatriculées au RNIC : une raison souvent invoquée est qu'elles sont souvent dépourvues de syndics, l'obligation d'inscription au RNIC étant peu connue des copropriétaires eux-mêmes. Le conditionnement des aides à l'immatriculation ne pourra avoir un effet positif sur l'exhaustivité du registre que sur le moyen ou long terme.

Or les processus de dégradation se développent souvent plus rapidement pour de petites copropriétés que pour des copropriétés de grande taille dans lesquelles une part d'impayés peut être amortie plus longtemps. Dans un petit immeuble, la défaillance d'un petit nombre de propriétaires peut mettre très rapidement en difficulté les comptes de l'ensemble de l'immeuble. En outre, elles sont souvent situées dans des immeubles anciens et donc encore plus concernées par des enjeux pressants de rénovation.

3. L'alerte, une responsabilité diluée et souvent non assumée
a) La loi prévoit la mise en oeuvre de procédures d'alerte mettant en jeu plusieurs acteurs différents

Comme il a déjà été précisé, lorsque, à la clôture des comptes, les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles, ou 15 % dans une copropriété de plus de 200 lots, ou bien en l'absence de vote de l'assemblée générale sur l'approbation des comptes depuis au moins deux ans, le syndic doit demander au juge la désignation d'un mandataire ad hoc31(*). La même demande peut être faite par d'autres personnes intéressées (copropriétaires représentant ensemble 15 % au moins des voix du syndicat, créanciers, préfet, maire...).

Ce mandataire analyse la situation financière de la copropriété et l'état de l'immeuble, puis formule des préconisations pour rétablir l'équilibre et, le cas échéant, assurer la sécurité de l'immeuble. Ces préconisations doivent être soumises à l'assemblée générale des copropriétaires, mais ne constituent pas une obligation d'action. L'administrateur ad hoc ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen contraignant, par exemple pour exiger la communication des pièces comptables par le syndic.

Mais l'étude d'impact du projet de loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement soulignait le faible recours voire le non-recours au dispositif de mandataire ad hoc : en 2022, les tribunaux judiciaires n'ont été saisis que de 56 demandes de désignation d'un mandataire ad hoc, pour 947 demandes de désignation d'un administrateur provisoire. Cela représente moins de 5,6 % des saisines annuelles totales aux fins de désignation d'un mandataire ou administrateur lorsque la copropriété est en difficulté depuis 2017. À titre d'exemple, à Marseille, il n'y a pas eu de demandes de mandat ad hoc depuis 2019, seulement trois demandes en 2017 et deux en 2018.

b) Au-delà de cette procédure, l'identification et le traitement des situations de copropriétés paupérisées doivent reposer sur un écosystème d'acteurs, chacun dans le cadre de ses fonctions

Si la copropriété est affaire de relations entre personnes privées, en lien avec le syndic, dans lesquelles la puissance publique n'a pas à s'immiscer en fonctionnement normal, les conséquences potentiellement lourdes des difficultés d'une copropriété peuvent rendre nécessaire une prise de conscience et parfois une action déterminée d'acteurs publics locaux et nationaux.

Au nom de l'État, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) dispose d'une expertise en suivi statistique partagée avec les acteurs locaux. Elle apporte également, en lien avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) dans certains quartiers (quartiers prioritaires de la politique de la ville, quartiers anciens dégradés), des aides et des moyens d'action de grande ampleur qui seront examinés plus loin.

L'Association nationale pour l'information sur le logement (ANIL), créée en 1975, avec son réseau déployé sur 87 départements (Adil), joue également un rôle incontournable, dont le savoir-faire a été souligné lors des auditions de la commission d'enquête. Ces associations ont rendu près de 40 000 consultations sur l'information et l'accompagnement des copropriétés (hors travaux) en 2023, sujet qu'elles peuvent enrichir par leur connaissance de l'ensemble des enjeux relatif au logement.

Les ADIL renseignent les copropriétaires et les conseils syndicaux sur l'application du règlement de copropriété ou le décryptage des annexes comptables. Leurs responsables ont souligné à la commission d'enquête le niveau d'information insuffisant de nombreux nouveaux copropriétaires sur les règles de fonctionnement des assemblées générales et la gestion des parties communes. Ces consultations leur permettent d'identifier des situations de fragilité potentielle des copropriétés.

Elles sont également mobilisées dans le cadre d'opération de traitement de copropriétés en voie de fragilité : programmes opérationnels de prévention et d'accompagnement (POPAC), opérations programmées pour l'amélioration de l'habitat (OPAH). Enfin, elles gèrent le numéro national « info logement indigne ».

Au niveau local, le chef d'orchestre de la détection et de l'action demeure, comme pour beaucoup de politiques publiques, le maire appuyé sur ses services techniques. Ce point est revenu à de multiples reprises au cours des auditions de la commission d'enquête, qui a pu également le constater lors de ses déplacements. C'est bien vers eux que se tournent naturellement les copropriétaires lorsqu'ils constatent les premiers dysfonctionnements dans leur immeuble et ne savent vers qui se tourner. Les services techniques peuvent ainsi repérer des copropriétés dans lesquelles le syndic est absent ou n'agit pas, dans lesquelles les assemblées générales ne se tiennent pas ou qui sont dépourvues de conseil syndical.

Les services techniques réalisent des diagnostics et gèrent des dispositifs de veille et d'observation (VOC), qui peuvent être le préalable à une intervention plus importante dans la vie des copropriétés.

Tous ces niveaux d'alerte permettent d'identifier les cas dans lesquels les acteurs mêmes de la copropriété ne parviennent plus à remplir correctement leur rôle.

L'ensemble de ces acteurs publics gagneraient à être mieux coordonnés. Une piste serait d'utiliser le levier de la rénovation énergétique pour mettre en oeuvre un accompagnement renforcé entre les Adil et l'Anah.

S'agissant des syndics, leur rôle est souvent critiqué et les témoignages n'ont pas manqué lors des auditions de la commission d'enquête, ainsi que dans la consultation en ligne qu'elle a organisée entre le 19 mars et le 15 mai 2024.

Dans cette consultation, sur 913 réponses, le syndic est la personne la plus souvent pointée du doigt, accusé d'agir trop lentement contre les dégradations de l'immeuble. Ces éléments doivent toutefois être considérés avec précaution, car les personnes répondant à la consultation sont certainement les plus préoccupées par le sort de leur copropriété et peuvent être portées à en imputer la responsabilité au syndic.

Certaines personnes auditionnées ont également estimé que les syndics n'étaient pas toujours assez diligents dans le recouvrement des dettes, ou que les frais de recouvrement étaient trop élevés.

Certains syndics ont une part de responsabilité, qui peut être lourde, dans la dégradation ou de la paupérisation des copropriétés qu'ils ont sous gestion. Comme l'a indiqué l'universitaire Jean-Marc Roux, il arrive que le syndic tarde trop avant de déclencher la procédure d'administration provisoire, et les juges de fond admettent la condamnation du syndic au paiement de dommages et intérêts, au motif qu'il est à l'origine des difficultés de la copropriété.

Toutefois, ces cas sont loin d'être majoritaires et certains syndics effectuent au contraire un travail remarquable pour le redressement des copropriétés en difficulté, notamment au sein de l'association QualiSR. Pour reprendre les mots utilisés par le professeur Hugues Périnet-Marquet devant la commission d'enquête, le syndic est « l'homme-orchestre » de la copropriété, mais en devient aisément le « bouc émissaire » en cas de difficultés. De ce point de vue, il faut rappeler qu'il est le mandataire de l'assemblée générale et non le donneur d'ordre. Il ne peut donc être tenu comme l'unique responsable des difficultés.

Il ne s'agit donc certainement pas de critiquer l'existence même des syndics. Sans nier les mérites de certains syndics bénévoles qui peuvent être appuyés par des associations de propriétaires, la complexité de la gestion des copropriétés, tout particulièrement lorsqu'elles font face à des difficultés, requiert des compétences techniques et juridiques (comptabilité, assurances, contrats de maintenance...) qui se rencontrent plus communément chez des professionnels, qu'ils soient privés ou publics. C'est en raison de ces compétences que l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) propose d'ailleurs de mieux intégrer les syndics ou leurs représentants en amont, lors la construction d'un immeuble, ou bien dans la mise en oeuvre de programmes opérationnels de prévention et d'accompagnement des copropriétés (Popac).

L'Anah estime ainsi qu'un grand nombre de copropriétés non immatriculées au RNIC, et donc plus difficiles à repérer lorsqu'elles rencontrent des difficultés, sont dotées de syndics bénévoles qui connaissent moins bien l'obligation d'immatriculation.

La commission d'enquête a constaté que, outre le nécessaire encadrement des syndics professionnels, il y avait un véritable enjeu de formation des syndics bénévoles et des copropriétaires eux-mêmes, qui justifie la formalisation d'une procédure spécifique.

Les notaires pourraient constituer un point d'entrée pour garantir une prise de conscience, par les copropriétaires, des obligations induites par la possession d'un immeuble en commun, dont ils ne sont souvent pas conscients avant les premières assemblées générales. Plusieurs personnalités auditionnées ont bien souligné : « On n'est pas copropriétaire, on le devient ».

L'information pourrait être apportée en amont de la signature de l'acte de vente. La loi ALUR avait ainsi prévu la remise à l'acquéreur, avant la signature de la promesse de vente, d'une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété32(*) : il est regrettable que cet arrêté n'ait jamais été pris, ce qu'a reconnu le ministre délégué au Logement Guillaume Kasbarian lors de son audition devant la commission d'enquête le 30 mai 2024.

Cette information devrait être donnée aussi bien lors de la vente d'un logement privé que dans le cas de vente de logements sociaux.

Ainsi, lors de l'achat d'un lot en copropriété, il conviendrait de prévoir une information de l'acquéreur, sous une forme claire et compréhensible, des devoirs et obligations induites par l'entrée dans une copropriété (respect des parties communes, principales règles des assemblées générales, paiement des charges communes...).

Lors des opérations de vente de logements sociaux à leurs occupants, il pourrait être envisagé une séance d'information pour les potentiels acquéreurs, présentant les droits et responsabilités des futurs copropriétaires ainsi qu'un état des lieux de l'immeuble et des travaux futurs à prévoir.

Pendant la vie de la copropriété, de nouveaux circuits d'information pourraient également être mis en place afin de détecter plus rapidement les situations de fragilité, voire les prévenir. Plusieurs personnes auditionnées ont souligné le rôle que peut jouer le plan pluriannuel de travaux comme indice des charges à venir, en comparaison avec la capacité financière des propriétaires.

Proposition : Intégrer des informations essentielles du plan pluriannuel de travaux dans le registre national d'immatriculation des copropriétés, et imposer la transmission du plan pluriannuel de travaux aux banques lors d'une demande de prêt, afin que les charges de copropriété, notamment en cas de travaux, puissent être intégrées dans un projet de financement immobilier.

B. LA PAUPÉRISATION, UN MÉCANISME MULTIFACTORIEL ET PAS UNIVOQUE

Le terme « copropriété dégradée » ne renvoie pas à une définition juridique précise. La notion fait référence à un processus de déqualification d'un ensemble immobilier qui peut être dû à une multiplicité des facteurs et des effets d'entraînement accélérant significativement la détérioration d'une copropriété fragile.

Deux copropriétés partageant les mêmes caractéristiques initiales peuvent ainsi être amenées à évoluer différemment, en fonction de facteurs sociaux (difficultés financières des copropriétaires), techniques (difficulté à entreprendre des travaux d'entretien courant, conduisant à un risque de dégradation du bâti) ou liés à son fonctionnement (dysfonctionnement de la gouvernance de la copropriété tel que l'absence de syndic, d'assemblée générale ou de mobilisation des copropriétaires). Aussi, comme rappelé par l'association Urbanis, « même s'il existe certaines prédispositions, une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient »33(*). Le rapport Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés, une priorité des politiques de l'habitat, du sénateur Dominique Braye, identifiait les différents facteurs de dégradation des copropriétés parmi lesquels la détérioration du bâti, la situation financière des copropriétaires comme du syndicat, les difficultés d'insertion urbaine de la copropriété ainsi que les dysfonctionnements dans sa gouvernance.

La chargée de mission au Plan urbanisme construction architecture (PUCA), Éva Simon, affine l'analyse de ce processus dans sa thèse, en décrivant trois cycles étroitement imbriqués responsables de la dégradation des copropriétés :

- le cycle de dégradation du bâti, des charges et des impayés ;

- le cycle de dévalorisation socio-économique du bien immobilier ;

- le cycle des difficultés de gestion.

Les difficultés de détection en amont des copropriétés en voie de dégradation s'expliquent ainsi par l'intrication de défaillances multiples des enjeux liés au bâti, aux occupants et à la gouvernance des copropriétés.

Source : Éva Simon. L'action publique locale sur les copropriétés dégradées :
des politiques publiques différenciées et inégales à Lyon, Marseille et Grenoble. Science politique.
Université Grenoble Alpes, 2017

1. Un phénomène générationnel : un patrimoine vieillissant et des coûts nouveaux
a) Chaque génération de copropriété est confrontée à des défis singuliers afin d'éviter la dégradation du bâti

Longtemps considérée comme la principale source de paupérisation d'une copropriété, la dégradation de son bâti est susceptible d'entraîner un bien immobilier dans une spirale de paupérisation en raison de l'incapacité financière des copropriétaires à prendre en charge les coûts de rénovation, qui vont croissants.

La France est particulièrement exposée à ces enjeux du fait de son patrimoine immobilier vieillissant, deux tiers des copropriétés ayant été construites avant 1970, et 31 % étant antérieures à 191434(*).

En 2012, déjà, le rapport Braye identifiait trois catégories de copropriétés en fonction des enjeux de vieillissement de leur bâti :

- les copropriétés construites avant 1950 dans des quartiers anciens, qui disposent de qualités patrimoniales importantes, mais souffrent d'une évolution non maîtrisée du bâti, ainsi que d'un manque d'entretien pouvant conduire à une certaine insalubrité. Il s'agit essentiellement de petites copropriétés ;

- le parc construit avant les années 1980, généralement de plus grande taille et situé en secteur urbain ou périurbain. Ces bâtiments sont confrontés depuis quelques années à une fin de cycle technique avec l'apparition de défauts lourds (« cancers du béton », corrosion des aciers, carbonation) dont la prise en charge représente de forts investissements ;

- le parc construit depuis le milieu des années 1980, marqué par la mise en oeuvre continue de politiques de soutien à la construction, notamment via le soutien à l'investissement locatif par des dispositifs fiscaux. Ce parc suscite aujourd'hui des inquiétudes, car il présente des difficultés techniques liées à la médiocrité et au vieillissement de ses matériaux et équipements.

La dégradation globale des copropriétés résulte donc, pour partie, d'un phénomène générationnel de fin de vie du bâti, allant en s'amplifiant avec le vieillissement des constructions des années 1980 ou 1990 encouragées par les avantages fiscaux pour l'investissement locatif.

Hormis ce phénomène générationnel, les tensions sur l'immobilier au cours des dernières années et la hausse des coûts de construction ont conduit à la construction de logements à bas coût, mais dont le vieillissement, à court terme, est souvent mauvais. Cette qualité médiocre de construction entraîne les copropriétaires dans des dépenses précoces pour de gros travaux, parfois quelques années seulement après sa livraison. Lors de son audition, la Fondation Abbé Pierre mentionnait ainsi l'exemple d'une résidence livrée en 2019 à Bayonne, où l'excès d'humidité a provoqué en quelques mois l'apparition de moisissures, la dégradation des meubles et des troubles respiratoires chez les occupants.

Outre la détérioration du bâti, la localisation et les conditions d'occupation peuvent influer sur la dégradation des copropriétés. Il est observé que la dégradation de la situation d'une copropriété provient d'un double mouvement de vieillissement du bâti et de déqualification du territoire dans lequel il se trouve. La vétusté du bâti peut en effet entraîner un déclassement de la valeur immobilière d'un quartier, conduisant à l'arrivée d'occupants ou de copropriétaires plus précaires. La perte de dynamisme économique d'un territoire, à l'instar de certains centres anciens, favorise également la vacance des bâtiments et donc leur détérioration par manque d'entretien.

À l'échelle d'une copropriété, cette dégradation rapide du bâti cumulée à la paupérisation des copropriétaires entraîne une réduction de la capacité de financement des travaux, qui sont repoussés ou menés de manière partielle. Ce phénomène est renforcé dans le contexte actuel par le renchérissement des coûts des travaux et des charges de copropriété en raison de l'augmentation du prix des matières premières, de la main d'oeuvre.

Comme cela a été rappelé par les représentants de l'agence qualité construction (AQC) lors de leur audition, les travaux partiels sur un bâti ancien sont souvent insuffisants pour améliorer durablement la qualité de vie des occupants.

Afin de suivre l'évolution du bâti ancien et limiter les risques de spirale de dégradation, il conviendrait de conduire, dès les premiers signes de dégradation du bâti, un véritable diagnostic multicritère de la situation de l'immeuble, prenant en compte, outre le diagnostic énergétique, les caractéristiques techniques liées à la date de construction, l'implantation dans l'environnement urbain ou encore la proximité des diverses sources d'énergie. Sur cette base, les copropriétaires seraient en mesure de prescrire et d'échelonner des travaux en ayant un aperçu complet des montants en jeu et des aides financières auxquels ils peuvent prétendre.

b) De nouvelles exigences et de nouveaux coûts en matière de rénovation du bâti pèsent sur les copropriétaires

La préservation de l'état du bâti des copropriétés inclut aujourd'hui de nouvelles considérations en matière de rénovation énergétique et thermique. Ces normes et les travaux afférents peuvent constituer des coûts lourds pour les copropriétaires, fragilisant la situation financière de la copropriété, et nécessitent en conséquence un accompagnement poussé de la part des pouvoirs publics.

Ces dernières années, la lutte contre les effets du changement climatique a conduit le législateur à accentuer les exigences en matière de qualité, de performance énergétique et de décence des logements à trois reprises :

- La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », qui intègre pour la première fois dans les rapports locatifs un critère de performance énergétique.

- La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui rend objectif ce critère, par renvoi à un seuil maximal de consommation d'énergie (applicable depuis le 1er janvier 2023).

- La loi n° 2021-1104 du 22 août 2022 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », qui met en cohérence l'appréciation de la décence au regard de la réforme du Diagnostic de performance énergétique (DPE)35(*). Le texte instaure notamment des exigences nouvelles en matière de rénovation thermique des bâtiments et de réduction de leur consommation d'énergie par la réalisation d'un nouveau diagnostic de performance énergétique, d'un audit énergétique obligatoire en cas de vente de logements de qualité énergétique dégradée, ainsi que par l'interdiction progressive de mise en location des logements qualifiés de « passoires thermiques »36(*).

Ces exigences, alors que l'ANIL estime que 1,6 million de logements sont des passoires thermiques, entraînent néanmoins l'augmentation des coûts d'entretien et de travaux à moyen terme pour les copropriétaires.

Selon le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), cette hausse pourrait en effet représenter un investissement moyen de 30 000 à 50 000 euros par logement37(*). Le Plan urbanisme construction architecture (PUCA) indique en outre que les coûts induits par les effets du changement climatique seront certainement plus importants que les seuls coûts liés à la rénovation thermique et énergétique des bâtiments, puisque la construction et l'entretien des logements devront désormais prendre en compte les risques induits par exemple par les vagues de chaleur, les retraits gonflements des sols argileux ou les inondations.

Ce renchérissement des coûts en matière de rénovation énergétique pèse davantage sur de petites copropriétés déjà fragilisées situées dans les centres-villes au bâti vétuste qui présentent des DPE dégradés. Les professionnels de l'immobilier entendus par la commission d'enquête soulignent ainsi les inquiétudes fortes sur les conséquences en matière d'endettement ou d'incapacité des copropriétaires à prendre en charge ces travaux dans le respect du calendrier normatif, malgré l'existence d'aides telle que MaPrimeRénov'Copropriété.

La rénovation énergétique en copropriété souffre par ailleurs de plusieurs difficultés tenant à la spécificité des logements et de la gouvernance de la copropriété.

En effet, la division de la maîtrise d'ouvrage - assurée par le syndicat de copropriétaires pour les parties communes et par chaque copropriétaire sur ses parties privatives - nuit fréquemment à la capacité de procéder à une rénovation sur l'ensemble du bâtiment, alors que cela est nécessaire pour l'optimisation des gains énergétiques. De surcroît, les copropriétaires ne sont pas tous soumis aux mêmes obligations de performance énergétique (les propriétaires bailleurs étant soumis à des normes en matière de DPE depuis la loi « Climat et résilience », sans que ces obligations ne concernent dans la même mesure les propriétaires occupants, les commerces et les bureaux) rendant la gouvernance et la gestion des copropriétés conflictuelles.

2. Le rôle des copropriétaires
a) Les difficultés des copropriétaires précaires à faire face à la dégradation du bâti

De manière unanime, les personnes entendues dans le cadre de la commission d'enquête ont souligné que la possibilité pour une copropriété de réagir à temps face à la dégradation du bâti repose en grande partie sur la situation économique et sociale des copropriétaires.

Sans être la source directe de la dégradation des copropriétés, la paupérisation des copropriétaires et des occupants en serait un symptôme. La progression significative des impayés de charges dans les copropriétés, constatée ces trois dernières années via le RNIC, reflétant la détérioration de la capacité financière des copropriétaires, laisse dès lors présager des conséquences sérieuses à moyen terme en matière de dégradation des copropriétés.

En effet, les difficultés financières des copropriétaires à réinvestir dans les bâtiments pour les maintenir en état ou les remettre à niveau conduisent, d'une part, à l'accumulation des impayés et, d'autre part, à l'accélération de la dégradation des parties communes. Le mécanisme de détérioration se met alors en oeuvre, avec un refus ou une surfacturation de l'intervention de certains professionnels en raison des retards de paiement. Ce surcoût met en difficulté de nouveaux copropriétaires, qui parvenaient jusqu'alors tout juste à assumer le paiement des charges. Le cycle de croissance des impayés et de destruction de la trésorerie qui s'enclenche conduit le syndic à appeler sans cesse plus de charges, pour un entretien de plus en plus médiocre.

L'absence d'information des copropriétaires sur le coût global de fonctionnement de la copropriété avant achat constitue l'un des premiers écueils conduisant à l'accumulation des copropriétaires défaillants. Le professeur Hugues Périnet-Marquet a souligné que l'idéalisation du modèle d'accession à la propriété par des ménages fragiles conduit trop souvent à la fragilisation de copropriétés, « ces acquéreurs ayant suivi ces recommandations, sans se rendre compte qu'ils se trouvaient à la limite de leurs capacités et sans avoir conscience des implications d'un achat en copropriété. De surcroît, ils ont souvent acquis des biens situés dans des immeubles peu chers, dont la qualité technique était loin d'être parfaite. Il en résulte une sorte de double peine : les acquéreurs les plus fragiles occupant les immeubles les plus fragiles, le redressement des copropriétés en difficulté ainsi créées sera d'autant plus ardu qu'il faudra à la fois redresser les finances des copropriétaires et réaliser des travaux plus lourds que dans un immeuble haussmannien à Paris, par exemple »38(*).

Les travaux de la Banque des territoires corroborent cette analyse en démontrant que les occupants du parc privé sous le seuil de pauvreté sont, pour presque la moitié d'entre eux, des copropriétaires. Ces derniers pâtissent fortement du manque d'information sur les conséquences du montage juridique d'une copropriété et notamment sur le coût global de fonctionnement assumé par les copropriétaires.

L'apparition d'impayés et la dégradation de la copropriété qui en résulte entraînent à terme un renouvellement des occupants. Les copropriétaires encore solvables quittent la copropriété de crainte que la perte de valeur immobilière de leurs biens aille en s'accentuant, laissant place à des ménages plus fragiles ou des bailleurs mal intentionnés. L'accession à la copropriété de ménages aux faibles revenus constitue en ce sens un risque dont ils seront les premières victimes.

Les statistiques de l'Anah permettent d'observer un phénomène de superposition géographique des situations de dégradation du bâti et de paupérisation des propriétaires, les copropriétés les plus endettées se concentrant en Seine Saint Denis, dans le Val-d'Oise et dans le Val-de-Marne. De même, les travaux de l'association des petites villes de France indiquent que les petites villes présentant un parc vétuste ou vieillissant connaissent un taux de pauvreté des occupants supérieur à 25 %. Les copropriétaires précaires logés dans un bâti ancien, souvent au sein de petites copropriétés, doivent ainsi faire face à la précarité énergétique de leur bâtiment, représentant soit des charges énergétiques croissantes dans un contexte inflationniste, soit un investissement massif afin d'améliorer la performance énergétique de leur bâtiment.

La Fondation Abbé Pierre souligne également les risques de paupérisation des ménages ayant acquis des logements qu'ils occupaient à la suite de rénovation par des bailleurs sociaux et la création de copropriété mixte. L'USH et le PUCA mettent à ce titre en lumière des risques de détérioration des copropriétés mixtes fondées sur la base d'un bâtiment présentant déjà des pathologies, ou du fait du sentiment de déclassement de locataires par l'arrivée de copropriétaires parmi eux. Les spécificités de gestion des copropriétés mixtes, et notamment le fait que le bailleur copropriétaire n'est pas soumis aux dispositions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 196539(*) qui prévoit que « lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires », peut conduire en outre à la démobilisation des nouveaux copropriétaires. Plusieurs analystes soulignent en outre que le passage d'une gestion autonome par un bailleur social à un modèle de copropriété mixte génère des charges plus élevées, susceptibles donc de renchérir les coûts incombant aux ménages primo-accédants40(*).

Pour limiter l'apparition de ces difficultés dans les copropriétés mixtes, plus fragiles, la compagnie des architectes en copropriété préconise notamment un accompagnement accru des nouveaux propriétaires, ainsi que la mobilisation d'une partie des bénéfices de la vente au profit du fonctionnement de la copropriété.

b) La responsabilité de copropriétaires désinvestis ou malveillants

Outre la paupérisation des copropriétaires, l'investissement et la mobilisation de ces derniers sont des composantes lourdes pour la viabilité du fonctionnement de la copropriété. Les recherches en sciences sociales portant sur le modèle de la copropriété rapproche ainsi le concept de tragédie des biens communs développé par Garrett Hardin en 1968 avec la gestion d'une copropriété puisqu'« il peut être dans l'intérêt de chacun de ne pas coopérer, mais il est dans l'intérêt de tous que chacun coopère »41(*).

Me Pierre-Edouard Lagraulet, avocat, a d'ailleurs souligné la myopie et le courtermisme de nombre de copropriétaires qui, titulaires d'un droit de propriété « perpétuel », croient d'autant plus impérissable leur bien qu'ils le détiennent en général moins de dix ans alors que l'immeuble est un bien qui peut périr et nécessite une gestion dans le temps long.

(1) La démobilisation des copropriétaires

Face à l'incapacité des ménages les plus faibles à assurer le versement de leurs charges, les copropriétaires solvables peuvent adopter une stratégie de blocage afin de protester contre les comportements de « passager clandestin » des copropriétaires mauvais payeurs ou la mauvaise gestion par les syndics. Ils peuvent à ce titre créer, par l'exercice de leur droit de vote, leur absence stratégique en assemblée générale, ou l'interruption du versement des sommes dues, les conditions d'une inertie, afin de ne pas engager de frais pour l'entretien des copropriétés. Soliha soulignait d'ailleurs auprès de la commission d'enquête que les copropriétaires votaient en fait deux fois une résolution : la première fois en l'approuvant en assemblée générale et la seconde en payant les charges. Bien entendu, cette stratégie ne fera qu'alimenter la spirale de détérioration des biens, par l'accumulation des retards d'entretien.

Plus déterminant encore, les auditions menées par la commission d'enquête ont permis de mettre en exergue l'importance du taux de propriétaires occupants ou bailleurs dans la trajectoire de la copropriété. Le fait qu'un logement soit en location peut désinciter l'implication régulière de son propriétaire dans la vie de la copropriété. Les bailleurs sont en effet souvent plus réticents à constituer un conseil syndical, à voter des travaux lors des assemblées générales, puisqu'ils n'en bénéficieront que très indirectement, mais en supporteront le coût.

En ce sens, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) est revenue, lors de son audition, sur les éventuels effets pervers des dispositifs de soutien à l'investissement locatif sur l'état des copropriétés. Selon les observations de la direction, dans la mesure où le dispositif Pinel est considéré comme un simple produit financier, les propriétaires bailleurs sont statistiquement moins investis dans la gestion de leur bien. Ce constat est notamment corroboré par les travaux conduits par l'IGF et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) en 2019, dont le rapport soulignait que « la concurrence sur l'acquisition des fonciers pousse les promoteurs à concevoir les logements pour attirer les investisseurs, conduisant à une certaine standardisation des logements et parfois une faible qualité d'usage »42(*). Il a d'ailleurs été signalé à la commission de premières interventions de l'Anah sur des copropriétés de ce type datant des années 2000.

Ainsi, pour les copropriétés majoritairement composées d'appartements en investissement locatif défiscalisé, les élus consultés mentionnent certains risques tels que :

- « la qualité du logement initial, du fait de l'intérêt moindre des investisseurs pour ses caractéristiques ;

- pour l'entretien du logement et de la copropriété en raison :

o de l'absence d'intérêt des propriétaires bailleurs pour la gestion quotidienne de la copropriété ;

o de l'absence d'intérêt pour la qualité de vie dans la copropriété, qui proviendrait majoritairement des propriétaires occupants ;

o d'une relative frilosité à financer des travaux ;

o d'un plus grand taux de rotation des locataires du fait de la qualité moindre des logements, notamment de leur localisation (éloignement des transports en commun) ou de leurs prestations (surface de rangement limité, absence de balcon, mono exposition).43(*) »

Une étude du CEREMA relève à cet égard que les copropriétés contenant plus de 80 % de logements potentiellement en investissement locatif défiscalisé présentent un risque de fragilité et de dégradation élevé44(*). Elle souligne également que ces schémas sont majoritairement observés dans des villes de taille petite ou moyenne, en zone peu dense, où le surcroît d'offre locative ne correspond pas aux besoins du marché local.

L'établissement public foncier d'Île de France (EPFIF), intervenant sur les Orcod-IN, constate également un fort taux de copropriétaires bailleurs dans les copropriétés en voie de dégradation ou dégradées. Au regard de la situation en Île-de-France, il apparaît que le dépassement du seuil de 50 % de taux de propriétaires bailleurs au sein d'une copropriété est un indicateur significatif de fragilisation, notamment dans les secteurs où ces ensembles commencent à décrocher des marchés immobiliers.

Taux de propriétaires bailleurs sur les sites ORCOD-IN d'Île-de-France

Clichy

Copropriétés en redressement

Entre 20 % et 40 %

Copropriétés recyclées

+ de 70 % au démarrage de l'Orcod

Grigny

Copropriétés recyclées

Entre 60 % et 85 % au démarrage de l'Orcod

Mantes

Copropriétés en redressement

Entre 15 % et 40 %

Copropriétés recyclées

80 % au démarrage de l'Orcod

Source : Contribution écrite de l'EPF Île-de-France

(2) Le cas spécifique des bailleurs indélicats, ou marchands de sommeil

Une copropriété en voie de dégradation peut également devenir la cible de bailleurs indélicats, également désignés sous le terme de marchands de sommeil. Ces derniers tirent profit des situations de précarité administrative empêchant certains individus de se loger dignement, et se soustraient aux obligations de règlement des charges et d'entretien ou de rénovation du bâti. Ils entrent dès lors dans un schéma « pro-dégradation »45(*) - l'apparition de marchands de sommeil accélérant drastiquement la détérioration des biens et faisant chuter les prix des biens immobiliers. Le ministre Olivier Klein rapportait, à titre d'exemple, qu'au plus fort de la crise, les appartements du Chêne Pointu, copropriété ayant fait l'objet d'une ORCOD-IN à Clichy-sous-Bois, se vendaient entre 7 000 et 10 000 euros46(*).

Pour les pouvoirs publics, ces situations sont très difficiles à anticiper puisque rien n'empêche un individu d'acheter un logement et rien n'indique les intentions de l'acquéreur. Si l'arsenal juridique, et notamment pénal, a été renforcé ces dix dernières années afin de sanctionner et dissuader plus directement les marchands de sommeil, les auditions conduites par la commission d'enquête ont rappelé les difficultés à identifier ces situations dès leur apparition, notamment en raison de la peur pour les victimes de procéder à un signalement.

Les mesures de répression des marchands de sommeil
et en matière d'habitat insalubre

De multiples acteurs sont en charge de la répression des marchands de sommeil. En première ligne, le maire et le préfet disposent de pouvoirs de police spéciale leur permettant la prise d'arrêtés prescrivant des travaux, hébergements transitoires ou relogements ainsi que, pour le maire, la possibilité d'entreprendre l'évacuation immédiate.

Le droit pénal en vigueur réprime le non-respect de la police en matière d'habitat insalubre, l'hébergement incompatible avec la dignité humaine, ainsi que la pratique dite de location « à la découpe ».

Les dispositions répressives relatives à la lutte contre l'habitat insalubre figurent principalement aux titres I et II du livre V du Code de la construction et de l'habitation, consacrés respectivement à la sécurité et à la salubrité des immeubles, et à la protection des occupants. Les infractions réprimées à titre principal, de peines d'emprisonnement d'un à cinq ans et d'amende de 50 000 à 150 000 euros, sont prévues par les articles L. 511 22 et L. 521 4 de ce code.

Les personnes physiques encourent les peines complémentaires obligatoires suivantes : confiscation des fonds de commerce ou de l'immeuble destinés à l'hébergement des personnes ayant servi à commettre l'infraction et interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale. Les personnes morales encourent à titre principal, outre ces peines complémentaires, une peine d'amende cinq fois plus élevée que celle encourue par les personnes physiques.

La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a renforcé la répression des marchands de sommeil, en aggravant les peines encourues lorsque la victime est une personne vulnérable, qui sont notamment des ressortissants étrangers en situation irrégulière.

Lorsque ce délit est commis à l'égard de plusieurs personnes ou d'un mineur, ces peines sont aggravées à sept ans d'emprisonnement et à une amende de 200 000 euros. Quand ce délit est commis contre plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs, la peine prévue est portée à dix ans d'emprisonnement et à une amende de 300 000 euros.

Enfin, la loi du 9 avril 2024 relative à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement aggrave les peines prévues par les articles 225-14 et 225-15 du code pénal.

Les obligations de signalement au procurer de la République des faits susceptibles de constituer des délais réprimés par les articles 225-14 du code pénal et L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation concernent respectivement les professionnels de l'immobilier - en vertu de la loi du 2 janvier 1970 - ainsi que les syndics de copropriétés - aux termes de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan). La méconnaissance de ces obligations de signalement n'est néanmoins pas pénalement sanctionnée, comme cela est souvent le cas s'agissant des obligations de signalement au procureur.

Au cours de son audition devant la commission d'enquête, le directeur des affaires criminelles et des grâces notait cependant que « l'introduction d'une sanction pour les opérateurs immobiliers qui n'auraient pas signalé des situations dont ils auraient eu connaissance renforcerait le dispositif répressif »47(*).

Outre les enjeux de signalement, la rapidité des procédures d'enquêtes et d'instruction des dossiers gagnerait à être améliorée.

À cet égard, le rapport Hanotin Lutz48(*) proposait de confier de nouveaux pouvoirs aux agents de police municipale ainsi qu'aux inspecteurs de salubrité assermentés, mobilisés pour l'instruction des procédures, afin qu'ils puissent procéder à des auditions libres49(*) des mises en cause et de procéder à des rappels à la loi.

Interrogée à ce sujet lors de son audition par la commission d'enquête, la Direction des affaires criminelles et des grâces a confirmé l'intérêt d'une telle extension de pouvoirs qui « permettrait d'avancer plus rapidement que s'il fallait mobiliser les services d'enquête ».

Proposition : Accélérer la lutte contre les marchands de sommeil par l'introduction de sanctions en cas de manquement à l'obligation de signalement incombant aux syndics et par l'attribution de nouveaux pouvoirs d'enquête aux services municipaux.

3. Le modèle juridique singulier de la copropriété : la gouvernance impossible ?

La détérioration de l'état du bâti et la paupérisation des copropriétaires n'expliquent pas à elles seules la trajectoire de dégradation d'une copropriété. La gouvernance de celle-ci peut lui permettre de faire face à ces différentes difficultés, à la condition que l'ensemble des acteurs responsables se mobilisent et agissent de manière éclairée.

En ce sens, la compréhension, l'appropriation et le respect du modèle de fonctionnement de la copropriété encadré par la loi du 10 juillet 1965 sont primordiaux pour son évolution. Ce modèle est néanmoins aujourd'hui confronté à la complexification des structures de copropriété d'une part, notamment dans les grands ensembles, mais également, d'autre part, aux difficultés des plus petites structures à assumer l'ensemble des exigences et des règles posées par le cadre juridique de 1965.

a) La copropriété, toute la complexité d'un droit fondamental partagé

La copropriété constitue une association financière et juridique de ses copropriétaires, qui doit parvenir à concilier la pluralité des droits qu'elle implique avec l'individualisme qui caractérise le droit de la propriété en droit français.

Ce modèle a son origine dans la loi du 28 juin 1938, premier texte consacrant un véritable statut de la copropriété des immeubles divisés par étages, qui laissait aux copropriétaires le soin de définir le mode d'administration des parties communes, ce qui a engendré de nombreuses dérives. Elle s'inspirait de la « coutume de Grenoble », qui au XVIIIe siècle, a mis au point, pour la première fois, un mode de gestion partagé des parties communes face à la construction d'immeubles plus hauts et plus larges, à la suite d'un grand incendie qui ravagea la ville. Mais c'est la loi du 10 juillet 1965 qui en fixe le statut contemporain et qui répond à la vague de construction de l'après-guerre.

Il en résulte un modèle de gestion qui s'apparente à celui de l'indivision, en raison de la responsabilité commune et de la solidarité financière des copropriétaires, là où d'autres pays ont préféré un régime plus similaire à celui du droit commercial. En Suisse, par exemple, la solidarité financière entre copropriétaires est inexistante : si un copropriétaire ne paie pas ses cotisations, la communauté doit le poursuivre et ne peut se contenter de répartir les charges sur le reste du syndicat.

Conçu pour régir les petites copropriétés construites dans les années 1965, représentant à l'époque moins de 10 % des résidences principales, le modèle français de « copropriété-indivision » concerne actuellement presque un tiers des résidences principales. Il régit notamment de grands ensembles dont l'architecture juridique complexe s'adapte difficilement à la gouvernance proposée par la loi du 10 juillet 1965, qui n'a pas été conçu pour permettre des prises de décision au sein d'un syndicat composé de plusieurs centaines - voire de milliers - de copropriétaires.

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, loi fondatrice du modèle
de la copropriété à la française

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixe le statut de la copropriété des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables.

Le chapitre II de la loi de 1965 encadre les différentes instances veillant à la bonne administration de la copropriété. Il définit notamment le fonctionnement de l'assemblée générale, le rôle du syndicat des copropriétaires, du conseil syndical et du syndic de copropriété, et fixe les majorités applicables (majorité simple, absolue ou double majorité).

Il confie au syndic, qui peut être bénévole ou professionnel, l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale, l'administration l'immeuble, sa conservation et l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. Le syndic assure en outre la gestion comptable et financière du syndicat, ainsi que les démarches relatives à l'immatriculation du syndicat de copropriétaires et l'information des occupants de la copropriété des décisions prises par l'assemblée générale.

Si elle ne définit pas la notion de copropriété dégradée, la loi du 10 juillet 1965 reconnaît néanmoins plusieurs stades de dégradation de la copropriété :

- l'article 29-1 A, introduit par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, prévoit qu'une copropriété dont les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles à la clôture des comptes, ou n'ayant pas approuvé ses comptes depuis deux ans peut recevoir l'assistance d'un mandataire ad hoc.

- l'article 29-1, introduit par la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, prévoit que lorsque l'équilibre financier du syndicat est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, le président du tribunal judiciaire peut désigner un administrateur provisoire chargé de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété.

- l'article 29-11, introduit par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, prévoit qu'une copropriété dont la situation financière ne permet pas de réaliser les travaux nécessaires à la conservation et la mise en sécurité de l'immeuble, la protection des occupants, la préservation de leur santé et la réduction des charges de copropriété permettant son redressement financier peut être placée par le juge sous administration provisoire renforcée.

En tant qu'elle permet de concilier propriété individuelle et intérêts collectifs, la loi du 10 juillet 1965 a élaboré un modèle innovant et inédit en droit français, sans néanmoins se défaire d'une complexité juridique qui mine régulièrement le bon fonctionnement des copropriétés.

(1) La méconnaissance des copropriétaires du fonctionnement de la copropriété

Aussi, la capacité des copropriétaires à s'emparer du fonctionnement démocratique de la copropriété, ainsi que celles du conseil syndical et du syndic à mener les missions qui leur sont attribuées sont déterminantes pour assurer le bon fonctionnement de la copropriété. La mauvaise compréhension ou le désinvestissement des copropriétaires dans son fonctionnement ainsi que le manque de sérieux ou de professionnalisme du syndic peuvent contribuer à l'accélération des dysfonctionnements au sein de la copropriété ainsi qu'à sa dégradation.

Dans son ouvrage intitulé La copropriété en difficulté : faillite d'une structure de confiance, Marie Pierre Lefeuvre a montré que les difficultés d'une copropriété tenaient à des dysfonctionnements de gouvernance, et que seuls l'assemblée générale des copropriétaires, le conseil syndical et le syndic étaient à même d'inverser un processus de dégradation. Les variables d'organisation de la copropriété, notamment la capacité d'anticipation des copropriétaires face au risque de dégradation, et la dynamique interne de la copropriété, c'est-à-dire le degré d'organisation du syndicat de copropriétaires déterminent la nature cohérente ou préjudiciable des décisions50(*).

Les actions de prévention contre les risques de dégradation des acteurs de l'immobilier et de la puissance publique doivent dès lors, outre la régulation par le droit, viser spécifiquement l'accompagnement des copropriétaires.

Les personnes entendues par la commission d'enquête ont ainsi rappelé à maintes reprises les difficultés, notamment des primo-accédants, à appréhender les responsabilités, dont les responsabilités financières, qui découlent du modèle spécifique de la copropriété. Cela est d'autant plus nécessaire pour des ménages précaires issus de milieux familiaux éloignés de la copropriété, ou originaires de pays où le modèle de la copropriété est inexistant.

Le manque d'information de certains ménages peut en effet conduire à la prépondérance des copropriétaires les mieux informés dans les choix de gouvernance. L'asymétrie de gouvernance et le désinvestissement de certains copropriétaires favorisent en conséquence une approche individuelle de la gestion du bien partagé, en fonction des capacités financières et des intérêts d'une partie seulement des parties prenantes au détriment de choix collectifs et rationnels. Ce phénomène est particulièrement préjudiciable pour les petites copropriétés ayant constitué un syndic bénévole, qui n'est pas toujours en mesure de faire valoir l'intérêt collectif.

(2) La responsabilité centrale des syndics de copropriété

Les syndics détiennent une lourde responsabilité dans le fonctionnement d'une copropriété. Ils constituent le plus souvent un tiers de confiance permettant de résoudre des blocages de gouvernance et accélérer la prise en charge et l'exécution des décisions prises en assemblée générale. Ils peuvent également remédier au manque de compréhension du fonctionnement de la copropriété par les copropriétaires. En assurant la bonne exécution du règlement de copropriété, un syndic peut pallier les difficultés de compréhension de ce document juridique central, mais souvent peu compréhensible pour les copropriétaires.

À l'inverse, un syndic peu rigoureux peut accentuer les difficultés d'une collectivité.

b) Un concept inadapté aux grands ensembles ?

Le partage de responsabilité intrinsèque au modèle de la copropriété défini par la loi du 10 juillet 1965 peut se heurter à la complexité juridique que présentent certains montages architecturaux, notamment dans les grands ensembles.

En effet, de nombreuses complexités juridiques caractérisent les grands ensembles : il est fréquent qu'une même copropriété regroupe de multiples bâtiments, ou qu'elle inclue des espaces partagés tels que des dalles, des espaces verts, supposant la concertation d'un nombre très élevé de copropriétaires. Ces grands ensembles, particulièrement développés dans les zones périurbaines dans les années 1970-1980, sont depuis plusieurs décennies des exemples emblématiques de copropriétés dégradées. Cela s'explique, outre la dégradation du bâti, par la difficulté de conserver une gouvernance saine, dans le respect des règles de participation et de majorité, lorsque le nombre de copropriétaires dépasse certains seuils.

Le ministre Olivier Klein témoignait ainsi devant la commission d'enquête de lourdes difficultés à réunir le quorum nécessaire pour tenir une assemblée générale dans les deux copropriétés composant le Chêne Pointu, l'une regroupant 800 logements et la seconde 700. De même, Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, citait l'exemple de Grigny 2, comptant 5 000 logements, pour laquelle il était nécessaire de convoquer l'assemblée générale dans un stade. Le modèle reposant sur la responsabilité de chaque copropriétaire apparaît en ce sens difficilement compatible avec des ensembles surdimensionnés, dès lors particulièrement exposés au risque d'inertie dans la prise de décision, et donc à la spirale de la dégradation.

D'autres montages alliant maisons individuelles et immeubles collectifs, mutualisation de certains services pour des copropriétés distinctes ou superposition de strates de copropriétés régies par la loi de 1965 et des associations syndicales libres (ASL) rencontrent des difficultés pour la prise de décision tenant à la complexité de certains règlements de copropriété, avec des clés de répartition de charges démultipliées et des responsabilités partagées.

Ces montages complexes impliquent une opacité de gestion en raison de la multiplicité des gestionnaires, ainsi que des frais de gestion plus importants (multiplication des assemblées générales, des syndics). Là encore, la complexité juridique de ces structures rend difficile la gouvernance saine de la copropriété et ouvre la voie vers une dégradation progressive du bien, en raison du désintéressement de la chose commune par les copropriétaires, de la difficulté de cogestion et des surcoûts induits.

Le rapport Braye préconisait à cet égard, la consultation, dès l'élaboration des projets, des syndics et professionnels de l'immobilier en capacité de présenter les enjeux de gestion ultérieure. Le professeur Jean-Marc Roux rappelait également devant la commission d'enquête la nécessité de réduire les unités de gestion, en prévoyant notamment un syndicat de copropriétaires par bâtiment dans les grands ensembles afin de permettre l'émergence de « copropriétés à taille humaine ».

c) Un outil trop complexe pour les petites copropriétés ?

La loi du 10 juillet 1965 présente également à certains égards un cadre peu adapté aux petites copropriétés, qui cumulent souvent les difficultés de gestion malgré les assouplissements apportés aux plus petites d'entre elles.

Les dispositions spécifiques aux très petites copropriétés

Lorsque le syndicat des copropriétaires comporte au plus cinq lots à usage de logement, de bureau ou de commerce, ou lorsque le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros :

- le syndicat n'est pas tenu de constituer un conseil syndical ;

- il n'est pas tenu à une comptabilité en partie double et ses engagements peuvent être constatés en fin d'exercice ;

- dans le cas où le syndicat a adopté la forme coopérative et n'a pas institué de conseil syndical, l'assemblée générale désigne le syndic parmi ses membres ;

- les décisions (sauf celles relatives au vote du budget prévisionnel et à l'approbation des comptes) peuvent être prises à l'unanimité des voix des copropriétaires à l'occasion d'une consultation écrite, sans qu'il y ait lieu de convoquer une assemblée générale.

Source : commission d'enquête, à partir des articles 41-8 et suivants de la loi n° 65-55
du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Les petites copropriétés sont en effet soumises à un risque particulier : la défaillance d'un ou deux copropriétaires peut suffire à mettre les comptes en difficulté, entraînant très rapidement le transfert du risque sur le reste des copropriétaires. Ce risque est intrinsèquement lié aux difficultés de mise en oeuvre des règles de majorité dans ces petites copropriétés des centres anciens et des centres bourgs. Lorsque s'y trouvent des fonds de commerce ou des bailleurs non occupants, moins impliqués dans le traitement de la copropriété, le blocage dans la prise de décision est hautement plus probable. De plus, un conflit de voisinage ou la perte de confiance des copropriétaires dans la capacité collective des membres du syndicat à se mettre d'accord pour prendre en charge l'entretien de la collectivité peut très rapidement paralyser complètement la gouvernance de la copropriété.

Il en résulte un décalage fréquent entre les obligations et le cadre normatif posé par la loi de 1965 (notamment l'obligation d'avoir un syndic, un compte bancaire séparé et de tenir une comptabilité) et le fonctionnement ordinaire des petites copropriétés, qui s'organisent souvent de manière informelle, dysfonctionnelle et non conforme au droit51(*).

L'agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) indique que les petites copropriétés sont les plus nombreuses à faire l'objet d'une absence complète de gestion en raison notamment de la difficulté à recourir à un syndic professionnel. Or les copropriétés sans syndic peuvent, par défaut, être considérées comme « fragiles » ou « dégradées », en partant de l'idée qu'il manque à ces copropriétés une instance de gestion52(*).

Lorsqu'elles se dotent d'un syndic, nombre de petites copropriétés en zone diffuse font le choix d'un syndic bénévole. Ce choix est motivé par des raisons financières - le recours à un syndic professionnel constituant un surcoût estimé entre de 30 à 50 % du budget par l'Unis - ainsi que par la réticence des syndics professionnels à accepter la gestion de la copropriété, d'autant plus si le bâti est dégradé et/ou en cas de mésentente entre les copropriétaires.

Le bénévolat assuré par les copropriétaires suppose néanmoins, sans exclure sérieux et bonne volonté, une absence de formation professionnelle voire de qualification dans l'exercice de missions juridiques pourtant complexes, et constitue dès lors un risque de fragilisation pour de petites structures présentant fréquemment des enjeux de vétusté du bâti. Si des exonérations et des aménagements ont été mis en place afin d'aider et de simplifier les missions confiées aux syndics bénévoles, ces derniers se heurtent régulièrement à des difficultés face aux questions de conservation, de planification des travaux, de DPE, de PPT, qui supposent de chercher des financements, de contacter des entreprises, et donc un investissement quasi quotidien.

Plus les difficultés s'accumulent au sein de ces petites structures, plus le besoin d'accompagnement d'un syndic professionnel se fait sentir, alors que dans un mouvement inverse, la gestion de la copropriété devient de moins en moins attractive et de plus en plus risquée pour un éventuel professionnel de l'immobilier.

Afin d'encourager les syndics professionnels à investir le marché des petites copropriétés en difficulté, certaines collectivités nomment un référent copropriété qui rencontre régulièrement les syndics de son territoire. Le soutien de la commune aux copropriétés peut ainsi faciliter l'accord d'un syndic pour la gestion du bien. En outre, l'association Quali SR déclare avoir identifié plusieurs syndics volontaires afin d'accompagner des copropriétés en difficulté, malgré les conditions précaires de ce type de situation.

d) La loi du 10 juillet 1965 ne couvre pas certaines structures juridiques, au fonctionnement et aux problématiques pourtant similaires à celles des copropriétés

À plusieurs reprises, les auditions de la commission d'enquête ont également permis d'aborder les difficultés rencontrées par les associations syndicales libres (ASL).

Les ASL, personnes morales de droit privé ayant pour but la gestion des espaces communs dans un ensemble immobilier, notamment par l'entretien, la gestion d'ouvrages ou la réalisation d'actions d'intérêt commun (prévention des risques naturels, préservation des ressources naturelles, entretien des plans d'eau), sont encadrées par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 qui définit le fonctionnement des instances de gouvernance (assemblée des propriétaires, syndicat, président et vice-président) ainsi que par le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006.

Ces structures se distinguent des copropriétés par leur objet (elles ne peuvent régir d'immeuble), les obligations qui incombent aux copropriétaires (ces derniers pouvant demander leur retrait de l'association), ainsi que par les modalités de prises de décision, plus souples (pas de règles de majorité similaires à celles définies par la loi du 10 juillet 1965). Elles octroient en outre une voix bien plus faible à l'ensemble des membres de l'association, les décisions relevant avant tout des syndics, ce qui explique que ce type de structure soit employé pour la gestion d'équipements secondaires tels que les jardins, les réseaux ou les chaufferies.

Une note de recherche du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) de septembre 2022 pour l'Anah et transmise à la commission d'enquête montre que ces ASL peuvent être assimilées à des copropriétés dégradées. Elles en ont toutes les caractéristiques sauf juridiquement et sont très proches des homeowners associations américaines. Pour autant quasiment aucune recherche n'est menée sur le sujet. Les ASL ne sont pas immatriculées au RNIC et la connaissance est très faible à leur sujet. Dans ses réponses à la commission d'enquête, l'Anah a toutefois fait part d'une étude du CEREMA indiquant qu'il y aurait 24 000 ASL en France représentant entre 600 000 et 800 000 logements, dont 500 000 maisons individuelles.

Le PUCA remarquait en outre que nombre d'ASL se retrouvent en risque juridique depuis mai 2008 puisque les articles 5 et 63 de l'ordonnance de 2004 relative aux ASL, qui en renouvellent les statuts, retirent le droit aux copropriétés qui n'ont pas mis en conformité leurs statuts d'« agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer [...]. ». Concrètement, celles qui n'ont pas mis leur statut en conformité ne peuvent prétendre à aucune action en justice - en particulier, ne peuvent faire de poursuite en cas d'impayés. Or certaines ne peuvent changer leur statut qu'à l'unanimité de l'ensemble des propriétaires : un copropriétaire endetté peut donc y bloquer facilement toute possibilité de recours. Ce risque juridique est un élément supplémentaire favorisant l'entrée des ASL concernées dans un cycle de dégradation.

Enfin, il est à noter que la frontière entre ASL et copropriété n'est pas totalement régie par le droit, mais dépend aussi du choix initial du promoteur. Un ensemble de pavillons peut ainsi être soumis ou bien à la loi de 1965, ou bien organisé en ASL ; un ensemble de bâtiments peut ou bien relever d'une seule et unique copropriété, ou bien être organisé en une ASL regroupant autant de copropriétés qu'il existe de bâtiments. Selon l'Anah et le CEREMA, près de la moitié des ASL aurait été construite après 1994 montrant la préférence récente des aménageurs pour cette formule juridique par rapport à la copropriété. Il est donc urgent de les prendre en compte pleinement.

Proposition : Assimiler les ASL à des copropriétés : prévoir leur immatriculation, les intégrer au futur code de la copropriété et modifier l'ordonnance de 2004 pour permettre l'actualisation des statuts juridiques.

II. PRÉVENIR ET REDRESSER : UNE POLITIQUE PUBLIQUE À DÉVELOPPER

Parallèlement à cette prise de conscience progressive des difficultés des copropriétés, les pouvoirs publics ont mis en place des outils de plus en plus nombreux. C'est leur efficacité, leur cohérence et leur coordination qui est aujourd'hui principalement en question même si la commission d'enquête a identifié certaines lacunes qu'elle propose de combler.

A. UNE POLITIQUE PUBLIQUE CRÉÉE POUR LES GRANDS ENSEMBLES

La politique publique destinée à prévenir les difficultés et à redresser les copropriétés est parmi les plus récentes de celles de l'habitat, car elle est née des problèmes posés par les grands ensembles d'après-guerre. Le rapport Braye de 2012, la loi ALUR, avec la création des ORCOD et le lancement du PIC, marquent une prise de conscience et une amplification récente dont il faut tirer les enseignements et qu'il convient d'ancrer dans la durée.

1. Naissance et croissance d'un objet législatif : 30 ans de politique publique

Le sujet de la paupérisation des copropriétés apparaît progressivement dans le débat public français à partir des difficultés des grands ensembles au tournant des années 1970, marqué par de premières émeutes urbaines, la décision d'arrêter leur construction et, au contraire, de développer les maisons individuelles, la crise énergétique et l'édiction de premières normes thermiques.

Cette vision vient supplanter celle qui prédominait précédemment, c'est-à-dire la lutte contre l'habitat indigne dans les centres anciens qui a justifié avant et surtout après-guerre d'importantes restructurations et justement la construction de ces grands ensembles exprimant la modernité sociale, urbaine et hygiéniste.

Mais ces grands ensembles vont progressivement connaître une « fin de cycle technique » et une évolution de leur peuplement (propriétaires plus âgés, plus pauvres, parfois bailleurs moins soucieux de l'état des immeubles) aggravant les difficultés et conduisant le législateur à créer des outils spécifiques.

Ainsi la loi 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville, la « LOV », crée les Opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, afin d'inciter les propriétaires bailleurs à rénover et conventionner leurs logements.

La notion de copropriété en difficulté apparaît dans la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, mais sans définir les critères de caractérisation. Néanmoins, elle rend possible la nomination d'un administrateur provisoire et décide que les syndicats de copropriété ne seront pas soumis au droit des faillites afin d'éviter les saisies d'appartements en cas de défaillance du syndicat. Parallèlement, elle crée le « privilège immobilier spécial » permettant le recouvrement des créances de l'année et des deux années passées sur les copropriétaires, et notamment lors des ventes. La première OPAH-Copropriétés dégradées est également lancée cette année-là. Cela permet l'émergence, à partir de 1996 et la création du Plan de sauvegarde (PDS) par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, d'une politique publique en faveur de ces immeubles.

Un premier tournant s'opère toutefois par le vote de la loi n° 2000-1208 solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000. Elle développe des moyens spécifiques de prévention et de traitement, surtout elle confie à l'Agence nationale de l'habitat (l'Anah) la mission de mettre en oeuvre cette politique.

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales donne une assise juridique à l'intervention financière des collectivités en complément de l'État pour la réhabilitation ou la démolition de logements dans le cadre de la rénovation urbaine qui prend alors son essor.

En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE)53(*) crée la procédure d'alerte qui doit permettre de prévenir les difficultés en permettant la nomination d'un administrateur ad hoc.

Mais, c'est le rapport du sénateur Dominique Braye, à l'époque président de l'Anah, publié en janvier 2012 et intitulé : Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés, une priorité des politiques de l'habitat, qui fonde les politiques publiques menées depuis lors.

En effet, son analyse fait date et sera ensuite largement reprise. La copropriété y est vue comme un ensemble complexe dont l'équilibre repose sur cinq grands piliers internes : état du bâti, fonctionnement des instances décisionnelles, gestion financière, solvabilité des copropriétaires et de la copropriété, modes d'occupation, sur lequel influe un environnement urbain et socio-économique. Le rapport pointe un certain nombre de copropriétés en situation très grave, leur rôle de parc de relégation, l'absence de traitement effectif des copropriétés dans les opérations de renouvellement urbain, leur obsolescence technique avec des besoins de travaux auxquels les habitants ne peuvent subvenir, les enjeux sociaux et les enjeux de gouvernance. Le rapport regrette également le caractère trop tardif des interventions publiques qui s'attaquent à des difficultés ancrées pour pouvoir les résoudre rapidement.

Le rapport souhaite infléchir la gouvernance des copropriétés pour créer des copropriétés viables, pour favoriser le collectif sur l'individuel dans le droit et l'horizon d'intérêt, et mieux préparer l'accession à la propriété en copropriété. Le rapport plaide également pour le renforcement de l'action publique avec une meilleure connaissance de l'existant, plus de prévention et l'amélioration des outils opérationnels. En conclusion, il propose de lancement d'un plan national pour les copropriétés.

De fait, le rapport Braye va directement inspirer, en 2014, la loi ALUR, puis le plan initiative copropriété et la loi ELAN en 2018, et l'ordonnance de réforme des copropriétés en 2019.

En effet, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) constitue une véritable réforme de la loi de 1965, elle-même perçue comme « le code de la copropriété ».

C'est ainsi la loi ALUR qui crée les opérations de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD) qui offrent le cadre contractuel et intégrateur pour traiter de manière coordonnée l'ensemble des graves difficultés rencontrées. C'est un changement profond de l'action publique pour réussir le redressement des plus grandes copropriétés.

Dans le registre de la connaissance et de la prévention, c'est également la loi ALUR, à l'instigation du rapport Braye, qui a créé le Registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) dans lequel les copropriétés doivent normalement obligatoirement s'inscrire et fournir un minimum d'informations permettant de guider l'action publique.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a amélioré ou créé de nouveaux outils. Notamment, elle est à l'origine des Projets partenariaux d'aménagement (PPA), des grandes opérations d'urbanisme (GOU) et des opérations de revitalisation des territoires (ORT). La loi facilite également le recours aux ORCOD et plus spécifiquement aux ORCOD d'intérêt national (ORCOD-IN).

Enfin, comme cela a déjà été souligné, la loi ELAN a autorisé une réforme du droit de la copropriété par ordonnance, qui a été réalisée en 2019 (n° 2019-1101 du 30 octobre 2019) et qui aurait dû aboutir à une codification qui a été abandonnée.

Enfin, il faut souligner que les politiques publiques dédiées aux copropriétés, plus récentes et conçues pour partie séparément, doivent s'articuler avec la lutte contre l'habitat indigne, les outils des unes étant réutilisées par l'autre et réciproquement, d'autant plus que l'enjeu de prendre en compte d'autres copropriétés que les grands ensembles se fait croissant.

La lutte contre l'habitat indigne, une politique publique ancienne

La première loi de lutte contre les logements insalubres date du 13 avril 1850 et poursuivait des objectifs de sécurité et de santé publiques.

La loi du 15 février 1902 en faisait une importante prérogative des maires à travers l'édiction d'un règlement sanitaire devant garantir la salubrité des maisons, des « logements loués en garni », notamment en termes d'accès à l'eau potable et d'évacuation des déchets.

La loi du 14 décembre 1964 a introduit un objectif de lutte contre les bidonvilles.

En 1970, la loi Vivien marque une évolution importante en permettant une procédure d'expropriation spécifique pour lutter contre l'habitat indigne.

En 1971 a été créée l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat, héritière du Fonds national d'amélioration de l'habitat, lui-même créé en 1945.

La définition contemporaine de l'habitat indigne a été adoptée à l'article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en oeuvre du droit au logement.

Depuis les années 2000, de nombreux textes ont renforcé les moyens des pouvoirs publics : l'obligation de prise en compte dans les PLH, les conventions de délégation des aides à la pierre et les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, les PDALHPD (2006), la priorité de relogement reconnue aux victimes (2007), la création d'un numéro unique « info logement indigne », le lancement du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, PNRQAD (2009).

En 2018, la loi ELAN a renforcé les moyens de lutte et de sanction contre les marchands de sommeil qui utilisent ces habitats indignes et exploitent des personnes vulnérables.

Enfin, sur la base de l'habilitation accordée par la loi ELAN, l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 a harmonisé et simplifié le dispositif devenu trop complexe. Elle a créé une police administrative spéciale unique (au lieu d'une dizaine) déclenchée soit par le maire (sécurité des personnes), soit par le préfet (santé des personnes). En 2022 a été créée la plateforme internet de signalement Histologe.

2. Le plan Initiative Copropriétés (PIC) : un tournant à ancrer dans la durée

Le rapport Braye s'achevait par un plaidoyer pour un plan national dédié aux copropriétés sur une durée de 10 ans. S'appuyant sur une loi copropriété, qui sera la loi ALUR, il envisageait un plan d'intervention d'ensemble avec des moyens nouveaux suffisamment importants pour ne pas se cantonner à un complément du programme national de renouvellement urbain (PNRU).

Cette ambition va se concrétiser le 10 octobre 2018 avec le lancement, à Marseille, du Plan initiative copropriété, le PIC, porté par l'Agence nationale de l'habitat.

a) Le PIC, un engagement partenarial focalisé sur les grands ensembles

D'une durée de dix ans, il a pour objectif initial de traiter 684 copropriétés en difficulté représentant 56 000 logements, dont 128 à transformer représentant 24 000 logements.

2 milliards d'euros sont apportés par l'Anah et sont complétés pour atteindre 3 milliards d'euros par les partenaires du plan que sont l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Caisse des dépôts et la Banque des territoires, Action Logement et Procivis.

17 sites et 170 copropriétés, soit 30 000 logements, font l'objet d'un suivi national54(*).

Source : Ministère du logement, janvier 2023

Logiquement, ces sites recouvrent ceux faisant l'objet d'ORCOD ou d'ORCOD-IN que sont :

o quatre ORCOD-IN en Ile-de-France (Grigny 2 en Essonne, Clichy-sous-Bois et Villepinte en Seine-Saint-Denis, Mantes-la-Jolie dans les Yvelines) et une ORCOD-IN à Nîmes dans le Gard ;

o deux ORCOD de droit commun en Île-de-France dans le Val-d'Oise (à Sarcelles et à Argenteuil, cette dernière qualifiée d'intérêt métropolitain du fait du pilotage par la Métropole du Grand Paris) ;

o une ORCOD de droit commun Château Blanc à Saint-Étienne-Rouvray en Seine-Maritime ;

o une ORCOD de droit commun Metz-Borny en Moselle (1re opération arrivant à son terme fin 2024 - avec un renouvellement prévu en 2025).

o une ORCOD de droit commun à Garges-lès-Gonesse dans le Val-d'Oise signé le 21 mars 2024.

En projet, des ORCOD-IN et 3 ORCOD de droit commun :

o des ORCOD-IN à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône sur potentiellement quatre copropriétés marseillaises ;

o une ORCOD de droit commun à Montpellier dans l'Hérault, en réflexion sur le quartier de La Mosson ;

o une ORCOD de droit commun en réflexion également au niveau de l'Établissement Public Territorial Paris Terres d'Envol.

Le lancement de ces nouvelles opérations d'ampleur et les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de celles qui existent déjà doivent d'ores et déjà conduire le gouvernement à envisager la succession du PIC après 2028.

Le plan actuel comporte trois axes :

- Transformer, c'est-à-dire démolir ou restructurer un ensemble immobilier dont la dégradation est irrémédiable. Ces opérations s'insèrent dans le renouvellement urbain ;

- Redresser, c'est-à-dire restaurer l'attractivité de l'habitat sur le marché du logement. Cela passe par des travaux importants s'appuyant sur des travaux d'urgence pouvant être financés jusqu'à 100 % par l'Anah, des préfinancements assurés par Procivis ou des aides à la gestion ;

- Prévenir afin d'éviter une spirale de dégradation. Cela peut conduire à l'attribution de MaPrimeRénov' Copropriétés fragiles.

Le PIC doit être à la fois un agrégateur et un accélérateur de l'action publique.

Le PIC est censé englober l'ensemble de l'action publique sur le sujet, incluant le NPNRU, le PNRQAD, Action coeur de ville et Petites villes de demain.

La réalité est un peu différente, car le PIC est focalisé sur les ORCOD et les grands ensembles.

Ø L'ANRU

En effet, 90 % des copropriétés concernées par le plan sont en secteur NPNRU. La coordination entre l'Anah et l'ANRU est donc cruciale. C'est ce que soulignait le rapport de la Cour des comptes de janvier 2022 intitulé Copropriétés dégradées : mieux répondre à l'urgence. La Cour y déplorait le manque de clarté de la répartition de leurs responsabilités. L'ANRU est compétente pour les opérations de démolition, de portage massif, de restructuration et de résidentialisation des espaces extérieurs et équipements des grandes copropriétés, mais il est arrivé que les deux agences interviennent sur la même copropriété. La Cour demandait donc des progrès dans le pilotage de leurs interventions. La commission n'a pas constaté la persistance de difficultés de coordination. De fait, depuis lors, la convention de 2015 signée entre les deux agences a été renouvelée en 2022 et l'ANRU s'est engagée pour une enveloppe de 480 millions d'euros. L'ANRU sera leader pour les opérations nationales ou régionales mobilisant plus de 7 millions d'euros de concours financiers, tandis que l'Anah pilotera les autres. L'ANRU et l'Anah s'associent réciproquement au pilotage des projets tant au niveau national que local.

Ø Procivis

Procivis55(*) intervient dans le cadre du PIC avec des prêts à taux zéro destinés aux copropriétés ou aux copropriétaires afin de préfinancer les aides de l'Anah. Une enveloppe globale de 240 millions d'euros a été ouverte sur la période 2018-2022. Dans la nouvelle convention signée avec l'État pour la période couvrant 2023 à 2030, Procivis s'est engagé sur 500 millions d'euros au titre de ses missions sociales, soit 62 millions d'euros par an, dont 50 millions d'euros pour le PIC et le préfinancement des aides. Un pilotage trimestriel est assuré avec l'Anah au niveau national et avec les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au niveau local.

Mais les capacités de financement de Procivis sont insuffisantes pour assurer le préfinancement des aides et n'en couvriraient qu'environ 40 % en 2022, selon le rapport de la Banque des territoires sur le financement des copropriétés d'octobre 2023. C'est un constat partagé par les différents acteurs et notamment l'EPFIF. La Banque des territoires a donc proposé de tripler la capacité de préfinancement de Procivis grâce à une ligne de trésorerie de 100 millions d'euros qui lui serait confiée puisque ces prêts sont remboursés au fur et à mesure du versement des aides. Le coût associé comprend donc leur gestion et la franchise d'intérêt.

Ø La Banque des territoires

La Banque des territoires intervient soit à travers des aides et des prêts, soit à travers de son opérateur CDC Habitat. Tout d'abord, la Banque des territoires fournit des crédits d'ingénierie, sur fonds propres, dans le cadre de sa convention avec l'Anah, au profit des collectivités pour des opérations situées dans le NPNRU, le PIC et les programmes Action coeur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PVD). Cela représente 29,1 millions d'euros sur la période 2018-2023 dont près de 6 millions pour la seule année 2023.

Sur le volet prêt, il s'agit de financer les porteurs de projets de recyclage et de redressement. Le prêt copropriétés dégradées (PCD) vient en complément du prêt renouvellement urbain (PRU). Il est tarifié à un taux de 0,6 ou 0,8 point supérieur à celui du livret avec une phase de préfinancement jusqu'à 8 ans et un différé d'amortissement jusqu'à 14 ans. La durée d'amortissement peut aller jusqu'à 35 ans. Enfin, il inclut une indemnité de remboursement anticipé en cas de revente de lots. Actuellement deux prêts de ce type d'un montant de 18,7 millions d'euros, ont été accordés à la foncière CDC Habitat Action Copropriétés.

CDC Habitat met en oeuvre son engagement dans le PIC d'acquérir 5 000 logements pour permettre d'en rénover 15 000 sur 15 ans. Actuellement, CDC Habitat intervient sur 12 des 17 sites nationaux du PIC dans 30 collectivités, soit 2 111 logements à acquérir pour 280 millions d'euros d'investissement. En fait, CDC Habitat intervient soit à travers CDC Habitat social dans le cadre de conventions d'urgence ce qui est la modalité la plus fréquente (26 conventions), soit à travers CDC Habitat Copropriétés dans le cadre de concessions (3 concessions d'aménagement), soit encore comme AMO pour mener des travaux d'urgence, des relogements et des acquisitions-améliorations à Grigny 2. Dans ce cadre contractuel, les collectivités acceptent de prendre en charge une partie du déficit des opérations qui va de 20 à 40 000 euros pour le portage ciblé à 100 à 200 000 euros par logement pour le recyclage. Ces opérations étant par nature déficitaires, l'objectif de CDC Habitat est d'être à l'équilibre. En sus de la participation au déficit, la collectivité couvre dans le cadre du contrat de concession les frais engagés et les coûts humains.

Par exemple à Bondy, dans un QPV, CDC Habitat a acquis 22 logements dans une copropriété qui en compte 170. L'opération a débuté en 2013 et a duré sept ans. Une telle intervention a pour but de stopper la baisse des prix immobiliers, d'assurer le paiement des charges, de négocier avec les fournisseurs puis de lancer les travaux de rénovation. À ce stade de l'opération, il est possible pour CDC Habitat de revendre les logements. Au total, dans le cas d'espèce, l'opération aura duré un peu plus de 10 ans puisque les logements vont arriver à la vente.

De plus, CDC Habitat Copropriétés et l'EPFIF ont créé une filiale commune ACIF en 2022. L'objectif est de porter environ 500 logements dans des copropriétés en redressement en Île-de-France. ACIF doit intervenir dans le cadre de concessions de services contractualisées avec les collectivités locales. Une première concession de service et travaux a été mise en place à Argenteuil début 2024 pour le portage d'une soixantaine de logements dans des copropriétés en redressement (en secteur ORCOD). Cette activité opérationnelle venant juste de débuter, il n'est pas possible d'en tirer un bilan pour le moment.

CDC Habitat a signé une convention avec l'Anah en 2019. Elle conduit à un point complet tous les deux mois en bilatéral des actions en cours en plus des réunions plus larges.

Ø Action Logement

Action Logement s'est engagé dans le PIC à travers son plan d'investissement volontaire avec pour objectif d'acquérir 2 500 logements, soit un investissement en fonds propres de 95 millions d'euros d'Action Logement Immobilier (ALI). 20 ESH du groupe sont impliqués pour intervenir dans plus de 130 copropriétés.

Par ailleurs, Action Logement Services (ALS) propose des subventions aux propriétaires salariés jusqu'à 100 % HT pour les travaux d'économie d'énergie avec une enveloppe de 50 millions d'euros.

Ø L'USH

Enfin, l'Union sociale pour l'habitat (USH) est partenaire du PIC pour le mouvement HLM. Une convention a été signée avec l'Anah le 4 octobre 2023. Il s'agit notamment de faciliter l'observation partagée des territoires, de porter une attention particulière aux copropriétés mixtes et à identifier l'apport des organismes de logement social pour le redressement d'immeubles en copropriété, notamment par leur transformation au moins partielle en logements sociaux.

b) Les ORCOD, l'outil pour affronter la complexité du redressement des grands ensembles

Le PIC vise à s'attaquer aux problèmes les plus lourds et à la plus grande complexité dont l'ampleur est rarement mesurée.

Les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) qui peuvent être déclarées d'intérêt national (ORCOD-IN) ont été créées par l'article 65 de la loi ALUR en 2014 (articles L. 741-1 et L. 741-2 du CCH), soit quatre ans avant le lancement du PIC. Elles n'en sont pas moins son principal outil de mise en oeuvre.

Le dispositif d'opération de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD) a précisément pour vocation d'offrir un cadre contractuel animé par un opérateur ensemblier permettant la mise en oeuvre d'un projet global avec un éventail large d'actions. Ainsi, l'ORCOD peut comprendre :

§ un dispositif d'intervention immobilière et foncière, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété ;

§ un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants, avec la possibilité de mobiliser directement les contingents publics, comme dans le cadre des procédures de traitement de l'habitat indigne, insalubre ou dangereux ;

§ la mobilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne, mobilisation favorisée par la possibilité d'instaurer un droit de préemption urbain renforcé, avec l'obligation de joindre un rapport sur l'état du logement cédé à la déclaration d'intention d'aliéner ;

§ la mise en oeuvre d'actions ou d'opérations d'aménagement ;

§ la possibilité d'utiliser la procédure d'administration provisoire renforcée.

La mise en oeuvre des outils d'accompagnement classiques (Opération programmée d'amélioration de l'habitat - OPAH, Plan de sauvegarde) est également possible et constitue alors un volet spécifique intégré à l'ORCOD pour cibler les efforts sur les immeubles les plus en difficulté du périmètre.

Les ORCOD sont initiées par la commune ou l'EPCI compétent en matière d'habitat, mais pour les sites les plus complexes, l'article L. 741-2 du code de la construction et de l'habitation (CCH) a introduit la possibilité de déclarer d'intérêt national une opération de requalification des copropriétés si le site présente a minima les caractéristiques suivantes :

§ des enjeux majeurs en matière d'habitat dégradé,

§ une complexité de traitement particulière,

§ de lourds investissements.

Cette déclaration d'intérêt national par un décret en conseil d'État emporte création d'une opération d'intérêt national (OIN) au sens de l'article L. 102-12 du code l'urbanisme et permet l'intervention d'un établissement public foncier d'État qui est chargé de la conduite de l'opération et mobilise à cet effet la ressource fiscale qui lui est affectée, la taxe spéciale d'équipement (TSE), dans la limite de 5 euros par habitant. Le préfet peut faire usage de son pouvoir de désignation pour le relogement.

L'ORCOD-IN carne l'approche la plus globale et transversale pour traiter les problèmes de copropriétés en difficulté.

Dans son recueil d'outils et d'expériences sur le PIC de janvier 2021, l'Anah a illustré avec justesse la question en comparant le déroulement théorique d'une opération de recyclage, prise en charge dans le cadre des ORCOD et/ou par la mise en oeuvre d'une procédure de carence de la copropriété, et sa déclinaison dans la « vraie vie » au Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois. L'opération prendra au moins vingt ans comme le montre la frise chronologique ci-dessous.

Source : Anah, janvier 2021

Source : Anah, janvier 2021

Concernant la seule procédure de carence, hors diagnostic et alerte, la durée minimale serait de deux ans pour la saisine du président du TGI en vue de la désignation d'un expert et la prise de possession par le bénéficiaire de l'expropriation.

Concernant un processus de redressement, les choses ne sont pas nécessairement moins longues ou complexes :

Grigny 2, où la Commission d'enquête s'est rendue, est l'un des exemples les plus symboliques.

Il s'agit d'une des plus grandes copropriétés de France, inscrite dès 2018 dans les opérations suivies nationalement dans le PIC. Elle est devenue l'archétype de la problématique. Elle compte 17 000 habitants dans 5 000 logements, 104 bâtiments, 28 syndicats secondaires, dont 27 d'habitation. Quinze bâtiments doivent être démolis, cinq transformés en habitat social, soit 1 300 expropriations (900 démolitions, 400 transformés en logements sociaux). Des immeubles devraient également être transformés en copropriétés mixtes sociales et privées.

Les travaux d'urgence, financés à 100 % TTC, ont débuté en 2021 pour un montant de 44,5 millions d'euros, vingt ans après le premier plan de sauvegarde et cinq ans après le classement en ORCOD-IN. Cinq ans ont été nécessaires pour contraindre les syndics à accepter l'audit de leurs comptes.

Selon l'Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF), le budget prévisionnel serait de l'ordre de 800 millions d'euros couvrant les acquisitions, le portage des logements, la transformation de la copropriété et sa rénovation et l'aménagement du quartier, dont 400 millions de TSE, 65 millions de l'ANRU et 150 millions de l'Anah.

Au-delà de Grigny, l'EPFIF est aujourd'hui l'opérateur des quatre ORCOD-IN créées dans la région56(*) et a créé deux filiales, l'une avec CDC Habitat Copropriétés, l'ACIF, pour le portage des lots de copropriétés, et la SIFAE, avec Action logement pour le pavillonnaire (cf. ci-dessous).

L'EPFIF a été en charge de la rédaction d'une convention-cadre du partenariat entre les différents acteurs. Il assure toujours le pilotage en lien avec le préfet et les collectivités. Le rôle des EPF d'État paraît central compte tenu des moyens d'action et des savoir-faire techniques.

État d'avancement des quatre ORCOD-IN en Île-de-France

2 555 logements acquis sur 4 000

640 ménages relogés

41 plans de sauvegarde pilotés dont 27 à Grigny

3 ZAC créées à Clichy, Grigny et Villepinte pour la mise en oeuvre d'un projet urbain d'ensemble dans le cadre d'une opération d'intérêt national (OIN).

Source : EPFIF - Réponses à la commission d'enquête

Mais si l'EPFIF dresse un constat positif du partenariat noué avec les différents acteurs, il n'en mesure pas moins les limites de son action.

Les EPF d'État peuvent recourir à la TSE, soit 5 euros par habitant et par an. Ces moyens financiers ne sont toutefois pas une ressource surdimensionnée au regard des besoins. L'EPFIF dispose ainsi d'un budget de 60 millions d'euros qu'il juge insuffisant pour faire face aux besoins des quatre ORCOD-IN de la région capitale. Le déplafonnement prévu par la loi du 9 avril sur l'habitat dégradé va permettre une augmentation de 20 % en portant la TSE à 6 euros, mais sans pouvoir aller au-delà. L'EPFIF souligne donc que toute nouvelle opération devra conduire à une révision des quotes-parts de financement des autres partenaires.

Ainsi, les opérations de recyclage (acquisition, portage et démolition hors reconstruction) coûteraient 150 000 euros par logement en moyenne, les opérations d'acquisition-amélioration, 100 000 euros... Des financements supplémentaires de l'Anah seraient donc à envisager. De même l'intervention de l'ANRU est-elle indispensable. Aujourd'hui, l'EPFIF déplore une participation limitée à 5 % du déficit des opérations d'aménagement à Clichy et à Grigny.

L'EPFIF déploie une ingénierie sociale hors-norme et difficilement reproductible pour les propriétaires occupants comme pour les locataires que les logements soient acquis ou non par l'EPFIF. Des équipes sont présentes en continu sur le terrain, et des équipes sont dédiées à ce volet dans chacun des projets à travers une commission sociale et des partenariats.

De fait, mobiliser un tel niveau d'ingénierie sociale peut être un frein à l'action publique dans les sites de moins grande ampleur, pilotés par les collectivités locales, ou pour intervenir sur de petites copropriétés sans aides financières importantes.

Cet accompagnement social a d'ailleurs fait ressortir des difficultés de coordination avec la commission de surendettement de la Banque de France. Les impayés de charge n'y sont pas jugés prioritaires alors qu'ils impactent l'ensemble d'un collectif que l'on cherche à redresser. Certains ménages font en outre l'objet de mesures de protection décidées par la Banque de France, mais pas cohérentes avec les mesures mises en oeuvre dans l'ORCOD-IN et qui devraient conduire le ménage à vendre son logement.

Dispositif d'accompagnement social mis en place par l'EPFIF

Logements acquis par l'EPFIF :

> Les locataires sont maintenus en place ou bénéficient d'un droit au relogement,

> Les propriétaires occupants ont le choix entre la vente ou le maintien dans les lieux en tant que locataires de l'EPFIF. Éventuellement, un dispositif de location - accession, afin de permettre à ces propriétaires occupants en capacité de le faire de réaccéder à la propriété dans d'autres copropriétés du quartier, sur un marché immobilier quasi équivalent.

Dans ces cas, les loyers sont plafonnés à un niveau équivalent PLUS (7 €/m²), nettement inférieurs au marché locatif privé. Une Maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS, travailleurs sociaux), avec évaluation sociale systématique des occupants et possible accompagnement social, dès que nécessaire, est mobilisée. Elle conduit pour toute situation de fragilité socio-économique vis-à-vis du logement, à des mesures d'accompagnement social de 3 à 18 mois, pour ouvrir les droits, lever les freins au relogement ou au maintien dans les lieux (endettement, situation administrative ou familiale, etc.) - cela représente environ 40 % des occupants à Clichy-sous-Bois. L'EPFIF mobilise également les aides des FSL pour les situations de dette locative avec peu de résultats.

Pour les ménages à reloger, l'EPFIF assure un accompagnement individuel au relogement, et si besoin un suivi social post-relogement (jusqu'à 6 mois, puis passage de relais au bailleur social d'accueil).

Logements non acquis par l'EPFIF (locataires du parc privé ou propriétaires occupants) :

L'EPFIF assure l'accompagnement social des propriétaires qui est inclus dans chacune des missions de suivi-animation des plans de sauvegarde de copropriétés (équipes sociales au sein des opérateurs de suivi-animation).

Un focus particulier est fait sur les propriétaires occupants endettés, avec soutien dans la mobilisation des aides de droit commun (FSL, CCAS) et, le cas échéant, l'orientation vers le rachat du bien par l'EPFIF.

Il serait donc nécessaire de mieux associer les départements et les métropoles pour qu'ils mobilisent les Fonds de solidarité pour le logement (FSL) non seulement au profit des locataires pour faire face à une dette locative, mais aussi pour venir aider les copropriétaires pauvres qui ne parviennent pas à faire face à leurs charges.

L'EPFIF s'inquiète en outre de l'étalement dans le temps des opérations. En effet, plus une opération dure plus la situation se dégrade. Au cours des dernières années, l'EPFIF a constaté l'augmentation des impayés de charges en raison de la hausse des prix de l'énergie et de la précarité économique. L'accompagnement social est de ce fait plus long, d'autant que la crise du logement joue négativement sur les possibilités de relogement. Par ailleurs, l'attrait de ces copropriétés comme parc social de fait et zones de relégation demeure ou se renforce, et les opérateurs peuvent être confrontés à des squats de personnes précaires et sans droit particulièrement difficiles à reloger. Cette difficulté semble accrue par la mise en oeuvre de la gestion en flux des attributions qui aurait conduit à une division par quatre des propositions de relogement par les bailleurs sociaux depuis le 1er janvier 2024.

Globalement, il semble nécessaire d'élargir le PIC aux acteurs régaliens de l'État. Tout d'abord, le ministère de la justice n'est pas à même de suivre les besoins des opérations pour assurer leur bon déroulement. L'EPFIF a ainsi fait savoir à la commission d'enquête que le tribunal judiciaire d'Évry ne dispose que d'un demi-poste de juge de l'expropriation, là où une chambre serait nécessaire avec quatre magistrats et deux greffiers. Les tribunaux de proximité devraient être renforcés temporairement pour gérer le flux des expropriations, voire plus généralement le contentieux lié aux expulsions d'occupants sans titre ou au conflit avec les syndics.

Or, cette possibilité existe en droit en application de l'article LO 121-4 du code de l'organisation judiciaire qui prévoit que « lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le premier président peut, par ordonnance, déléguer, avec leur accord, des présidents de chambre et des conseillers de la cour d'appel ainsi que des juges des tribunaux judiciaires pour exercer des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel dont le service est assuré par des magistrats du corps judiciaire.

Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois sur une même période de douze mois consécutifs. L'ensemble des délégations ordonnées sur le fondement du présent article et des articles LO 121-5 et LO 125-1 ne peut excéder une durée totale de trois mois au cours de la même période.

Par dérogation à la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, les magistrats délégués en vue d'exercer les fonctions de juge de l'expropriation peuvent l'être pour une durée totale de six mois sur une même période de douze mois consécutifs. »

La commission regrette toutefois qu'elle ne soit pas suffisamment appliquée et généralisée pour traiter ces cas complexes, même si, d'ores et déjà, l'EPFIF a pu engager un travail partenarial avec le tribunal judiciaire pour préparer la scission de la copropriété de Grigny 2 en 2022 et la liquidation du syndicat principal, ainsi que pour contrôler les coûts des administrateurs provisoires.

Ensuite, les auditions et visites de terrain montrant que ces copropriétés deviennent le réceptacle de nombreux trafics, il paraît également pertinent d'associer au PIC les forces de l'ordre. Dans bien des cas, ces sites sont également des quartiers de reconquête républicaine.

Proposition : Préparer dès maintenant un nouveau PIC après 2028 pour achever les opérations lancées et mener à bien celles qui le sont actuellement.  

Dans cette perspective :

- Accroître les ressources financières des EPF, l'implication de l'ANRU et de l'Anah et tripler la capacité de préfinancement des aides de l'Anah de Procivis.

- Impliquer de nouveaux acteurs que sont :

> les départements et les métropoles pour aider les copropriétaires pauvres à travers les FSL ;

> les ministères de la Justice et de l'Intérieur pour assurer une réponse coordonnée des tribunaux et des forces de l'ordre afin de réussir le redressement des copropriétés dans de meilleurs délais et sans goulots d'étranglement liés au manque de magistrat ou sans rechutes liées aux trafics ou aux squats ;

> la Banque de France pour assurer la coordination des mesures de surendettement avec les efforts de redressement des copropriétés.

B. LE DÉFI DE SON DÉPLOIEMENT EN ZONE DIFFUSE

1. L'enjeu des petites copropriétés et la difficulté de mesurer l'action publique

Rappelons que, selon les données déjà présentées et issues de la base CoproFF élaborée par l'Anah et le CEREMA à partir du RNIC et des fichiers fonciers, en 2023, seules 527 624 copropriétés seraient immatriculées sur un total de 887 855. 350 000 environ seraient donc « inconnues » et tout laisse penser qu'il s'agit des plus petites.

Selon le fichier Filocom, dont la dernière actualisation date de 2019, 70,5 % des copropriétés comptent moins de 10 logements.

Enfin, l'indice de vulnérabilité élaboré par l'Anah et dont la dernière version date de 2017 montrait que les copropriétés de moins de 12 logements représentaient les 4/5 e des copropriétés les plus fragiles.

Ces petites copropriétés, souvent non-immatriculées, constituent donc un enjeu de politique publique. Moins visibles, elles se révèlent plus difficiles à appréhender et à prendre en charge dans les dispositifs mis en place par l'État. Pourtant elles jouent un rôle central dans la dégradation de centres bourgs, de villes moyennes et même dans des agglomérations où l'attention et les moyens financiers sont focalisés sur les grands ensembles.

Leur prise en charge par les dispositifs publics conduit d'ailleurs à une certaine confusion des chiffrages du Plan Initiative Copropriété. En réalité essentiellement tournée vers les grands ensembles en zone ANRU, l'adjonction du PNRQAD, qui lui est antérieure, ou des programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain donnent une impression un peu fausse de son déploiement et de son efficacité.

Ainsi, l'Anah, dans ses réponses à la commission d'enquête, indique qu'alors que le PIC prévoyait de traiter 684 copropriétés, elle en a aidé 1 686, soit 65 635 logements, au titre des copropriétés en difficulté, dont 226 pour la rénovation énergétique et 788 au titre de la lutte contre l'habitat indigne. Par ailleurs, 1 146 copropriétés et près de 73 000 logements ont été aidés dans le cadre de MPR Copropriétés.

L'Anah en déduit que les chiffres annuels de rénovation ont été multipliés par deux en nombre de logements, par trois en volume budgétaire entre 2017 et 2021, par cinq en nombre de logements et par 10 en volume budgétaire pour la rénovation énergétique.

Évolution en nombre de logements subventionnés par l'Anah
selon les axes du PIC par année (au 21/12/2023)

Évolution par montant de subvention (M€) engagé par l'Anah
selon les axes du PIC par année (au 21/12/2023)

L'Anah a également apporté des précisions sur la part des aides de MaPrimeRénov' Copropriétés attribuée aux copropriétés fragiles et dégradées qui en représentent la plus grande proportion.

Résultats du programme MaPrimeRénov' Copropriété

 

2021

2022

2023

Total 2021-2023

MPR copropriété (« copropriétés saines »)

3 298

10 840

15 646

29 784

Copropriété fragile

7 083

12 392

11 757

31 232

Copropriété en difficulté

1 510

2 706

2 761

6 977

Total

11 891

25 938

30 164

67 933

Source : Anah, réponses à la commission d'enquête

Ceci étant, l'Anah indique qu'elle ne parvient pas à toucher suffisamment les copropriétés de moins de 20 lots qui sont pourtant les plus nombreuses.

Distribution des copropriétés selon la période de construction et leur taille
par rapport à la distribution des dossiers engagés sur MPR Copropriétés
entre 2020 et 2022

Ainsi, 10 % des dossiers MPR Copropriétés concernent des immeubles construits avant 1949 alors que cela représente 33 % du parc de copropriétés et 40 % des copropriétés de -20 lots d'habitation.

A contrario, 58 % des dossiers engagés concernent des copropriétés construites entre 1961 et 1974 alors que celles-ci ne représentent que 14 % de l'ensemble des copropriétés.

Au regard du volume important des petites copropriétés de centre-ancien, ces dernières doivent être mobilisées pour répondre aux objectifs de transition énergétique du secteur résidentiel.

La commission d'enquête ne conteste pas l'exactitude des données transmises par l'Anah qui montrent l'effort fait en la matière et l'enjeu spécifique des petites copropriétés.

Mais, si toute action en faveur des copropriétés relève du PIC, celui-ci n'est plus qu'une étiquette et perd sa spécificité originelle d'une action d'ampleur et focalisée. Si tout devient PIC, celui-ci se dissout.

La commission d'enquête s'étonne donc de cette tendance à gonfler les résultats obtenus en y adjoignant des actions allant au-delà de la cible initiale, et qui donne une vision particulièrement optimiste du sujet en décalage avec les observations de terrain et les auditions menées.

2. PNRQAD, ACV, PVD des programmes du PIC vraiment ?

L'articulation du PIC est officiellement présentée ainsi :

Cela suscite l'interrogation de la commission d'enquête qui n'a pas constaté cette cohérence à travers ses auditions. De fait, sans revenir sur les difficultés rencontrées dans le redressement des grands ensembles en partenariat avec l'ANRU, la commission d'enquête a peiné à identifier auprès des acteurs que sont l'ANCT, les associations d'élus, dont notamment l'Association des petites villes de France et l'Association des maires ruraux, mais aussi CDC Habitat ou Action Logement, les actions se rattachant aux copropriétés dégradées dans le cadre d'Action coeur de ville ou de Petites villes de demain. Les déplacements sur le terrain ont également montré toute la difficulté d'identifier les copropriétés, de nouer une relation en vue de leur redressement et de le mener à bien.

a) Le PNRQAD, un programme lancé neuf ans avant le PIC

Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) a été instauré par la loi du 25 mars 2009 de Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre l'Exclusion (MOLLE), soit neuf années avant le PIC !

Il visait à engager les actions de requalification globale de 40 quartiers, dont 25 ont fait l'objet d'un soutien renforcé des trois financeurs que sont l'État, l'Anah et l'ANRU à hauteur respectivement de 80, 150 et 150 millions d'euros, soit un total de 380 millions d'euros. Les 15 autres quartiers n'ont bénéficié que d'un appui en ingénierie de l'Anah. Cet investissement public devait conduire à près de 1,5 milliard d'euros de travaux avec les concours des collectivités, des bailleurs sociaux et des opérateurs privés.

Source : Ministère du logement, 2023

Il est à noter que la plupart des quartiers sont aujourd'hui couverts par d'autres dispositifs lancés ultérieurement : QPV (2014) ou ACV (2018).

Le plan a été confié à l'ANRU. Il visait la réhabilitation de 60 000 logements privés, dont 20 000 seraient conventionnés, la production de 25 000 logements sociaux et 5 000 places d'hébergement.

À l'origine, ce programme devait durer sept ans, jusqu'en 2016. Il s'achèvera en réalité en 2025. Les projets sont actuellement en phase de mise en oeuvre, 24 avenants de sortie ayant été validés. À la fin juillet 2023, 141 millions d'euros de subventions ANRU ont été engagés sur les 25 conventions signées et les paiements ont atteint 93 millions d'euros.

Fin 2023, un peu moins de 1 400 logements sociaux auraient été financés. L'Anah a, elle, engagé 185 millions d'euros, dont 29 millions en ingénierie et 156 en travaux dont 41 % pour les copropriétés.

La commission d'enquête n'a pas eu connaissance de la mesure de son impact, certainement réel pourtant, sur les copropriétés dégradées.

b) Action coeur de ville (ACV)

Le programme Action coeur de ville s'inscrit dans la lignée de celui de revitalisation des centres bourgs qui a concerné 54 municipalités de 2014 à 2020.

Le programme ACV a été lancé en mars 2018 et touche 222 territoires recouvrant 234 municipalités. Il devait durer cinq ans. Le budget prévu est de 5 milliards d'euros répartis entre l'Anah (1,2 Md€), Action Logement (1,5 Md€) et la CDC (1 Md€ de fonds propres, 700 M€ de prêts). L'ANRU est également présente puisque 10 % environ des villes sélectionnées sont inscrites au NPNRU.

Il a pour objectif de restaurer l'attractivité de villes moyennes et va bien au-delà des seules copropriétés paupérisées. Néanmoins, le volet logement y est important afin de requalifier le bâti délaissé.

Des OPAH-RU ont tout d'abord été le support du programme (190 au total) avant que l'article 157 de la loi ELAN ne crée les opérations de revitalisation de territoire (ORT), contrat intégrateur unique qui a finalement été conclu par 228 des municipalités concernées.

À fin 2022, 6 milliards d'euros avaient été engagés, ayant notamment permis la rénovation de 91 000 logements et 1 950 immeubles étaient en voie de réhabilitation ou de construction.

Lors de son audition, Dominique Consille, directrice du programme à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, a indiqué à la commission que ce programme avait touché 1 162 copropriétés, soit 20 790 logements.

Le programme a été prolongé jusqu'en 2026 et sept territoires ont été ajoutés. Une nouvelle enveloppe de 5 milliards d'euros a été mobilisée.

c) Petites villes de demain (PVD)

Le programme Petites villes de demain est lui aussi, dans une certaine mesure, la poursuite du programme de revitalisation des centres bourgs et, pour des villes plus petites que dans le programme ACV. Il a été annoncé en septembre 2019 et a fait partie des mesures de l'agenda rural présenté en octobre 2020. Il s'adresse aux villes de moins de 20 000 habitants hors des grands pôles urbains et ayant des fonctions de centralité. 1 642 villes ont été sélectionnées. 3 milliards d'euros ont été alloués.

Il est piloté par l'Anah et son principal outil est l'ORT.

Courant 2023, 826 communes s'étaient engagées avec l'Anah dans une ORT, soit la moitié seulement de la cible. Le ministère du logement indique en outre que 1,2 milliard d'euros a été engagé, dont 155 millions d'euros pour l'ingénierie (chefs de projets). 572 communes sont couvertes par une OPAH-RU et 12 sont engagées dans des opérations de RHI. 31 600 logements auraient été rénovés. Parmi ceux-ci, Mme Dominique Consille a indiqué lors de son audition qu'il y avait 229 copropriétés, soit 2 293 logements.

Compte tenu de ces éléments et afin de clarifier les financements et les objectifs et l'impact de l'action publique, la commission d'enquête suggère de distinguer ce qui relève réellement du PIC, tel qu'il a été conçu initialement, et qui vise essentiellement les grands ensembles sous ORCOD-IN ou ORCOD de droit commun, de ce qui relève du soutien aux copropriétés de petites tailles dans le secteur diffus qui sont traitées grâce à d'autres outils ou à travers d'autres programmes à travers un « PIC-PC ».

Proposition : Créer un PIC-PC dédié aux petites copropriétés permettant de mobiliser tous les acteurs concernés, de fixer des objectifs, d'identifier des moyens budgétaires et de mesurer réellement l'impact de cette politique publique à destination des copropriétés dans le secteur diffus.

3. Une collection d'outils d'intervention publique aux allures de mosaïque

L'Anah soutient deux grandes familles d'outils : pour la prévention, d'une part, et pour le redressement des copropriétés, d'autre part, qui sont à l'initiative des maires ou des présidents d'EPCI compétents en matière d'habitat.

a) Les outils de prévention : les VOC et les POPAC

Les dispositifs de veille et de prévention sont directement issus du rapport Braye de 2012 et ont été validés par le Conseil d'administration de l'Anah de mars 2012.

(1) La Veille et observation des copropriétés (VOC)

Le dispositif de Veille et observation des copropriétés (VOC) poursuit trois objectifs : améliorer la connaissance du parc de logements en copropriété, développer des fonctions de veille continue (un observatoire) en vue de détecter à temps les évolutions négatives et repérer les copropriétés fragiles nécessitant une intervention ciblée.

Ce dispositif de VOC permet de favoriser la prise de conscience des acteurs et permet d'améliorer l'expertise des territoires, de normaliser l'observation au moyen d'indicateurs socles afin de pouvoir comparer l'état des copropriétés dans le temps et dans l'espace et, enfin, de prioriser et hiérarchiser les actions publiques de redressement.

La VOC est déployée sur tout ou partie d'un territoire et cible l'ensemble ou certains types de copropriétés seulement

47 VOC ont été financées depuis l'origine par l'Anah dont une douzaine en Île-de-France. Ces VOC représentent 170 766 copropriétés. Il y en avait 12 actifs en 2022.

La VOC est un financement de l'Anah de 60 000 euros sur trois ans, dans la limite de 50 % des dépenses encourues par la collectivité, pour permettre à une collectivité de structurer et de créer un observatoire. L'Anah peut également financer des aides préparatoires dans la limite de 50 % de 100 000 euros.

Ainsi, l'Anah ne finance que la structuration de l'observatoire, à charge ensuite pour la collectivité, passé ces trois ans, de poursuivre ce travail, ce qui pose fréquemment des difficultés pour assurer la pérennité de cet investissement.

(2) Le Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (POPAC)

Le programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (POPAC) est un dispositif destiné à prévenir la déqualification d'immeubles en copropriété et éviter l'accentuation de leurs difficultés.

Son périmètre, défini par la collectivité demandeuse, peut être une copropriété, plusieurs ou un périmètre plus large.

Il s'appuie normalement sur un repérage et un suivi des copropriétés et de leurs fragilités avec une attention spécifique aux risques pour la santé et la sécurité et sur un volet animation et des partenariats pour assurer l'aller vers, la sensibilisation et la formation des acteurs.

Les copropriétés ciblées font ensuite l'objet d'un accompagnement individualisé pour résoudre les premières difficultés ou fournir un appui à la gestion et au fonctionnement des organes de la copropriété. Cela inclut des conseils pour maîtriser les charges, mobiliser les copropriétaires, engager les diagnostics et les procédures nécessaires. Les POPAC ne sont pas faits pour financer des travaux de rénovation.

C'est également un financement sur trois ans à hauteur de 50 % de la dépense et limité à 50 000 euros par an. Le POPAC peut être prolongé d'une année.

Des expertises complémentaires, comme un audit comptable, peuvent être demandées et co-financées à hauteur de 50 % par l'Anah.

En 2022, 56 POPAC étaient actifs.

Déclinaison de ces outils au sein de la communauté d'agglomération
de Paris Vallée de la Marne

La commission d'enquête a réalisé une visite à Torcy, le 16 mai 2024, pour mieux comprendre la politique menée par la CAPVM qui comprend 12 communes et 229 000 habitants au centre de la Seine-et-Marne.

Elle a déployé une VOC en 2016 ce qui lui a permis de cibler et de suivre 264 copropriétés potentiellement fragiles soit 20 % des copropriétés de son territoire (1 450 et 38 375 logements). La principale limite remontée à la commission est la difficulté de pérenniser un observatoire dans le temps alors que les principales informations étaient issues des fichiers de taxe d'habitation qui ne sont plus actualisés, que le RNIC n'est pas encore une source fiable et que donc l'actualisation dépend largement des copropriétaires.

Parallèlement un POPAC a été mis en place dès 2015 au profit de l'ensemble des copropriétés de l'intercommunalité. Le POPAC a duré six ans et permis de toucher 156 copropriétés, dont 24 potentiellement fragiles, soit moins de 10 % de celles qui ont été identifiées par la VOC.

Même si plusieurs aspects positifs ont été relevés : les copropriétaires qui ont été aidés, la montée en compétence des services ou le recueil d'information. Le bilan est mitigé face à des copropriétés difficiles à toucher, des syndics peu aidants, le turn over des interlocuteurs et une action qui a de la difficulté à s'enraciner et à s'inscrire dans la longue durée qui est celle des copropriétés.

Parallèlement au POPAC, la CAPVM a mis en place une plateforme de rénovation énergétique avec deux conseillers France Rénov' pour assurer l'accompagnement et provoquer la décision de travaux de rénovation, l'aspect énergétique étant une porte d'entrée.

Au final, de 2015 à 2022, sur les copropriétés potentiellement fragiles touchées, 23 % n'avaient pas de difficultés, un tiers ont réalisé ou sont dans un parcours de travaux, mais 46 % ne font pas de retour aux propositions ou sont dans une situation de blocage.

En fin de compte, ces dispositifs sont utiles, mais sont difficiles à pérenniser aussi bien en termes de moyens que de mobilisation des acteurs, alors même qu'ils doivent s'inscrire dans le temps long pour toucher les copropriétés et leur apporter des solutions.

La commission d'enquête s'interroge sur le caractère ponctuel et non coordonné des aides. Il y a une logique intellectuelle de la veille au repérage et du repérage à la prévention et au redressement, voire au-delà. Mais cette logique ne se traduit pas dans les aides. Recourir à une VOC n'est pas le préalable réglementaire nécessaire d'un POPAC ou d'une OPAH-CD. De même, il n'y a pas de lien aujourd'hui entre la VOC et le RNIC pour en assurer la complétude et l'exactitude afin qu'il soit un outil opérationnel. Ces dispositifs d'alerte et de prévention n'ont pas de lien non plus avec l'éventuelle désignation d'un mandataire ad hoc. Il est donc nécessaire de favoriser la continuité et la cohérence de l'action publique en matière de repérage et de prévention des difficultés des copropriétés.

Proposition : Assurer la continuité et la cohérence entre les dispositifs de repérage et de prévention des difficultés des copropriétés en établissant un lien entre VOC, POPAC, RNIC et mandataire ad hoc. Assurer ce lien avec les opérations programmées de l'habitat destinées au redressement des copropriétés.

b) Les outils de redressement

Actuellement, 1 099 dispositifs programmés portés par l'Anah couvrent le territoire, dont 372 (33 %) comprennent des actions en faveur des copropriétés, soit :

- 23 plans de sauvegarde,

- 83 OPAH CD,

- 118 OPAH RU qui ont un volet copropriété,

- 45 OPAH qui ont un volet copropriété,

- 3 OPAH RR qui ont un volet copropriété.

Source : Anah, 2024, réponses à la commission d'enquête

Ces outils de redressement sont déclenchés à l'initiative des élus et plus particulièrement des intercommunalités. Ils jouent donc un rôle central, mais souffrent d'une insuffisante information sur la situation des copropriétés de leur territoire et doivent gérer la complexité des dispositifs.

(1) Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH)

L'opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) est un outil de réhabilitation du parc immobilier bâti à l'échelle d'un îlot ou d'un quartier. Elle vise à inciter les propriétaires à engager les travaux de rénovation nécessaires, par un accompagnement, notamment financier, assuré par un opérateur pris en charge par la collectivité et l'Anah. Elle est régie par l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH).

L'OPAH est lancée par la signature d'une convention entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d'habitat ou le syndicat mixte qui aurait reçu mandat de ces derniers, l'Anah et l'État et peut être conduite pour une période de trois à cinq ans maximum.

Le conventionnement d'une collectivité avec l'Anah fait suite à l'élaboration d'une stratégie d'intervention déterminée, permettant de cibler le secteur nécessaire. Outre l'OPAH de « droit commun », il existe plusieurs types d'OPAH « spécialisées » :

Ø l'OPAH de renouvellement urbain (OPAH-RU) est renforcée par des dispositions foncières et immobilières coercitives ;

Ø l'OPAH de revitalisation rurale (OPAH-RR) est nécessairement intercommunale ;

Ø l'OPAH de copropriétés dégradées (OPAH-CD).

Mise en place par la circulaire du 7 juillet 1994, l'opération programmée d'amélioration de l'habitat visant à la requalification des ensembles immobiliers en copropriété, dite OPAH Copropriété, a été créée à l'origine pour traiter les copropriétés récentes (construites après 1948) en très grande difficulté. L'OPAH Copropriété a pour objectif le traitement global et coordonné de l'ensemble des difficultés que rencontre la copropriété. La procédure s'appuie sur un programme de travaux, après un redressement des instances et de la situation financière de la copropriété.

La convention d'une OPAH comporte :

Ø le montant total des aides potentielles pour l'amélioration de l'habitat, la construction de logements sociaux, l'acquisition de logements en vue de leur amélioration pour un usage locatif social, les baux à réhabilitation et actions d'accompagnement prévues ;

Ø les actions d'accompagnement et d'amélioration du cadre de vie ;

Ø les actions prévues pour assurer une diversité de la population dans les quartiers, maintenir le caractère social de l'occupation des logements et favoriser le maintien sur place des occupants ;

Ø les actions destinées à assurer le maintien ou l'implantation des services ou d'équipements commerciaux ou artisanaux de proximité.

S'agissant des aides financières, l'Anah est mobilisable :

Ø Pour l'aide aux travaux en parties communes :

o par la prise en charge d'un montant représentant jusqu'à 35 % des travaux, sans plafond de dépense, pouvant être majoré jusqu'à 100 % du montant pour les travaux d'urgence, sous conditions ;

o en cas de cofinancement des travaux par une collectivité territoriale ou d'un EPCI, le montant pris en charge par l'Anah peut être majoré de 5 %.

Ø Pour l'aide à l'ingénierie :

o par la prise en charge de 50 % du montant de l'étude pré-opérationnelle, avec un plafond de 200 000 euros ;

o par la prise en charge de 50 % des coûts liés au suivi et à l'animation du dispositif, avec un plafond de 150 000 euros pour une OPAH-CD, de 35 % des coûts avec un plafond de 250 000 euros en OPAH ou OPAH RR, et de 50 % pour les OPAH RU, avec un plafond identique.

Les actions réalisées dans le cadre d'une OPAH copropriétés dégradées peuvent concerner :

Ø la communication, l'information et la formation éventuelle des copropriétaires et du conseil syndical ;

Ø l'accompagnement des travaux en parties communes grâce à la réalisation d'un diagnostic global évaluant la dégradation des structures, l'accompagnement de la réalisation d'un cahier des charges et de la consultation de bureau d'études, le suivi des études et des audits, l'accompagnement dans les négociations commerciales et la préparation des assemblées générales ;

Ø pour les copropriétés ayant engagé les travaux dans le cadre de l'OPAH, l'accompagnement du conseil syndical dans le suivi des travaux et la coordination des interventions en partie privatives ;

Ø s'agissant des travaux en partie privative, la réalisation de diagnostics de performance énergétique, la constitution de dossiers d'aides aux travaux et la conduite d'achats groupés ;

Ø l'accompagnement juridique dans la mise à jour du règlement de copropriété ou la modification de sa gouvernance, l'étude de scission, l'accompagnement de la collectivité dans l'étude de rachat de lots ;

Ø la mise en place d'un suivi des impayés et des actions de recouvrement et le soutien du syndic dans la mise en oeuvre de procédures contentieuses et accompagnement à la réalisation d'un diagnostic puis d'un accompagnement social pour les copropriétaires fragiles ;

Ø l'ingénierie financière des travaux, avec l'élaboration d'un plan de financement, la détermination des restes à charge individuels, la constitution de dossiers de subventions, des emprunts collectifs et des avances de subvention, le suivi de la trésorerie au cours des travaux.

Dans le cadre d'une OPAH, la collectivité peut également acquérir un nombre limité de logements afin de contribuer au redressement financier de la copropriété.

L'OPAH copropriété ou le volet copropriété d'une OPAH concerne des copropriétés dont la situation est fragile ou qui sont au début d'un processus de dévalorisation. Il s'agit donc d'une procédure moins lourde que le plan de sauvegarde.

L'OPAH reste essentiellement incitative. La Cour des comptes dans son rapport d'avril 2021 sur la lutte contre l'habitat indigne notait d'ailleurs : « Les dispositifs d'aides sont nombreux et globalement adaptés aux besoins actuels, mais leur effet de levier n'est pas suffisant pour débloquer les situations ».

Pour l'illustrer, sans être aussi systématique dans le jugement, la commission d'enquête a pris connaissance d'un cas concret lors de sa visite à Torcy où, malgré la mise en place d'une OPAH CD de 2012 à 2016 sur quatre copropriétés ciblées, l'une d'entre elles n'est pas entrée dans la démarche et n'a pas réalisé de travaux, bloquant une partie de la rénovation du quartier. À l'issue et en décalage avec les autres immeubles des environs, cette copropriété, que la commission d'enquête a visitée et dont elle a pu rencontrer certains habitants, s'est paupérisée. Certains propriétaires sont partis et ont été remplacés par des copropriétaires plus modestes moins à même de supporter les travaux. Des bailleurs indélicats sont également entrés dans les lieux. Une dynamique a toutefois pu être relancée grâce à l'intervention d'un opérateur spécialisé et du changement du syndic qui a entrepris une politique très proactive de recouvrement des charges et de traitement des impayés. Aujourd'hui, grâce à une approche au cas par cas permettant à chaque propriétaire de mesurer le coût et le gain, les travaux ont pu être votés laissant penser que la situation va enfin pouvoir s'améliorer.

Cet exemple montre aussi le rôle déterminant de l'accompagnement dans le cadre ou non d'une OPAH.

En 2022, l'Anah a financé 72 OPAH-CD, soit 8 400 logements, pour 77 millions d'euros. Leur nombre a doublé depuis 2017. 216 dossiers ont également été financés au titre de l'ingénierie pour 7 millions d'euros.

(2) Le programme d'intérêt général (PIG)

Le préfet ou le président de l'EPCI peut décider du lancement d'un programme d'intérêt général (PIG) d'amélioration de l'habitat, dont il définit la durée dans une limite de cinq ans et le périmètre d'intervention, pouvant s'étendre à l'entièreté du département. Il est plus particulièrement destiné à traiter des habitats diffus et est nécessairement porté au niveau du département ou de l'intercommunalité.

Le programme fait l'objet d'un conventionnement entre l'État, l'Anah et une ou plusieurs collectivités territoriales et EPCI, afin de préciser le périmètre de l'opération, les objectifs prioritaires, les actions prévues, les engagements des partenaires et l'organisation de la gouvernance du programme et de la maîtrise d'ouvrage.

Le PIG est mobilisé afin d'améliorer les conditions d'habitat dans des ensembles d'immeubles ou de logements et peut, à ce titre, comprendre des mesures de nature technique et des interventions à caractère social. Il vise à répondre à une problématique d'intérêt général particulière (habitat indigne, manque de logements étudiants, précarité énergétique, catastrophe naturelle) ayant eu des répercussions sur le parc de logements existants.

Au cours de la phase opérationnelle, l'Anah contribue au financement de l'opération en versant directement des aides aux travaux aux propriétaires privés, ainsi qu'en contribuant au financement du suivi et de l'animation de l'opération. L'agence fournit également une assistance administrative et technique au maître d'ouvrage et contribue à la sensibilisation et l'information du public.

Dans son rapport d'avril 2021, la Cour des comptes soulignait la durée insuffisante du PIG pour permettre l'engagement d'une action durable.

(3) Les opérations de restauration immobilière (ORI)

L'opération de restauration immobilière vise à améliorer les conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. Elle repose sur une déclaration d'utilité publique (DUP) et s'inscrit donc dans le cadre d'un projet d'ensemble, qu'elle soit menée dans le cadre d'un dispositif opérationnel piloté par la collectivité (opération de revitalisation du territoire) et contractualisé avec l'Anah (PIG, OPAH) ou qu'elle soit menée de manière autonome.

L'ORI consiste ainsi à :

- améliorer les conditions d'habitabilité d'immeubles en définissant les travaux déclarés d'utilité publique à la charge du ou des propriétaires ;

- accélérer les mutations dans le cas de situations bloquées, notamment les vacances et la dégradation continue ;

- favoriser la mise en oeuvre d'un projet de revalorisation urbaine et patrimoniale et de requalification d'un quartier.

L'animation du dispositif peut être d'ordre incitatif, basée par exemple sur des financements développés dans le cadre d'une opération programmée du type OPAH-RU, ou d'ordre coercitif, basée sur le programme de travaux déclarés d'utilité publique de l'ORI et le risque potentiel d'expropriation.

Mais l'ORI est beaucoup plus lourde à conduire qu'une OPAH et potentiellement beaucoup plus coûteuse et risquée si, du fait de son volet obligatoire, elle conduit à mettre en oeuvre la DUP, des travaux voire le relogement temporaire ou définitif des locataires.

Au cours de son déplacement dans le Pas-de-Calais, un maire indiquait à la commission d'enquête que sa commune ne pouvait s'engager dans une ORI faute de moyens financiers.

(4) Le plan de sauvegarde (PDS)

Le plan de sauvegarde (PDS) a été instauré par la loi du 14 novembre 1996, dite « pacte de relance pour la ville », et renforcé par la loi « solidarité et renouvellement urbains » du 13 décembre 2000, puis la loi « ALUR » du 24 mars 2014. Il s'agit d'une procédure définie aux articles L.615-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Il constitue le cadre privilégié de l'action publique pour restaurer le cadre de vie des occupants des copropriétés en très grande difficulté, engagées dans une spirale de déqualification et de paupérisation.

Sous l'autorité du préfet, le plan de sauvegarde a comme objectifs la réalisation de travaux de conservation de l'immeuble, le rétablissement du fonctionnement des instances de la copropriété, l'assainissement de sa gestion et de sa situation financière, l'information et la formation des occupants de l'immeuble, l'organisation à la mise en place de mesures d'accompagnement économiques, urbaines, sociales...

Au sein du dispositif, le rôle du préfet est prégnant : il ordonne la mise en place d'un plan de sauvegarde lorsque l'intervention nécessite la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique pour des raisons de sécurité publique ou lorsqu'il s'agit de renégocier des dettes importantes avec des créanciers.

Une commission installée par le préfet est chargée de monter le plan de sauvegarde. Celui-ci doit l'approuver après avis du maire, du président de l'EPCI et éventuellement du président du conseil départemental ayant signé une convention d'attribution d'aides publiques au profit de la copropriété.

Le plan de sauvegarde prévoit :

- l'échéancier du redressement de la copropriété ainsi que les conditions de son financement ;

- la clarification et la simplification des règles de structure et d'administration de l'immeuble ou tendant à réduire les charges de fonctionnement trop importantes ;

- la réalisation de travaux de conservation de l'immeuble ou tendant à la réduction des charges de fonctionnement ;

- le rétablissement du fonctionnement des instances de la copropriété ;

- l'information des occupants de l'immeuble pour restaurer les relations sociales ;

- l'organisation de mesures d'accompagnement économiques, urbaines, sociales, en fonction des besoins.

La mise en oeuvre du plan fait l'objet d'un pilotage par la commission, présidée par le préfet et composée a minima du maire, du président de l'EPCI, des présidents du conseil départemental, du président du conseil syndical, du syndic ou de l'administrateur provisoire, du représentant des propriétaires et des locataires et du coordonnateur du plan de sauvegarde.

Le coordonnateur est désigné par le préfet pour veiller à la bonne application du plan. Il peut contraindre le syndic à respecter les mesures du plan et adresser des mises en demeure aux parties qui ne respectent pas, dans les délais prévus, les engagements contenus dans le plan de sauvegarde.

Le syndic de copropriété est tenu de remettre à la commission tous les documents utiles à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde.

S'agissant du financement, le plan de sauvegarde peut fournir :

- des aides aux travaux en parties communes et privatives de 50 % maximum du montant des travaux, pouvant être majoré jusqu'à 100 % du montant pour les travaux d'urgence ;

- une majoration de l'aide aux travaux d'amélioration en cas de cofinancement d'une collectivité territoriale ou d'un EPCI d'au moins 5 % ;

- la possibilité d'obtenir MaPrimeRénov' Copropriétés en cas de gain énergétique de 35 % ;

- des aides à l'ingénierie de 50 % du coût de l'étude pré-opérationnelle avec un plafond de 100 000 euros ajustable en fonction du nombre de logements, de 50 % du coût de suivi et d'animation du plan avec un plafond de 150 000 euros ajustable en fonction du nombre de logements, par an et de 50 % du coût de rémunération du coordonnateur du PDS.

- des aides au redressement de la gestion, à la gestion urbaine de proximité, au portage ciblé de redressement ainsi qu'aux travaux de scission et/ou de résidentialisation.

En 2022, l'Anah a financé 70 plans de sauvegarde et subventionné 6 829 logements dans ce cadre, soit une subvention de 48,3 millions d'euros.

L'Anah a également financé 273 dossiers au titre de l'ingénierie pour 12,5 millions d'euros.

La commission d'enquête a relevé, comme beaucoup d'observateurs, la multiplicité de ces dispositifs à l'allure de mosaïque, de poupées russes ou de tables gigognes. Il en ressort une impression de complexité voire de brouillard. Si les quelques cabinets et acteurs spécialisés les maîtrisent, tel n'est pas le cas des élus. Mais la complexité n'est finalement pas leur principal défaut, c'est leur durée insuffisante, 5 ans maximum, qui n'est pas compatible avec l'incrémentation d'une politique dans un territoire vis-à-vis de copropriétés où des décisions de travaux prennent plusieurs années. Pour « imprimer » et être efficace, il faut pouvoir disposer de dix ans même si cette durée doit être ponctuée de clauses de revoyure pour s'adapter.

Proposition : Porter à 10 ans, au lieu de cinq ans, la durée des opérations programmées destinées à prévenir et redresser les copropriétés pour adapter le temps des politiques publiques à la réalité de la vie des copropriétés.

4. Vision globale, aller vers et nouveaux outils
a) Développer une vision globale : rénovation, LHI, copropriétés

L'une des clés pour le traitement des copropriétés en milieu diffus est leur imbrication avec deux autres objectifs de politique publique : la lutte contre l'habitat indigne et la rénovation énergétique.

Selon l'Anah, en Île-de-France, la majorité des situations d'indignité se trouvent en copropriété.

Pour Soliha, s'il s'agit de phénomènes distincts, dans la pratique, il se présentent souvent ensemble dans l'habitat ancien, l'un, la paupérisation des copropriétés, entraînant le second, la survenance de logements indignes par l'absence d'entretien, ou l'arrivée de marchands de sommeil. Il y a donc un enjeu de coordination et de mise en cohérence des modalités de traitement.

On peut même penser que l'absence de vision commune incluant la complexité induite par la copropriété provoque une certaine myopie et empêche de voir le problème et d'imaginer les solutions dans leur ensemble avec une approche non plus seulement du logement, mais de l'immeuble, voire au-delà.

L'habitat indigne en copropriété implique en effet un traitement spécifique en raison des multiples niveaux de responsabilité. Quand un logement est non-décent, on peut souvent difficilement contraindre le propriétaire, dans la mesure où il peut s'agir d'équipements communs ou de parties communes, et les travaux, pour être efficaces, doivent être réalisés à l'échelle de l'immeuble dans son ensemble.

Aujourd'hui, la lutte contre l'habitat indigne est pilotée de manière interministérielle et partenariale, car elle implique l'intervention coordonnée de multiples acteurs dont, à titre principal, l'État et son opérateur l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les Agences régionales de santé, ainsi que les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont le rôle est central sur les territoires.

Un pôle national de lutte contre l'habitat indigne (PNLHI), que la commission d'enquête a entendu, est désormais rattaché au ministère délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Il est en lien notamment avec les ministères de la santé, de la justice, de l'intérieur, l'Anah, l'ANRU, l'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL), la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), la Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) et l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT).

Au niveau départemental, les partenaires de la lutte contre l'habitat indigne (services préfectoraux, délégations départementales des agences régionales de santé, caisses des allocations familiales, Parquets...) se réunissent au sein des pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI) sous l'égide d'un sous-préfet référent, depuis 2017. Depuis 2019, les préfets et les parquets ont été incités à améliorer leur coordination pour renforcer l'efficacité de la réponse pénale, notamment à travers des groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) dédiés à ce sujet.

La commission d'enquête estime que, compte tenu de l'imbrication de ce sujet avec les copropriétés, il serait nécessaire d'étendre explicitement la compétence du PLHI et des PDLHI aux copropriétés dégradées.

Les auditions ont en effet fait apparaître le besoin d'améliorer la coordination pour décloisonner les acteurs et les disciplines. Il faut que les alertes soient partagées. Il faut aussi sortir la copropriété de l'invisibilisation dans laquelle elle se trouve encore aujourd'hui et, sans doute en partie depuis 1965, qui en a fait une compétence non pas du ministère du logement, mais de celui de la justice.

Cette solution éviterait également de créer une autre structure alors qu'il convient de capitaliser sur l'existant.

Proposition : Élargir les outils de pilotage et de coordination de la lutte contre l'habitat indigne au niveau national et départemental aux copropriétés dégradées pour créer un PLHI-CD et des PDLHI-CD. Assurer la liaison avec les intercommunalités compétentes.

b) Aller vers et offres groupées pour les petites copropriétés

Cela a été dit, les petites copropriétés sont moins visibles et lorsqu'elles ont été repérées, on a parfois bien du mal à leur proposer une aide adaptée à leur situation. Les collectivités sont parfois insuffisamment outillées pour cela.

(1) Développer « l'aller vers »

La commission d'enquête a pris connaissance de plusieurs initiatives qui pourraient être plus largement développées.

Ainsi, le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre donne l'exemple de l'initiative prise par l'EPCI rural de Kreiz-Breizh comptant 18 000 habitants dans le centre Bretagne. A tout d'abord été mis en place un réseau de donneurs d'alerte impliquant toutes les personnes ou structures en contact avec la population et susceptible d'avoir connaissance de situations de mal-logement. Puis, se servant de la rénovation énergétique comme porte d'entrée non stigmatisante, cet EPCI a mis en place un service local d'intervention pour la maîtrise de l'énergie qui organise des visites au domicile des ménages. Pour les situations le justifiant, un troisième rideau a été mis en place avec une « cellule mal-logement » rassemblant les acteurs publics et des associations spécialisées.

L'audition de l'ANIL et des ADIL a également permis de mettre en évidence plusieurs initiatives de ce type. Elles proposent de généraliser les missions des ADIL pour aller vers les copropriétés désorganisées afin de fluidifier la rénovation du parc locatif. Il s'agirait de repérer, sensibiliser et former, réaliser un diagnostic sur mesure et mettre en marche les organes de gestion de la copropriété. Cette action serait menée par des équipes mobiles réunissant une compétence juridique et une compétence technique-rénovation. Plusieurs ADIL, notamment dans l'Orne et dans la Loire, ont pu expérimenter avec succès cette solution. Là aussi, souvent, la rénovation énergétique sert d'hameçon pour mettre à plat la gestion de la copropriété.

Le rôle des ADIL

Présentes dans 87 départements sous le pilotage de l'Agence Nationale pour l'Information sur le Logement (ANIL), les agences départementales d'information sur le logement (ADIL) exercent des fonctions de centres de ressources et d'animation. Elles sont constituées à l'initiative conjointe d'un ou plusieurs départements, d'une métropole et de l'État.

Les ADIL ont notamment pour mission :

- d'apporter au public un conseil gratuit, neutre et personnalisé sur toutes les questions juridiques, financières et fiscales relatives au logement et à l'habitat ;

- de proposer des solutions adaptées à la situation personnelle de chacun.

Ces structures constituent un accompagnement de proximité et un soutien juridique et organisationnel fiable, notamment pour les plus petites copropriétés confrontées à des dysfonctionnements de gouvernance. Elles ont développé une expertise dans les domaines de la prévention des impayés locatifs et des expulsions, la lutte contre la non-décence ou encore l'amélioration de l'habitat et la rénovation énergétique. Elles peuvent dès lors informer et renseigner les copropriétaires, les conseillers syndicaux, les syndics bénévoles ou professionnels ou encore les accédants à la copropriété, notamment au sujet de difficultés rencontrées par leur copropriété. À ce titre, elles assurent le suivi de près de 40 000 dossiers en lien avec des copropriétés chaque année.

Ces expérimentations ont mis en évidence les difficultés de gestion de ces petites copropriétés et même que nombre d'entre elles ignorent être soumises à ce statut. Ainsi, il y a non seulement des copropriétés désorganisées, mais aussi des copropriétés tout simplement inorganisées, dépourvues de syndic, de règlement de copropriété. Il y a parfois une gestion de fait sans contrat ou AG.

L'objectif de l'ADIL est alors de proposer un accompagnement adapté à la situation en mettant à disposition des outils pour faciliter la gestion de l'immeuble, en proposant des ateliers pour effectuer la première immatriculation de la copropriété sur le RNIC et sa mise à jour annuelle, en distribuant un guide de la copropriété et en proposant des formations aux copropriétaires. L'immatriculation est un point central, car sans cette formalité les syndics bénévoles font face à un refus des banques d'ouvrir un compte bancaire ou des assureurs de les assurer. Dans l'Orne, l'ADIL estime que seulement 24 % des copropriétés du département sont inscrites au RNIC.

En pratique, le retour à un fonctionnement normalisé de la copropriété débute par la désignation d'un syndic et la tenue d'une AG. Le plus fréquemment, pour des raisons financières ou parce qu'aucun syndic ne souhaite le faire, le choix se tourne vers un syndic bénévole. Le risque est alors que la copropriété continue de s'installer dans une logique « zéro frais » où l'objectif de minimiser les charges finit par nuire à l'entretien courant et encore plus aux rénovations nécessaires. Cela peut également présenter des risques juridiques dans la durée, car le formalisme de la copropriété n'est ni compris ni assimilé par les syndics bénévoles. Les ADIL plaident donc plutôt pour faciliter la désignation de syndics professionnels, notamment grâce à une aide dédiée. Dans l'Orne, c'est le choix qui est néanmoins fait dans 80 % des cas. Pour l'ADIL, c'est indispensable, car, par exemple, les copropriétés composées principalement de personnes âgées sont vite dépassées.

Plus généralement, la commission d'enquête a constaté que beaucoup de communes, mais plus souvent d'EPCI, ont mis en place des « espaces » ou des « maisons » de l'habitat ou de la rénovation avec des partenaires locaux, par exemple une ADIL, mais aussi avec des financements nationaux ou issus des Certificats d'économie d'énergie (CEE) grâce à France Rénov'. Ce sont des lieux qui sont des points de contact et d'information, mais qui facilitent aussi la mise en cohérence des politiques de l'habitat sur un territoire en regroupant les moyens disponibles.

La commission d'enquête propose donc de s'appuyer sur ces initiatives et ces dynamiques pour être un point d'entrée pour les copropriétés, notamment à travers les sujets de rénovation ou de lutte contre l'habitat indigne. C'est aussi cohérent par rapport à la mise en oeuvre d'outils aidés par l'Anah : VOC, POPAC, PIG, ORT ou OPAH. C'est vraisemblablement la bonne méthode pour assurer l'accueil, le repérage et l'accompagnement des petites copropriétés diffuses, mais aussi la pérennité des outils d'observation, la fiabilisation du RNIC et son utilisation comme outil d'alerte.

Les syndics souhaitent d'ailleurs y être associés autant que possible à ces initiatives et être identifiés comme professionnels ressources par les collectivités.

Propositions :

Développer les dispositifs « d'aller vers » et les équipes mobiles pour identifier et appuyer les petites copropriétés.

Généraliser les « Maisons de l'habitat » portées par les intercommunalités et intégrant la problématique des copropriétés en fédérant les professionnels du secteur et les associations spécialisées afin de simplifier les démarches.

- Renforcer le pilotage par les intercommunalités pour assurer la mise en cohérence des outils d'alerte, de prévention et d'intervention.

(2) Pouvoir proposer des contrats de groupe ou des prestations de service

Les auditions de la commission d'enquête ont également mis en évidence que les petites copropriétés n'avaient pas la taille critique pour pouvoir s'adjoindre l'appui de professionnels compétents syndics, architectes ou autres.

Aujourd'hui, les prestations de syndic sont strictement encadrées sous la forme d'un contrat-type qui est défini par décret. C'est trop rigide pour les petites copropriétés.

L'ordonnance du 30 octobre 2019 a quelque peu desserré le carcan en permettant au syndic de conclure une convention de prestations de services ne relevant pas de sa mission de syndic (article 18-1 A de la loi de 1965).

Il conviendrait d'aller plus loin selon deux voies.

La première pourrait être celle de contrats de groupe permettant à plusieurs copropriétés de se grouper pour partager un syndic professionnel sans pour autant constituer entre elles un syndicat commun ou avoir une continuité géographique. L'initiative pourrait en être prise tant localement que nationalement par des associations de copropriétaires.

La seconde pourrait être, à l'exemple de certaines formes d'accompagnement proposées aux copropriétaires par des associations ou des services des collectivités, de permettre aux copropriétés de recourir au service d'un syndic professionnel pour certaines missions seulement, telles que la préparation d'une programmation de travaux, la conduite de ceux-ci, la recherche de financement ou la résolution de problèmes juridiques, toutes circonstances où un syndic bénévole trouve souvent ses limites.

Proposition : Permettre de déroger au contrat-type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de 20 lots principaux.

c) Créer de nouveaux outils pour toucher vraiment toutes les copropriétés

Plusieurs ont relevé l'enjeu de disposer des bons outils pour traiter les copropriétés en difficulté en zone diffuse.

(1) Les divisions pavillonnaires, nouvelle frontière des copropriétés paupérisées et dégradées

Un bon exemple de cette problématique est le rôle joué par la SIFAE, filiale à 50/50 entre l'EPFIF et Action Logement pour requalifier les zones pavillonnaires dégradées et proposer du logement abordable.

La SIFAE (Société immobilière et foncière Action logement immobilier et EPFIF) est une SAS qui a été créée en 2021.

L'action de la SIFAE se déploie à partir de la signature de conventions avec des établissements publics territoriaux (EPT) -quatre ont été signées - et de protocoles d'intervention avec des collectivités - 21 signés. Il s'agit tout d'abord d'identifier, puis d'acquérir, porter et, après études, de les céder (foncier ou bâti) à des opérateurs de logements abordables qui réaliseront les travaux et les mettront en location ou les vendront en accession sociale.

Depuis trois ans, la SIFAE a pu identifier 500 adresses sur un total compris entre 4 000 et 5 000 sur la région, selon un travail de la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) Île-de-France sur la seule communauté d'agglomération de Roissy, les EPT de Seine-Saint-Denis ainsi que l'EPT de Grand Orly Sein Bièvre. Il s'agit principalement de zones pavillonnaires en marge de quartiers prioritaires de la politique de la ville dans un phénomène de report et de relégation dès lors que ces quartiers font l'objet de rénovation urbaine. C'est dans ce cas que l'intervention de la SIFAE apporte la plus grande plus-value puisque la multiplicité des interventions dépasse alors les moyens des communes.

D'autres mécanismes propres aux copropriétés en difficulté se retrouvent dans cette dégradation du tissu pavillonnaire marqué par les divisions anarchiques, la mise en copropriété sinon de droit du moins de fait, et l'arrivée de marchands de sommeil. Le nombre des situations d'insalubrité et de péril augmente. La valeur des biens ou de zones géographiques baisse en dessous de celle du marché. Les propriétaires occupants laissent la place à des propriétaires bailleurs pouvant être indélicats. Les besoins de travaux dépassent les moyens financiers des propriétaires occupants lorsqu'ils sont présents. Les habitants sont fréquemment des ménages très précaires voire sans droit ni titre au relogement.

Ces opérations sur le tissu diffus sont particulièrement difficiles, car les travaux sont lourds, à petite échelle et multisites. L'équilibre économique n'est pas aisé à trouver. Il peut passer par une phase de location intermédiaire puis de vente lorsque les prix du secteur se sont redressés.

Dans ces conditions, le prix de rachat est un facteur important. Or, la SIFAE doit respecter les évaluations de France Domaine. Son travail est particulièrement complexe alors que la loi Carrez ne s'applique pas pour les maisons individuelles et que les propriétaires peuvent chercher à valoriser des espaces loués, mais non habitables (sous-sols, garages...) que l'opérateur aura pourtant l'obligation de curer ou de démolir sans pour autant reconstituer de logements.

L'action de SIFAE n'est toutefois qu'à ses débuts puisqu'elle n'est intervenue que sur 66 pavillons et terrains en trois ans. 17 % des acquisitions sont des cas de confiscations de biens par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dont les possibilités de mise à disposition de ces biens au profit des communes à des fins de logements ont été renforcées par la loi du 9 avril 2024 sur l'habitat dégradé.

Le portage est compris entre 6 et 24 mois. La SIFAE cède à des bailleurs sociaux. Les 66 opérations permettront de créer 146 logements, majoritairement intermédiaires.

La SIFAE a indiqué la commission d'enquête qu'elle avait besoin de nouveaux outils d'intervention pour mener une action préventive et/ou curative dans les territoires où le phénomène prend de l'ampleur.

Elle propose ainsi de mettre en place une opération de renouvellement urbain (ORU) pavillonnaire. Celle-ci est prévue dans le projet de loi sur le développement du logement abordable dont la discussion au Sénat a été suspendue par la dissolution de l'Assemblée nationale.

La SIFAE souhaiterait deux évolutions supplémentaires :

- la possibilité de déclarer d'intérêt général la réalisation d'une opération de requalification pavillonnaire, sous forme de « PIG pavillonnaire » ;

- la possibilité d'une délégation du droit de préemption pour mieux intervenir sur ce tissu pavillonnaire.

Proposition : Compléter les moyens d'intervention pour intervenir sur l'habitat dégradé diffus et les copropriétés de fait : création d'une ORU pavillonnaire, d'un PIG pavillonnaire et extension des possibilités de recours au droit de préemption.

(2) Adapter les aides de l'Anah aux réalités des copropriétés

De nombreuses personnes auditionnées par la commission d'enquête ont mis en évidence le calibrage insatisfaisant de certaines aides de l'Anah pour pouvoir traiter les petites copropriétés de centre-ville ou dans les zones touristiques.

Ainsi actuellement, pour obtenir l'aide de l'Anah, il faut que 75 % des lots ou des tantièmes soient consacrés à l'habitation principale, ce qui exclut les résidences secondaires et les commerces en pied d'immeuble et donc, in fine, de nombreuses copropriétés.

Le sénateur des Pyrénées-Orientales Jean Sol a fait part à la commission d'enquête de la situation de la copropriété « Village Marin Catalan » à Torreillles, ville faisant partie de Perpignan Méditerranée Métropole. C'est l'une des quatre copropriétés identifiées par la métropole pour faire l'objet d'un diagnostic approfondi dans le but de la requalifier. Elle comprend 370 logements et 762 lots. C'est un lotissement qui a été constitué en copropriété lors de sa construction. Il y a deux syndicats. La copropriété a été construite dans un but balnéaire dans le cadre de la mission Racine. La copropriété est confrontée à des dysfonctionnements de gestion, des dettes, et désormais d'importants travaux du fait d'un vieillissement rapide à proximité de la mer. Le turn over, l'indifférence de nombreux propriétaires non occupants et l'opposition de certains acteurs qui ne perçoivent pas l'urgence des travaux bloquent la prise de décision malgré l'accompagnement mis en place depuis cinq ans. C'est d'autant plus difficile que moins de 75 % des lots principaux sont des résidences principales et que la réglementation de l'Anah change trop fréquemment par rapport au temps nécessaire pour décider des travaux. Le déblocage de la situation passe vraisemblablement par la reconstitution de liens sociaux entre propriétaires résidents et le déclenchement des travaux dans quelques blocs de maisons pour provoquer un effet d'exemplarité.

Les aides de l'Anah sont également mal calibrées dans les petites copropriétés. C'est ce qu'a fait apparaître l'audition des architectes. Les petites copropriétés sont désavantagées dans les aides à la rénovation puisque les parties communes représentent une part beaucoup plus importante pour chaque copropriétaire que dans les grandes. Elles se rapprochent à cet égard des maisons individuelles.

L'UNSFA a ainsi démontré qu'en cas de diagnostic technique global (DTG), les petites copropriétés avaient un reste à charge plus important :

Le DTG coûte d'autant moins cher pour le copropriétaire que la copropriété est grande. Il serait donc nécessaire de modifier le calcul des aides pour assurer une prise en charge plus égalitaire des situations.

De plus, lors de leur audition, les ADIL ont fait remonter les limites de l'expérimentation d'un programme MaPrimeRénov' Petites copropriétés où un gain énergétique minimum de 35 % ne serait plus exigé, mais seulement 25 %, et le taux minimum de résidences principales serait abaissé à 65 % - ce qui est unanimement jugé comme une bonne mesure. En effet, cette aide ne serait mobilisable que sur les territoires des OPAH-RU, OPAH-CD ou des POPAC, et seulement pendant trois ans. Compte tenu de cette segmentation territoriale et de cette faible durée au regard des délais de prise de décision, il ne devrait s'appliquer que très rarement.

C'est d'autant plus regrettable, selon SOLIHA, que le point dur sont les petites copropriétés de centre ancien qui sont en étiquette F ou G, non gérées ou par un syndic bénévole, et présentant des montants de travaux qui se rapprochent des maisons individuelles. Le dispositif paraît donc d'autant moins calibré pour les accompagner.

(3) Intégrer les associations syndicales libres (ASL) aux copropriétés

Il en est de même de la prise en compte des Associations syndicales libres, les ASL. Les ASL sont souvent qualifiées de « copropriétés horizontales », car ce sont des structures juridiques qui ont été fréquemment utilisées pour organiser les lotissements pavillonnaires et prendre en charge l'entretien d'espaces verts, des voieries ou une chaufferie commune. Mais les ASL ne sont pas régies par la loi de 1965 et ne sont donc pas éligibles aux aides dévolues aux copropriétés. Des Associations foncières urbaines libres (AFUL) peuvent également être utilisées dans les grands ensembles. Elles peuvent alors être directement, par leur dysfonctionnement, une des causes de la dégradation comme l'a montré la thèse de Sylvaine Garrec sur le Chêne-Pointu à Clichy-Montfermeil.

Il n'est plus possible aujourd'hui de les ignorer, d'autant qu'elles peuvent remettre en cause la réussite d'opérations de grande envergure comme à Grigny 2 où l'ASL Les Patios est aujourd'hui sans réelle solution. Par exemple, les ASL ne sont pas éligibles à MaPrimeRénov' Copropriétés pour la rénovation de leur chaufferie commune.

Elles sont pourtant confrontées à des difficultés très similaires : impayés de charges, dysfonctionnement de gestion, manque d'entretien, perte de valeur immobilière, appauvrissement des propriétaires... Ainsi, en Essonne, 50 % des ASL seraient considérées comme dégradées selon les témoignages recueillis par la commission d'enquête.

Comme indiqué précédemment, une note de recherche du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) de septembre 2022 montre que ces ASL peuvent être assimilées à des copropriétés dégradées. Mais les ASL ne sont pas immatriculées au RNIC. Il y aurait pourtant 24 000 ASL en France représentant entre 600 000 et 800 000 logements, dont 500 000 maisons individuelles.

Le PUCA estime d'ailleurs que Les Patios ne serait pas un cas isolé, mais plutôt un cas typique de lotissements populaires vieillissants et mal gérés.

Proposition : Élargir les aides de l'Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales et aux ASL.

- Mieux adapter les aides de l'Anah aux petites copropriétés en visant à ce que le reste à charge ne soit pas plus important que dans les grandes copropriétés.

- Élargir le champ d'application de l'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' Petites copropriétés à tout le territoire et porter la durée de l'expérimentation de 3 ans à 5 ans au minimum.

C. RENFORCER LES INSTANCES DE GOUVERNANCE DE LA COPROPRIÉTÉ

1. Inciter à la mobilisation autour d'un bien commun

Les travaux de la commission d'enquête ont permis de partager un constat : la complexité de la gouvernance de la copropriété contribue grandement au phénomène de dégradation observé. En ce sens, la commission d'enquête souhaite, d'une part, porter des recommandations en faveur d'une simplification du droit de la copropriété permettant une mobilisation accrue de l'ensemble des acteurs et d'autre part, en faveur d'une meilleure coordination de chaque instance de décision et de consultation au sein de la copropriété.

a) Mieux informer pour mieux mobiliser

Les risques de démobilisation des parties prenantes et de paralysie de la copropriété imputables au manque de compréhension du fonctionnement de la copropriété, ainsi que les difficultés à identifier en amont le coût financier complet que suppose l'accès à la copropriété, plaident en faveur d'un renforcement de l'information des copropriétaires, notamment des primo-accédants, ainsi que des locataires.

En effet, la capacité d'un ménage à avoir un regard éclairé quant à l'ensemble des coûts et des responsabilités que suppose le passage à la copropriété est crucial afin d'assurer que ce dernier ne se trouvera pas en situation de précarité et d'incapacité à contribuer aux charges.

À cet égard, l'article L. 721-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit, depuis la loi ALUR de mars 2014, l'obligation d'annexer à la promesse de vente une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété. Cette notice d'information comprend :

- les documents relatifs à l'organisation de l'immeuble (le règlement de la copropriété, l'état descriptif de la division, les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années) ;

- certaines informations financières (le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par les copropriétaires au titre des deux exercices comptables précédant la vente, les sommes susceptibles d'être dues au syndicat des copropriétaires par l'acquéreur, l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs, le cas échéant le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu) ;

- le carnet d'entretien de l'immeuble ;

- une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété ;

- le cas échéant, les conclusions du diagnostic technique global ;

- le plan pluriannuel de travaux.

Ce niveau d'information est primordial afin que les nouveaux acquéreurs disposent premièrement d'informations quant à l'organisation et au fonctionnement des instances de la copropriété, ainsi que d'un aperçu précis des charges liées à la gestion de l'immeuble.

Or, le contenu de la notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété est renvoyé à la prise d'un arrêté du ministre chargé du logement, dont l'absence depuis plus de dix ans empêche l'application de la disposition. Interrogé à ce sujet lors de son audition devant la commission, le ministre chargé du logement a reconnu ce retard et indiqué demander aux services de l'administration d'y remédier.

La commission d'enquête recommande la publication de cet arrêté afin que cette mesure soit enfin appliquée. La publication de cet arrêté pourrait permettre l'ajout de certaines informations comprises dans la notice, notamment dans le cas d'une acquisition de lot au sein d'une copropriété mixte à la suite d'une vente par un organisme de logement social, particulièrement sujette au risque de paupérisation.

Les efforts en matière d'information et de formation au fonctionnement de la copropriété doivent être assurés au quotidien et à l'égard de l'ensemble des parties prenantes. Plusieurs personnes entendues dans le cadre des auditions ont rappelé le faible respect des obligations en matière d'information des copropriétaires par les syndics introduits par la loi SRU, qui prévoit l'affichage, dans les parties communes, des décisions prises en assemblée générale relatives à l'entretien de l'immeuble et aux travaux votés. Cette information accessible à tous les résidents est pourtant essentielle notamment afin de garantir l'accès à l'information des locataires, auxquels le syndic n'est pas tenu de répondre.

En parallèle des enjeux d'information des occupants se pose la question de la formation des copropriétaires au fonctionnement même des instances de la copropriété.

De fait, il est observé que de nombreux copropriétaires, notamment de petites copropriétés anciennes sans syndic professionnel, ignorent les obligations de constituer les instances de décision de la copropriété et gèrent en conséquence leur bien par des échanges informels, en l'absence de gouvernance formalisée.

D'autres situations révèlent que même lorsque les organes de décision sont constitués ou qu'un syndic professionnel ou bénévole a été désigné, la méconnaissance du rôle des copropriétaires et du fonctionnement d'une copropriété peut conduire à l'isolement et la démobilisation de certains. Les locataires pâtissent également d'un manque de connaissance de l'écosystème de la copropriété et peuvent subir des situations de dégradation sans savoir vers qui se tourner pour alerter et réagir.

Afin de remédier à ces situations qui conduisent, tôt ou tard, à la dégradation de la copropriété, des actions d'information et de formation de proximité voient le jour. Celles-ci sont premièrement impulsées par les élus locaux et les collectivités qui prennent de plus en plus conscience de l'ampleur de la « face cachée » de la dégradation des centres-bourgs dont ils sont les témoins. Ils peuvent à ce titre solliciter les agences départementales d'information sur le logement (ADIL) qui mènent un travail de sensibilisation des occupants et des copropriétaires au sujet du fonctionnement de la copropriété.

Les Adil animent également des formations ou des réunions à destination de copropriétaires, de conseillers syndicaux, de syndics bénévoles ou professionnels afin de les sensibiliser sur le fonctionnement de la copropriété, la prise en charge des copropriétés dépourvues de syndic et à la mise en oeuvre des politiques publiques en faveur des copropriétés.

Par ailleurs, le réseau porte de nombreuses interventions en matière de prévention de la dégradation des copropriétés : plusieurs ADIL sont mobilisées dans le traitement individuel de copropriétés désorganisées, fragiles voire en difficulté dans le cadre d'un Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement (POPAC) ou d'une OPAH-copropriétés dégradées. L'ADIL du Doubs est ainsi intervenue lors d'un atelier organisé dans le cadre du POPAC de Grand Besançon Métropole pour informer les futurs acquéreurs d'appartements en copropriété, sur leurs devoirs et obligations, afin de prévenir les éventuelles difficultés. Les Adil peuvent également accompagner des copropriétés dégradées à réinstaller un syndic, notamment bénévole, afin de restaurer la gouvernance de ces structures.

Devant le constat du rôle central des ADIL pour la détection et la résolution des premiers signes de dégradation des copropriétés ainsi que pour l'appropriation des normes en matière de logement, la commission d'enquête souhaite s'assurer que ce réseau dispose de moyens financiers suffisants pour renforcer et déployer plus largement leurs actions sur l'ensemble du territoire.

Les Adil bénéficient en effet de quatre sources de financement :

- l'État, au titre du programment budgétaire n° 109 Aide à l'accès au logement, pour un montant représentant 9,4 millions d'euros pour l'année 2024, en légère hausse vis-à-vis de l'année précédente (9,3 millions d'euros).

- Action logement, au titre de la convention quinquennale 2023-2027 entre l'État et les partenaires sociaux d'Action logement, qui prévoit le versement annuel de 9 millions d'euros.

- la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), depuis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui assure dans le cadre d'une convention-cadre triennale un versement fixe à chaque Adil (5 777 euros par département) auquel s'ajoute une part variable en fonction du nombre de logements sociaux dans le département. La convention triennale prévoit également que certaines Adil reçoivent un financement spécifique pour la mise en place des observatoires des loyers. En 2022, ce financement s'élevait pour l'ensemble des ADIL à 1,7 million d'euros.

- les collectivités, en fonction de leur besoin et de leur souhait d'accompagnement.

Plusieurs acteurs de terrain soulignent que le financement octroyé par Action logement, à hauteur de 9 millions d'euros, n'a pas évolué depuis 10 ans en dépit de l'élargissement du rôle et du maillage territorial des agences, et demeurera constant jusqu'en 2027.

Le montant global du financement de l'ANIL et de l'Adil pourrait faire l'objet d'une réévaluation périodique, en cohérence avec le niveau d'inflation et en tenant compte de l'objectif de déploiement d'une Adil dans chaque département.

Il convient de souligner que les Adil ne sont pas les seuls acteurs de proximité qui mènent des actions de sensibilisation et de formation des acteurs des copropriétés, puisque l'association nationale de défense des consommateurs consommation, logement et cadre de vie (CLCV), travaille de concert avec les agences départementales. Les maisons de l'habitat sont également des lieux de partage d'information sur l'accès et la gestion des logements.

En outre, les organismes HLM ont indiqué porter beaucoup d'attention à l'accompagnement des ménages dans leur nouveau statut de copropriétaire auxquels certains organismes proposent des réunions d'information sur la copropriété juste avant la livraison de la résidence et dans l'année qui suit afin de les inciter à s'investir dans la gestion de leur copropriété, organisent des sessions de formation, et distribuent des plaquettes d'information.

En raison des risques accrus de paupérisation des ménages acquérant un lot en copropriété mixte, la commission d'enquête souhaite renforcer les obligations des OLS de conduire des actions d'information et de formation à destination des primo-accédants. Cela pourrait se concrétiser par l'organisation d'ateliers ou de temps d'échange avec les nouveaux arrivants afin de présenter le fonctionnement de la copropriété ainsi que les conséquences induites par leur nouveau statut de propriétaires.

En outre, afin de poursuivre l'objectif de pleine information des copropriétaires, mais également afin de garantir que l'acquisition d'un bien ne constitue pas pour ces derniers un risque financier démesuré, plusieurs acteurs de l'immobilier plaident pour une meilleure prise en compte par les établissements bancaires des charges de copropriété et des travaux avant l'octroi d'un prêt à un ménage.

Cela pourrait se concrétiser par l'inclusion des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux dans le calcul du taux d'endettement des ménages au sein des charges annuelles d'emprunt, qui ne doivent pas excéder 35 % des revenus annuels des ménages emprunteurs en vertu la décision n° D-HCSF-2021-7 du Haut Conseil à la stabilité financière du 29 septembre 2021.

Cette bonne pratique permettrait de s'assurer qu'un ménage n'accède pas à la copropriété sans être réellement en mesure de prendre en charge la totalité des coûts induits par cet achat, mettant en péril sa propre stabilité financière, mais également celles de l'ensemble des copropriétaires, solidaires des dettes à venir. Actuellement, le « taux d'effort » des ménages n'est, par défaut, établi que sur la base du coût total du crédit pour l'emprunteur, incluant les intérêts, frais, taxes et commissions, mais non les charges de copropriété à venir.

Proposition : Renforcer les obligations d'information et de formation des nouveaux acquéreurs en copropriété. Cela doit notamment se concrétiser :

- par la publication de l'arrêté mentionné au 4° du II de l'article L721-2 du code de la construction et de l'habitation afin de permettre l'information pleine et entière des acquéreurs d'un lot soumis au statut de la copropriété ;

- par la prise en compte systématique par les établissements bancaires des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux de la copropriété pour le calcul du taux d'effort d'un ménage souhaite contracter un prêt ;

- par le maintien ou le renforcement des financements étatiques à destination des agences départementales d'information sur le logement afin de permettre un déploiement des Adil dans l'ensemble des départements.

b) Rendre plus accessible le droit de la copropriété

La complexité du droit de la copropriété tient pour partie à l'éparpillement des dispositions sur sa gouvernance entre plusieurs textes, puisque, outre la loi du 10 juillet 1965, des dispositions issues de la loi ALUR, conçues pour s'appliquer aux immeubles en copropriété, sont intégrées au code de la construction et de l'habitation (articles L. 711-1 sur le registre d'immatriculation des copropriétés, L. 721-1 sur l'information des acquéreurs de lot, L. 731-1 sur l'entretien, la conservation et l'amélioration des immeubles relevant du statut de la copropriété). Cette complexité s'explique également par l'empilement des modifications de la loi du 10 juillet 1965 sans que ne soit procédé à un nettoyage et une harmonisation de l'ensemble de ce cadre juridique.

En 2018, la loi ÉLAN avait entrepris de rassembler et d'harmoniser l'ensemble de ces normes en habilitant le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative d'un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis. Cette habilitation visait à regrouper et organiser l'ensemble des règles régissant le droit de la copropriété, ainsi qu'à prendre des mesures visant à améliorer la gestion des immeubles et à prévenir le contentieux.

La codification aurait permis une clarification globale du cadre juridique applicable à la copropriété en assurant :

- la redéfinition du champ d'application et l'adaptation des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété,

- la modernisation et l'adaptation des règles d'organisation et de gouvernance de la copropriété,

- l'harmonisation de l'ensemble des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, modifiée à de nombreuses reprises.

Le ministère de la Justice indique que cette codification n'a pas été possible en raison de l'absence d'une version stabilisée des textes, l'habilitation à codifier, d'une durée de deux ans, ayant expiré avant la publication de l'ensemble des décrets d'application de l'ordonnance portant réforme du droit.

Les spécialistes du droit de la copropriété comme les acteurs de terrain affirment que cette codification demeure nécessaire. Il serait ainsi pertinent de reprendre l'entreprise de codification, cette fois à droit constant, afin de poursuivre les objectifs d'intelligibilité et de simplification de ces dispositions. À ce titre, la direction des affaires civiles et du sceau a indiqué à la commission d'enquête que « les travaux de codification engagés dans cette optique et présentés à la Commission supérieure de codification devraient pouvoir être repris, cette fois à droit constant, le cas échéant avec une nouvelle habilitation. » Cette codification devrait concerner les dispositions législatives et réglementaires afin de présenter un ensemble cohérent et unifié.

Le processus de codification permettrait l'inclusion de toutes les formes de propriété partagée dans un seul texte, notamment les associations syndicales libres (ASL) afin de reconnaître pleinement ses similarités avec le régime de la copropriété et garantir la levée des blocages juridiques susmentionnés induits par l'ordonnance de 2004.

Proposition : Procéder à la codification du droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de procéder au regroupement, à l'harmonisation et à la modernisation de l'ensemble des dispositions juridiques encadrant le fonctionnement des copropriétés relevant de la loi de 1965 comme celles de fait relevant d'autres dispositifs juridiques.

Les travaux de la commission d'enquête ont également permis d'identifier les difficultés de gestion de la copropriété engendrées par l'ancienneté et la complexité de la plupart des règlements de copropriété.

Le règlement de copropriété dans la loi du 10 juillet 1965

L'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que toute copropriété dispose d'un règlement conventionnel de copropriété, qui précise la destination des parties tant privatives que communes (dont les parties communes spéciales) ainsi que les conditions de leur jouissance.

Le règlement prévoit la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

Le règlement détermine également, dans le respect des dispositions de la loi, les règles de fonctionnement et les pouvoirs des assemblées générales.

Le règlement est, en règle générale, rédigé par un professionnel (notaire, géomètre-expert) au moment de la construction de l'immeuble ou de sa division en lots ou a posteriori, par le syndicat de copropriétaires lors d'une assemblée générale. À défaut d'accord, le règlement de copropriété peut également résulter d'une décision de justice. Il est modifié par le syndicat des copropriétaires, après inscription par le syndic de ce point à l'ordre du jour. Le syndic est en charge de son exécution. Le règlement de copropriété et toutes les modifications ultérieures sont publiés par un notaire au service de publicité foncière.

Le règlement de la copropriété doit théoriquement être mis à jour de manière régulière afin de prendre en compte les évolutions normatives ainsi que les éventuelles modifications d'usage au sein de la copropriété.

Toutefois, nombre de règlements de copropriété sont difficiles à appliquer.

Dans les copropriétés les plus anciennes, antérieures à 1965, le règlement de copropriété peut être rédigé selon les normes antérieures à la loi du 10 juillet 1965. De plus, les actes de copropriété les plus anciens, antérieurs à la création de la publicité foncière en 1955, sont souvent absents du règlement de la copropriété.

Pour les règlements ayant fait l'objet d'une actualisation périodique, l'ajout de dispositions et l'empilement de normes nouvelles peuvent rendre difficilement compréhensible le document pour les copropriétaires.

La modification du règlement suppose par ailleurs que les copropriétaires ou le syndic aient connaissance de l'évolution du cadre normatif et réunissent périodiquement une assemblée générale afin de statuer sur sa modification. Il convient néanmoins de relever que la loi SRU a simplifié l'actualisation du règlement, en autorisant sa modification à la majorité simple lorsqu'elle vise à mettre le document en conformité avec le droit actuel.

Un travail de recherche d'Anselme Deker en 2023 souligne également l'inadaptation fréquente des règlements établis entre les années 1965 à 2000 en raison des multiples modifications législatives intervenues depuis lors et des défauts de publicité de certaines délibérations d'assemblées générales rendant peu compréhensibles certaines évolutions du règlement57(*). Anselme Deker insiste en outre sur la réticence que peuvent avoir les copropriétaires à procéder à la mise en conformité de leur règlement en raison du coût financier que cela engendre, du temps mobilisé et de la crainte que les modifications apportées ne leur soient défavorables.

Pour toutes ces raisons, les petites copropriétés disposent rarement de règlement de copropriété conforme au cadre juridique en vigueur. Cela constitue une source additionnelle de blocages au sein de la copropriété, notamment lors de l'arrivée de nouveaux copropriétaires ou d'un conflit de voisinage.

Le travail de mise en conformité des règlements de copropriété ne peut reposer que sur l'action des syndics professionnels, dont on sait qu'ils sont peu présents sur les petites copropriétés ou les copropriétés dégradées. Dès lors, il conviendrait que la puissance publique accompagne l'ensemble des copropriétés, y compris celles gérées par des syndics non professionnels, par la prise en charge de nouvelles missions :

- Premièrement, la rédaction d'un règlement de copropriété type, qui pourrait servir de base de rédaction à toute copropriété n'en disposant pas ou venant d'être créée. Cela permettrait de garantir que l'ensemble des dispositions nouvelles, notamment issues des lois ALUR et ELAN, y figurent bien. Un règlement type ne pourrait néanmoins faire l'économie d'un travail particulier de recensement des lots et de calcul de la répartition des clés de charges.

- Deuxièmement, le recensement des normes nouvelles à inclure au sein des règlements de copropriété. Cela permettrait à des copropriétaires et à des syndics bénévoles d'accéder simplement aux dispositions à inclure dans le document, même sans suivre les nombreuses actualités législatives.

- Troisièmement, l'élaboration de dispositions spécifiques relatives au fonctionnement particulier des petites copropriétés, permettant la rédaction de contrat allégé. La loi du 10 juillet 1965 reconnaît en effet un statut particulier aux petites copropriétés, de moins de cinq lots ou disposant d'un budget prévisionnel moyen inférieur à 15 000 euros, ainsi qu'aux copropriétés dont le syndicat n'est composé que de deux copropriétaires. Il conviendrait dès lors de prévoir la rédaction de contrats standards spécifiques aux petites copropriétés et aux copropriétés à deux, afin d'accompagner les copropriétaires ne pouvant compter sur l'aide d'un syndic professionnel pour la rédaction et la mise à jour de leur règlement.

- Enfin, ce travail de standardisation des dispositions de règlement pourrait permettre de clarifier un ensemble de pratiques dont le développement rapide ne permet pas aux copropriétaires d'établir un véritable encadrement, engendrant une multiplication des conflits d'usage. Comme l'illustre la massification du recours à la location de courte durée de type « Airbnb », les copropriétés sont de plus en plus confrontées à des usages nouveaux, non encadrés par les règlements de copropriété. Il serait opportun de mettre à la disposition des copropriétaires et des syndics des clauses types quant à l'utilisation des parties privatives et communes ou l'augmentation des charges pour ce type d'usage, afin de faciliter l'adaptation des règlements à cet effet.

Les professionnels de l'immobilier rappellent également la nécessité d'associer les syndics à la phase de conception du règlement de copropriété, afin de garantir l'adéquation entre la configuration du bâti, notamment des parties prenantes, avec les usages qui en seront faits tant par les copropriétaires que par les locataires.

Proposition : Confier au ministère de la Justice la rédaction d'un règlement de copropriété type ainsi que la création d'une plateforme digitale recensant les dernières dispositions législatives devant entraîner modification du règlement de la copropriété.

c) Faciliter la prise de décision et la gouvernance au sein des copropriétés
(1) Renforcer l'inclusion des occupants

Les professionnels de l'immobilier, les associations en faveur du logement et les représentants des copropriétaires et des locataires rencontrés au cours des auditions et des déplacements de la commission d'enquête ont tous pointé du doigt l'importance de l'inclusion de l'ensemble des parties prenantes de la copropriété dans sa gestion quotidienne. De fait, plus l'appropriation des enjeux de la copropriété est partagée de tous, plus l'usage et l'entretien des parties communes comme privatives seront respectueux et durables.

Cette mobilisation d'ensemble doit se matérialiser dans les instances de gouvernance de la copropriété, tout en garantissant le respect des droits de propriétaires tels qu'ils découlent du cadre constitutionnel français.

Ainsi, il est fréquemment formulé le souhait de permettre l'inclusion des locataires au sein de l'assemblée générale.

En l'état du droit, le locataire ne peut assister à une assemblée générale qu'à deux occasions :

- S'il a été désigné mandataire par un copropriétaire et s'exprime à ce titre au nom de son copropriétaire.

- S'il représente une association de locataire qui regroupe au moins 10 % des locataires de la copropriété58(*). Il peut à ce titre formuler des observations sur les questions inscrites à l'ordre du jour.

Toutefois, l'information et la consultation des locataires permettent une meilleure appropriation des enjeux de gestion et d'entretien par les locataires et peuvent contribuer à pacifier la gouvernance de la copropriété. En conséquence, il apparaît opportun de poursuivre cette démarche d'ouverture, en constituant une nouvelle instance de consultation des occupants, sans que celle-ci n'ait de pouvoir de décision équivalent à celui dont dispose l'assemblée générale.

La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a créé au sein de la loi du 10 juillet 1965 un « conseil des résidents » composé de l'ensemble des personnes demeurant à titre principal dans l'immeuble. La possibilité de créer un conseil des résidents est réservée aux résidences services en copropriété offrant des services collectifs (salle d'animation, salle de restaurant) aux propriétaires comme aux locataires59(*).

Ce conseil est réuni par le syndic avant la tenue de l'assemblée générale, dont l'ordre du jour lui est communiqué. Le syndic communique également au conseil des résidents les comptes rendus de l'assemblée générale ainsi que toutes les informations relatives aux services fournis dans la résidence, afin que le conseil émette un avis, notamment sur le besoin de créer ou supprimer un service.

Comme l'a souligné l'association nationale de défense des consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), ce modèle de consultation des occupants pourrait être élargi à l'ensemble des copropriétés puisqu'il permet de concilier l'intégration et l'écoute des locataires ainsi que l'accès réservé à l'assemblée générale aux copropriétaires.

Cette nouvelle instance pourrait notamment permettre aux résidents de s'exprimer sur des enjeux du quotidien, tels que la gestion des déchets ou l'aménagement de la copropriété aux mobilités durables, en adoptant une position qui serait par la suite présentée au conseil syndical et lors de l'assemblée générale.

En outre, dans une logique d'information, les locataires mandatés pourraient se voir offrir la possibilité d'assister aux délibérations de l'assemblée générale et du conseil syndical, facilitant leur compréhension des évolutions actées dans le cadre de ces instances. Cette proposition, dans le cadre de la consultation citoyenne menée par la commission d'enquête a obtenu plus de 58 % d'avis favorables.

Proposition : Renforcer l'inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l'ensemble des copropriétés :

- de créer un conseil de résidents se réunissant en amont et/ou en aval des assemblées générales, ou lorsque les résidents en ressentent la nécessité ;

- de permettre à des locataires mandatés d'assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.

Comme mentionné précédemment, le seuil de copropriétaires résidant dans l'immeuble est un facteur qui joue sur la bonne évolution de la copropriété. Les copropriétaires occupants sont en effet statistiquement plus mobilisés pour les choix de gouvernance permettant de préserver le bâti et la fonctionnalité des parties communes, étant soumis au quotidien à l'impact de ces décisions. À cet égard, il pourrait être intéressant de valoriser au mieux la voix de ces copropriétaires « actifs » qui actuellement disposent du même pouvoir de décision que les copropriétaires bailleurs sur l'entretien de la copropriété.

Pour rappel, le pouvoir de décision de chaque copropriétaire au sein de l'assemblée générale découle actuellement de la quote-part attachée à son lot. L'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l'attribution à chaque lot de copropriété une quote-part des parties communes en fonction de la typologie du bien (superficie, caractéristiques, emplacement). L'article 5 de la même loi précise que « dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes, tant générales que spéciales, afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l'ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation ». La quote-part rattachée à chaque partie privative définit ensuite le nombre de voix dont dispose chaque copropriétaire, c'est-à-dire son pouvoir de décision au sein de l'assemblée générale. La quote-part constitue également la base de calcul pour la répartition des charges.

En conséquence, il est difficile d'attribuer un niveau de quote-part supérieur aux copropriétaires résidents que l'on souhaiterait favoriser, puisque cela irait de pair avec une hausse des charges leur incombant.

Il serait dès lors souhaitable qu'une réflexion soit ouverte, en lien avec le ministère de la Justice, autour de la mise en place d'un « bonus copropriétaire occupant », permettant une majoration du droit de vote lors de l'assemblée générale.

Ce bonus pourrait faire l'objet d'une limitation aux seules décisions concernant l'entretien et la vie quotidienne (gestion des déchets, utilisation de certains espaces partagés) afin d'être cohérent avec l'objectif d'une gestion durable du bien.

Proposition : Confier au ministère de la Justice une réflexion autour de l'octroi d'un « bonus copropriétaires résidents » aux copropriétaires occupants lors des votes en assemblée générale ayant trait à certaines questions d'entretien et de vie quotidienne de la copropriété.

(2) Permettre une action rapide et agile en renforçant le pouvoir décisionnaire du conseil syndical

Outre l'inclusion renforcée de l'ensemble des parties prenantes, la bonne gestion de la copropriété repose sur la capacité du syndicat à prendre et faire exécuter des décisions. Les situations de dégradation des copropriétés peuvent ainsi résulter d'une paralysie des instances de décisions des copropriétés, notamment dans les grands ensembles où la réunion de l'assemblée générale est difficile et où le quorum est rarement atteint.

Afin de parer ces situations, l'assemblée générale peut faire le choix de déléguer son pouvoir exécutif au conseil syndical selon deux modalités.

Premièrement, l'assemblée générale peut recourir à une délégation de pouvoir spéciale, sur la base de l'article 25 a), accordée à la majorité des voix de tous les copropriétaires et concernant la prise de décision ou d'un acte mentionné à l'article 24, dont notamment :

- les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ;

- les modalités de réalisation et d'exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, ou à la suite d'une déclaration d'utilité publique ;

- les travaux d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite ;

- la réalisation d'un diagnostic technique global ;

- la décision d'installation de certains nouveaux équipements.

Cette délégation est cantonnée à une décision précise, définie par avance lors du vote de la délégation par l'assemblée générale.

Deuxièmement, depuis l'ordonnance de 2019, l'article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit une délégation dite générale de pouvoirs au conseil syndical de plus de trois membres. Celle-ci ouvre la possibilité pour l'assemblée générale, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de déléguer au conseil syndical le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité des voix exprimées par des copropriétaires présents, représentés ou votant par correspondance, pour une durée maximum de deux ans renouvelables.

La délégation générale de pouvoir ne peut toutefois pas porter sur l'approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par des modifications législatives ou réglementaires.

Cette délégation est limitée par la définition d'un montant maximal des sommes allouées au conseil syndical pour mettre en oeuvre sa délégation de pouvoir.

L'extension du pouvoir de délégation prévue par l'ordonnance de 2019 semble aller dans le bon sens : elle permet de simplifier la gestion et la prise de décision de la copropriété et s'avère particulièrement pertinente dans les grands ensembles où l'absence aux assemblées générales est un frein persistant à la prise de décision et à la bonne gestion de la copropriété.

Dès lors, cette mesure gagnerait à être rendue plus systématique. À titre de comparaison, le modèle de la copropriété aux États-Unis, et notamment en Californie, fonctionne selon un mode de gouvernance proche de celui d'une collectivité publique, avec un organe exécutif plus puissant qu'en France. Le conseil syndical s'apparente ainsi à un conseil d'administration de l'association des copropriétaires, qui peut édicter des règles juridiquement contraignantes pour les résidents, collecter des frais pour l'entretien des parties communes et appliquer des sanctions en cas de non-conformité.

Ce modèle permettant une prise de décision simplifiée pourrait trouver toute son utilité dans le cadre des grandes copropriétés aux structures complexes, pour lesquelles le modèle de l'assemblée générale de la loi du 10 juillet 1965 est mal adapté. Il serait également utile pour remédier à la baisse de mobilisation d'une part des copropriétaires et permettrait une continuité dans la prise de décision, sans nuire au fonctionnement démocratique de la copropriété.

Il pourrait ainsi être envisagé un renforcement des pouvoirs exécutifs du conseil syndical, afin de transformer ce dernier en un véritable conseil d'administration de la copropriété. Ce conseil se verrait confier par principe la gestion d'un pourcentage minimal de 10 % du budget prévisionnel de la copropriété. Ce montant pourrait faire l'objet d'un rehaussement à la suite d'un vote en assemblée générale, notamment afin de confier au conseil syndical la gestion de travaux de rénovation ou d'entretien aux montants plus conséquents.

En effet, actuellement, la portée des délégations générales de pouvoir aux conseils syndicaux est limitée par les faibles montants engagés. Fréquemment, de petits travaux réguliers épuisent le montant défini et l'assemblée générale est appelée à se prononcer au sujet de dépenses ayant déjà été validées par le passé par le conseil syndical. Le pouvoir exécutif confié au conseil gagnerait dès lors à être systématisé, en faisant évoluer les pouvoirs confiés au conseil syndical.

Proposition : Faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété, muni de pouvoirs exécutifs étendus et systématiques. Le conseil syndical se verrait ainsi confier la gestion d'une part minimale de 10 % du budget de la copropriété.

(3) Réduire l'influence des copropriétaires mauvais payeurs

L'analyse de législation comparée réalisée par les services du Sénat à la demande de la commission d'enquête montre que certains États vont plus loin que la France afin de lutter contre la paralysie des instances de décisions de la copropriété, soit en contrôlant l'accès et le maintien de certains copropriétaires au sein de la copropriété, soit en excluant de la prise de décision les copropriétaires qui conduisent à la dégradation de la copropriété.

En effet, aux États-Unis et en Allemagne, les copropriétaires jouissent d'un droit de regard quant à la présence et au maintien des copropriétaires mauvais payeurs au sein du syndicat.

En Allemagne, une loi du 15 mars 1951 prévoit une procédure d'éviction des copropriétaires ne respectant pas les obligations légales auxquelles ils sont tenus en matière d'utilisation des parties privatives et communes et vis-à-vis des autres copropriétaires. Aussi, si un copropriétaire a commis à l'égard des autres copropriétaires une violation grave de ses obligations conduisant ceux-ci à ne plus vouloir vivre en copropriété avec lui, les copropriétaires peuvent exiger de lui la vente de son appartement.

Un retard de paiement des charges et des coûts de plus de trois mois pour un montant supérieur à 3 % de la valeur fiscale de son appartement peut être considéré comme un manque suffisamment grave pour l'enclenchement de la procédure d'éviction.

Aux États-Unis, plusieurs régimes de copropriété existent, notamment le cooperative housing corporation (« co-op »), le condominium. Le régime juridique des « co-op » prévoit l'approbation par le conseil d'administration de tout candidat à l'acquisition d'un lot au sein de la copropriété, ainsi que de tout nouveau locataire. Le conseil est ainsi autorisé à s'assurer de la capacité financière de l'acquéreur à faire face au coût de la copropriété, en examinant les comptes bancaires, les revenus et les éventuelles dettes, ainsi que son respect du règlement de la copropriété. 75 % des immeubles en copropriété à New York sont des cooperative housing corporation.

Comme le rappelle Soliha, les copropriétaires en droit français ne disposent pas de cette faculté de choix des nouveaux ménages, dont ils vont pourtant être solidaires d'un point de vue financier.

Cette solidarité de fait rend nécessaire le renforcement des capacités en matière de recouvrement des charges, ainsi que s'agissant de la réduction de la capacité de blocage des copropriétaires mauvais payeurs, comme cela est le cas en Espagne ou en Italie. En Espagne, les copropriétaires qui n'ont pas acquitté leurs charges peuvent assister à l'assemblée générale, mais sont privés de droit de vote. Celui-ci ne leur est accordé de nouveau que lorsqu'ils ont régularisé leur dette vis-à-vis du syndicat ou s'ils ont engagé une contestation judiciaire relative au montant des charges et procédé à la consignation de la somme contestée chez un notaire. En Italie, l'article 18 de la loi n° 220 du 11 décembre 2012 ouvre la possibilité pour le syndic de suspendre des services communs à l'immeuble le copropriétaire dont le retard de paiement de charge dépasse un semestre.

En 2023, la proposition de loi n° 894 de M. Vincent Seitlinger (Les Républicains) visant à interdire aux copropriétaires en défaut de voter aux assemblées générales portant des dispositions similaires a été déposée à l'Assemblée nationale. L'article unique de la proposition de loi vise à inscrire au premier alinéa de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 que « tout copropriétaire qui, à la date de la convocation de l'assemblée générale, n'a pas payé deux appels de charges trimestrielles consécutifs ou plus, ne peut prendre part au vote des délibérations de ladite assemblée générale ».

Un tel dispositif présenterait l'avantage de garantir que les mauvais payeurs ne voteront pas dans leur intérêt propre - en faveur d'une réduction des charges et des dépenses - en mettant de côté l'entretien durable de la copropriété, comme le font les marchands de sommeil dans une stratégie délibérée pro dégradation. Cependant, afin de prévenir les cas où un copropriétaire refuse d'acquitter ses charges, car il les conteste, la présente proposition de loi gagnerait à être enrichie des mêmes garde-fous prévus par le droit espagnol, c'est-à-dire le maintien du droit de vote à la condition de consigner la somme due chez un notaire dans l'attente d'une décision de justice. Une telle proposition devrait aussi bien distinguer les impayés « volontaires » de ceux résultant de difficultés sociales et économiques.

Par ailleurs, une telle interdiction de vote pourrait conduire au renforcement de la paralysie de l'assemblée générale, les seuils de majorité étant plus compliqués à atteindre. Dès lors, des modalités de fonctionnement spécifique des votes en assemblée générale devraient être établies lorsqu'un certain seuil de mauvais payeurs est atteint au sein d'une même copropriété, notamment en précisant que les voix des propriétaires débiteurs sont déduites du décompte total ainsi qu'en délimitant le type de décisions pour lesquelles l'interdiction s'applique. Cela pourrait notamment être le cas des votes relatifs au choix du syndic (afin que le copropriétaire débiteur ne puisse exercer de pression sur ce dernier) ou pour le vote des travaux.

Cette nouvelle disposition viendrait compléter les limitations actuelles du droit au vote des copropriétaires et notamment celle créée par la loi ALUR, qui précise «  si l'assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en Justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d'un lot d'un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat la voix de ce copropriétaire n'est pas pris en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l'article 22.  »

Afin de faciliter la prise de décision et limiter les recours contentieux de copropriétaires désinvestis souhaitant renforcer les blocages, la commission d'enquête propose également de restreindre la possibilité de porter un recours contentieux contre les décisions d'assemblée générale aux seuls copropriétaires ayant participé à l'assemblée générale ayant pris la décision contestée, ayant mandaté un tiers lui-même présent ou étant excusé pour motif impérieux. En effet, comme le souligne l'Unis, « les multiples possibilités de participation à distance, le vote par correspondance, et la possibilité de se faire représenter doit inciter fortement les copropriétaires à s'impliquer pour ne pas pénaliser les autres et bloquer les projets ».

Proposition : Limiter le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges et le droit de recours contre les décisions d'assemblées générales des copropriétaires n'y assistant pas.

2. Faciliter la résolution des blocages en réarmant les professionnels face aux situations difficiles
a) Faire évoluer la profession de syndic

Comme l'ont démontré les auditions et les déplacements de la Commission d'enquête, les syndics professionnels ont un rôle central à jouer pour le devenir des copropriétés : rigoureux, ils sont identifiés comme tiers de confiance et assurent le respect de l'ensemble des normes et la régularité des comptes de la copropriété ; défaillants, ils contribuent à la perte de confiance et de mobilisation des copropriétaires et entraînent la copropriété dans la spirale de la dégradation.

Dès lors, les syndics doivent d'une part, voir leur capacité à résoudre les situations de blocages renforcée, et d'autre part, être soumis à un contrôle accru afin de prévenir d'éventuelles défaillances. Il est à noter que les syndics entendus dans le cadre de la commission d'enquête ont appelé à une plus forte structuration et à de meilleurs contrôles de leur activité, afin de démontrer leur sérieux et renforcer la confiance à leur égard.

(1) Mieux préparer les syndics aux nombreuses missions en lien avec la copropriété

La profession de syndic est encadrée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet. Celle-ci prévoit que le syndic doit pour exercer disposer d'une carte professionnelle portant la mention syndic de copropriété délivrée par la chambre de commerce et d'industrie.

Cette carte ne peut être délivrée qu'aux personnes physiques qui satisfont aux conditions suivantes :

- justifier de leur aptitude professionnelle ;

- justifier d'une garantie financière ;

- contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle ;

- ne pas être frappées d'une des incapacités ou interdictions d'exercer.

La loi ALUR a renforcé les obligations liées au syndic disposant d'une carte professionnelle ainsi qu'à leurs collaborateurs en matière de formation, de déontologie et de contrôle de la profession.

Son article 24 des obligations supplémentaires en matière de gestion financière transparente, à l'instar de la séparation obligatoire des comptes bancaires de chaque copropriété, ainsi qu'en matière d'information des copropriétaires.

De plus, la loi ALUR a créé l'obligation de suivi d'une formation continue pour les syndics de copropriété afin que ces derniers puissent rester informés des dernières réglementations en vigueur, formation qui conditionne le renouvellement de la carte professionnelle. À cet égard, les travaux de la commission d'enquête ont montré la nécessité de poursuivre l'accompagnement des syndics, dont les missions évoluent fortement et qui ont de plus en plus à connaître de situations de fortes dégradations, devant lesquelles ils sont souvent démunis. À ce titre, les obligations de formation continue des syndics pourraient être étoffées, notamment en incluant l'obligation, au cours de leur formation continue, de suivre des modules de formations en lien avec la transition énergétique des copropriétés ou la lutte contre la dégradation globale de ces ensembles. Aussi, sur les 14 heures de formation continue annuelle nécessaire pour le renouvellement de la carte professionnelle, un nombre d'heures à définir pourrait être consacré aux enjeux spécifiques de la gestion des copropriétés dégradées.

La loi ALUR avait également prévu (article 4 de la loi Hoguet) un décret fixant les conditions de compétence initiale et minimale des collaborateurs des syndics. Dix ans après, ce texte n'est toujours pas paru ! La commission d'enquête soutient donc la démarche de la FNAIM qui a introduit, le 15 mars 2024, un recours devant le Conseil d'État pour obliger le gouvernement à prendre ce décret.

Les auditions de la commission d'enquête ont également fréquemment soulevé les enjeux de régulation de la profession de syndic. Beaucoup d'acteurs de l'immobilier ont ainsi rappelé que si pour la plupart, les syndics professionnels assurent leurs missions avec sérieux et professionnalisme, la défaillance de certains d'entre eux conduit à des situations très difficiles et accélère la dégradation des impayés. Pour les personnes ayant contribué à la consultation citoyenne menée par la commission d'enquête, le manque de réactivité du syndic constitue l'une des premières de dégradation de la copropriété.

À cet égard, la loi ALUR portait l'ambition de franchir une étape supplémentaire en matière d'encadrement et de contrôle des activités immobilière, notamment en confiant au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI) la mission de « veilleur au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités » exercées par les professionnels de l'immobilier. En cohérence, la loi ALUR a confié au Conseil d'État le soin de constituer un code de la déontologie applicable aux professionnels de l'immobilier.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) est revenue sur les prérogatives disciplinaires du CNTGI, en créant une commission de contrôle seulement chargée de l'instruction des dossiers de pratiques abusives signalées au CNTGI et le cas échant de leur transfert à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. L'arrêté de constitution de la commission de contrôle n'étant toujours pas paru, six ans après la promulgation de la loi ELAN, la FNAIM a adressé au Premier ministre une demande formelle de constitution de cette instance, qui doit permettre de renforcer la confiance à l'égard de leur profession.

Outre la non-constitution de la commission de contrôle, la limitation du pouvoir de sanction disciplinaire de la CNTGI est regrettable, car elle constituait une étape supplémentaire vers la régulation de la profession. Il pourrait dès lors être bienvenu de revenir sur les attributions disciplinaires du conseil, en lui confiant de véritables pouvoirs de sanction des professionnels défaillants (avertissement, blâme, interdiction temporaire et interdiction définitive d'exercice).

Proposition : Poursuivre l'encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale (publication du décret sur les compétences des collaborateurs attendu depuis 2014), de formation continue notamment en matière de copropriétés en difficulté ainsi qu'en dotant la profession d'un véritable organe disciplinaire (au minimum nomination de la commission de contrôle prévue par la loi).

(2) Réarmer les syndics pour le recouvrement des impayés

La lutte contre la dégradation des copropriétés doit nécessairement inclure une réflexion sur la capacité des syndics à réagir le plus en amont possible lors des premiers signes de fragilisation. Ces derniers disposent d'une palette d'actions visant à recouvrir les impayés, que la commission d'enquête souhaiterait voir renforcées.

Pour rappel, le recouvrement des charges relève de la compétence exclusive du syndic de copropriété qui, s'il n'agit pas, peut voir sa responsabilité engagée et son contrat révoqué.

Dès le premier impayé de charges, le syndic met en demeure le copropriétaire défaillant, par une lettre recommandée ou par acte du commissaire de justice. Si l'impayé persiste, le syndic adresse au copropriétaire une lettre de rappel.

En cas d'impayés inférieurs à 5 000 euros, le syndic doit, avant de porter un recours devant le juge, faire appel à un conciliateur de justice, à un médiateur ou à une procédure participative afin de trouver un accord quant aux charges à payer. Cette tentative de règlement à l'amiable est décrite comme chronophage et peu efficace par les professionnels de l'immobilier, qui rappellent que la procédure « fait perdre du temps, augmente le coût du recouvrement, et s'avère inutile en copropriété dans la mesure où il n'y a rien à concilier, sinon un étalement de la dette qui peut être demandé au juge »60(*).

Le syndic peut ensuite engager une procédure devant le tribunal judiciaire afin d'obtenir le versement des sommes manquantes, ou faire inscrire une hypothèque légale afin de saisir et vendre le lot de copropriété concerné.

Les professionnels de l'immobilier entendus par la commission d'enquête émettent le souhait d'une simplification de ce parcours afin d'accélérer le recouvrement des impayés. La possibilité de déroger à l'obligation de conciliation des charges et d'engager une procédure accélérée au fonds, quel que soit le niveau des montants en question, pourrait ainsi permettre, selon eux, une action plus rapide. Le syndic pourrait également être autorisé à procéder à un appel de fonds en cours d'année afin de prendre en charge les coûts liés à une dépense imprévue.

Toutefois, la procédure de conciliation ne doit pas faire l'objet d'une dérogation systématique pour les syndicats, car elle constitue un espace de concertation utile pour des copropriétaires qui, en l'état et même après condamnation par le juge, ne seront pas en mesure de rembourser les sommes dues. Comme le président du Conseil national des présidents de tribunal judiciaire le rappelait devant la commission d'enquête, la difficulté de recouvrement des charges ne prend pas fin une fois la décision du tribunal prononcée, du fait de l'incapacité financière des copropriétaires paupérisés de rembourser leur dette.

Jean-Marc Roux soulevait ainsi devant la commission d'enquête la possibilité d'aller plus loin en matière d'échelonnement de l'apurement de la dette. Le plan d'apurement des dettes est en effet défini par la loi d'ALUR sur une période de cinq ans. Cette période semble trop restreinte, alors que la réalité du redressement des copropriétés concerne des périodes plus longues, de 10 ans en moyenne, mais pouvant aller jusqu'à vingt ans. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) suggérait d'ailleurs également, en cohérence, d'aligner la durée de ce plan sur celui défini par le code du commerce pour les entreprises en faillite, pouvant aller jusqu'à dix ans. Cela permettait une approche plus réaliste du recouvrement des dettes pour le syndic faisant le choix de la conciliation, constituant parfois la dernière possibilité de recouvrer les sommes dues.

Toutefois, les membres de la commission d'enquête ont rappelé qu'outre les évolutions de procédures juridiques envisagées ci-dessus, le recouvrement des impayés s'inscrit nécessairement dans un travail plus large de lutte contre la paupérisation des copropriétaires et d'accompagnement financier à leur égard notamment en permettant la mobilisation des FSL comme cela a été précédemment évoqué.

Proposition : Faciliter le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d'apurement de la dette jusqu'à 10 ans et en mobilisant les FSL au profit des copropriétaires en difficulté.

La lutte contre l'accumulation des impayés doit aussi se concrétiser par la simplification du fonctionnement et de la gestion de la copropriété. À cet égard, plusieurs personnes entendues par la commission d'enquête soulignent la nécessité de lutter contre l'absence de syndic résultant de la paralysie de l'assemblée générale, ou par le manque d'information des copropriétaires.

Pour rappel, la désignation ou la révocation du syndic répondent à une règle de majorité en assemblée générale plus exigeante que la règle de majorité par défaut, car elles nécessitent la majorité des voix de tous les copropriétaires. Cela peut conduire, notamment dans les grands ensembles où la participation aux assemblées est très faible, à des délais longs de désignation d'un syndic, délais pendant lesquels les taux d'impayés se consolident.

La commission d'enquête recommande donc d'inclure la désignation et la révocation d'un syndic dans la liste des décisions de l'assemblée générale pouvant être prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, définie à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Par ailleurs, l'assouplissement de la désignation d'un syndic permettrait de limiter les cas de désignation par le juge d'un administrateur judiciaire.

Proposition : Abaisser le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d'un syndic afin de limiter l'absence de syndic au sein des copropriétés.

De plus, en matière de gestion du budget prévisionnel, il est apparu au cours des auditions de la commission d'enquête que l'appel de fonds trimestriel constituait une potentielle source de difficultés financières pour les ménages, pouvant engendrer des impayés.

À cet égard, il serait donc opportun de revenir sur l'article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui définit par défaut le trimestre comme rythme d'appel de fonds, afin de prévoir des échéances mensuelles, facilitant la gestion du budget des ménages et minorant le risque d'accumulation des impayés.

Lors de son audition, l'USH indiquait notamment que, dès le constat de premiers impayés, les organismes de logement social ont fréquemment recours à des appels de fonds mensuels afin de faciliter la trésorerie des ménages et limiter l'émergence de recours contentieux.

Proposition : Prévoir, par défaut, une mensualisation des charges de copropriété, permettant une gestion simplifiée du budget des ménages.

(3) Insérer le syndic d'intérêt collectif dans un programme d'accompagnement plus complet

La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a, à l'initiative de l'Assemblée nationale, créé une procédure d'agrément visant à constituer un vivier de syndics d'intérêt collectif. Cet agrément se fonde sur des critères de compétences et de reconnaissance d'une expérience définis par décret. Les organismes de logement social sont réputés remplir les conditions de l'agrément.

Ce nouveau dispositif s'inscrit dans la ligne de la recommandation portée par le rapport Hanotin Lutz qui avançait l'idée d'un syndic d'intérêt général face au constat qu'en cas de dégradation de la copropriété « les syndics sont régulièrement suspectés d'être responsables lorsque l'équilibre d'une copropriété est compromis ». En cohérence, le rapport proposait l'introduction d'un syndic assurant une facturation d'honoraires correcte et maîtrisant les enjeux de gestion d'une copropriété en voie de dégradation.

Le syndic d'intérêt collectif a pour mission l'accompagnement du conseil syndical et de l'administrateur provisoire dans le cadre d'une procédure de redressement de copropriétés dégradées. Il doit permettre la levée de blocage par un accompagnement renforcé des copropriétaires démobilisés face à l'ampleur des dégradations, et garantir une gestion désintéressée sans abus en matière de facturation.

Ce projet rejoint ainsi des initiatives vertueuses apparues ces dernières années, telles que l'association Quali SR Syndic Prévention Redressement qui porte également le projet d'une certification d'un syndic de redressement.

Les personnes entendues dans le cadre de la commission d'enquête ont toutes accueilli favorablement ce nouveau dispositif, tout en faisant état des nombreuses incertitudes quant aux critères et surtout au rôle qui incombera à ce nouveau syndic d'intérêt collectif.

Certains ont également soulevé des interrogations quant à la présomption de syndic d'intérêt collectif attribué par défaut aux organismes de logement social : dans certains territoires, les OLS ne sont que peu ou pas confrontés aux enjeux de redressement de copropriété, l'attribution de l'agrément pose alors question. Ce point devrait ainsi faire l'objet d'une attention particulière dans les premières années de la mise en oeuvre du dispositif, afin de s'assurer que les syndics désignés soient réellement en mesure d'assurer les missions confiées.

Plusieurs intervenants ont par ailleurs souligné l'importance des enjeux financiers liés à l'arrivée d'un nouvel acteur au sein d'une copropriété dégradée : la situation financière de la copropriété dégradée étant, par définition, peu robuste, la manière dont le syndic d'intérêt collectif sera amené à trouver une forme de rentabilité économique dans ses missions interroge. Des inquiétudes ont également été mentionnées au sujet de la complexité que pourrait engendrer l'arrivée d'un nouvel acteur parmi tous les intervenants mobilisés dans le cadre d'une copropriété en redressement.

En conséquence, dans la mise en oeuvre de ce dispositif, les décrets d'application ainsi que la parole de la puissance publique doivent aller dans le sens d'une grande pédagogie et d'un suivi accru des différents enjeux. La commission d'enquête estime par ailleurs qu'une réflexion reste à mener quant à l'insertion du syndic d'intérêt collectif au sein d'un programme de redressement plus large. Cela pourrait notamment se concrétiser en laissant la possibilité de désigner un syndic d'intérêt collectif en amont de la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un administrateur provisoire, afin qu'il intervienne au plus tôt pour rétablir un dialogue au sein de copropriété paralysée, et qu'il s'insère dans le cadre d'un suivi renforcé de la part de la puissance publique. La désignation d'un syndic d'intérêt collectif pourrait dès lors intervenir à la demande du maire de la commune ou du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat.

En outre, un soutien financier fléché, sous la forme d'une aide à la gestion de l'Anah attribuée à ce syndic, dans le cadre d'un financement plus large de sites faisant l'objet d'une ORCOD, d'une OPAH ou d'un POPAC pourrait permettre de créer un équilibre financier pour ce nouvel acteur. En effet, sans aide de gestion couvrant les coûts d'intervention des syndics d'intérêt collectif, la portée du dispositif introduit par la loi du 9 avril 2024 pourrait rester lettre morte.

Bien entendu, l'octroi d'aides à la gestion, apparaissant indispensable pour la viabilité de l'action du syndic collectif, devra faire l'objet d'un encadrement, notamment par l'Anah, afin de garantir son bon usage.

Proposition : Publier rapidement les décrets d'application relatifs au syndic d'intérêt collectif et insérer son action dans un programme de redressement de la copropriété plus large, à la demande du maire ou du président de l'EPCI et lui octroyer des aides à la gestion, afin de garantir une meilleure coordination avec les acteurs du redressement.

b) Renforcer la portée des actions du mandataire ad hoc et de l'administrateur provisoire

Les procédures d'alerte et de traitement des copropriétés en difficulté peuvent conduire à la désignation d'un mandataire ad hoc puis d'un administrateur provisoire. Ces deux procédures relèvent de niveau de dégradation différent, le mandataire ad hoc pouvant être désigné dès les premiers signes de fragilisation de la copropriété afin de rétablir son fonctionnement normal, tandis que l'intervention d'un administrateur provisoire se cantonne aux situations de déséquilibre les plus sérieuses.

Les travaux de la commission d'enquête ont permis de constater un écart significatif entre le recours aux deux procédures, le dispositif de mandat ad hoc semblant n'avoir pas réussi à faire valoir son utilité auprès des acteurs de la copropriété.

De plus, pour les deux procédures, l'effectivité et la rapidité d'exécution des décisions des administrateurs judiciaires semblent pouvoir être encore améliorées.

La faible mobilisation du dispositif traduit, selon les acteurs entendus par la commission d'enquête, la réticence des parties prenantes de la copropriété de à l'intervention un nouvel acteur, par méconnaissance, peur des surcoûts et méfiance envers la multiplication des interventions extérieures.

Afin d'encourager désignation d'un mandataire ad hoc le plus en amont possible, la loi du 9 avril 2024 a permis de saisir le juge en l'absence d'approbation des comptes depuis au moins deux ans.

Plusieurs acteurs de l'immobilier plaident pour l'introduction d'autres critères d'alerte permettant d'enclencher cette procédure, comme des taux élevés d'absence aux assemblées générales ou l'impossibilité de faire voter certains travaux d'entretien et de rénovation énergétique. Les professionnels de l'immobilier proposent également d'élargir les indicateurs financiers permettant la saisine du juge en vue de la désignation d'un mandataire ad hoc, notamment en incluant les ratios sur la trésorerie, sur les dettes, les créances et l'épargne, en lien avec l'annexe 1 des comptes présentés. Ces indicateurs financiers cumulatifs pourraient ainsi permettre au syndic de produire une analyse déterminant le degré d'alerte.

Le faible recours au mandataire ad hoc peut aussi être analysé comme un aveu d'échec de l'efficacité de son action. Les suites données aux recommandations qu'il porte relevant de la seule volonté de l'assemblée générale, les recommandations peinent souvent à être mises en oeuvre dans des copropriétés démobilisées ou connaissant de premières difficultés financières.

Dès lors, une réflexion pourrait être conduite sur le caractère obligatoire du suivi des recommandations du mandataire ad hoc. Les recommandations du mandataire ad hoc pourraient être mises en oeuvre par défaut par le syndic, sous réserve que l'assemblée générale ne décide pas de les écarter par un vote. Cela permettrait une application plus systématique de ces recommandations qui sont souvent la dernière possibilité pour les copropriétés de rétablir un équilibre financier ou de parer une dégradation bâtimentaire avant de s'inscrire dans une spirale de détérioration.

Jean Marc Roux rappelait également devant la commission d'enquête le rôle que peut endosser le mandataire ad hoc comme médiateur au sein d'une copropriété connaissant des tensions naissantes : le mandataire pourrait ainsi procéder de manière plus systématique à un dialogue de conciliation entre le syndic et les copropriétaires mauvais payeurs, puisque le syndic se refuse souvent à le faire.

Proposition : Renforcer l'action du mandataire ad hoc en associant sa désignation avec le lancement d'un programme de suivi par la puissance publique (VOC, Popac, OPAH) afin de lui attribuer des financements de l'Anah tout en rendant obligatoire l'exécution de ses recommandations.

Les actions des administrateurs provisoires, telles que définies aux articles 29-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, pourraient également être renforcées afin d'accélérer le redressement des copropriétés.

L'intervention de l'administrateur provisoire

Lorsque l'état de dégradation de la copropriété devient tel que l'équilibre financier du syndicat de copropriétaire est gravement compromis ou que le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, un administrateur provisoire peut être désigné par le président du tribunal judiciaire à la demande des copropriétaires représentant 15 % des voix du syndicat, par le syndic, le maire de la commune sur laquelle se situe l'immeuble, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, le représentant de l'État dans le département, le procureur de la République ou le mandataire ad hoc.

L'administrateur provisoire est habituellement un administrateur judiciaire inscrit sur la liste mentionnée à l'article L. 811-2 du code du commerce. Le président du tribunal judiciaire peut également désigner une personne physique ou morale justifiant d'une expérience particulière au regard de la nature de l'affaire. Les copropriétaires sont informés de la désignation d'un administrateur provisoire ainsi que des rapports établis par ce dernier relatif à la situation financière de la copropriété.

Il incombe à l'administrateur provisoire de prendre toute mesure nécessaire au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. Il dispose à cet égard de tous les pouvoirs du syndic, dont le mandat cesse de plein droit sans indemnité, et de tout ou partie des pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires et du conseil syndical. Il doit néanmoins consulter le conseil syndical avant de prendre des décisions en matière de travaux, d'appels de fonds ou de recouvrements judiciaires. L'administrateur provisoire est en outre en capacité de solliciter la division des grands ensembles trop complexes à administrer et rétrocéder des parcelles ou des voiries aux acteurs publics locaux.

La désignation de l'administrateur provisoire entraîne également la suspension de l'exigibilité des créances antérieures pour une période de douze mois, l'interruption des actions en justice de la part de tous les créanciers visant à la condamnation du syndicat débiteur et l'arrêt des procédures d'exécution de la part de ces créanciers ou des procédures de saisie n'ayant pas produit un effet attributif. L'administrateur élabore un plan d'apurement visant à répondre à l'ensemble des créances lui ayant été signalées au cours des premiers mois suivant sa désignation, qu'il notifie aux créanciers et au conseil syndical. Ce plan d'apurement ne peut dépasser cinq ans.

Dans le cadre de l'élaboration du plan d'apurement soumis au juge, et en l'absence d'actifs du syndicat pouvant être cédés, l'administrateur provisoire peut demander au juge d'effacer partiellement les dettes du syndicat pour un montant équivalant au montant des créances irrécouvrables.

Si la situation financière de la copropriété ne permet pas de conduire les travaux nécessaires à la mise en sécurité de l'immeuble ou la réduction des charges de copropriété, le juge peut placer la copropriété sous administration provisoire renforcée à la demande du maire, du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat, du préfet ou de l'administrateur provisoire en place. Ce statut habilite l'administrateur provisoire à conclure une convention à durée déterminée au nom du syndicat des copropriétaires avec un ou plusieurs opérateurs compétents en matière de maîtrise d'ouvrage de travaux et de mise au point de financement d'opération de travaux, afin de leur confier toute mission concourant au redressement de la copropriété.

Lorsque le propriétaire ou le gestionnaire d'un immeuble (pas nécessairement en copropriété) est dans l'incapacité d'assurer sa conservation ou la sécurité et la santé des occupants, le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat peut demander au juge la nomination d'un expert, en vue de l'acquisition de l'immeuble par voie d'expropriation c'est la procédure de carence61(*).

Les prérogatives étendues confiées à l'administrateur provisoire doivent permettre une action accélérée et une exécution plus maîtrisée des travaux prioritaires dans les copropriétés dégradées.

Comme l'a souligné le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), « le statut réglementé et la désignation par décision judiciaire [des administrateurs judiciaires] leur confèrent une indépendance et une légitimité qui leur permettent d'agir dans l'intérêt de l'immeuble et de l'ensemble des résidents, sans subir la pression que les copropriétaires pourraient imposer à un syndic professionnel, notamment lorsqu'ils détiennent un nombre de tantièmes suffisant pour faire et défaire les contrats des syndics ». Ces situations de blocages ont été constatées par la commission d'enquête lors d'une visite de copropriété en voie de dégradation à Béthune au sein de laquelle les actions du syndic sont paralysées par la désapprobation de quelques copropriétaires majoritaires. L'arrivée d'un administrateur judiciaire permet dès lors de rétablir un fonctionnement normal de la copropriété et de garantir une prise de décision rationnelle quant aux travaux à mener.

Les travaux conduits par la commission d'enquête ont toutefois permis d'identifier les limites de l'action conduite par les administrateurs provisoires en vue du redressement des copropriétés dégradées.

Tout d'abord, l'efficacité de l'action des administrateurs provisoires est minée par les désignations trop tardives, qui mènent à des situations de forte dégradation nécessitant des interventions plus lourdes, plus longues et plus coûteuses. Ce retard de saisine peut s'expliquer par la réticence des syndics et des copropriétaires qui méconnaissent et craignent l'action d'un administrateur provisoire. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires note ainsi que ces réticences sont constatées dans les immeubles au fort taux de copropriétaires bailleurs, qui ne souhaitent pas être contraints à financer d'importants travaux. Les syndics, eux, retardent souvent la désignation d'un administrateur judiciaire tout comme le lancement des procédures de recouvrement des charges, de crainte de perdre leur contrat face à des copropriétaires mauvais payeurs en situation de majorité. Il est déploré par les professionnels que la saisine du tribunal n'advienne fréquemment qu'une fois la trésorerie complètement épuisée, les impayés de charges dépassant les 100 % ou alors que la collectivité territoriale a pris des arrêtés de péril imminent ou de traitement de l'insalubrité.

Afin de limiter les retards de saisine du juge et les coûts induits pour les copropriétaires, la loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement permet au président du tribunal judiciaire d'imputer tout ou partie des frais de l'administration provisoire au syndic qui n'aurait pas saisi sur la requête le juge pour la désignation d'un mandataire ad hoc. La commission a néanmoins été alertée sur les limites du dispositif : il serait par exemple anormal d'imputer ces frais à un syndic nouvellement nommé, qui ne serait pas responsable de la mauvaise gestion de ses prédécesseurs. La bonne exécution de cette nouvelle disposition repose donc sur la sagesse du juge chargé d'examiner si le syndic en place est réellement responsable de l'état de dégradation des comptes et de la copropriété.

Il pourrait dès lors être envisagé d'autres sanctions à l'égard du syndic resté passif face à la dégradation de la copropriété, en lien avec les propositions de la commission d'enquête relative à la création d'une instance de régulation de la profession.

De plus, alors que l'administrateur provisoire est désigné afin d'accélérer la mise en oeuvre des actions de redressement, ces dernières pâtissent de la lenteur de certaines procédures. Jean-Marc Roux a ainsi souligné l'incohérence entre la célérité demandée aux administrateurs judiciaires et leur obligation de recourir à la procédure accélérée au fond. Le recours à la voie de requête pourrait au contraire permettre de procéder dans des délais plus courts, par exemple afin d'obtenir la suspension d'exigibilité des sommes dues par le syndicat ou des mesures de poursuites contre celui-ci.

Par ailleurs, les professionnels entendus ont souligné les disparités observées par les administrateurs provisoires en matière de collaboration avec les acteurs locaux, notamment les tribunaux et les collectivités locales. Si certains territoires ont par exemple fait le choix de construire une véritable expertise partagée entre les tribunaux judiciaires (notamment à Bobigny ou à Évry ou des tribunaux spécialisés ont été créés) et les collectivités pour accélérer et mieux prendre en charge le redressement des copropriétés, les administrateurs provisoires se retrouvent néanmoins parfois, notamment pour les biens en zone diffuse, face à des acteurs locaux démunis, ce qui est de nature à engendrer un grand retard dans la gestion des cas.

Dans ces zones peu sensibilisées au rôle de l'administrateur provisoire ainsi qu'aux enjeux de dégradation de l'habitat, l'expertise et la formation de l'administrateur judiciaire sont d'autant plus essentielles pour le redressement de l'immeuble. En ce sens et afin de renforcer la crédibilité et la confiance accordée aux administrateurs judiciaires, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) travaille depuis 2017 à la constitution d'une réserve d'administrateurs judiciaires spécialisés en redressement de copropriété, s'élevant aujourd'hui à 70 membres.

Si cette spécialisation a été saluée par la commission d'enquête, ses effectifs semblent encore très en dessous des besoins identifiés sur le terrain. Cette initiative pourrait donc être structurée et approfondie, par un parcours de formation centré sur les enjeux relatifs aux copropriétés, l'augmentation du nombre d'administrateurs judiciaires formés aux enjeux de redressement des copropriétés, et la mise en place d'un dispositif de compagnonnage entre les administrateurs judiciaires locaux et les administrateurs spécialisés.

Proposition : Accroître le nombre et renforcer la capacité d'action des administrateurs provisoires en prévoyant une spécialisation des administrateurs judiciaires et simplification des modalités de saisine du juge.

Les auditions de la commission d'enquête ont également permis de mettre en lumière une certaine défiance des élus locaux à l'égard des administrateurs judiciaires et des difficultés de suivi des opérations menées par ces derniers.

Outre la demande d'une meilleure formation des administrateurs judiciaires, des élus locaux ont insisté sur les difficultés d'évaluation et de contrôle de l'action de l'administrateur judiciaire. Mme Hélène Geoffroy, ancienne ministre, maire de Vaulx-en-Velin, co-présidente de la commission politique de la ville et cohésion sociale de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité a ainsi rappelé que « [les élus locaux] sont incapables d'encadrer la manière dont les choses fonctionnent. Ils n'[ont] aucun mot à dire sur la rémunération [des administrateurs judiciaires], pas plus que les copropriétaires ou la puissance publique ».

Afin de restaurer la confiance et renforcer la prévisibilité de leur action, l'administrateur provisoire, l'État, la collectivité et l'EPFIF ont, dans le cadre de la prise en charge de la copropriété Grigny 2, signé un protocole relatif à la liquidation du syndicat de la copropriété. Ce protocole a permis de mieux définir l'action de l'administrateur judiciaire, notamment en encadrant les conditions et délais de liquidation du syndicat.

Cette bonne pratique pourrait être systématisée en prévoyant, par défaut, l'établissement d'un contrat entre la collectivité, l'Anah et l'administrateur judiciaire afin, premièrement, de définir les objectifs et les modalités d'action de l'administrateur judiciaire et, deuxièmement, d'encadrer les coûts de son intervention.

Proposition : Pour toute intervention d'un administrateur judiciaire, prévoir la passation d'un contrat entre ce dernier, la puissance publique et la collectivité afin de définir les objectifs et les coûts prévisionnels associés.

c) Mieux protéger les copropriétaires face à une situation d'impayés irrémédiable

Pour les situations d'impayés les plus graves, les professionnels de l'immobilier et du redressement des copropriétés appellent à la poursuite de l'évolution des textes afin de protéger davantage les copropriétaires qui subissent la défaillance des autres ménages.

La solidarité financière entre les membres du syndicat fait en effet peser sur ces derniers des charges qu'ils ne peuvent pas nécessairement supporter, notamment en raison des coûts élevés des procédures de recouvrement.

Afin de limiter ces charges, Soliha a proposé à la commission d'enquête de premièrement d'élargir le « super-privilège » de recouvrement de charges sur le montant de l'hypothèque légale d'un lot. Aujourd'hui limité au montant de charges des deux dernières années, il serait opportun d'élargir cette possibilité jusqu'à cinq ans, afin de limiter l'appel aux contributions des copropriétaires restants et d'ajuster la procédure à la durée réelle des délais d'aboutissement d'une procédure judiciaire. Cette recommandation figurait déjà au sein du rapport Braye, en 2012.

En outre, lorsque les difficultés deviennent irrémédiables, les acteurs du redressement des copropriétés plaident pour l'ouverture d'une véritable procédure de faillite du syndicat, afin de limiter les coûts pour l'ensemble des copropriétaires ainsi que pour la puissance publique. En l'état actuel du droit, il est possible de décréter une carence ou de procéder à une expropriation partielle ou totale de la copropriété. Il est également possible de procéder à une dissolution consécutive à une scission amiable (article 28 de la loi du 10 juillet 1965) ou à une scission judiciaire (article 29-1 de la même loi).

Toutefois, l'impossibilité de constater la faillite du syndicat conduit à un risque de faillite personnelle des propriétaires captifs des immeubles en grande difficulté qui, selon Soliha, sont exposés à une « triple peine » : la résidence dans un immeuble dégradé pendant plusieurs années, le versement de charges importantes ne correspondant pas au niveau de services, l'expropriation assortie d'une indemnisation inférieure au prix d'acquisition qui ne permet même pas pour certains de rembourser leur emprunt auprès de la banque ni de solder les dettes du syndicat.

Se pose alors la question d'un véritable régime de la faillite de la copropriété, permettant une réponse claire et protectrice des copropriétaires quant au sort des dettes et des créances.

Proposition : Mieux protéger les copropriétaires face aux situations d'impayés irrémédiables, notamment :

- en élargissant le « super-privilège » de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d'hypothèque légale ;

- en confiant au ministère de la Justice l'élaboration d'une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d'éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement.

D. DONNER AUX COPROPRIÉTÉS LES MOYENS FINANCIERS DE SE RÉNOVER

La copropriété est en voie de fragilisation lorsque les coûts dépassent la capacité contributive des propriétaires. Il est donc primordial de maintenir le bâtiment en bon état, afin d'éviter des travaux urgents et coûteux.

Même en l'absence de désordres dans le bâti, la rénovation énergétique est une nécessité dans des immeubles anciens afin de respecter les obligations légales (pour les propriétaires bailleurs), mais aussi de réduire les charges. Or le parc de logements anciens privés, où les copropriétés fragiles sont nombreuses, a une consommation moyenne d'environ 250 kWh/m²/an, contre 180 kWh/m²/an pour le parc social, qui a bénéficié d'un processus d'amélioration continue62(*).

Le financement de la rénovation dans les copropriétés se heurte toutefois à la complexité des règles de copropriétés qui s'ajoute à celle de la rénovation en elle-même.

1. Le financement de la rénovation dans les copropriétés ou le croisement de deux complexités

La rénovation d'un immeuble en copropriété est d'abord soumise à la nécessité d'une prise de décision en assemblée générale, ce qui renvoie aux difficultés de gouvernance évoquées précédemment.

Elle nécessite aussi un financement qui est d'autant plus difficile à réunir que l'urgence des travaux est grande. En effet, les propriétaires peuvent être réticents à engager des dépenses dans une copropriété ne rencontrant pas de difficulté, car leur utilité n'apparaît pas avec évidence, mais des travaux engagés en urgence lorsque les désordres apparaissent aux yeux de tous sont souvent plus coûteux.

a) Le lancement des projets nécessite un financement du reste à charge, mais aussi un préfinancement des subventions

La question du reste à charge, comme l'a souligné devant la commission d'enquête Olivier Klein, ancien ministre délégué chargé de la ville et du logement, est souvent déterminante pour convaincre les copropriétaires de voter les travaux, car leurs moyens sont souvent très limités, même lorsqu'une fraction importante des travaux est financée par des subventions.

En outre, la complexité du système des aides et l'incertitude sur leur obtention rendent le montant de ces restes à charge difficile à anticiper. La mission exploratoire de la Banque des territoires sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté fait observer que cette incertitude est en elle-même un obstacle à la prise de décision par les copropriétaires.

Au-delà du reste à charge, le préfinancement des subventions peut aussi être un facteur bloquant pour le démarrage des travaux. Si les subventions publiques ne sont en effet versées qu'en fin de chantier, les travaux, eux, ne démarrent qu'une fois les fonds réunis : le montant des subventions doit donc être avancé par les copropriétaires ou par un organisme tiers.

Certains dispositifs de préfinancement existent, avec une portée limitée63(*).

Procivis propose un préfinancement à taux zéro adapté pour des copropriétés en difficulté, mais ce dispositif ne saurait répondre à l'ensemble des demandes avec un montant de 62 millions d'euros par an prévu par la convention signée entre Procivis et l'État pour la période 2023-2030.

La Caisse d'Épargne d'Île-de-France propose pour sa part aux syndicats de copropriété un préfinancement rémunéré à un taux de marché : 70 millions d'euros d'aides ont pu être préfinancés à ce titre en 2022, dont la moitié portaient sur des copropriétés en difficulté.

Ces montants sont très inférieurs au montant des aides versées par l'Anah aux copropriétés, qui se sont élevées à plus de 430 millions d'euros en 2022 (hors habitat indigne), auxquelles s'ajoutent les aides apportées par les collectivités locales.

b) S'agissant de la rénovation énergétique, deux dispositifs principaux sont proposés
(1) L'éco-prêt à taux zéro « copropriétés », un dispositif à la portée limitée

Depuis 2011, l'éco-prêt à taux zéro est accessible aux syndicats de copropriétaires pour financer des travaux d'économie d'énergie réalisés sur les parties communes de la copropriété ou les travaux d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives.

Réservé à des résidences principales, l'éco-PTZ copropriétés est souscrit uniquement par les copropriétaires qui souhaitent y participer.

L'éco-PTZ copropriétés, comme l'éco-PTZ classique, fait l'objet d'une convention entre la banque qui le propose et l'État. Il donne à la banque le droit à recevoir un crédit d'impôt correspondant à l'avantage de taux qu'elle a consenti en accordant un prêt sans intérêt. La rémunération des banques est supérieure à celle applicable aux éco-prêts attribués à des personnes physiques, afin de prendre en compte les contraintes spécifiques à un emprunt collectif64(*).

Dans les documents budgétaires, le financement de l'État accordé à l'éco-PTZ copropriétés n'est pas présenté séparément du coût de l'éco-PTZ, qui est en forte croissance : 29 millions d'euros en 2022, 44 millions d'euros en 2023 et une prévision de 119 millions d'euros en 202465(*). Ce coût pour l'État est affecté non seulement par le nombre de prêts accordés, mais aussi par la hausse des taux d'intérêt de marché constatée ces dernières années, qui accroît mécaniquement le montant de la compensation à accorder aux banques qui accordent un prêt sans intérêt.

Le dispositif ne semble guère avoir atteint sa cible. Entre 2015 et la fin 2022, 479 éco-PTZ « copropriétés » ont été acceptés par les syndicats de copropriétaires, soit moins de 100 et parfois moins de 50 par an. Le montant total de prêts est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros par an. La hausse récente des taux d'intérêt de marché pourrait encourager le développement des prêts à taux zéro, dont l'avantage est désormais bien plus important pour les emprunteurs.

Évolution du montant des prêts accordés au titre
de l'éco-PTZ copropriétés

(en millions d'euros)

Source : commission d'enquête, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires

Un très petit nombre de banques proposent l'éco-PTZ. C'est le cas de Domofinance, filiale d'EDF et de la BNP, et de la Caisse d'épargne d'Île-de-France. Nordine Si Mohammed, directeur des marchés spécialisés dans cet établissement, a indiqué à la commission d'enquête que les syndics sont réticents lorsque le remboursement du prêt est effectué par prélèvement sur le compte du syndicat des copropriétaires, car ils doivent alors assurer un suivi tout au long de la vie du prêt, ce qui est une source de complexité. Depuis janvier 2024, toutefois, sa banque propose de prélever les sommes directement sur le compte des copropriétaires, ce qui devrait être vu de manière plus favorable par les syndics.

La même banque propose également des prêts « Copro 1 » (prêt collectif au syndicat nécessitant un vote à l'unanimité) et « Copro 2 » (prêt collectif à adhésion individuelle pouvant être voté à la majorité), avec les mêmes réserves lorsque les remboursements sont prélevés sur le compte de la copropriété, ainsi qu'une forme de crédit-relais pour l'avance sur les subventions publiques auxquelles les copropriétés ont droit de la part de l'Anah ou d'autres organismes : l'établissement financier prend alors un risque si les travaux ne sont pas menés à leur terme, ce que le prêteur n'a pas les moyens de contrôler, et que la subvention n'est en conséquence pas accordée.

De manière générale, comme pour l'éco-PTZ « particuliers », ces dispositifs de prêt voient leur portée limitée par le manque, à l'intérieur des banques traditionnelles, de compétences spécialisées et adaptées pour le financement des projets des copropriétés : elles considèrent que ce n'est pas leur métier.

(2) La montée en puissance et les limites de MaPrimeRénov' Copropriétés

La directrice générale de l'Anah, lors de son audition par la commission d'enquête, a indiqué que 1 146 copropriétés ont déjà été financées dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov' Copropriété, pour un gain énergétique moyen mesuré de 47,2 %. Le budget annuel de l'Anah pour l'intervention en copropriétés est passé de 50 millions d'euros en 2017 à 323,1 millions d'euros en 2022.

Le dispositif MaPrimeRénov' Copropriété

Le 1er janvier 2021, dans le cadre du Plan de Relance, l'Anah ouvre le dispositif MaPrimeRénov' aux copropriétés, en créant MaPrimeRénov' Copropriété. Cette subvention doit permettre de simplifier le financement des travaux de rénovation énergétique en parties communes et sur les parties privatives d'intérêt collectif, grâce à une aide collective unique attribuée au syndicat des copropriétaires.

L'aide MaPrimeRénov' Copropriété apporte une aide qui peut aller, dans la limite de 25 000 euros par logement, jusqu'à :

- 30 % du montant des travaux pour une rénovation permettant un gain énergétique d'au moins 35 % ;

- 45 % de ce montant pour une rénovation énergétique permettant un gain énergétique d'au moins 50 %.

L'offre prévoit le financement d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) de 600 euros par lot d'habitation avec une aide plancher de 900 euros et une aide financière pour les travaux d'économies d'énergie.

Un financement complémentaire de 10 % est apporté pour un immeuble classé F ou G (« passoire énergétique ») qui atteint au moins la classe D après travaux.

Deux dispositions réduisent le reste à charge des copropriétaires modestes ou des copropriétés fragiles :

- les copropriétaires aux ressources modestes peuvent bénéficier de primes individuelles ;

- un bonus de 20 % du montant des travaux peut être accordé aux copropriétés fragiles, sous condition de l'obtention de certificats d'économie d'énergie (CEE) par l'Anah. Les copropriétés fragiles sont ici définies par un taux d'impayés de charges de copropriété d'au moins 8 % du budget.

L'aide s'adresse à l'ensemble des copropriétés, y compris celles qui ne sont pas identifiées comme « fragiles ». Pour être éligibles, les travaux de rénovation doivent permettre une amélioration significative du confort et de la performance énergétique de la copropriété, c'est-à-dire un gain énergétique après travaux supérieur ou équivalent à 35 %. Les copropriétaires souhaitant réaliser des travaux de rénovation sur leurs parties privatives peuvent en outre solliciter le dispositif MaPrimeRénov' de façon individuelle.

Un accompagnement spécifique est prévu pour les copropriétés dégradées dans le cadre d'un dispositif programmé (PDS, OPAH, ORCOD), consistant en une prime de 3 000 euros, en supplément de l'aide aux travaux accordée par l'Anah dans le cadre de ses programmes (35 à 50 % du coût éligible hors taxe).

En trois ans, l'Anah a triplé le nombre de logements accompagnés au titre du dispositif MaPrimeRévov' Copropriété, passant de 11 891 en 2021 à 30 164 en 2023, pour un gain énergétique moyen mesuré de 47,2 %. Pour 2023, les montants engagés s'élèvent à 200 millions d'euros, dont 90 millions d'euros pour 11 757 logements en copropriétés fragiles. En 2024, l'enveloppe de l'Anah dédiée à MaPrimeRénov' Copropriété s'élève à 216 millions d'euros pour une cible de 25 000 logements. Les plafonds de subvention ont fait l'objet de revalorisation ces trois dernières années, passant de 15 000 euros à 25 000 euros par logement. Néanmoins, dans certains cas, ces aides sont insuffisantes pour les ménages modestes et le reste à charge demeure important.

L'Anah a par ailleurs reconnu des difficultés à accompagner les petites copropriétés, qui représentent pourtant plus de 40 % des copropriétés construites avant 1949. Les aides MaPrimeRénov' Copropriété se concentrent actuellement majoritairement sur des copropriétés construites entre 1961 et 1974 alors que celles-ci ne représentent que 14 % de l'ensemble des copropriétés. Au regard du volume important des petites copropriétés de centre ancien, l'Anah souhaite donc mieux les cibler afin de les aider à atteindre les objectifs de transition énergétique.

Le conseil d'administration de l'Anah du 6 décembre 2023 a approuvé une expérimentation pour trois ans permettant un régime d'aide adapté à ces petites copropriétés de moins de 20 lots inclus, en révisant certains critères d'éligibilité du dispositif parmi lesquels :

l'abaissement du seuil de gain énergétique de 35 % à 15 % ;

l'abaissement du seuil de lots d'habitation principale de 75 % à 65 % ;

- l'ajout d'une obligation de réaliser un diagnostic technique global, ou un audit énergétique du bâti et d'un accompagnement par un maître d'oeuvre ;

- l'ouverture aux collectivités déjà engagées dans des opérations de rénovation (OPAH-RU, OPAH-CD, POPAC).

Les personnes auditionnées par la commission d'enquête ont également souligné l'enjeu spécifique du reste à charge dans le cadre des copropriétés, qui doit être le plus restreint possible, ainsi que la complexité de la mise en oeuvre du dispositif MaPrimeRénov', qui décourage parfois les copropriétaires les plus en difficulté.

Source : commission d'enquête, à partir des informations de l'Anah
et des réponses au questionnaire budgétaire

Les travaux, qui doivent être suivis par un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO), sont votés en assemblée générale et le syndic dépose ensuite un dossier de demande d'aide ; la prime est répartie entre les copropriétaires en fonction de leur quote-part.

La nécessité d'atteindre un gain énergétique minimum de 35 % est un frein majeur pour le dispositif, plusieurs fois signalé au cours des auditions, tout particulièrement pour les petites copropriétés.

L'Anah a donc décidé, à titre expérimental, d'accorder depuis le 1er janvier 2024, pendant une durée de trois ans, une aide pour des travaux limités à un gain énergétique de 15 % pour des copropriétés comprenant 20 lots d'habitation ou moins, à condition qu'elles comprennent au moins 65 % de résidences principales.

En outre, MaPrimeRénov, comme l'éco-prêt à taux zéro, se limite au financement des travaux de rénovation énergétique. Or les difficultés dans les copropriétés en voie de fragilisation vont souvent bien au-delà de la facture d'énergie : un immeuble insuffisamment entretenu a besoin de travaux plus globaux, qui ne seront pas couverts par les aides. Dans le cadre d'une réfection de toiture, par exemple, seule l'isolation serait financée au titre de la rénovation énergétique.

Un point souligné par Estelle Baron, directrice du pôle Conduite de projets de territoires pour Soliha Grand Paris, est la présence fréquente de commerce en pied d'immeubles dans les petites copropriétés ; or ceux-ci, tout en pesant fortement sur les décisions en assemblée générale, n'ont pas le même bénéfice à espérer des travaux que les propriétaires ou locataires des logements situés dans les étages supérieurs. Il peut même arriver que l'importance des commerces, s'ajoutant à une proportion significative de logements vacants, conduise les résidences principales à être minoritaires dans l'immeuble, lui faisant perdre le bénéfice de certains dispositifs d'aide de l'Anah.

Benoît Ameye, sous-directeur des politiques de l'habitat au ministère de la transition écologique, a indiqué à la commission d'enquête que MaPrimeRénov' Copropriétés a bénéficié en 2023 à plus de 30 000 logements pour un montant de près de 200 millions d'euros, dont 90 millions d'euros pour 11 757 logements en copropriétés fragiles.

Il a également indiqué que les objectifs ont été multipliés par trois en 2024, avec des crédits prévus par le budget initial de 614 millions d'euros pour une cible de 90 000 logements. Ces objectifs paraissent toutefois compromis, comme pour l'ensemble du programme MaPrimeRénov', à la suite notamment du décret d'annulation de 10 milliards d'euros pris le 21 février dernier. Si le gouvernement n'a pas indiqué sur quelles lignes budgétaires précises portaient les annulations, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui finance notamment MaPrimeRénov' Copropriétés, a vu ses crédits amputés de 358,9 millions d'euros, soit 22,7 % des crédits du programme.

De fait, le ministre délégué chargé du logement, Guillaume Kasbarian, qui a fait partie des dernières personnalités entendues par la commission d'enquête, n'a fait état que d'une cible de rénovation de 25 000 logements en 2024, pour une enveloppe maximale de 216 millions d'euros. À la date de l'audition, c'est-à-dire à la fin du mois de mai, les travaux n'avaient été enclenchés que pour 2 800 logements et un montant de 21 millions d'euros. Le ministre a reconnu que le dispositif n'était pas encore suffisamment connu et que les copropriétés ne s'en étaient pas encore suffisamment saisies.

2. La création du prêt collectif, une avancée à concrétiser

La loi « Habitat dégradé » du 9 avril 202466(*) a créé un emprunt global et collectif pour le financement des travaux dans les copropriétés, qui serait souscrit par le syndicat des copropriétaires dans son ensemble, aux mêmes conditions de majorité que le vote des travaux sur les parties communes. Ce dispositif s'inspire de celui proposé par la mission exploratoire précitée de la Banque des territoires, lui-même inspiré d'un dispositif mis en place en Belgique.

Il doit permettre de répondre, au moins en partie, à un besoin de financement d'un volume annuel de travaux que la Banque des territoires a estimé à près de 9 milliards d'euros ce qui correspondrait à la rénovation d'un peu plus de 18 000 copropriétés et 366 000 logements pour un coût moyen d'environ 24 000 euros.

La condition de vote à la majorité est une dérogation à l'article 26-4 de la loi de 1965, qui prévoit que seul un vote à l'unanimité de l'assemblée générale peut décider la souscription d'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires pour le financement de travaux concernant les parties communes ou de travaux d'intérêt collectif sur parties privatives. Le vote à la majorité est certes possible pour certains dispositifs, tels qu'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires à adhésion individuelle, c'est-à-dire au bénéfice des seuls copropriétaires décidant d'y participer, mais la lourdeur de ce dispositif s'oppose à sa diffusion67(*).

Les copropriétaires ne sont pas contraints de participer au prêt collectif créé par la loi du 9 avril, mais ils doivent dans ce cas régler directement leur quote-part de travaux, comme si un prêt n'avait pas été contracté.

Les fonds empruntés sont versés sur un compte bancaire séparé, qui reçoit également les subventions publiques. Le prêt est attaché au lot, de sorte que la charge de remboursement est transférée à l'acquéreur du logement en cas de vente.

L'établissement bancaire étudie la situation financière du syndicat des copropriétaires, mais il n'évalue pas la situation personnelle de chaque copropriétaire de manière aussi approfondie que dans un prêt individuel, même s'il peut consulter le fichier des incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels68(*). Cette dernière disposition a été introduite par le Sénat au motif que le prêt ne pourra fonctionner que si les banques et les cautions peuvent acquérir une juste vision du risque afin de respecter leur obligation de pratiquer un prêt responsable.

Enfin, la loi du 9 avril 2024 a élargi le champ d'intervention du fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE) à l'ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté, et non uniquement aux seuls travaux de rénovation énergétique.

Le prêt collectif présente l'avantage d'englober aussi bien le financement des travaux et du reste à charge que le préfinancement des subventions, ce qui apporte sécurité et visibilité à la copropriété. Le versement ultérieur des subventions permet de réduire la quote-part des copropriétaires.

Il est bien sûr trop tôt pour dresser un bilan de ce dispositif. Lors de son audition devant la commission d'enquête, Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des territoires, a indiqué être en contact avec un certain nombre d'établissements bancaires et d'organismes de caution qui interviennent notamment dans des pays voisins de la France et qui pourraient être intéressés par notre marché.

Le caractère intégré du dispositif, qui peut remplacer plusieurs prêts existants (mécanisme de préfinancement des subventions, éco-prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation énergétique, prêt de marché pour les travaux complémentaires...), est un signal positif pour encourager les acteurs concernés (banques, syndics, syndicats de copropriétaires) à s'engager dans un processus de rénovation du bâti.

Il n'en reste pas moins que le montage demande de la part des banques des compétences pointues en immobilier et en copropriété, que toutes n'ont pas actuellement et qu'elles ne souhaitent pas nécessairement développer. C'est pourquoi la commission d'enquête s'est intéressée à une autre solution, à savoir celle de la création d'un acteur bancaire spécialisé.

3. Vers une banque de la rénovation et de la copropriété ?

Les prêts à la rénovation et aux copropriétés demandent une expertise spécifique : ces produits financiers peuvent réunir de nombreux emprunteurs aux profils individuels variés et leur financement dépend souvent de l'obtention de subventions qui ne seront versées qu'après les travaux. En outre la réglementation technique et le paysage des aides publiques, qui peuvent provenir de l'État, mais aussi des collectivités locales, est particulièrement mouvant, ce qui impose un travail de veille important.

Le montage de ce type de prêt nécessite donc des collaborateurs spécialisés et le développement de systèmes d'information dont ne disposent pas actuellement la plupart des acteurs bancaires.

Pour autant, les syndicats de copropriétaires, comme les propriétaires individuels, ont déjà des banques qui les connaissent et à qui ils pourraient souhaiter s'adresser pour obtenir des prêts concernant la rénovation de leur immeuble.

Une solution serait de créer une banque de la rénovation et de la copropriété, qui regrouperait les compétences juridiques, l'expertise technique et les systèmes d'information nécessaires pour apporter des réponses et des financements aux réseaux bancaires traditionnels.

Une telle banque ne partirait pas nécessairement de rien. À titre d'exemple, l'écosystème bancaire français comprend un acteur spécialisé centenaire spécialisé dans l'immobilier qui, suite à une crise de liquidité en 2012, est engagé dans une procédure de résolution ordonnée69(*) organisant son extinction à l'échéance de 2035. C'est le Crédit immobilier de France (CIF), dont les actionnaires sont les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (SACICAP)70(*), regroupées dans le réseau Procivis.

Le choix d'un tel mécanisme nécessiterait bien sûr une réflexion poussée, compte tenu des règles de régulation spécifiques au secteur bancaire : comme l'indiquait le Comité consultatif du secteur financier en 2006, « Si le secteur bancaire joue un rôle central dans l'économie, cela repose sur la solidité des institutions qui le composent et sur la confiance qu'elles inspirent ». La banque de la rénovation et de la copropriété devrait être construite avec un capital suffisant pour respecter les réglementations prudentielles, dans un secteur qui n'est pas dépourvu de risque ; son caractère de « banque des banques » et le marché très important de la rénovation supposeraient toutefois de lui assurer une surface financière suffisante pour faire face à des défaillances sur certaines copropriétés.

La création d'une banque de la rénovation et de la copropriété n'est pas une idée complètement nouvelle. Elle figurait déjà dans les propositions du groupe de travail sur la transition écologique du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement présidé par Mme Marjolaine Meynier-Millefert du 13 mars 2023. Elle a été reprise dans le rapport d'octobre 2023 de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la rénovation des bâtiments, dont M. Jean-Louis Bricout était le président et Mmes Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert les rapporteures. De leur point de vue, l'institution d'un tel organisme présentait plusieurs intérêts : en premier lieu, créer un établissement susceptible de posséder une surface financière suffisante pour proposer une gamme complète de produits ; en deuxième lieu, minimiser la part de risque assumée par chacun des partenaires par l'apport de ressources privées et publiques ; en troisième lieu, favoriser l'établissement d'une offre de financement et de services intégrée, qui comporterait la proposition de solutions de financement, ainsi qu'un accompagnement dans le montage opérationnel des projets de rénovation énergétique.

En conséquence, la création d'une telle banque pourrait faire dans un premier temps l'objet d'une préfiguration que la commission d'enquête appelle de ses voeux.

Proposition : Publier rapidement les textes d'application relatifs au nouveau prêt global et collectif pour les copropriétés, créer une banque de la rénovation et de la copropriété et confier à un parlementaire en mission sa préfiguration.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 18 juillet 2024, la commission d'enquête a examiné le rapport de la commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Mes chers collègues, il me revient de vous rappeler les obligations réglementaires et juridiques qui pèsent sur le fonctionnement d'une commission d'enquête lors de la phase d'adoption du rapport qui nous sera présenté, par notre collègue Marianne Margaté ; certains d'entre vous ont d'ailleurs déjà pu le consulter.

Comme je l'ai indiqué lors de notre première réunion, les travaux de la commission d'enquête, notamment le contenu du rapport, sont secrets tant qu'ils n'ont pas été rendus publics. Cette règle s'impose à chacun d'entre nous, et ce jusqu'à la conférence de presse qui aura lieu mardi 23 juillet dans l'après-midi. Aucune communication, sous aucune forme, traditionnelle ou via les réseaux sociaux, n'est possible avant l'expiration du délai permettant au Sénat de se constituer en comité secret. Par ailleurs, l'article 226-13 du code pénal prévoit des peines d'emprisonnement en cas de divulgation, dans les vingt-cinq ans, d'informations ou de travaux non publics d'une telle commission.

C'est la raison pour laquelle des exemplaires nominatifs vous ont été remis contre émargement. Il faudra par conséquent que vous les remettiez aux administrateurs adjoints à l'issue de la réunion.

Si vos groupes politiques ou vous-même souhaitiez faire figurer formellement une contribution ou une position divergente, je vous remercie, si ce n'est déjà fait, de la transmettre au secrétariat de la commission d'enquête d'ici à demain midi.

Comme indiqué depuis le début de nos travaux, l'ensemble des comptes rendus des auditions sera publié dans un tome II. Sauf objection, le compte rendu de notre réunion de ce jour sera publié à la fin du rapport, comme à l'accoutumée.

Ces rappels et formalités étant effectués, je vous propose de nous intéresser au fond. Notre commission a été constituée mi-février 2024 à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky dans le cadre de leur droit de tirage. Depuis cette date, le travail accompli a été important, malgré un agenda parlementaire très chargé jusqu'à début juin. Nous avons tenu une quinzaine de séances plénières et réalisé deux déplacements, dans le Pas-de-Calais, puis en Seine-et-Marne et en Essonne. Au total, nous avons auditionné une centaine de personnes. Le rapport final fait près de 200 pages, le tome II plus de 300.

Je vous remercie pour l'état d'esprit très constructif dans lequel nous avons travaillé et procédé aux auditions. Nous avons voulu, d'une part, comprendre les origines des difficultés des copropriétés, d'autre part, imaginer des solutions. Quelles que soient nos opinions, nous avons partagé nos expériences passées, à la fois territoriales et parlementaires, ce qui a beaucoup enrichi nos échanges, dans l'intérêt de nos concitoyens. Permettez-moi de penser que cette méthode et cet esprit sénatoriaux ont quelque chose à apporter à nos institutions aujourd'hui...

J'indique, pour terminer, que certains ont pu s'interroger au départ - vous vous en souvenez, j'en suis sûre - sur les motivations et les objectifs de cette commission d'enquête, parallèle à l'adoption de la loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Notre commission a permis de prolonger, d'approfondir et d'élargir le travail mené. Par rapport à l'examen du projet de loi, dont j'ai été rapporteure, j'ai noté que certains de nos interlocuteurs formulaient des propositions nouvelles ou différentes, profitant d'un temps de parole plus long et d'une réflexion plus libre, peut-être affinée. Nous avons aussi pu élargir le sujet aux petites copropriétés et à la vie de la copropriété au sens large, ce qui n'avait pas été possible pour la loi.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Si ce travail s'inscrit dans un agenda parlementaire qui a été chargé ce semestre en matière de logement, il est en réalité à replacer dans un temps plus long : la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis fêtera ses 60 ans l'an prochain, ce qui montre le bien-fondé d'un diagnostic et d'une mise à jour.

La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) représente la dernière réforme d'ampleur de ce texte ; elle a elle-même été directement inspirée, comme le plan Initiative Copropriétés (PIC) et la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), par le rapport de notre ancien collègue Dominique Braye, publié en 2012 dans le cadre de ses fonctions de président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Le cycle de réformes ainsi ouvert il y a un peu plus de dix ans, et les outils qui ont été créés méritent à présent une évaluation. C'est tout le sens du travail de notre commission d'enquête : proposer des pistes pour les années à venir, en s'appuyant sur cet important héritage.

Ce faisant, je voudrais à mon tour me réjouir du travail accompli collectivement ; j'ai beaucoup apprécié la manière dont chacun d'entre vous a apporté sa pierre à la construction du rapport que je vous présente aujourd'hui et dont le titre sera : La paupérisation des copropriétés, mieux la connaître pour mieux la combattre. Il s'articule en deux parties : d'une part, l'importance de la prise de conscience du phénomène, d'autre part, le développement des outils de prévention et de remédiation.

Tout d'abord, la paupérisation des copropriétés est, en réalité, un phénomène dont on ne commence à prendre la mesure que depuis peu de temps, sur fond de crise du logement et de l'hébergement. Les copropriétés ne représentaient que 2 % des logements en 1960 ; désormais, environ un tiers des résidences principales, soit plus de 10 millions de logements, ont ce statut, en raison de la construction de grands ensembles, mais aussi de la division de nombreux immeubles autrefois en monopropriété.

De manière étonnante, les copropriétés, en particulier celles qui sont en difficulté, restent mal connues et il est difficile de s'appuyer sur des chiffres fiables. Ainsi, 578 000 d'entre elles sont immatriculées au registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC), mais le fichier des logements à la commune (Filocom) en comptait environ 779 000 en 2019 ! Pour sa part, le référentiel CoproFF, dernière synthèse de l'Anah, qui constitue sans doute l'indicateur le plus fiable, en dénombrait près de 888 000 en 2023. Ainsi, plus de 300 000 copropriétés ne seraient pas immatriculées et, pour celles qui le sont, les données restent souvent lacunaires, voire erronées. Or tout laisse à penser que ce sont les plus petites et les moins bien gérées sur lesquelles nous avons le moins d'informations.

Les chiffres concernant les copropriétés en difficulté ne permettent pas non plus de disposer d'une photographie précise de la situation. La Banque des territoires a évalué à 215 000 le nombre de copropriétés dont le montant d'impayés atteint au moins 20 % du budget annuel. En examinant le RNIC, la commission d'enquête a relevé qu'environ 90 000 structures n'auraient pas approuvé leurs comptes depuis plus de deux ans et 23 000 depuis plus de cinq ans. Sur la base d'une étude fine de Filocom, l'Anah a estimé qu'environ 115 000 copropriétés seraient fragiles et que celles de moins de douze logements représenteraient les quatre cinquièmes des plus fragiles d'entre elles. Par ailleurs, plus de 200 000 copropriétés immatriculées seraient sans syndic, dont 20 % de celles qui comprennent de 50 à 200 lots.

La meilleure connaissance des copropriétés et de celles qui sont en difficulté est donc un enjeu important. Nous ne considérons cependant pas que la solution soit de créer des sanctions pour punir la transmission au RNIC d'informations incomplètes ou inexactes ; en guise de premier défi, il nous semble préférable de mettre en place des actions d'accompagnement et de proximité, avec deux portes d'entrée : la rénovation énergétique, car le diagnostic de performance énergétique (DPE) de 35 % de ces structures les place en classe F ou G, et l'habitat indigne, puisqu'en Île-de-France, selon l'Anah, la moitié des logements concernés par une telle classification seraient en copropriété.

Un second défi est la compréhension du phénomène de paupérisation. Une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient. Il existe non pas une explication unique en la matière, mais plutôt un faisceau de facteurs. Nous avons pu constater au cours de nos déplacements que, dans un même ensemble, un immeuble pouvait être en difficulté sans que l'autre le soit.

Premièrement, il importe de relever un phénomène générationnel de vieillissement des immeubles, les plus anciens bâtiments, comme en témoignent les cas d'effondrement - Rabastens, tout récemment -, mais également les grands ensembles d'après-guerre ou ceux qui ont été construits sur la base d'avantages fiscaux pour l'investissement locatif, dont les propriétaires sont éloignés et se sentent peu concernés.

Deuxièmement, les copropriétaires rencontrent des difficultés qui leur sont propres. Contrairement à une idée répandue, le parc privé accueille deux tiers des ménages situés sous le seuil de pauvreté, la moitié d'entre eux étant propriétaires occupants. Plus d'un million de propriétaires modestes ou très modestes seraient des copropriétaires. À ces difficultés structurelles s'ajoutent l'accroissement des charges liées aux prix de l'énergie et l'obligation de réaliser dans un délai rapproché d'importants travaux de rénovation énergétique. Dans certaines résidences, un vieillissement des copropriétaires eux-mêmes peut s'y adjoindre, ceux-ci disposant de moins de ressources et étant moins à même de s'investir dans la vie de leur immeuble.

Dès lors, le cycle vicieux de la dégradation peut rapidement s'enclencher. Les impayés, les conflits, le blocage des organes de gestion, l'augmentation des charges, l'absence de travaux d'entretien s'alimentent et s'amplifient. Cela entraîne la dégradation des locaux et la dévalorisation du bien, l'arrivée de copropriétaires plus pauvres, mais aussi de marchands de sommeil, lesquels amplifient le blocage et la dégradation pour mieux prendre la main sur l'ensemble. Des trafics peuvent aussi s'installer. À un stade avancé de dégradation, une copropriété peut se trouver essentiellement composée de propriétaires bailleurs. Il y en avait plus de 70 % au démarrage des opérations de redressement à Clichy-sous-Bois, Grigny ou Mantes-la-Jolie.

Si, de manière théorique, ces mécanismes sont assez bien identifiés, les choses, en pratique, sont assez différentes. Les pouvoirs publics peinent en effet à détecter ces engrenages, à les prévenir ou à les contrer. Les élus locaux ne sont souvent que tardivement informés. Les outils disponibles ne sont pas toujours utilisés. Ainsi, les copropriétés n'ont presque jamais recours au mandat ad hoc, lequel permettrait de fournir un diagnostic et des préconisations : on n'en dénombrait que 56 en 2022 sur tout le territoire. D'autres dispositifs préventifs, comme le programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (Popac), ont une durée et une portée trop limitées, comme nous l'avons constaté à Torcy ; Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, en témoignait, indiquant que l'état d'une copropriété de sa commune entrée dans ce dispositif s'était aggravé. Les syndics peuvent parfois être partie prenante de la dégradation, mais, souvent, ils sont eux aussi prisonniers du blocage, n'étant que les mandataires d'une assemblée générale devenue dysfonctionnelle et pas toujours capables d'enrayer les impayés. Il en est de même des administrateurs judiciaires, pas toujours suffisamment préparés à mener une véritable opération de redressement. Les difficultés spécifiques à certaines copropriétés pointent les limites inhérentes à cette forme juridique, laquelle peut entraîner des blocages, étant peu adaptée aux grands ensembles comme aux plus petits. Fondamentalement, la loi de 1965 est plus proche de l'organisation d'une propriété en indivision que des règles de fonctionnement d'une société par actions, par exemple.

J'en veux pour preuve la protection du droit de propriété qui se manifeste à travers des majorités spécifiques - dans certains cas, l'unanimité est requise, ce qui est complètement impossible au-delà d'un certain nombre de copropriétaires - ou à travers la faible délégation de pouvoirs transmise par l'assemblée générale au syndic ou au conseil syndical. Il faut également prendre en compte le court-termisme de copropriétaires qui perçoivent l'immeuble comme immuable, alors qu'il est en réalité périssable ; ils veulent minimiser leurs charges et n'intègrent pas la nécessité de faire des travaux pour le préserver à moyen et long terme.

Il convient également d'élargir le champ et de prendre en compte les associations syndicales libres (ASL). Sans être reconnues comme telles, ce sont pourtant, de fait, des copropriétés horizontales qui permettent l'organisation de lotissements, mais aussi de grands ensembles. Dans l'Essonne, 50 % des ASL seraient dégradées et le plan urbanisme construction architecture (Puca) considère ces cas comme typiques de lotissements vieillissants et mal gérés qui se multiplient en France.

C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics ont mis en place une panoplie d'outils d'intervention à la portée de plus en plus large.

Sur le plan juridique, les plus emblématiques d'entre eux sont depuis 2014 les opérations de requalification de copropriétés dégradées (Orcod), dont cinq sont d'intérêt national, les Orcod-in. Lancé en 2018, le plan Initiative Copropriétés (PIC) mobilise les grands acteurs du logement tant sur le plan financier qu'en matière de pilotage ; il est doté de 3 milliards d'euros pour traiter un nombre limité de grands ensembles particulièrement en souffrance.

Les acteurs constatent un avant et un après cette mobilisation : leur retour est très positif, tant à Grigny qu'à Clichy-sous-Bois. Nous avons pu le constater sur place ou par le biais du témoignage d'Olivier Klein, lors de son audition, mais ces opérations sont extrêmement complexes et longues : elles s'étendent sur au moins vingt ans.

En dehors de ces grands sites, la prise en charge des copropriétés en zone diffuse s'effectue grâce à la mosaïque des outils existants, tels que la veille et observation des copropriétés (VOC), le Popac, les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah), les programmes d'intérêt général (PIG), les opérations de restauration immobilière (ORI), les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ou les plans de sauvegarde (PDS). Mais ces outils posent de nombreux problèmes : soit ils s'inscrivent dans des durées inadaptées, soit ils ne disposent pas de moyens suffisants. Par ailleurs, les programmes Action Coeur de Ville ou Petites villes de demain ne ciblent pas systématiquement les copropriétés. Malgré les chiffrages encourageants du nombre de copropriétés aidées qui ont été transmis à la commission d'enquête, je relève que lors des auditions, les différents acteurs de ces dispositifs, comme d'ailleurs les élus, peinaient à identifier vraiment un volet spécifique pour traiter la question. C'est un point que nous avions identifié dès le début de nos travaux et qui s'est confirmé au fur et à mesure. Quelle que soit la taille des communes dans lesquelles elles se trouvent, les petites copropriétés constituent bien dans un angle mort des politiques publiques actuelles.

Les constatations que je viens de résumer à grands traits et qui sont présentées de manière détaillée dans le rapport me conduisent à formuler vingt-cinq grandes recommandations réparties en trois volets thématiques.

Le premier volet doit conduire à mieux repérer, prévenir et traiter les difficultés des copropriétés.

Cela passe par une meilleure connaissance des copropriétés qui se traduira par un RNIC beaucoup mieux rempli et plus complet ; qui pourrait intégrer certains points essentiels du plan pluriannuel de travaux (PPT).

Comme je l'indiquais, cet objectif pourra être atteint par une action de proximité et de mise en cohérence des outils à la disposition des collectivités territoriales, et plus particulièrement des intercommunalités. Nous proposons de généraliser les maisons de l'habitat - ou des dispositifs similaires. En liaison avec les professionnels et les associations, celles-ci semblent être les outils les mieux adaptés pour faire remonter les signalements, accueillir et accompagner les bénéficiaires, avec les deux voies d'entrée principales que sont la rénovation énergétique et la lutte contre l'habitat indigne. Nous considérons qu'il s'agit également de l'outil susceptible de supporter des initiatives « d'aller vers », avec des équipes mobiles, comme cela se fait déjà dans plusieurs départements.

Nous estimons également que les dispositifs doivent être mieux articulés entre eux. Les VOC et le Popac peuvent être l'occasion de compléter le RNIC ; la collectivité peut également faire appel à un mandataire ad hoc en faveur d'une copropriété en difficulté qu'elle a repérée et des aides de l'Anah devraient prendre en charge le coût de cette mission. Les dispositifs de prévention, comme les Opah, doivent s'étendre sur une durée suffisante pour avoir le temps de s'ancrer dans un territoire ; ils doivent également être cohérents avec le temps de la prise de décision dans les copropriétés. Aujourd'hui fixée à cinq ans, la durée de ces programmes devrait ainsi être portée à dix ans, soit directement, soit via un renouvellement facilité.

Cette cohérence doit aussi être recherchée dans la mise en oeuvre du nouvel acteur qu'est le syndic d'intérêt collectif. Sa réussite dépendra largement de la capacité à mobiliser des aides de l'Anah pour financer le surcoût qu'il représente et potentiellement le mandater dès le stade de la mise en oeuvre des outils de veille et de prévention.

Mieux traiter les difficultés des copropriétés passe également par un vivier d'administrateurs judiciaires plus nombreux, mieux formés et coopérants activement avec les collectivités et les autres acteurs publics impliqués. Ils sont actuellement soixante-dix, c'est très insuffisant.

Il faut également mieux lutter contre les marchands de sommeil en sanctionnant l'absence de signalement judiciaire par les professionnels et en permettant aux services des collectivités de contribuer aux enquêtes, notamment par le biais d'auditions libres.

Une seconde série de propositions vise à pérenniser et à améliorer les politiques publiques pour redresser les copropriétés en difficulté.

Le PIC ne doit pas s'arrêter en 2028, car les programmes engagés ne seront pas arrivés à leur terme - encore moins les Orcod qui ont été lancées récemment ou le seront prochainement. Il convient de passer d'une logique de stock à une logique de flux et donc pérenniser cette politique, qui s'inscrit inévitablement sur plusieurs décennies. Cela offrira l'occasion d'accroître les moyens, notamment du réseau Procivis, pour préfinancer les aides de l'Anah, mais aussi d'impliquer de nouveaux acteurs, comme les ministères de la justice et de l'intérieur, mais aussi la Banque de France, en vue d'assurer la coordination des plans de redressement avec les expropriations et le traitement des problèmes liés aux squats et aux trafics ou au surendettement.

Au-delà des grands ensembles, nous proposons de créer un « PIC petites copropriétés » pour déployer une véritable action organisée et mesurable en secteur diffus, et non, comme aujourd'hui, de manière connexe à d'autres objectifs, tels que la revitalisation de centres-villes.

La réussite de ces programmes dépendra en partie de la capacité à renforcer leur pilotage national, départemental et local. Nous suggérons de le faire en s'appuyant sur le pôle de lutte contre l'habitat indigne, en élargissant sa compétence aux copropriétés. Ces deux sujets sont très proches : on gagnerait beaucoup à appréhender dès le départ l'insalubrité d'un logement à travers la complexité de la copropriété pour avoir une vision suffisamment large du problème posé.

Nous proposons trois mesures en matière financière.

La première est la création d'une banque de la rénovation et de la copropriété en confiant sa préfiguration à un parlementaire en mission pour permettre un réel déploiement du nouveau prêt global collectif et des autres prêts spécifiques.

La seconde vise à élargir les aides de l'Anah vers les petites copropriétés et les ASL, qui n'y sont pas éligibles actuellement, afin de minimiser les restes à charge et d'assurer un vrai succès à MaPrimeRénov' Copropriété : cette dernière est trop limitée dans l'espace et le temps, puisqu'elle ne concerne que les zones bénéficiant d'une Opah ou du Popac et qu'elle ne dure que trois ans.

La troisième tend à faciliter le recours aux fonds de solidarité pour le logement pour les copropriétaires occupants pauvres afin de faire face aux charges, de manière à éviter la fragilisation de copropriétés ou à faciliter la réussite des plans de redressement. Aujourd'hui, ceux-ci sont essentiellement destinés à aider les locataires à faire face aux impayés locatifs.

Enfin, un troisième groupe de propositions vise à améliorer la gouvernance des copropriétés.

Les nouveaux copropriétaires devraient être mieux informés et protégés, tout particulièrement lors d'une vente HLM et d'une accession sociale. Beaucoup ont souligné que, en la matière, les dispositions de la loi Alur n'ont jamais été mises en oeuvre. Or devenir copropriétaire ne s'improvise pas, un minimum d'information et de formation est nécessaire. Des acheteurs peuvent ne pas avoir conscience des charges à venir et du poids des travaux. C'est pourquoi nous estimons que le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) devrait intégrer ces charges dans le calcul du taux d'effort des ménages à la souscription d'un emprunt.

Le droit de la copropriété devrait également être clarifié. Sa codification, prévue par la loi Élan, n'est pas allée à son terme. Nous plaidons pour que ce travail soit repris et étendu aux ASL. Il serait certainement utile qu'un modèle type de règlement de copropriété, juridiquement sécurisé, soit proposé par le ministère de la justice pour garantir que les dispositions soient à jour et fonctionnelles.

Ce sont ensuite les instances de gouvernance de la copropriété qui devraient être confortées et renforcées.

Le conseil syndical, au moins dans les grands ensembles, devrait devenir le conseil d'administration de la copropriété avec des délégations de pouvoirs étendues.

Il convient également de renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs en limitant le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif du paiement de leurs charges, en restreignant le droit de recours des absents contre les décisions des assemblées générales et en donnant un bonus pour la gestion courante et la vie quotidienne de la copropriété aux propriétaires occupants.

Pour prévenir et lutter contre les impayés de charge, il est proposé de généraliser la mensualisation des charges et de faciliter leur recouvrement, notamment en allongeant la durée des plans d'apurement. Il s'agit également de mieux protéger les copropriétaires en règle, en facilitant le recouvrement des impayés lors des saisies des biens des mauvais payeurs et en étudiant une formule de faillite de la copropriété qui puisse les protéger d'une faillite personnelle.

Il convient en outre d'imaginer les conditions qui permettront à un plus grand nombre de copropriétés de disposer des services d'un syndic professionnel. Il faut donc faciliter sa désignation - et sa révocation - en abaissant la majorité requise pour retenir une majorité simple. Il convient aussi d'envisager, par l'intermédiaire de contrats de groupe ou de prestations de services, des dérogations au contrat type afin de rendre ces professionnels accessibles aux plus petites copropriétés ou de les mobiliser seulement pour certains actes spécialisés. Parallèlement, la profession de syndic doit être mieux encadrée et ses pratiquants mieux formés. Nous soutenons à cet égard les démarches des professionnels pour que plusieurs textes d'application précisant les qualifications de leurs collaborateurs ou permettant la nomination à la commission de contrôle des syndics soient enfin publiés par le Gouvernement. Ceux-ci sont attendus depuis respectivement dix et six ans !

Enfin, nous pensons qu'un meilleur fonctionnement des copropriétés passe par une meilleure implication de tous ceux qui y habitent et donc des locataires, à travers la généralisation de conseils de résidents, qui existent déjà dans les résidences services, ou en permettant à des locataires mandatés d'assister à l'assemblée générale ou au conseil syndical, notamment lors de l'évocation de sujets ayant trait à la vie quotidienne de l'immeuble.

L'étendue de ces propositions montre toute la richesse du travail que nous avons accompli. Il y a là plusieurs grands outils à mettre en oeuvre pour le futur - par exemple la banque de la rénovation et de la copropriété - et la volonté de faire bouger des lignes - la loi de 1965, notamment - pour favoriser une vision plus pragmatique et opérationnelle de la copropriété, compte tenu des enjeux financiers de la rénovation des bâtiments concernés.

Finalement, nous exprimons une double ambition : garantir l'accès à un habitat de qualité pour tous, mais aussi favoriser le vivre ensemble, car la copropriété est une petite démocratie, dans laquelle l'intérêt immédiat de chacun peut être de ne pas coopérer, mais où l'intérêt de tous est que chacun coopère au bien commun.

Mme Antoinette Guhl. - Ce rapport est très riche et très intéressant.

Après le vote de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, on pouvait s'interroger sur le bien-fondé de cette commission d'enquête. En réalité, nous avons mené un travail très intéressant et avons réussi à identifier de nombreux angles morts dans la prise en charge des difficultés des copropriétés, notamment des plus petites d'entre elles. Certes, ces dernières ne regroupent que 20 % des logements, mais elles représentent 70 % du nombre total de copropriétés ; elles sont donc un sujet important.

Le parc est vieillissant : vous soulignez que 66 % des copropriétés ont été construites avant 1970, et un tiers avant 1914, elles ont donc des besoins importants en matière de rénovation.

Par ailleurs, l'une de vos observations m'a particulièrement marquée : la moitié des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté sont copropriétaires. De nombreux copropriétaires sont donc déjà très fragiles. Nous assistons à une paupérisation des copropriétaires, qui sont dans l'incapacité de financer les travaux nécessaires pour leur copropriété.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires a rédigé une contribution pour dire son accord avec quasiment toutes vos préconisations. Il est en effet indispensable d'améliorer l'observatoire des copropriétés, comme en témoigne la difficulté que nous avons rencontrée pour obtenir des données.

De même, les collectivités territoriales jouent un rôle de plus en plus important en matière de prévention, mais aussi en tant que coordinatrices ; il convient donc de poser la question de leur financement pour réaliser ces missions : à défaut de moyens adéquats, elles ne seront pas en mesure d'y faire face. Il sera de notre responsabilité d'évoquer ce sujet lors de la prochaine discussion budgétaire.

Par ailleurs, nous saluons l'information des copropriétaires à l'achat. À cet égard, nous avons ajouté un élément sur la maîtrise des investissements locatifs, car de nombreux propriétaires investisseurs, c'est-à-dire non occupants, se désintéressent des copropriétés. Peut-être conviendrait-il de trouver un équilibre lors de l'élaboration des programmes d'investissement locatif. Par exemple, nous pourrions décider d'un seuil maximal d'investisseurs locatifs au sein d'une copropriété pour éviter que 60 % ou 80 % de celle-ci soient détenus par des non-occupants, comme c'est parfois le cas.

Permettez-moi de formuler une petite réserve sur les syndics. Vous proposez une dérogation au contrat type, qui nous semblait pourtant constituer une avancée pour réguler les syndics et uniformiser le service rendu. Si je comprends la nécessité d'une version amoindrie de ce contrat type pour les petits copropriétaires qui ne sont pas en mesure de payer un syndic, soyons vigilants à ce que cette mesure ne mène pas à une fin des contrats types ou à un mode de financement à l'acte pour les syndics.

Nous sommes bien sûr entièrement d'accord pour créer une banque de la rénovation et de la copropriété. Toutefois, je nourris deux regrets sur les questions de réchauffement climatique. Tout d'abord, il est dommage de ne pas avoir porté la réflexion sur les outre-mer, où les effets du dérèglement climatique sont prégnants ; ensuite, je regrette que le retrait-gonflement des argiles ne soit pas abordé. En effet, le réchauffement climatique modifie la structure du bâti pavillonnaire, ce qui se fait d'ores et déjà sentir dans certains logements. Il me semble que ces éléments seront importants à l'avenir.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour le travail très intéressant qui a été réalisé.

Mme Audrey Linkenheld. - Je m'associe à l'essentiel des propos qui viennent d'être tenus. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se félicite de l'existence de cette commission d'enquête et des vingt-cinq recommandations qui en découlent.

Je ne découvre pas les chiffres, mais il est bon de rappeler que les petites copropriétés sont majoritaires dans notre pays et que leurs habitants méritent notre attention. Elles représentent, pour beaucoup, ce que l'on qualifie d'habitat social de fait. En effet, l'habitat social ne se limite pas aux HLM : des personnes pauvres, pour certaines, et modestes, pour de nombreuses autres, vivent dans ces copropriétés privées.

Je souscris à l'essentiel des propositions, en particulier à celles qui permettent d'aller au bout de l'application de la loi Alur. Comme je l'ai souvent dit lors des auditions, être copropriétaire ne s'improvise pas : les copropriétaires doivent être accompagnés et informés et nous avons besoin d'investissement public comme privé en la matière. L'idée de créer une banque de la rénovation et de la copropriété est donc très intéressante.

Je mettrai l'accent sur deux éléments.

Tout d'abord, sur la question du contrat type, il convient de noter une évolution importante depuis que les lois Alur et Élan ont été adoptées : le développement du syndic en ligne, qui cible au premier chef les petites copropriétés de moins de dix lots. Cela change la relation entre le conseil syndical et le syndic, ainsi que la nature des prestations les plus importantes. Je suis d'accord sur le fait que ce contrat type est parfois inadapté, et il l'est d'autant plus dès lors que les copropriétaires peuvent réaliser eux-mêmes des démarches en ligne en étant accompagnés des professionnels qui leur fournissent l'outil pour le faire.

Nous aurions intérêt à creuser ce sujet non seulement pour ce qui concerne la gouvernance des copropriétés, mais aussi parce que le développement des outils de numérisation du bâtiment et de l'intelligence artificielle nous permettra sans doute d'accélérer les travaux de rénovation. Par exemple, à partir d'un DPE, nous pourrons savoir quels travaux doivent être réalisés en priorité et comment.

Cela peut constituer une piste pour nos réflexions futures, en commission d'enquête ou sous une autre forme. Au-delà des améliorations juridiques et financières que nous proposons, ce qui compte, c'est que les travaux soient réalisés. Ces questions recouvrent donc un aspect plus opérationnel et méritent que nous nous y penchions.

Avant de conclure, permettez-moi d'émettre un bémol sur la façon dont est formulée, à la page 9, la proposition relative à une meilleure information des accédants. Il est question d'inscrire dans la loi des « obligations d'information et de formation des ménages primo-accédants renforcées pour les organismes de logement social ». Si je comprends l'idée, je trouve stigmatisant de viser en particulier les locataires HLM. D'une part, la plupart des habitants de copropriétés sont des personnes modestes ; d'autre part, il ne me semble pas opportun de faire un lien entre le niveau de ressources et le niveau de compréhension. La question est plutôt de savoir comment mieux orienter la formation vers des personnes qui ont été locataires toute leur vie et n'ont connu que cela. Peut-être pourrions-nous modifier légèrement cette formulation.

Cette remarque faite, le rapport va dans le bon sens et d'autres travaux parlementaires nous attendent sur ce sujet.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Merci de vos remarques.

Cette commission d'enquête a permis de traduire en chiffres l'intuition qui nous avait poussés à la constituer. Nous avons mis en lumière la situation de mal-logement dans nos territoires, quelle que soit la taille des communes, qui résonne avec le sentiment de délaissement et d'abandon total d'une partie de la population, y compris des élus, qui nous ont témoigné de leur impuissance à agir. L'Association des petites villes de France (APVF) nous a alertés sur le taux de pauvreté extrêmement élevé au sein de certaines copropriétés.

Nous avons ainsi mis le doigt sur un phénomène invisible qui s'aggrave. Nous parlons beaucoup des grands ensembles et des grandes opérations - à juste titre, compte tenu de l'ampleur du travail à conduire -, mais cette mise en lumière vaut pour l'ensemble du territoire. Les crises du logement ne feront qu'accélérer la dégradation des copropriétés.

La question de l'investissement locatif est devenue plus prégnante au fil des auditions. Nous avons recueilli des propos très forts sur l'attention qu'il convient de lui porter et aux effets d'aubaine qu'il emporte et qui conduisent à une dégradation de la qualité de la construction. Ainsi, certaines opérations dans ce secteur posent problème. Ce n'est pas toujours vrai, mais, bien souvent, le propriétaire bailleur ne participe pas à la gouvernance de la copropriété, ce qui est facteur de dysfonctionnement.

C'est pourquoi nous proposons de mettre en avant les propriétaires occupants. Dans certaines communes, le ratio est de 50-50 entre investisseurs locatifs et propriétaires occupants, et le rapport est même largement favorable aux investisseurs à certains endroits. Or il existe une divergence d'intérêt entre les deux catégories : des propriétaires bailleurs qui tendaient à bloquer les travaux à réaliser souhaitent désormais les accélérer, car ils sont contraints par une nouvelle réglementation sur l'isolation thermique, alors que les propriétaires occupants n'y sont pas toujours favorables, par manque de moyens. L'investissement locatif complexifie ainsi la gouvernance au sein des copropriétés. Nous devons travailler sur le sujet.

Concernant le contrat type pour les syndics, je comprends vos remarques. En effet, il faut aller plus loin. Nous n'avons pas creusé la question au-delà de nos auditions avec les syndics privés et avec l'Union sociale pour l'habitat (USH). Il en ressort que le monde des syndics change à grande vitesse, avec le syndic d'intérêt collectif, les syndics en ligne, etc. De nombreuses copropriétés de grande taille sont aujourd'hui sans syndic et les outils numériques font l'objet d'évolutions rapides et méritent en effet d'être étudiés plus avant.

Nous avons par ailleurs fait le choix de ne pas inclure les territoires ultra-marins dans le périmètre de nos travaux, car leurs spécificités sont telles qu'il conviendrait de les étudier séparément et que l'a délégation aux outremers a rendu un rapport sur le sujet il y a quelques années.

Enfin, nous avons abordé la rénovation énergétique au prisme restreint des copropriétés. Nous avons notamment souligné que les aides de l'Anah ne sont pas adaptées aux petites copropriétés en cela nos conclusions sont convergentes avec celles, l'an passé, de la commission d'enquête du Sénat sur la rénovation énergétique des logements qui avait été demandée par le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

J'en viens à l'information des locataires. L'obligation d'information des locataires prévue dans la loi Alur doit être enfin appliquée : ces données doivent être communiquées en amont de la promesse de vente.

Les copropriétés mixtes, qui sont de plus en plus nombreuses, doivent, pour leur part, bénéficier d'un accompagnement renforcé.

Mme Audrey Linkenheld. - J'estime que ce besoin d'information ne se limite pas à la vente de logements sociaux. La mixité étant souvent le fait des collectivités, peut-être celles-ci pourraient-elles imposer aux copropriétaires une formation par un tiers de confiance ?

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Nous nous sommes efforcés de ne pas faire peser d'obligations nouvelles sur les collectivités, d'autant que cela pourrait contribuer à creuser des inégalités. Je retiens en tout cas qu'il convient de préciser notre propos sur ce point.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Les copropriétés, en particulier les petites copropriétés, constituent un angle mort.

En ce qui concerne l'investissement locatif, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'instaurer un seuil. Une meilleure intégration des locataires me paraît suffisante et préférable.

Au-delà des vingt-cinq propositions d'actions à court, moyen ou long terme qui sont formulées dans ce rapport, l'identification des deux leviers que sont la rénovation énergétique et la lutte contre l'habitat indigne me paraît essentielle.

Notre collègue Audrey Linkenheld nous a suggéré une modification du second tiret de la recommandation n° 15, à la page 9, dont je vous rappelle la teneur : « l'inscription dans la loi d'obligation d'information et de formation des ménages primo-accédants renforcées pour les organismes de logement social ». Je suis d'accord sur le fond, mais quelle serait votre proposition de rédaction ?

Mme Audrey Linkenheld. - Il s'agirait de supprimer « pour les organismes de logement social » ou de trouver une rédaction autour de « l'attention particulière ».

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Nous pourrions tout aussi bien supprimer ce tiret.

Mme Audrey Linkenheld. - C'est un rôle que les maisons de l'habitat peuvent également jouer, alors pourquoi ne viser que les organismes de logement social ? Je suis favorable à une rédaction plus opérationnelle que la seule publication du décret de la loi Alur, afin de citer les opérateurs qui remplissent cette obligation d'information : dans certains cas, il s'agira des organismes HLM, dans d'autres, des maisons de l'habitat.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Il me semble délicat d'intégrer au rapport une recommandation qui créerait une charge pour les collectivités sans qu'elle ait été approfondie au sein de notre commission d'enquête. La suppression du tiret est donc probablement la meilleure solution.

La proposition de modification est adoptée.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

La commission d'enquête adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié et en autorise la publication.

CONTRIBUTION DU GROUPE ÉCOLOGISTE,
SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires tient avant tout à saluer l'ampleur et la qualité des auditions et des travaux menés par la commission d'enquête, ainsi que la richesse du rapport qui en découle. Il remercie la présidente de la commission d'enquête, Amel Gacquerre, et la rapporteure, Marianne Margaté, pour leur travail transpartisan.

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires considère que la paupérisation des copropriétés est un sujet majeur, et que ce rapport apporte un éclairage précieux sur cette problématique trop méconnue. Le groupe considère qu'il est grand temps que nos politiques publiques passent d'une gestion d'urgence à une gestion stratégique et préventive.

Les petites copropriétés, bien qu'elles soient 70 % de l'ensemble des copropriétés, ne représentent que 20 % des logements. Elles font face à de nombreuses difficultés, de gestion, d'entretien des bâtiments, et financières.

La paupérisation des occupants et des propriétaires occupants est un des facteurs contribuant à la dégradation des copropriétés : des ménages fragiles et vivants sous le seuil de pauvreté, sont copropriétaires et peinent à financer les travaux nécessaires pour l'entretien et la rénovation des immeubles. Leur incapacité financière contribue directement à la détérioration progressive des copropriétés. Afin d'éviter le basculement et de tomber dans la spirale de la dégradation, il est impératif d'apporter des solutions financières pour leur permettre de réinvestir dans les bâtiments pour les maintenir en état ou les mettre à niveau.

En France, il y a 778 000 copropriétés, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) estime que 60 % se trouvent dans 3 régions françaises : en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes. La moitié de ces copropriétés ont été construites avant 1974, ce qui explique leur état souvent fragile nécessitant des travaux. Malheureusement, les données dont nous disposons sont partielles. Il manque un quart des copropriétés dans le registre national des immatriculations (RNIC), rendant difficile leur identification et il importe de réduire ces difficultés pour mieux appréhender le volume des copropriétés concernées.

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires adhère aux grandes orientations et propositions du rapport pour améliorer les conditions de vie des occupants, pour protéger les droits des locataires tout en assurant une bonne gestion des relations avec les propriétaires, pour renforcer les compétences des gestionnaires et améliorer les pratiques de gestion, pour lutter contre les marchands de sommeil et les pratiques abusives et enfin, en termes de financement.

Il approuve les recommandations concernant la formation des syndics et des copropriétaires, ainsi que la sensibilisation lors de l'achat d'un logement. La création d'un plan de travaux remis lors des demandes de prêt permettra de mieux prévoir les charges futures et d'anticiper les besoins en entretien et rénovation, facilitant ainsi une gestion proactive. Il est important d'informer les copropriétaires sur le coût global de la copropriété. Cela comprend la sensibilisation aux coûts d'entretien à long terme et aux implications financières de la copropriété. Une assistance financière et technique est nécessaire pour éviter que ces ménages ne se retrouvent dans des situations insoutenables. La mensualisation des charges et la création d'une banque de la rénovation et de la copropriété sont également de bons leviers pour faciliter la gestion financière des copropriétés.

Le rôle des syndics est important et le renforcement de leur formation pour une gestion plus efficace des copropriétés est indispensable puisqu'il est mis en avant que les causes de la paupérisation des copropriétés sont d'abord liées à la mauvaise gestion notamment du syndic.

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estime qu'il est pertinent de limiter le nombre d'investisseurs locatifs dans un immeuble et d'équilibrer propriétaires occupants et non-occupants pour favoriser l'engagement des propriétaires. Toutes les mesures visant à équilibrer les intérêts des différents occupants et à encourager une gestion plus attentive et inclusive sont accueillies favorablement.

Les maires jouent un rôle clé dans la lutte contre la dégradation des bâtiments. La plateforme Histologe peut considérablement faciliter l'identification précoce des problèmes et la mise en oeuvre de solutions appropriées. Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires avait d'ailleurs proposé lors de l'examen, du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement en février 2024, d'élargir le diagnostic structurel de l'immeuble au logement afin de le rendre plus opérationnel, en proposant notamment de faire vérifier tous les 5 ans l'état de salubrité et de décence des logements dans une logique préventive. Le renforcement des moyens des collectivités locales pour financer des dispositifs de soutien spécifiques, comme le plan d'initiative copropriété (PIC) ou le développement de maisons de l'habitat est indispensable. Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires portera une initiative au budget 2025 pour répondre à ces enjeux.

Le groupe regrette vivement que les effets du réchauffement climatique ne soient pas abordés dans le rapport. La fréquence et l'intensité croissantes des canicules posent à la fois de sérieux problèmes de santé pour les occupants des immeubles, en particulier pour les personnes âgées et fragiles et affectent également la structure même des bâtiments, fragilisant les matériaux et augmentant le risque d'infiltrations d'eau. Avec la hausse du coût de l'énergie, les charges des copropriétaires ont été très significativement augmentées. La loi Climat et résilience, adoptée en 2021, a imposé de nouvelles obligations en matière de rénovation énergétique et de lutte contre le changement climatique à partir du 1er janvier 2024. En effet, elle exige que chaque copropriété définisse un Plan pluriannuel de travaux (PPT), destiné à identifier et à planifier les travaux nécessaires pour améliorer l'efficacité énergétique des collectifs, mais les petites copropriétés ne sont soumises à cette obligation qu'à partir de 2026, ce qui est regrettable puisqu'il est bien démontré dans ce rapport qu'il existe un effet ciseau entre les capacités financières contributives des propriétaires et la hausse des charges d'entretien et d'énergie qui contribuent à la paupérisation et la dégradation de ces copropriétés.

S'agissant des Outre-mer, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires déplore que la spécificité de ces territoires concernant ce phénomène ne soit pas plus abordée dans le rapport. Il insiste sur le nécessaire renforcement des moyens des collectivités locales en outre-mer et de protection des résidents car la pression foncière y est particulièrement forte.

Il souligne aussi l'importance d'adapter les infrastructures locales au changement climatique dans des territoires où ses impacts physiques sont largement amplifiés. Cela inclut des mesures contre les risques naturels (comme les cyclones et les inondations) et des initiatives pour améliorer la résilience des bâtiments.

Le groupe estime que la paupérisation des copropriétés immobilières constitue un enjeu à la fois social et environnemental, nécessitant une approche globale et intégrée. Ce rapport apporte des réponses essentielles à ces enjeux. Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires appelle toutefois de ses voeux une réforme globale et ambitieuse du logement dans notre pays pour répondre aux besoins de la population et mobiliser des moyens pour soutenir la production de logement social. Seule solution pour agir vraiment sur la crise de la construction et du logement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Les réunions plénières

Lundi 11 mars 2024

M. Olivier KLEIN, ancien ministre délégué chargé de la ville et du logement.

- Agence nationale de l'habitat (Anah) : Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale.

Mardi 12 mars 2024

- Table ronde d'associations de consommateurs :

· M. David RODRIGUES, juriste à l'association nationale de défense des consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) ;

· Mme Jocelyne HERBINSKI, secrétaire confédérale en charge du pôle Habitat de la Confédération nationale du logement (CNL) ;

· M. Stéphane PAVLOVIC, directeur de la Confédération générale du logement (CGL).

- Audition conjointe de la Fondation Abbé Pierre et de la Fédération Soliha : M. Manuel DOMERGUE, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, et Mmes Juliette LAGANIER, directrice générale, et Estelle BARON, directrice du pôle conduite de projets de territoire de la Fédération Soliha.

Mardi 19 mars 2024

MM. Hugues PERINET-MARQUET, professeur émérite en droit privé à l'Université Panthéon-Assas (Paris-II), expert en droit immobilier, et Jean-Marc ROUX, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille, consultant en droit de la copropriété et en droit des baux.

- Table ronde d'association de gestionnaires de copropriétés :

· M. Gilles FRÉMONT, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANCG) ;

· M. Loïc CANTIN, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) ;

· M. Alain DUFFOUX, président du Syndicat national des professionnels de l'immobilier (SNPI) ;

· M. Pierre HAUTUS, délégué général de Plurience ;

· Mme Danielle DUBRAC, présidente de l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS) ;

· MM. Olivier SAFAR, président, et Alain PAPADOPOULOS, directeur général de l'Association Quali-SR.

Mercredi 3 avril 2024

- Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : M. Benoit AMEYE, sous-directeur des politiques de l'habitat, Mme Chantal MATTIUSSI, directrice du Pôle national de lutte contre l'habitat indigne, MM. Stéphane FLAHAUT, adjoint au sous-directeur de la politique de l'habitat, et Denis SOLINA, chef du bureau de la mobilisation et de l'amélioration du parc privé.

- Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : Mme Dominique CONSILLE, directrice des programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain.

Lundi 8 avril 2024

- Table ronde d'associations d'élus locaux :

· Mme Hélène GEOFFROY, maire de Vaulx-en-Velin, co-présidente de la commission politique de la ville et cohésion sociale de l'Association des Maires de France (AMF) ;

· M. Philippe RIO, maire de Grigny, vice-président de l'association des maires Ville & Banlieue de France ;

· M. Michel BISSON, maire de Lieusaint, vice-président de France urbaine.

- Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) : MM. Olivier CHRISTEN, directeur, Julien RETAILLEAU, sous-directeur de la justice pénale spécialisée, Alexis CHIARI, magistrat rédacteur, et Étienne PERRIN, chef du bureau du droit économique, financier et social, de l'environnement et de la santé publique.

Lundi 29 avril 2024

- Union sociale pour l'habitat (USH) : M. Bruno FIEVET, président de la commission « Accession sociale, copropriété, syndic », et Mme Chrystel GUEFFIER-PERTIN, responsable de département « Accession sociale, vente HLM, copropriété, syndic ».

- Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) : M. François-Charles DESPRAT, président, Mme Florence TULIER-POLGE, vice-présidente, et M. Sébastien VELEZ, directeur général.

- Conférence nationale des présidents des tribunaux judiciaires (CNPTJ) : M. Bertrand MENAY, président, et Mme Claire LIAUD, présidente du tribunal judicaire de Bastia.

- Caisse des dépôts et consignations (CDC) : M. Kosta KASTRINIDIS, directeur des prêts de la Banque des territoires.

Mardi 7 mai 2024

- Table ronde de représentants du secteur bancaire :

· M. Pierre BOCQUET, directeur du Département banque de détail et à distance de la Fédération bancaire française ;

· M. Benoît DE LA CHAPELLE-BIZOT, directeur des affaires publiques du groupe BPCE ;

· M. Nordine SI MOHAMMED, directeur des marchés spécialisés à la Caisse d'Épargne Île-de-France.

Mardi 14 mai 2024

- Table ronde d'architectes :

· Mme Éva SIMON, chargée de programme au sein du « Plan Urbanisme construction architecture » (PUCA) ;

· MM. Laurent PEINAUD, président de l'Agence qualité Construction (AQC), et Philippe ESTINGOY, directeur général ;

· Mme Valérie FLICOTEAUX, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ;

· M. Alexandre VITRY, président de la Compagnie des architectes de copropriétés (CAC), et Mme Claire DOUNIAU, vice-présidente ;

· Mme Laure-Anne GEOFFROY-DUPREZ, présidente de l'Union des syndicats français d'architectes (UNFSA).

- Établissements publics fonciers (EPF) : M. Gilles BOUVELOT, directeur général de l'EPF d'Île-de-France, Mmes Sophie LAFENÊTRE, directrice générale de l'EPF d'Occitanie, et Léa MAKAREM, présidente exécutive de la Sifae.

- CDC-Habitat : Mme Anne-Sophie GRAVE, présidente du directoire.

Jeudi 30 mai 2024

M. Guillaume KASBARIAN, ministre délégué chargé du logement.

- Ministère de la Justice - Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) : Mmes Joanna GHORAYEB, sous-directrice du droit économique, et Marion VANDEVELDE, cheffe du bureau du droit de l'immobilier et du droit de l'environnement.

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : Mme Anne-Claire MIALOT, directrice générale.

- Action Logement Groupe : MM. Yanick LE MEUR, directeur général de la Foncière Logement, et Nicolas HENRY, directeur de la stratégie.

Mercredi 5 juin 2024

- Procivis : Mme Claire DAGNOGO, directrice de l'engagement et des relations institutionnelles.

Les auditions en format rapporteur

Jeudi 28 mars 2024

- Ville de Lille : Mme Sophie HUCHETTE, directrice de l'habitat.

- Soreqa : Mmes Valérie DE BREM, directrice générale, Sylvie FROISSART, directrice, et Nathalie MALOU, responsable du service d'appui à la réhabilitation privée.

-Fédération des élus des entreprises publiques locales : MM. Philippe CLEMANDOT, responsable du département Immobilier et développement économique, et Fabien GUEGAN, responsable adjoint du département Immobilier et développement économique.

Vendredi 5 avril 2024

- Association des responsables de copropriété (ARC) : M. Émile HAGEGE, directeur général.

- Fédération nationale des associations de copropriétaires et de colotis (FNACC) : M. Michel GOSSET, président.

- Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) : M. Sylvain GRATALOUP, président, et Mme Coralie ADAM, directrice de cabinet.

- Audition conjointe du Collectif de Marseille contre l'habitat indigne et de l'association « Un centre-ville pour tous » (CVPT) :

· M. Kévin VACHER, coordinateur du Collectif ;

· Mme Alima ELBAJNOUNI, co-présidente de l'association « Un centre-ville pour tous » ;

· Mme Alizée COUSTETS-GIRARDOT, animatrice de tables de quartier en politique de la ville, salariée de la Ligue de l'enseignement - Fédération des Bouches-du-Rhône (FAIL 13) ;

· Mme Liliane LALONDE, mère d'une victime de la rue d'Aubagne ;

· M. Patrick LACOSTE, urbaniste, membre de l'association « Un centre-ville pour tous »

· M. Azim BELGAT, vice-président et porte-parole du Collectif Félix Pyat.

Vendredi 12 avril 2024

Mme Marie-Pierre LEFEUVRE, sociologue.

Maître Pierre-Édouard LAGRAULET, avocat en droit immobilier, membre de Quali-SR.

Maître Benjamin NAUDIN, avocat en droit immobilier.

Lundi 6 mai 2024

Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) et agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL) : M. Louis du MERLE, directeur juridique (ANIL), Mmes Cécile CAN, chargée d'études juridiques (ANIL), Gwenaelle NEDELEC, directrice de l'ADIL de l'Orne, et Catherine DESESTRET, chargée de mission à l'ADIL de la Loire et de la Haute-Loire, et MM. Thierry MOALLIC, directeur de l'ADIL des Bouches-du-Rhône, et Adriano PEREIRA, chargé de mission à l'ADIL du Haut-Rhin.

Grand Paris Aménagement : M. Armand KOESTEL, directeur de l'intervention pour l'amélioration de l'habitat, Mme Stéphanie SOARES, conseillère Cohésion territoriale/environnementale et logement au cabinet de la présidente de la Région Île-de-France.

Urbanis : Mme Emmanuelle PERNES, présidente et membre du directoire, MM. Nicolas RONDE-OUSTAU, directeur de l'agence de Toulouse et membre du directoire, et David PEREZ, référent national copropriétés.

Jeudi 30 mai 2024

Audition conjointe de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et de l'Association des petites et grandes villes de France (APVF) : MM. Daniel BARBE, maire de Blasimon, membre du bureau de l'AMRF, Harold HUWART, maire de Nogent-le-Rotrou, vice-président de l'APVF, et Mme Marie COULET, conseillère logement, sécurité, mobilités, ZAN (APVF).

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 4 avril 2024

DÉPLACEMENT DANS LE PAS-DE-CALAIS

Présentation de la politique de l'habitat, et notamment des dispositifs en faveur des copropriétés dégradées, à l'hôtel communautaire de Béthune-Bruay, en présence de :

· M. Olivier GACQUERRE, président de la Communauté d'Agglomération de Béthune-Bruay Artois Lys Romane, maire de Béthune ;

· M. Maurice LECONTE, 1er vice-président de la communauté d'agglomération chargé de la ruralité, du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et du ZAN ;

· Mme Nadine LEFEBVRE, conseillère déléguée en charge du logement et de PLH, maire de Beuvry ;

· M. Hakim ELAZOUZI, conseiller régional, adjoint au maire de Béthune en charge notamment de la relation avec les bailleurs, de la démocratie de proximité et des conseils de quartier ;

· M. Christophe MASSE, directeur général adjoint en charge de l'aménagement de l'espace ;

· M. Olivier PECQUEUR, directeur de l'habitat ;

· M. André DURIEUX, responsable Habitat - Parc privé à la Communauté d'Agglomération de Béthune-Bruay Artois Lys Romane ;

· Mme Fatma BOUTZAGART, chargée de mission OPAH RU -Habitat (opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain) ;

· M. Philippe FROMENTEAUD, directeur de cabinet.

- Visite d'une opération habitat dégradé dans le Quartier du Mont-Liébaut à Béthune

Visite d'une opération habitat dégradé dans la commune d'Auchel, en présence de :

· M. Philibert BERRIER, maire d'Auchel, vice-président de la Communauté d'Agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane en charge du territoire Nord ;

· M. André DURIEUX, responsable Habitat - Parc privé à la Communauté d'Agglomération de Béthune-Bruay Artois Lys Romane ;

· Mme Fatma BOUTZAGART, chargée de mission OPAH RU -Habitat ;

· Citémetrie, opérateur spécialisé dans la rénovation des logements pour les copropriétés.

Jeudi 16 mai 2024

DÉPLACEMENT EN SEINE-ET-MARNE ET DANS L'ESSONNE

Visite d'une copropriété à Torcy commentée par le syndic (évocation des dysfonctionnements techniques et du programme de travaux votés récemment) et échanges avec les copropriétaires, en présence de :

· Mme Cindy VERGNIEUX, syndic ;

· MM. Serge SOKOLSKY et Christian BARBIER, consultants experts copropriétés en difficulté à l'A2PIC, représentants l'ex-AMO (Assistant à maîtrise d'ouvrage) de l'OPAH « Copropriétés dégradées » menée par la ville, et l'actuel AMO de la copropriété pour voter un programme de travaux de rénovation ;

· M. Guillaume LE LAY-FELZINE, maire de Torcy, et Mme Marie-Luce NEMO, 5e maire adjointe chargée des politiques sociales, de la solidarité et de l'habitat ;

· M. Michel BOUGLOUAN, 6e vice-président de la Communauté d'agglomération Paris-Vallée de la Marne chargé de l'habitat.

- Débriefing de la visite à la Maison de quartier

Échanges sur l'action publique de prévention des difficultés des copropriétés, en présence de :

· Mme Sandy FOULLEY, juriste et directrice adjointe de l'ADIL 77 (Association départementale d'information sur le logement de Seine-et-Marne) ;

· M. HORNN, copropriétaire à Vaires-sur-Marne et ancien président de conseil syndical

· Mme Cindy VERGNIEUX, syndic ;

· MM. Serge SOKOLSKY et Christian BARBIER, consultants experts copropriétés en difficulté à l'A2PIC ;

· • M. Guillaume LE LAY-FELZINE, maire de Torcy, et Mme Marie-Luce NEMO, 5e maire adjointe chargée des politiques sociales, de la solidarité et de l'habitat ;

· M. Michel BOUGLOUAN, 6e vice-président de la Communauté d'agglomération Paris-Vallée de la Marne chargé de l'habitat.

Présentation par M. Damien ALLOUCH, maire d'Épinay-sous-Sénart, des problématiques propres à la ville

Visite de la copropriété « Centre commercial principal »

Présentation par M. Philippe RIO, maire de Grigny, du quartier de Grigny 2, du processus de dégradation/paupérisation de la copropriété et des solutions de redressement expérimentées jusqu'à l'Opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN)

Visite du quartier de Grigny 2, objet d'une ORCOD-IN depuis 2016

TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Acquérir une meilleure connaissance des copropriétés :

- améliorer le renseignement du Registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) et y intégrer des informations essentielles du plan pluriannuel de travaux, et imposer la transmission du plan pluriannuel de travaux aux banques lors d'une demande de prêt, afin que les charges de copropriété, notamment en cas de travaux, puissent être intégrées dans un projet de financement immobilier ;

- achever le déploiement de la plateforme Histologe de lutte contre l'habitat indigne et garantir le suivi des signalements.

Anah, ministère
de la transition écologique, Parlement

2025-2027

Législatif et réglementaire

2

Généraliser les « Maisons de l'habitat » portées par les intercommunalités intégrant la problématique des copropriétés en fédérant les professionnels du secteur et les associations spécialisées et visant à simplifier les démarches. Développer les dispositifs « d'aller vers » et les équipes mobiles pour identifier et appuyer les petites copropriétés. Réussir le déploiement d'une ADIL dans chaque département et garantir leur financement.

Intercommunalités, ANIL/ADIL

2025-2027

Réglementaire

3

Assurer la continuité et la cohérence entre les dispositifs de repérage et de prévention des difficultés des copropriétés en établissant un lien entre VOC, POPAC, RNIC et mandataire ad hoc qui sont initiés par les collectivités locales. Assurer ce lien avec les opérations programmées de l'habitat destinées au redressement des copropriétés. Porter à 10 ans, au lieu de cinq ans, la durée des opérations programmées destinées à prévenir et redresser les copropriétés pour adapter le temps des politiques publiques à la réalité de la vie des copropriétés.

Anah, ministère de la transition écologique, collectivités

2025-2027

Réglementaire

4

Permettre le financement de la mission du mandataire ad hoc par des aides Anah sur demande des collectivités dans le cadre d'un VOC, POPAC ou OPAH et rendre obligatoire l'exécution de ses recommandations.

Anah

2025

Législatif et réglementaire

5

Associer le syndic d'intérêt collectif dès les programmes de prévention à la demande des collectivités et lui octroyer des aides à la gestion pour en couvrir les surcoûts.

Anah, collectivités

2025

Législatif et réglementaire

6

Renforcer la capacité d'action des administrateurs provisoires par l'accroissement de leur nombre, la création d'une spécialisation des administrateurs judiciaires, la simplification des modalités de saisine du juge et la passation d'un contrat entre parties afin de définir les objectifs et les coûts de l'intervention.

Ministère de la justice, collectivités

2025

Législatif et réglementaire

7

Accélérer la lutte contre les marchands de sommeil par l'introduction de sanctions en cas de manquement à l'obligation de signalement incombant aux syndics et par l'attribution de nouveaux pouvoirs d'enquête aux services municipaux.

Ministère de la justice

2025

Législatif et réglementaire

8

Compléter les moyens pour intervenir sur l'habitat dégradé diffus et les copropriétés de fait : création d'une ORU pavillonnaire, d'un PIG pavillonnaire et extension des possibilités de recours au droit de préemption.

Ministère de la transition écologique, Parlement

2025

Législatif et réglementaire

9

Préparer dès maintenant un nouveau PIC après 2028 pour achever les opérations lancées et mener à bien celles qui le sont actuellement. Dans cette perspective :

a) accroître les ressources financières des EPF, l'implication de l'ANRU et de l'Anah et tripler la capacité de préfinancement des aides de l'Anah de Procivis ;

b) impliquer de nouveaux acteurs que sont :

- les ministères de la Justice et de l'Intérieur pour assurer une réponse coordonnée des tribunaux et des forces de l'ordre afin de réussir le redressement des copropriétés dans de meilleurs délais et sans goulots d'étranglement liés au manque de magistrat ou sans rechutes liées aux trafics ou aux squats.

- la Banque de France pour assurer la coordination des mesures de surendettement avec les efforts de redressement des copropriétés.

Gouvernement, Anah, Banque de France,

Parlement

2025-2027

Administratif

10

Créer un PIC PC dédié aux petites copropriétés permettant de mobiliser tous les acteurs concernés, de diffuser les bonnes pratiques, de fixer des objectifs, d'identifier des moyens budgétaires et de mesurer réellement l'impact de cette politique publique à destination des copropriétés dans le secteur diffus.

Ministère de la transition écologique, Anah, Parlement

2025

Réglementaire et PLF

11

Élargir les outils de pilotage et de coordination de la lutte contre l'habitat indigne au niveau national et départemental aux copropriétés dégradées pour créer un PLHI CD et des PDLHI CD. Assurer la liaison avec le pilotage opérationnel des intercommunalités compétentes.

Ministère de la transition écologique

2025

Réglementaire

12

Créer une banque de la rénovation et de la copropriété et confier à un parlementaire une mission de préfiguration. Publier rapidement les décrets relatifs au nouveau prêt global et collectif pour les copropriétés.

Gouvernement (ministère de la transition écologique, ministère de l'économie et des finances)

2024-2025

Lancement d'une mission, réglementaire

13

Élargir les aides de l'Anah aux copropriétés comptant moins de 75 % de résidences principales, aux ASL et aux petites copropriétés en visant à ce que le reste à charge ne soit pas plus important et en élargissant le champ d'application de l'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' Petites copropriétés à tout le territoire et en portant la durée de l'expérimentation de 3 ans à 5 ans au minimum.

Anah

2024-2025

Réglementaire

14

Faciliter le recours aux Fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les départements et les métropoles au profit des copropriétaires pauvres pour faire face aux charges.

Départements et métropoles

2024-2025

Décisions des organes délibérants

15

Renforcer les obligations d'information et de formation des nouveaux acquéreurs en copropriété par la publication de l'arrêté prévu depuis 2014 par la loi ALUR.

Gouvernement

2024-2025

Réglementaire

16

Ajouter aux normes prudentielles du HCSF l'intégration des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux de la copropriété dans le calcul du taux d'effort des ménages souhaitant contracter un prêt auprès d'un établissement bancaire.

HCSF, établissements bancaires

2025-2027

Décision du HCSF

17

Procéder à la codification du droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de regrouper et d'harmoniser l'ensemble des dispositions juridiques encadrant le fonctionnement des copropriétés relevant de la loi de 1965 comme celles de fait relevant d'autres dispositifs juridiques (ASL notamment).

Ministère de la justice, Parlement

2025-2027

Législatif

18

Confier au ministère de la Justice la rédaction d'un règlement de copropriété type ainsi que la création d'une plateforme digitale recensant les dernières dispositions législatives devant entraîner modification du règlement de la copropriété.

Ministère de la justice

2025

Réglementaire

19

Faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété, muni de pouvoirs exécutifs étendus.

Ministère de la justice, Parlement

2025

Législatif

20

Renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs en limitant le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges ; en encadrant le droit de recours contre les décisions d'assemblées générales des copropriétaires n'y assistant pas ; en confiant au ministère de la Justice une réflexion autour de l'octroi d'un « bonus » aux copropriétaires occupants lors de certains votes en assemblée générale

Ministère de la justice, Parlement

2025

Législatif, réglementaire

21

Lutter contre les impayés de charges :

- généraliser la mensualisation des charges de copropriété, permettant une gestion simplifiée du budget des ménages. ;

- faciliter le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d'apurement de la dette jusqu'à 10 ans.

Ministère de la justice, ministère de l'économie et des finances, Parlement

2025

Législatif

22

Mieux protéger les copropriétaires face aux situations d'impayés irrémédiables, notamment :

- en élargissant le « super privilège » de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d'hypothèque légale ;

- en confiant au ministère de la Justice l'élaboration d'une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d'éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement.

Ministère de la justice, ministère de l'économie et des finances, Parlement

2025

Législatif et réglementaire

23

Faciliter la désignation de syndics professionnels pour éviter les copropriétés sans syndic en abaissant le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d'un syndic ainsi qu'en permettant de déroger au contrat type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de 20 lots.

Ministère de la justice, Parlement

2025

Législatif et réglementaire

24

Poursuivre l'encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale (publication du décret sur les compétences des collaborateurs attendu depuis 2014), de formation continue ainsi qu'en dotant la profession d'un véritable organe disciplinaire (au minimum nomination de la commission de contrôle prévue par la loi).

Gouvernement

2025-2027

Réglementaire

25

Renforcer l'inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l'ensemble des copropriétés de créer un conseil de résidents se réunissant en amont et/ou en aval des assemblées générales, ou lorsque les résidents en ressentent la nécessité ainsi qu'en permettant à des locataires mandatés d'assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.

Ministère de la justice, Parlement

2025

Législatif

ANNEXE :
ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE RÉALISÉE
PAR LA DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE
ET DES DÉLÉGATIONS

INTRODUCTION

À la demande de la commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières, la Division de la Législation comparée a réalisé une mise à jour de l'étude LC 236 de 2013 sur les copropriétés en difficulté.

Les recherches n'ont pas permis de trouver des éléments nouveaux concernant l'Allemagne et l'Espagne. Dans aucun de ces deux pays, le droit de la copropriété n'a fait l'objet de réformes significatives depuis 2013, pas plus que des programmes spécifiques aux copropriétés en difficulté n'y ont été mis en place. Par ailleurs, le modèle de copropriété au Royaume-Uni est relativement récent et reste assez peu développé.

Trois pays ont été retenus dans la présente étude : la Belgique, l'Italie et les États-Unis (Californie). En Belgique comme en Italie, le régime juridique de la copropriété est assez proche du régime existant en France et des enjeux similaires se présentent pour certaines copropriétés. Des dispositifs ciblés y ont été mis en place, même s'ils ne visent pas toujours directement l'enjeu financier.

Enfin, les États-Unis, et tout particulièrement l'État de Californie, ont été marqués ces dernières années par une série d'accidents, liés au défaut d'entretien d'immeubles en copropriété. Le législateur fédéral s'est récemment saisi de cette question avec deux initiatives intéressantes.

TABLEAU DE SYNTHÈSE

 

BELGIQUE

ITALIE

ÉTATS-UNIS (CALIFORNIE)

Régime juridique

· Code civil (titre IV/livre III)

· Gouvernance à deux niveaux : association des copropriétaires réunie en assemblée générale et conseil de copropriété

· Gestion déléguée à un syndic

· Règlement d'ordre intérieur obligatoire

· Code civil (articles 1117 à 1139) et loi de 2012 relative à la copropriété

· Gouvernance à un niveau : assemblée générale des copropriétaires, avec possibilité de constituer un conseil syndical

· Gestion déléguée à un administrateur (professionnel ou pas)

· Règlement de copropriété obligatoire au-delà d'un seuil de 10 copropriétaires

· Davis-Stirling Interest development Act régissant l'équivalent de nos copropriétés (intégré au sein du code civil californien)

· Gouvernance à deux niveaux : syndicats de copropriétaires et conseil d'administration disposant de larges pouvoirs réglementaires

· Règlement de copropriété (CC&R) obligatoire et structurant

· Mécanismes de résolution des litiges très encadrés

Obligations des copropriétaires

· Charges inhérentes à la copropriété (entretien, travaux...)

· Gestion des fonds par le syndic, chargé notamment du recouvrement des charges

· Contribution aux dépenses nécessaires à la conservation et à la jouissance des parties communes, à la fourniture de services d'intérêt commun et aux rénovations

· Fourniture d'informations à l'administrateur

· Contribution mensuelle au financement des services (généralement nombreux) fournis par les structures de copropriétés, sous peine d'amendes ou d'injonctions

Dispositions applicables en cas de difficulté

· Fonds de roulement et fonds de réserve obligatoires

· Actions contentieuses de l'association des copropriétaires contre le ou les copropriétaires défaillants

· Administrateur chargé du recouvrement des contributions, qui peut obtenir un décret d'injonction immédiatement exécutoire

· Possibilité de suspendre le propriétaire défaillant de l'utilisation de services communs

· Autonomie pour ordonner des travaux d'entretien extraordinaires en cas d'urgence

· « Fonds spécial » (réserve) obligatoire et possibilité de constituer un fonds de défaillance

· Amendes et injonctions avec une procédure graduelle : lettre de rappel, constat de défaut de paiement, facturation de pénalités de retard, application d'intérêts et recours contentieux

Aides publiques et dispositifs d'accompagnement en faveur des copropriétés en difficulté

· Fonds régionaux du logement octroyant des crédits hypothécaires (individuels ou à la copropriété elle-même) permettant de financer des travaux, ou bien le rachat de copropriétés délabrées ensuite rénovées et mises en location

· Intervention directe des syndics (échelonnement des dettes, appels de fonds extraordinaires, procédures de rappel des obligations financières, assurance contre le défaut de paiement...)

· Pas de dispositif public contribuant au financement des copropriétés en difficulté

· Possibilité de recourir à un emprunt collectif pour la copropriété dans son ensemble, en vue de financer des travaux de rénovation

· Pas de dispositif public contribuant au financement des copropriétés en difficulté

· Au niveau fédéral, proposition de loi sur le financement rapide des réparations essentielles en copropriété (assurance de prêts financement des bâtiments directement par le ministère fédéral) et proposition de loi sur la garantie de l'accès au financement des réparations extérieures dans les copropriétés

I. BELGIQUE

La copropriété en droit belge est définie par le code civil. Les immeubles en copropriété doivent être régis par un règlement de copropriété. Chaque copropriété est dotée d'une association des copropriétaires, bénéficiant de la personnalité juridique. Le syndic, sous la supervision du conseil syndical, assure la gestion opérationnelle de la copropriété.

Les copropriétaires ont différentes obligations financières, notamment en ce qui concerne les charges communes. Les frais sont répartis en fonction de la valeur respective de chaque bien privatif, sauf disposition contraire du règlement de copropriété. En cas de vente d'un lot, le notaire doit retenir les arriérés des charges dues par le copropriétaire sortant.

Pour faire face aux dépenses non périodiques, deux dispositifs sont prévus par le code civil : le fonds de roulement et le fonds de réserve. L'association des copropriétaires peut agir en justice pour sauvegarder ses droits.

En cas de difficultés financières, plusieurs dispositifs d'aide ont été mis en place par les fonds régionaux du logement, notamment des crédits spécifiques aux copropriétés en Wallonie. Les syndics peuvent également déployer des mesures exceptionnelles pour maintenir la stabilité financière des copropriétés.

A. LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA COPROPRIÉTÉ

En droit belge, la copropriété est régie principalement par le code civil71(*), notamment le titre IV du livre III, dont l'article 3.68 définit ainsi la notion :

« Il y a copropriété lorsque différentes personnes sont titulaires sur un même bien ou ensemble de biens d'un droit de propriété, sans que l'une d'elles puisse faire valoir un droit exclusif sur une partie déterminée de ceux-ci.

« Si la copropriété porte sur un ensemble juridique de biens, les droits des copropriétaires n'ont pour objet que cet ensemble et non les différents biens.

« La copropriété peut naître de manière fortuite, par la volonté des parties ou de manière forcée. »

Les trois catégories de copropriétés énoncées au dernier alinéa correspondent à des biens qui se distinguent notamment par leur origine et leur destination. Les immeubles d'habitation en copropriété répondent plutôt à la définition de la catégorie des copropriétés nées de manière forcée, définie à l'article 3.78 comme « toute forme de copropriété où le bien indivis doit être en copropriété en raison de sa fonction ou de sa destination. C'est notamment le cas si ce bien est l'accessoire d'un bien privatif de chacun des copropriétaires. »

L'article 3.84, alinéa 2 dispose que « Tout immeuble ou groupe d'immeubles bâtis auxquels s'appliquent ces principes doit être régi par un acte de base et un règlement de copropriété, ainsi qu'un règlement d'ordre intérieur, qui peut être établi sous signature privée. »

L'article 3.85 énonce les exigences et les procédures concernant les statuts et règlements d'ordre intérieur des immeubles de copropriété. Selon cet article, les statuts de l'immeuble doivent être établis dans un acte authentique et comprendre une description détaillée de l'ensemble immobilier, des parties privatives et communes, ainsi que la fixation des quotes-parts des parties communes. Le règlement de copropriété doit également être inclus dans cet acte et doit décrire les droits et obligations de chaque copropriétaire, ainsi que les critères de répartition des charges.

En outre, un règlement d'ordre intérieur doit contenir des règles relatives au fonctionnement de l'assemblée générale, à la nomination et aux pouvoirs du syndic, ainsi qu'à la période annuelle pendant laquelle se tient l'assemblée générale ordinaire de l'association des copropriétaires.

L'article 3.86 institue pour chaque copropriété une « association des copropriétaires » qui bénéficie de la personnalité juridique, dès lors que deux conditions sont remplies : d'une part, la naissance de l'indivision par la cession ou l'attribution d'au moins un lot, et, d'autre part, la transcription des statuts dans les registres compétents.

L'article 3.89 définit le rôle et les responsabilités du syndic, notamment en matière d'exécution des décisions de l'assemblée générale, de gestion des fonds de l'association, de représentation en justice, de fourniture d'informations aux copropriétaires et de transparence dans la gestion financière.

Enfin, l'article 3.90 institue un « conseil de copropriété » (équivalent du conseil syndical en France) et encadre son fonctionnement. Celui-ci est chargé de surveiller les actions du syndic, ainsi que la nomination et les missions du commissaire aux comptes et de contrôler les comptes de l'association des copropriétaires.

B. LES OBLIGATIONS DES COPROPRIÉTAIRES

Le code civil prévoit différentes obligations pour les copropriétaires, notamment en matière financière.

L'article 3.81 définit les charges inhérentes à la copropriété, notamment les frais d'entretien, de réparation et de réfection, qui sont répartis en fonction de la valeur respective de chaque bien privatif, sauf si les parties décident de les répartir en proportion de l'utilité de ces accessoires pour chaque bien privatif. S'agissant des charges, le règlement de copropriété doit comprendre « les critères motivés et le mode de calcul de la répartition des charges ainsi que, le cas échéant, les clauses et les sanctions relatives au non-paiement de ces charges. » (article 3.85, §1er).

Le cas échéant, à l'occasion de la vente d'un lot dont le vendeur est débiteur, lors de la passation de l'acte authentique, le notaire doit retenir, sur les sommes dues, les arriérés des charges ordinaires et extraordinaires en ce compris les frais de récupération judiciaire et extrajudiciaire des charges, dus par le copropriétaire sortant. Toutefois, le notaire devra préalablement payer les créanciers privilégiés, hypothécaires ou ceux qui lui auraient notifié une saisie-arrêt ou une cession de créances. (article 3.95)

Le syndic est tenu de gérer les fonds de l'association des copropriétaires, ce qui inclut le recouvrement des contributions en retard. Le règlement de copropriété peut prévoir des dispositions spécifiques à cet égard, comme les intérêts de retard. La répartition des charges peut différer de celle des parts juridiques, et peut se baser sur la valeur et l'utilité des biens communs. Une décision formelle de l'assemblée générale est nécessaire pour récupérer une charge spécifique. La contribution est généralement demandée périodiquement, approuvée par un budget annuel72(*).

Le syndic est chargé du recouvrement des charges, sans besoin d'une décision distincte de l'assemblée générale. Des mesures sont envisagées pour faciliter le recouvrement des charges, telles que la solidarité entre le nu-propriétaire et l'usufruitier. Il n'est pas permis d'établir une clause de solidarité entre un nouveau copropriétaire et l'ancien pour les arriérés. Les actions judiciaires sont généralement soumises aux délais de procédure du droit commun73(*).

C. LES DISPOSITIONS APPLICABLES EN CAS DE DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

1. Les fonds de roulement et fonds de réserve

L'article 3.86 relatif à l'association des copropriétaires prévoit deux dispositifs destinés à couvrir les dépenses non périodiques : le fonds de roulement et le fonds de réserve.

Le fonds de roulement est destiné à « couvrir les dépenses périodiques telles que les frais de chauffage et d'éclairage des parties communes, les frais de gérance et de conciergerie ».

Le fonds de réserve correspond à « la somme des apports de fonds périodiques destinés à faire face à des dépenses (...) telles que celles occasionnées par le renouvellement du système de chauffage, la réparation ou le renouvellement d'un ascenseur ou la pose d'une nouvelle chape de toiture. »

La contribution annuelle des copropriétaires ne peut être inférieure à 5 % de la totalité des charges communes ordinaires de l'exercice précédent. Le code prévoit toutefois que « l'association des copropriétaires peut décider à une majorité de quatre cinquièmes des voix de ne pas constituer ce fonds de réserve obligatoire » (article 3.86, § 3, alinéa 4).

Ces fonds doivent être placés sur divers comptes ouverts au nom de l'association des copropriétaires, dont obligatoirement un compte distinct pour le fonds de roulement et un compte distinct pour le fonds de réserve.

L'introduction d'un fonds de réserve obligatoire, inspirée par la législation française sur le fonds de travaux non remboursable (loi « ALUR »), vise à inciter à réaliser les travaux nécessaires à long terme, comme la rénovation de l'immeuble. En Belgique, plus des deux tiers des immeubles en indivision ont été construits il y a plus de 35 ans, ce qui nécessite des interventions pour leur maintien en état. Le fonds de réserve vise à éviter que les copropriétaires ne soient pris au dépourvu par les frais associés74(*).

Le patrimoine de l'association des copropriétaires est constitué par des apports périodiques des copropriétaires décidés par l'assemblée générale. Le syndic peut prendre toutes les mesures judiciaires et extrajudiciaires pour la récupération des charges.

2. Les actions contentieuses

Enfin, sur le plan contentieux, l'article 3.92 du code civil prévoit que « l'association des copropriétaires a le droit d'agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, conjointement ou non avec un ou plusieurs copropriétaires, en vue de la sauvegarde de tous les droits relatifs à l'exercice, à la reconnaissance ou à la négation de droits réels ou personnels sur les parties communes, ou relatifs à la gestion de celles-ci ».

Par ailleurs, le § 2 du même article dispose que « Si l'équilibre financier de la copropriété est gravement compromis ou si l'association des copropriétaires est dans l'impossibilité d'assurer la conservation de l'immeuble ou sa conformité aux obligations légales, le syndic ou un ou plusieurs copropriétaires qui possèdent au moins un cinquième des quotes-parts dans les parties communes peuvent saisir le juge pour faire désigner un ou plusieurs administrateurs provisoires aux frais de l'association des copropriétaires qui, pour les missions octroyées par le juge, se substituent aux organes de l'association des copropriétaires. »

D. LES AIDES PUBLIQUES ET DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT EN FAVEUR DES COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉ

Plusieurs dispositifs d'aides sous forme de subventions ou de prêts hypothécaires sont prévus en Belgique. Toutefois, les recherches n'ont pas permis de distinguer une mesure spécifiquement destinée aux copropriétés, en grosses difficultés financières, en faillite ou menacées de ruine.

Parmi les différents dispositifs existants, on peut citer :

1. Les aides des fonds régionaux du logement

Les trois régions belges (Bruxelles-Capitale, la région flamande et la région wallonne) disposent chacune d'un fonds régional du logement sous forme de société coopérative de droit privé placée sous la tutelle de la région. Les fonds régionaux du logement proposent aux ménages un ensemble de services, tels que l'octroi de crédits hypothécaire, la mise à disposition d'un parc de logements locatifs, la production de logements ou encore la constitution de garanties locatives75(*).

À Bruxelles, les prêts hypothécaires peuvent être octroyés soit pour l'acquisition de la résidence principale, soit pour le financement de travaux, notamment pour améliorer la sécurité, la salubrité et l'habitabilité. Ces prêts sont destinés aux ménages dont les revenus ne dépassent pas un certain seuil et permettent de bénéficier d'un taux avantageux de 1,5 à 2,5 % selon une fourchette des barèmes76(*).

Il s'agit toutefois de prêts destinés aux copropriétaires individuellement. Ils n'ont pas vocation à être utilisés collectivement par une association de copropriétaires d'un immeuble en difficulté.

Dans la région wallonne, le Fonds du logement a mis en place un programme de rachat de copropriétés délabrées qui sont ensuite rénovées et mises en location pour des familles nombreuses77(*). Ces logements, situés dans les zones urbaines ou rurales, sont issus d'acquisitions-rénovations ou, plus rarement, de constructions neuves. En 2022, 39 nouveaux logements ont été acquis, dans de nombreuses localités. Les logements, comptant généralement de 2 à 5 unités par immeuble, sont majoritairement composés de trois chambres ou plus. Le programme permet notamment d'améliorer significativement le niveau de performance énergétique des bâtiments rénovés. En 2022, le Fonds a ainsi investi, d'une part, plus de 1,5 million d'euros pour l'acquisition de huit immeubles dans des villes de tailles diverses (pour une cible de 34 logements) et, d'autre part, près de 8 millions d'euros pour des travaux de rénovation. La région wallonne accorde aussi des aides supplémentaires afin d'équiper les logements existants78(*).

Parmi les dispositifs financés par la région wallonne, on peut également citer les prêts spécifiques à destination des copropriétés. Compte tenu du caractère vieillissant et énergivore de nombreuses copropriétés en Wallonie, le Fonds propose depuis 2019 des crédits à taux zéro « Rénoprêt » aux associations de copropriétaires. Ces prêts peuvent atteindre 60 000 euros par logement et 500 000 euros par copropriété, couvrant des travaux énergétiques, de salubrité et de sécurité. Les conditions d'accès sont les suivantes : i) la copropriété doit être située en région wallonne, ii) les revenus imposables globalement de la moitié des ménages composant l'association de copropriétaires doivent être inférieurs à 114 400 euros (revenus 2022), iii) le bâtiment doit être composé majoritairement de logements (en cas de surfaces commerciales, la superficie occupée par celles-ci doit être inférieure à 50 %) et iv) le bâtiment doit être âgé d'au moins 15 ans79(*).

En 2022, le Fonds a accordé 15 crédits pour 710 logements, totalisant plus de 2,5 millions d'euros (+ 53 % par rapport à 2021). Selon le Fonds du logement de Wallonie, cette forte augmentation traduit un intérêt croissant des associations de copropriétaires pour ce prêt, de nombreux syndics ayant eu une première expérience positive revenant avec des demandes émanant d'autres copropriétés dont ils ont la gestion. Le Fonds accompagne les copropriétés administrativement et techniquement, avec l'objectif de simplifier le processus de demande et de réalisation des travaux80(*).

2. L'intervention des syndics

Devant l'augmentation récente de situations d'impayés liées à l'inflation, les syndics belges ont été invités à déployer des mesures exceptionnelles afin de maintenir la stabilité financière des copropriétés, à travers différents mécanismes81(*) :

l'échelonnement du paiement des dettes d'un copropriétaire, sous réserve de consulter un commissaire aux comptes qui s'assure de la viabilité du plan ;

- lorsque le fonds de roulement de la copropriété ne suffit pas à couvrir les dépenses courantes, le syndic peut être amené à procéder à des appels de fonds extraordinaires. Ces appels visent à combler les lacunes de trésorerie et à assurer le bon fonctionnement de la copropriété malgré les difficultés financières rencontrées. Cette mesure implique la contribution financière des autres copropriétaires pour soutenir la copropriété en difficulté ;

- une procédure de rappel des obligations financières, selon un fonctionnement gradué : rappels de paiement, mises en demeure et, en dernier recours, une action en recouvrement devant le juge de paix. Ce dernier peut établir un plan de paiement contraignant pour le copropriétaire défaillant, voire ordonner des mesures plus coercitives telles que la saisie de biens ou la vente de l'appartement ;

- la souscription d'une assurance contre le défaut de paiement. En cas de non-paiement prolongé par un ou plusieurs copropriétaires, cette assurance couvre les charges impayées, offrant une garantie supplémentaire de recouvrement des fonds nécessaires au bon fonctionnement de la copropriété.

II. ITALIE

En Italie, la copropriété est définie sur la base de l'existence de parties communes et d'une pluralité de propriétaires. Le régime de la copropriété est encadré par le code civil. La réforme de 2012 a modernisé ces règles, clarifiant notamment les modalités de prise de décision en assemblée et renforçant les obligations de l'administrateur, notamment en matière de recouvrement des charges et de présentation de bilans financiers.

Les obligations des copropriétaires en Italie sont également encadrées par le code civil. Ils doivent contribuer aux dépenses nécessaires à la conservation et à la jouissance des parties communes, ainsi qu'informer l'administrateur de toute modification relative à leurs données personnelles ou à celles de leur propriété.

En cas de difficultés financières, plusieurs dispositifs sont prévus. L'administrateur dispose de moyens pour percevoir les contributions et payer les dépenses nécessaires à l'entretien des parties communes. Par ailleurs, un fonds de réserve est obligatoire pour les travaux d'entretien extraordinaires et de rénovation.

S'il n'existe pas de dispositif public spécifique destiné à aider financièrement les copropriétés en difficulté financière, les copropriétaires ont toutefois la possibilité de recourir à des prêts collectifs pour financer des travaux de rénovation ou d'installation d'équipements, sous la supervision de l'administrateur de la copropriété. Ces prêts fonctionnent de manière similaire à d'autres prêts, mais avec des spécificités liées à la gestion et au remboursement collectifs.

Selon l'administration fiscale italienne, le pays compte plus de 1,2 million de copropriétés. L'association nationale des administrateurs de copropriétés estime à 14 millions le nombre de familles vivant en copropriété, soit trois familles sur quatre, pour près de 27 millions de logements82(*).

On estime à 325 000 le nombre total d'administrateurs de copropriétés en Italie, dont 25 000 seulement sont des professionnels (les autres étant des copropriétaires, des doubles-occupants, techniciens, retraités, etc.)83(*).

Compte tenu du patrimoine immobilier italien, composé de nombreux bâtiments historiques et anciens et d'un grand nombre de bâtiments construits dans l'après-guerre au rabais, les cas de bâtiments en état dangereux ou présentant un risque de s'effondrer, partiellement ou totalement, ne sont pas isolés84(*).

A. LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA COPROPRIÉTÉ

La copropriété (condominio negli edifici) est régie par les articles 1117 à 1139 du code civil85(*). Les articles 1117 à 1125 définissent les parties communes et les droits des copropriétaires sur ces parties communes. Quant aux articles 1126 à 1139, ils régissent les aspects administratifs de la copropriété, y compris les règles pour les assemblées de copropriétaires, les décisions prises en assemblée, et la nomination et les fonctions de l'administrateur de la copropriété.

Les dispositions en vigueur définissent la copropriété indirectement, à travers la notion de parties communes, définie comme « la propriété commune des propriétaires des unités individuelles du bâtiment, même s'ils ont le droit de jouissance périodique et si le titre n'indique pas autre chose ».

L'article 1130 encadre la fonction et le rôle de l'administrateur de copropriété. Ce dernier, en plus des obligations légales générales, doit exécuter les décisions de l'assemblée, réglementer l'utilisation des parties communes, percevoir les contributions, effectuer les actes conservatoires, tenir les registres obligatoires, accomplir les formalités fiscales, conserver la documentation pertinente, fournir des états financiers aux copropriétaires sur demande et établir et soumettre le bilan annuel pour approbation.

L'article 1138 prévoit, pour les immeubles comportant plus de dix copropriétaires, l'obligation d'établir un règlement de copropriété (regolamento di condominio), afin de régir l'utilisation des parties communes, la répartition des charges, la protection de l'esthétique de l'immeuble, et l'administration, sans porter atteinte aux droits individuels des copropriétaires ou déroger à certaines dispositions légales.

Les seuls organes de la copropriété prévus par le code sont l'assemblée générale des copropriétaires et l'administrateur. Bien que la loi ne prévoie pas de conseil syndical, la plupart des copropriétés en sont dotées.

La loi n° 220 du 11 décembre 2012 relative à la modification de la réglementation des copropriétés dans les immeubles86(*), dite « réforme de la copropriété », vise à moderniser et à clarifier les règles de la copropriété, notamment en matière de gestion, de transparence et résolution des conflits.

S'agissant de l'utilisation des parties communes, la réforme de 2012 a établi de nouvelles règles en définissant des modalités plus claires et plus précises, notamment par la possibilité de voter des travaux de rénovation à la majorité qualifiée.

La réforme de 2012 vise également à renforcer les exigences et les obligations qui incombent à l'administrateur de copropriété. Parmi ces obligations figurent le lancement de procédures de recouvrement dans un délai spécifique à l'égard des copropriétaires débiteurs et la présentation de bilans détaillés accompagnés de rapports sur la situation patrimoniale.

Enfin, la réforme a introduit de nouvelles dispositions concernant le règlement de copropriété, établissant qu'il ne peut pas interdire la présence d'animaux domestiques ni limiter l'utilisation des propriétés exclusives. En outre, des sanctions pouvant aller jusqu'à 800 euros ont été prévues pour la violation du règlement de copropriété.

B. LES OBLIGATIONS DES COPROPRIÉTAIRES

Le code civil apporte un certain nombre de précisions concernant les obligations des copropriétaires.

Aux termes de l'article 1123, les copropriétaires doivent tout d'abord contribuer aux « dépenses nécessaires à la conservation et à la jouissance des parties communes de l'immeuble, à la fourniture de services d'intérêt commun et aux rénovations décidées par la majorité ». Ces dépenses sont « supportées par les copropriétaires proportionnellement à la valeur des biens de chacun, sauf convention contraire ». Ces contributions couvrent notamment l'entretien ordinaire et extraordinaire, les services communs (électricité, nettoyage) et les réparations et rénovations.

Par ailleurs, les copropriétaires doivent informer l'administrateur de toute modification relative aux « données des propriétaires individuels et des titulaires de droits de jouissance réels et personnels, y compris le code fiscal et la résidence ou le domicile, les données cadastrales de chaque unité de construction, ainsi que toutes les données relatives aux conditions de sécurité ». Ces données sont destinées à alimenter le registre de la copropriété tenu par l'administrateur, conformément au 6) de l'article 1130 du code civil.

L'article 1137 dispose que « les résolutions adoptées par l'assemblée conformément aux [dispositions relatives à la copropriété] sont obligatoires pour tous les copropriétaires. » Les copropriétaires peuvent contester ces décisions uniquement pour des motifs de légitimité et dans un délai spécifique.

C. LES DISPOSITIONS APPLICABLES EN CAS DE DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

1. Les moyens mis à disposition de l'administrateur

L'administrateur doit percevoir les contributions et payer les dépenses nécessaires à l'entretien des parties communes et au fonctionnement des services communs.

Aux termes de l'article 63 de l'arrêté n° 318 du 30 mars 1942 portant dispositions d'application du code civil et dispositions transitoires87(*), « Pour le recouvrement des contributions sur la base de la répartition approuvée par l'assemblée générale, l'administrateur, sans avoir besoin de l'autorisation de celle-ci, peut obtenir un décret d'injonction immédiatement exécutoire, nonobstant opposition, et est tenu de communiquer aux créanciers non satisfaits qui lui en font la demande les coordonnées des propriétaires défaillants. »

Le même article prévoit qu'« En cas de défaut de paiement des cotisations pendant six mois, l'administrateur peut suspendre le copropriétaire défaillant de l'utilisation des services communs dont il peut jouir séparément. »

L'article 1135 du code civil prévoit par ailleurs que « L'administrateur ne peut ordonner des travaux d'entretien extraordinaires que s'ils sont urgents, mais dans ce cas il doit en rendre compte lors de la première réunion. » Il indique aussi que « L'assemblée peut autoriser l'administrateur à participer et à collaborer à des projets, des programmes et des initiatives territoriales promus par des institutions locales ou par des sujets privés qualifiés, y compris par des travaux de rénovation des parties communes des immeubles ainsi que de démolition, de reconstruction et de sécurité statique, afin de favoriser la réhabilitation du parc immobilier existant, l'habitabilité urbaine, la sécurité et la durabilité environnementale de la zone où se trouve la copropriété. »

2. Les fonds de réserve

À l'instar d'autres pays européens, le droit italien prévoit un dispositif juridique obligeant la constitution d'un fonds destiné à couvrir d'éventuelles difficultés.

L'article 1134 (4) du code civil prévoit la constitution obligatoire, pour la réalisation de travaux d'entretien et les rénovations, d'un « fonds spécial ». Ce fonds est lié aux résolutions sur les travaux extraordinaires et ne peut être utilisé que pour l'objet qui lui a été spécifiquement attribué par l'assemblée.

Dans le cadre de la réforme de 2012, le législateur a rendu ce fonds obligatoire pour les travaux d'entretien extraordinaires et de rénovation88(*). Son caractère obligatoire vise à garantir des fonds suffisants pour les travaux, à assurer une répartition équitable des dépenses entre les copropriétaires, et à renforcer la garantie pour les personnes exécutant ces travaux.

Ce fonds spécial ne peut être utilisé que pour des travaux spécifiques et extraordinaires décidés par l'assemblée. Son montant doit correspondre à celui des travaux à exécuter et peut être établi en fonction des paiements dus.

En outre, en cas de difficultés de paiement des charges par certains copropriétaires, un « fonds de défaillance » (fondo morosi) peut être créé pour faire face à ces problèmes de liquidité. Ce fonds, qui n'est pas prévu expressément par la loi, est néanmoins admis par la jurisprudence89(*). Il s'agit d'un fonds extraordinaire destiné à faire face à la procédure de recouvrement des créances, auquel l'administrateur est obligé de procéder, en vertu de l'article 63 du décret de 1942. Il se présente sous une forme de prêt qui sera remboursé en cas de recouvrement des sommes dues par le débiteur défaillant.

L'évolution récente de la jurisprudence relative aux immeubles menacés de ruine

Dans une décision de juin 202290(*), la Cour de cassation italienne a clarifié la jurisprudence en matière de responsabilité pénale et civile des copropriétaires en matière d'entretien. Elle a établi que les propriétaires d'immeubles en copropriété doivent veiller à la sécurité des façades et des balcons. S'ils ne prennent pas les mesures nécessaires, ils peuvent être tenus responsables sur le plan civil et pénal.

Dans une affaire où des propriétaires ont été condamnés pour ne pas avoir restauré leurs balcons, la Cour a souligné que même en l'absence de décisions de l'assemblée ou de fonds disponibles, les copropriétaires doivent agir pour éviter les dangers potentiels (article 677 du code pénal italien).

La nature des balcons, qu'ils soient communs ou privés, peut être complexe à déterminer. Cependant, les copropriétaires sont responsables de leur entretien, en particulier lorsque des parties communes sont concernées. La décision a confirmé que l'absence de décisions de l'assemblée ou de fonds disponibles ne dégage pas l'administrateur de sa responsabilité. Chaque copropriétaire doit sécuriser la zone affectée et signaler les dangers aux tiers si les autres copropriétaires ne coopèrent pas91(*).

D. LES AIDES PUBLIQUES ET DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT EN FAVEUR DES COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉ

Les recherches n'ont pas permis de mettre en évidence un dispositif national ou local destiné à aider financièrement les copropriétés en difficulté financière.

En cas d'impossibilité de financer des travaux, les copropriétaires ont la faculté de recourir à un emprunt collectif, à travers des prêts destinés aux copropriétés, notamment pour la rénovation de l'immeuble ou l'installation d'équipements. L'administrateur de la copropriété joue un rôle central dans ce processus en suivant les instructions de l'assemblée des copropriétaires.

Ce financement fonctionne de manière similaire à d'autres prêts, mais avec des spécificités. Il prend la forme d'un prêt accordé à la copropriété après une demande spécifique pour couvrir les coûts extraordinaires de rénovation des parties communes. Les sommes empruntées doivent être remboursées selon un plan convenu avec l'établissement de crédit, avec des intérêts. L'administrateur de la copropriété supervise la gestion et l'amortissement du prêt. Le recours à ce type de prêt suppose un vote à la majorité en assemblée générale. Certains établissements de crédit exigent même l'unanimité pour accorder le prêt. Les frais du prêt sont répartis entre les copropriétaires selon les règles établies par le code de la copropriété92(*).

III. ÉTATS-UNIS (CALIFORNIE)

Le Davis-Stirling Common Interest Development Act constitue le cadre législatif régissant l'équivalent des copropriétés en Californie. Cette partie du code civil fournit des directives détaillées pour la création et la gestion des associations de copropriétaires, encadre les règlements de copropriété (CC&R), la répartition des charges entre les copropriétaires, ainsi que les mécanismes de résolution des litiges au sein de la communauté.

Le code impose aux copropriétaires de se conformer aux règles établies par les CC&R et aux décisions prises par le conseil d'administration de l'association de copropriétaires. Ce conseil, fonctionnant comme une entité quasi-gouvernementale, peut édicter des règles juridiquement contraignantes pour les résidents, collecter des frais pour l'entretien des parties communes et appliquer des sanctions en cas de non-conformité.

En cas de difficultés financières, le code prévoit des procédures pour le recouvrement des cotisations impayées, avec des délais stricts et la possibilité d'appliquer des frais de retard et des intérêts sur les paiements en souffrance. En dernier recours, l'association de copropriétaires peut engager des poursuites judiciaires pour recouvrer les montants impayés, voire saisir la propriété du copropriétaire défaillant.

Face aux défis croissants liés au financement des réparations essentielles dans les copropriétés, des initiatives législatives ont été proposées pour fournir des ressources financières supplémentaires et faciliter l'accès à des prêts pour les réparations de bâtiments.

A. LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA COPROPRIÉTÉ

Le Davis-Stirling Common Interest Development Act est le nom utilisé communément pour désigner la partie du code civil californien93(*) régissant les « condominiums », « coopératives » et « communautés de développement d'unités planifiées » (Planned Unit Development Communities) dans l'État de Californie.

Adopté en 1985 et totalement refondu en 201294(*), cet ensemble de dispositions réglemente les divers aspects de la vie en copropriété. Il fournit un cadre juridique pour la gouvernance et la gestion des copropriétés :

- il définit tout d'abord les étapes nécessaires à la formation et à la gestion des syndicats de copropriétaires (Common Interest Development Associations), en prévoyant les modalités juridiques de création d'un syndicat, y compris l'élaboration des documents constitutifs, tels que les « règlements CC&R » (voir infra). De plus, le code établit les procédures pour l'élection des administrateurs de l'association, la tenue des réunions des membres et la prise de décisions au sein de la communauté ;

- il institue ensuite les règlements « CC&R » (Covenants, Conditions, and Restrictions) qui sont des contrats définissant les règles, les restrictions et les obligations auxquelles les copropriétaires doivent se conformer. Le Davis-Stirling Act spécifie également le contenu minimum requis pour ces règlements, tels que les restrictions d'utilisation des propriétés, les règles de gouvernance de la communauté, les obligations financières des propriétaires et les procédures de modification des règlements ;

- s'agissant des charges, il réglemente la manière dont celles-ci sont calculées et réparties entre les copropriétaires (Assessment and Allocation of Assessments) et précise les critères à prendre en compte lors de la détermination des charges, tels que la taille des unités, les avantages perçus des espaces communs et les services fournis par l'association. De plus, le code établit les procédures pour la collecte des charges et les sanctions en cas de non-paiement ;

- enfin, il prévoit des mécanismes de résolution des litiges au sein du syndicat (Dispute Resolution Procedures), avec un processus gradué (médiation, arbitrage et, en dernier recours, procédure contentieuse). Le code précise également les types de litiges couverts, tels que les violations des règles de la communauté, les différends entre copropriétaires et les actions en justice intentées contre le syndicat.

B. LES OBLIGATIONS DES COPROPRIÉTAIRES

Le code civil californien permet au promoteur d'un immeuble destiné à l'habitat collectif de créer un syndicat de copropriétaires (owners' association ou community association) pour régir la copropriété.

Le syndicat fonctionne selon un système de gouvernance proche d'une collectivité publique. Dans sa décision du 14 juin 200495(*), la Cour suprême de Californie a jugé que les règlements CC&R lient légalement les résidents dans la mesure où elles n'entrent pas en conflit avec la législation fédérale ou avec celle de l'État. Les cours d'appel de Californie ont défini la nature « quasi gouvernementale » du syndicat dans la mesure où il fournit de nombreux services nécessaires au fonctionnement de la communauté.

Le syndicat des copropriétaires est administré par un conseil d'administration (board) qui peut édicter des règles juridiquement contraignantes pour les résidents, à condition qu'elles ne soient pas contraires aux CC&R ou aux lois fédérales ou de l'État. Les réunions du conseil d'administration sont généralement ouvertes aux membres du syndicat, à quelques exceptions près. Comme pour les agences gouvernementales, les tribunaux s'en remettent généralement au large pouvoir discrétionnaire dont jouissent les syndicats de copropriétaires dans l'exercice de leurs fonctions96(*).

Le syndicat est également autorisé à facturer des frais réguliers aux copropriétaires (comparables à des taxes). Ces frais sont utilisés pour des fonctions telles que le paiement des gardes de sécurité (y compris, pour les communautés fermées, le fonctionnement d'une guérite) et l'entretien des parties communes telles que les couloirs, les allées, les parkings, l'aménagement paysager, les piscines, les centres de remise en forme, les courts de tennis, etc. Le syndicat peut imposer des amendes ou poursuivre les propriétaires en dommages-intérêts et/ou en injonction pour faire respecter les règles de la copropriété.

C. LES DISPOSITIONS APPLICABLES EN CAS DE DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

En cas d'impayé, dans un premier temps, le syndicat envoie une lettre de rappel. La loi californienne est très précise en ce qui concerne la date d'échéance des cotisations et la procédure générale qu'une association doit suivre pour les cotisations en souffrance. Le code civil prévoit que, si une cotisation n'est pas payée dans les 15 jours suivant la date d'échéance, un défaut de paiement est constaté97(*), sous réserve d'un délai plus long éventuellement prévu par le règlement. À ce stade, l'association peut ajouter à la cotisation due des frais de retard d'un montant forfaitaire (10 USD, soit 9,24 euros) ou bien de 10 % du montant de la cotisation mensuelle, le montant le plus élevé étant retenu, à moins que les règlements CC&R ne prévoient un montant inférieur98(*).

Une fois par an, l'association envoie à chaque copropriétaire une copie de la politique de recouvrement des cotisations, qui indique le montant des frais de retard. Dans l'hypothèse où le paiement de la cotisation mensuelle accuse un retard supérieur à 30 jours, le syndicat a le droit d'appliquer des intérêts allant jusqu'à 12 % par an sur le solde impayé dû. Si la cotisation n'est toujours pas payée, l'affaire peut être confiée à un avocat en vue d'un recours contentieux.

Le syndicat est en droit de grever la propriété des montants dus ainsi que d'autres frais tels que les honoraires d'avocat. À l'issue d'une procédure contentieuse, le syndicat peut saisir la propriété du copropriétaire mauvais payeur, sur la décision d'un juge99(*).

D. LES AIDES PUBLIQUES ET DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT EN FAVEUR DES COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉ

Aux États-Unis, l'actualité des dernières années a montré que les syndicats de copropriétaires font face à des défis croissants en matière de financement des réparations essentielles et critiques dans les grandes copropriétés. En 2021, un immeuble s'est effondré près de Surfside (Floride), causant la mort de 98 personnes. La dégradation de la structure du bâtiment avait été mise en cause100(*). Quelques années auparavant, en juin 2015, la chute d'un balcon à Berkeley (Californie), avait provoqué la mort de 6 personnes101(*).

Ces accidents ont marqué l'opinion américaine et mis en lumière la nécessité de réformer la législation des copropriétés à l'échelle fédérale.

Deux initiatives législatives récentes visent à remédier à cette situation par la fourniture de ressources financières supplémentaires et un accès à des prêts assurés par la puissance publique pour les réparations de bâtiments.

La proposition de loi sur le financement rapide des réparations essentielles des logements en copropriété (Rapid Financing for Critical Condo Repairs Act)102(*), déposée en juillet 2022 par un membre de la Chambre des Représentants, issu du parti démocrate et ancien gouverneur de Floride, prévoit que le Département du logement et du développement urbain des États-Unis assure des prêts pour les réparations de bâtiments. Cette initiative est soutenue par le Community Associations Institute (principale organisation représentative des syndicats de copropriétaires) pour qui il est nécessaire de donner aux copropriétaires et aux syndicats de copropriétaires les moyens de maintenir en toute sécurité leurs biens immobiliers, le vieillissement des bâtiments de condominiums et de leur infrastructure103(*).

Cependant, le financement des réparations de copropriétés reste un défi, en grande partie en raison de la complexité des prêts privés disponibles. Les prêts actuels ont souvent des termes de paiement courts et des pénalités de remboursement anticipé, ce qui rend difficile pour les associations de copropriétaires le financement des réparations nécessaires. C'est pourquoi l'accès à des assurances de prêts pour la réhabilitation des bâtiments, fournis par l'agence fédérale FHA (Federal Housing Administration), constituerait une solution alternative pour de nombreux syndicats de copropriétaires104(*).

Une autre proposition de loi a été déposée en avril 2022 par le même représentant, Charlie Crist, sur la garantie de l'accès au financement des réparations extérieures dans les copropriétés105(*) (Securing Access to Finance Exterior Repairs in Condos Act). Ce texte vise à élargir les programmes fédéraux de prêts à la rénovation proposés par le Département du logement et du développement urbain aux prêts aux familles à faibles revenus résidant dans un logement en copropriété pour couvrir le coût des évaluations spéciales imposées pour la réparation ou le remplacement d'éléments des parties communes ou d'équipement de la copropriété.


* 1 Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés.

* 2 Entre 1962 et 2022, selon le Rapport annuel 2024 sur l'état du mal-logement en France de la Fondation Abbé Pierre p. 54.

* 3 Dominique Braye, président de l'Agence nationale de l'habitat, Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés : une priorité des politiques de l'habitat, janvier 2012.

* 4 La réglementation thermique de 1974 a instauré de premières règles relatives à l'isolation thermique et au réglage automatique des installations de chauffage dans les bâtiments d'habitation, introduisant un coefficient G mesurant les déperditions thermiques (décret et arrêté du 10 avril 1974).

* 5 Article 52 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

* 6 Article L. 711-2 du code de la construction et de l'habitation.

* 7 Ces acteurs spécifiques des copropriétés en difficulté seront présentés plus loin.

* 8 https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/registre-national-dimmatriculation-des-coproprietes/

* 9 Voir Éva Simon, L'action publique locale sur les copropriétés dégradées : des politiques publiques différenciées et inégales à Lyon, Marseille et Grenoble, Université Grenoble Alpes, 2017.

* 10 Fichier rassemblant les données du RNIC et des fichiers fonciers.

* 11 Banque des territoires, Mission exploratoire sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté, octobre 2023.

* 12 Banque des territoires, Mission exploratoire sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté, octobre 2023.

* 13 Anah, réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 14 Banque des territoires, Mission exploratoire sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté, octobre 2023.

* 15 Anah, Mémento de l'habitat privé ( https://memento-habitat-prive-anah.hub.arcgis.com), consulté en juin 2024.

* 16 Audition du 19 mars 2024 de la commission d'enquête.

* 17 Article 29-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

* 18 Article 19 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE).

* 19 Article 63 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

* 20 L' article 18 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a prévu une saisine du mandataire ad hoc si l'assemblée générale n'a pas voté sur l'approbation des comptes depuis au moins deux ans.

* 21 Calculs de la commission d'enquête à partir des données transmises par l'Anah, sur 438 000 copropriétés ayant renseigné la date de la dernière assemblée générale. Cette estimation est soumise aux réserves relatives à la qualité des informations entrées dans le RNIC.

* 22 Article 60 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 23 Arrêté du 30 septembre 2011 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à l'habitat indigne et non décent, dénommé « ORTHI » (outil de repérage et de traitement de l'habitat indigne).

* 24 https://histologe.beta.gouv.fr

* 25 Directions départementales des territoires (DDT), agences régionales de santé (ARS), collectivités territoriales dont les Services communaux d'hygiène et de santé (SCHS), agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL), caisses d'allocations familiales, conseils départementaux, Agence nationale de l'habitat (Anah)...

* 26 Site https://histologe.beta.gouv.fr/stats, consulté à la date du 25 juin 2024.

* 27 Réactions de certaines personnes rencontrées par la commission d'enquête, qui ressort aussi de l'ouvrage précité d'Éva Simon, p. 198 : « L'augmentation des ventes et la baisse des prix sont parmi les indicateurs les plus pertinents pour identifier une copropriété en voie de fragilisation ».

* 28 Voir Éva Simon, ouvrage précité, p. 196

* 29 Éva Simon, ouvrage précité, p. 238 et 315.

* 30 Cf. II-D-1.

* 31 Articles 29-1 A et suivants de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

* 32 4° du II de l' article L. 721-2 du code de la construction et de l'habitation, introduit par l'article 54 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 33 Contribution écrite de l'association Urbanis.

* 34 Insee Références, édition 2017 - Fiches - Propriétaires occupants.

* 35 Applicable progressivement à compter du 1er janvier 2025.

* 36 Sont des passoires thermiques les logements dont le diagnostic de performance énergétique est égal ou inférieur à F.

* 37 Audition.

* 38 Audition de M. Hugues Périnet-Marquet, professeur émérite en droit privé à l'université Panthéon-Assas et de M. Jean-Marc Roux, maître de conférences à l'université Aix-Marseille, le mardi 19 mars 2024.

* 39 Cette dérogation est précisée à l'article L.443-15 du code de la construction et de l'habitation.

* 40 Le droit de la copropriété des immeubles bâtis, une solution adaptée aux enjeux des bailleurs sociaux ? Marie-Aline Verdier, Sciences de l'ingénieur, 2020, p.20.

* 41 La copropriété en difficulté - Faillite d'une structure de confiance. Marie-Pierre Lefeuvre, éditions PUCA, 1999.

* 42 Évaluation du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif Pinel, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, novembre 2019.

* 43 Ibid.

* 44 Étude exploratoire : les logements produits grâce à l'investissement locatif aidé des ménages. Phase 6 : Rapprochement des études sur l'investissement locatif et sur les copropriétés, CEREMA, octobre 2014.

* 45 Éva Simon. L'action publique locale sur les copropriétés dégradées : des politiques publiques différenciées et inégales à Lyon, Marseille et Grenoble. Science politique. Université Grenoble Alpes, 2017.

* 46 Audition du ministre Olivier Klein.

* 47 Propos de M. Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, lors de son audition devant la Commission d'enquête le 8 avril 2024.

* 48 Rapport de la mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne, remis à Patrice Vergriete, ministre du Logement, le 23 octobre 2023, par Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire de Mulhouse.

* 49 L'audition libre, encadrée par l'article 61-1 du code de procédure pénale, permet aux policiers, aux gendarmes et aux fonctionnaires dotés de pouvoirs de police judiciaire d'entendre une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction punie ou non d'une peine d'emprisonnement. La personne est entendue sans contrainte et peut quitter les lieux à tout moment.

* 50 A. Bourdin, O. Saint Raymond et M.C. Lutrand, 1991.

* 51 Les petites copropriétés sans syndic - une catégorisation pertinente ? Cahier Copropriétés n° 2, PUCA, Tess Simallaud, 2021.

* 52 Ibid.

* 53 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009.

* 54 Argenteuil, Aulnay-Sevran, Clichy, Épinay-sur-Seine, Évry, Grenoble, Grigny, Marseille, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nîmes, Saint-Etienne-du-Rouvray, Sarcelles, Toulouse, Vaulx-en-Velin, Villepinte.

* 55 Réseau immobilier de l'économie sociale et solidaire fondé sur les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (SACICAP).

* 56 Grigny, Clichy-sous-Bois, Mantes-la-Jolie et Villepinte.

* 57 Anselme Deker. Les enjeux de l'adaptation et de la mise en conformité des règlements de copropriété.

Sciences de l'ingénieur, 2023.

* 58 Article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière.

* 59 Article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965

* 60 Propos de M. Gilles Frémont, président de l'association nationale des gestionnaires de copropriété lors de son audition par la Commission d'enquête le 19 mars 2024.

* 61 Article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation.

* 62 Réponses aux questionnaires budgétaires préalables à l'examen du projet de loi de finances pour 2024.

* 63 Banque des territoires, Mission exploratoire sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté.

* 64 Décret n° 2014-1437 du 2 décembre 2014 relatif aux avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens.

* 65 Dépense fiscale n° 210 321, annexes au projet de loi de finances pour 2024 et au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l'année 2023. Les données des documents budgétaires relatives aux dépenses fiscales sont toutefois de qualité incertaine : ainsi le nombre des bénéficiaires est-il indiqué comme égal à 100 ménages seulement, ce qui paraît peu cohérent avec le coût global.

* 66 Loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

* 67 Voir le rapport n° 342 (2023-2024), d'Amel Gacquerre, rapporteure du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 14 février 2024.

* 68 Article L. 751-1 du code de la consommation.

* 69 La résolution bancaire est un ensemble de mesures organisant la liquidation ordonnée d'un établissement financier en défaillance, en protégeant les dépôts, en limitant les charges pour les contribuables, et l'État intervenant toujours en dernier ressort et en prévenant toute contagion aux autres établissements de crédit ou à l'économie réelle.

* 70 Les SACICAP ont pour objet notamment la réalisation d'opérations d'accession à la propriété de l'habitat destinées à des personnes modestes ( articles L. 215-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation).

* 71  Code civil, articles 3.68 à 3.100. Le code civil belge a été intégralement refondu en 2019. Ses dispositions sont progressivement entrées en vigueur depuis 2019.

* 72 A. Chaigneau et al., Entre propriété privée et gestion collective, les « mondes sociaux de la copropriété », rapport intermédiaire, Université François Rabelais, 2018, p.61.

* 73 Ibid., p.62.

* 74 Ibid., p.64.

* 75 https://fonds.brussels/fr/a-propos/notre-organisation

* 76 https://fonds.brussels/fr/emprunter/credit-ecoreno#paragraph-id-3033

* 77 https://www.flw.be/a-propos-du-flw/qui-sommes-nous/renovation-immobiliere/

* 78 Rapport annuel 2022 du Fonds du Logement des familles nombreuses de Wallonie, p. 42.

* 79  https://www.flw.be/emprunter/travaux/association-de-coproprietaires/les-conditions-du-renopret-pour-acp/

* 80 Ibid, p. 38.

* 81  https://easysyndic.be/actualites/gestion-impayes-charges-copropriete-conseils-et-recours-possibles

* 82  https://www.bancadelpiemonte.it/in-condominio-tre-italiani-su-quattro/

* 83 Ibid.

* 84  https://condominioadvisor.it/responsabilita-edifici-rovina

* 85 REGIO DECRETO 16 marzo 1942, n. 262, Approvazione del testo del Codice civile

* 86  LEGGE 11 dicembre 2012, n. 220 - Modifiche alla disciplina del condominio negli edifici. (12G0241)

* 87  REGIO DECRETO 30 marzo 1942, n. 318 - Disposizioni per l'attuazione del Codice civile e disposizioni transitorie.

* 88 Article 13.

* 89  https://www.studiocataldi.it/condominio/fondo-cassa.asp

* 90 Corte di Cassazione, Penale Sent. Sez. 1 Num. 31 592 Anno 2022.

* 91  https://www.italiaoggi.it/news/facciate-e-balconi-sono-responsabili-i-condomini-2575 425

* 92  https://ilsalvagente.it/2023/05/07/come-funziona-il-finanziamento-condominiale/

* 93  Civil code, division 4 General Provisions, Part 5 Common Interest Developments

* 94  Assembly Bill No. 805, Chapter 180, An act to add Part 5 (commencing with Section 4000) to Division 4 of, and to repeal Title 6 (commencing with Section 1350) of Part 4 of Division 2 of, the Civil Code, relating to common interest developments.

* 95  Villa De Las Palmas Homeowners Assn. v. Terifaj, Supreme Court of California, Jun 14, 2004,

33 Cal.4th 73 (Cal. 2004)

* 96  Lamden v. La Jolla Shores Clubdominium Homeowners Association (1999) Supreme Court of California. En 1999, dans sa décision Lamden v. La Jolla Shores Clubdominium Homeowners Association, la Cour suprême de Californie a conclu que lorsqu'un conseil d'administration d'un syndicat de copropriétaires dûment constitué prend une décision après une enquête raisonnable, de bonne foi, et avec considération pour les meilleurs intérêts de l'association et de ses membres, cette décision doit être respectée par les tribunaux. La cour a adopté une règle de déférence judiciaire envers les décisions des conseils d'administration des syndicats de copropriétaires concernant l'entretien et les réparations des parties communes, semblable à la règle de « business judgment rule » du droit commun. Cette règle s'applique indépendamment du statut juridique de l'association lorsqu'il s'agit de litiges sur des décisions d'entretien ordinaires.

* 97  Civil code, Article 5650.

* 98  Living in a California common interest development, California Department of Real Estate, p. 8.

* 99 Ibid.

* 100  https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/29/effondrement-d-un-immeuble-en-floride-dans-une-lettre-les-residents-s-inquietaient-de-la-vetuste-du-batiment_6086 249_3210.html

* 101  https://www.berkeleyside.org/2017/11/21/deadly-berkeley-balcony-collapse-lawsuit-settled

* 102  https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/8304 ?s=1&r=18

* 103  https://blog.caionline.org/condo-repairs-federal-bill-provides-access-to-financing-for-building-rehabilitation-loans/

* 104 Ibid.

* 105  https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/7532

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