C. RENFORCER LES INSTANCES DE GOUVERNANCE DE LA COPROPRIÉTÉ

1. Inciter à la mobilisation autour d'un bien commun

Les travaux de la commission d'enquête ont permis de partager un constat : la complexité de la gouvernance de la copropriété contribue grandement au phénomène de dégradation observé. En ce sens, la commission d'enquête souhaite, d'une part, porter des recommandations en faveur d'une simplification du droit de la copropriété permettant une mobilisation accrue de l'ensemble des acteurs et d'autre part, en faveur d'une meilleure coordination de chaque instance de décision et de consultation au sein de la copropriété.

a) Mieux informer pour mieux mobiliser

Les risques de démobilisation des parties prenantes et de paralysie de la copropriété imputables au manque de compréhension du fonctionnement de la copropriété, ainsi que les difficultés à identifier en amont le coût financier complet que suppose l'accès à la copropriété, plaident en faveur d'un renforcement de l'information des copropriétaires, notamment des primo-accédants, ainsi que des locataires.

En effet, la capacité d'un ménage à avoir un regard éclairé quant à l'ensemble des coûts et des responsabilités que suppose le passage à la copropriété est crucial afin d'assurer que ce dernier ne se trouvera pas en situation de précarité et d'incapacité à contribuer aux charges.

À cet égard, l'article L. 721-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit, depuis la loi ALUR de mars 2014, l'obligation d'annexer à la promesse de vente une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété. Cette notice d'information comprend :

- les documents relatifs à l'organisation de l'immeuble (le règlement de la copropriété, l'état descriptif de la division, les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années) ;

- certaines informations financières (le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par les copropriétaires au titre des deux exercices comptables précédant la vente, les sommes susceptibles d'être dues au syndicat des copropriétaires par l'acquéreur, l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs, le cas échéant le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu) ;

- le carnet d'entretien de l'immeuble ;

- une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété ;

- le cas échéant, les conclusions du diagnostic technique global ;

- le plan pluriannuel de travaux.

Ce niveau d'information est primordial afin que les nouveaux acquéreurs disposent premièrement d'informations quant à l'organisation et au fonctionnement des instances de la copropriété, ainsi que d'un aperçu précis des charges liées à la gestion de l'immeuble.

Or, le contenu de la notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété est renvoyé à la prise d'un arrêté du ministre chargé du logement, dont l'absence depuis plus de dix ans empêche l'application de la disposition. Interrogé à ce sujet lors de son audition devant la commission, le ministre chargé du logement a reconnu ce retard et indiqué demander aux services de l'administration d'y remédier.

La commission d'enquête recommande la publication de cet arrêté afin que cette mesure soit enfin appliquée. La publication de cet arrêté pourrait permettre l'ajout de certaines informations comprises dans la notice, notamment dans le cas d'une acquisition de lot au sein d'une copropriété mixte à la suite d'une vente par un organisme de logement social, particulièrement sujette au risque de paupérisation.

Les efforts en matière d'information et de formation au fonctionnement de la copropriété doivent être assurés au quotidien et à l'égard de l'ensemble des parties prenantes. Plusieurs personnes entendues dans le cadre des auditions ont rappelé le faible respect des obligations en matière d'information des copropriétaires par les syndics introduits par la loi SRU, qui prévoit l'affichage, dans les parties communes, des décisions prises en assemblée générale relatives à l'entretien de l'immeuble et aux travaux votés. Cette information accessible à tous les résidents est pourtant essentielle notamment afin de garantir l'accès à l'information des locataires, auxquels le syndic n'est pas tenu de répondre.

En parallèle des enjeux d'information des occupants se pose la question de la formation des copropriétaires au fonctionnement même des instances de la copropriété.

De fait, il est observé que de nombreux copropriétaires, notamment de petites copropriétés anciennes sans syndic professionnel, ignorent les obligations de constituer les instances de décision de la copropriété et gèrent en conséquence leur bien par des échanges informels, en l'absence de gouvernance formalisée.

D'autres situations révèlent que même lorsque les organes de décision sont constitués ou qu'un syndic professionnel ou bénévole a été désigné, la méconnaissance du rôle des copropriétaires et du fonctionnement d'une copropriété peut conduire à l'isolement et la démobilisation de certains. Les locataires pâtissent également d'un manque de connaissance de l'écosystème de la copropriété et peuvent subir des situations de dégradation sans savoir vers qui se tourner pour alerter et réagir.

Afin de remédier à ces situations qui conduisent, tôt ou tard, à la dégradation de la copropriété, des actions d'information et de formation de proximité voient le jour. Celles-ci sont premièrement impulsées par les élus locaux et les collectivités qui prennent de plus en plus conscience de l'ampleur de la « face cachée » de la dégradation des centres-bourgs dont ils sont les témoins. Ils peuvent à ce titre solliciter les agences départementales d'information sur le logement (ADIL) qui mènent un travail de sensibilisation des occupants et des copropriétaires au sujet du fonctionnement de la copropriété.

Les Adil animent également des formations ou des réunions à destination de copropriétaires, de conseillers syndicaux, de syndics bénévoles ou professionnels afin de les sensibiliser sur le fonctionnement de la copropriété, la prise en charge des copropriétés dépourvues de syndic et à la mise en oeuvre des politiques publiques en faveur des copropriétés.

Par ailleurs, le réseau porte de nombreuses interventions en matière de prévention de la dégradation des copropriétés : plusieurs ADIL sont mobilisées dans le traitement individuel de copropriétés désorganisées, fragiles voire en difficulté dans le cadre d'un Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement (POPAC) ou d'une OPAH-copropriétés dégradées. L'ADIL du Doubs est ainsi intervenue lors d'un atelier organisé dans le cadre du POPAC de Grand Besançon Métropole pour informer les futurs acquéreurs d'appartements en copropriété, sur leurs devoirs et obligations, afin de prévenir les éventuelles difficultés. Les Adil peuvent également accompagner des copropriétés dégradées à réinstaller un syndic, notamment bénévole, afin de restaurer la gouvernance de ces structures.

Devant le constat du rôle central des ADIL pour la détection et la résolution des premiers signes de dégradation des copropriétés ainsi que pour l'appropriation des normes en matière de logement, la commission d'enquête souhaite s'assurer que ce réseau dispose de moyens financiers suffisants pour renforcer et déployer plus largement leurs actions sur l'ensemble du territoire.

Les Adil bénéficient en effet de quatre sources de financement :

- l'État, au titre du programment budgétaire n° 109 Aide à l'accès au logement, pour un montant représentant 9,4 millions d'euros pour l'année 2024, en légère hausse vis-à-vis de l'année précédente (9,3 millions d'euros).

- Action logement, au titre de la convention quinquennale 2023-2027 entre l'État et les partenaires sociaux d'Action logement, qui prévoit le versement annuel de 9 millions d'euros.

- la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), depuis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui assure dans le cadre d'une convention-cadre triennale un versement fixe à chaque Adil (5 777 euros par département) auquel s'ajoute une part variable en fonction du nombre de logements sociaux dans le département. La convention triennale prévoit également que certaines Adil reçoivent un financement spécifique pour la mise en place des observatoires des loyers. En 2022, ce financement s'élevait pour l'ensemble des ADIL à 1,7 million d'euros.

- les collectivités, en fonction de leur besoin et de leur souhait d'accompagnement.

Plusieurs acteurs de terrain soulignent que le financement octroyé par Action logement, à hauteur de 9 millions d'euros, n'a pas évolué depuis 10 ans en dépit de l'élargissement du rôle et du maillage territorial des agences, et demeurera constant jusqu'en 2027.

Le montant global du financement de l'ANIL et de l'Adil pourrait faire l'objet d'une réévaluation périodique, en cohérence avec le niveau d'inflation et en tenant compte de l'objectif de déploiement d'une Adil dans chaque département.

Il convient de souligner que les Adil ne sont pas les seuls acteurs de proximité qui mènent des actions de sensibilisation et de formation des acteurs des copropriétés, puisque l'association nationale de défense des consommateurs consommation, logement et cadre de vie (CLCV), travaille de concert avec les agences départementales. Les maisons de l'habitat sont également des lieux de partage d'information sur l'accès et la gestion des logements.

En outre, les organismes HLM ont indiqué porter beaucoup d'attention à l'accompagnement des ménages dans leur nouveau statut de copropriétaire auxquels certains organismes proposent des réunions d'information sur la copropriété juste avant la livraison de la résidence et dans l'année qui suit afin de les inciter à s'investir dans la gestion de leur copropriété, organisent des sessions de formation, et distribuent des plaquettes d'information.

En raison des risques accrus de paupérisation des ménages acquérant un lot en copropriété mixte, la commission d'enquête souhaite renforcer les obligations des OLS de conduire des actions d'information et de formation à destination des primo-accédants. Cela pourrait se concrétiser par l'organisation d'ateliers ou de temps d'échange avec les nouveaux arrivants afin de présenter le fonctionnement de la copropriété ainsi que les conséquences induites par leur nouveau statut de propriétaires.

En outre, afin de poursuivre l'objectif de pleine information des copropriétaires, mais également afin de garantir que l'acquisition d'un bien ne constitue pas pour ces derniers un risque financier démesuré, plusieurs acteurs de l'immobilier plaident pour une meilleure prise en compte par les établissements bancaires des charges de copropriété et des travaux avant l'octroi d'un prêt à un ménage.

Cela pourrait se concrétiser par l'inclusion des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux dans le calcul du taux d'endettement des ménages au sein des charges annuelles d'emprunt, qui ne doivent pas excéder 35 % des revenus annuels des ménages emprunteurs en vertu la décision n° D-HCSF-2021-7 du Haut Conseil à la stabilité financière du 29 septembre 2021.

Cette bonne pratique permettrait de s'assurer qu'un ménage n'accède pas à la copropriété sans être réellement en mesure de prendre en charge la totalité des coûts induits par cet achat, mettant en péril sa propre stabilité financière, mais également celles de l'ensemble des copropriétaires, solidaires des dettes à venir. Actuellement, le « taux d'effort » des ménages n'est, par défaut, établi que sur la base du coût total du crédit pour l'emprunteur, incluant les intérêts, frais, taxes et commissions, mais non les charges de copropriété à venir.

Proposition : Renforcer les obligations d'information et de formation des nouveaux acquéreurs en copropriété. Cela doit notamment se concrétiser :

- par la publication de l'arrêté mentionné au 4° du II de l'article L721-2 du code de la construction et de l'habitation afin de permettre l'information pleine et entière des acquéreurs d'un lot soumis au statut de la copropriété ;

- par la prise en compte systématique par les établissements bancaires des charges et des montants prévus par le plan pluriannuel de travaux de la copropriété pour le calcul du taux d'effort d'un ménage souhaite contracter un prêt ;

- par le maintien ou le renforcement des financements étatiques à destination des agences départementales d'information sur le logement afin de permettre un déploiement des Adil dans l'ensemble des départements.

b) Rendre plus accessible le droit de la copropriété

La complexité du droit de la copropriété tient pour partie à l'éparpillement des dispositions sur sa gouvernance entre plusieurs textes, puisque, outre la loi du 10 juillet 1965, des dispositions issues de la loi ALUR, conçues pour s'appliquer aux immeubles en copropriété, sont intégrées au code de la construction et de l'habitation (articles L. 711-1 sur le registre d'immatriculation des copropriétés, L. 721-1 sur l'information des acquéreurs de lot, L. 731-1 sur l'entretien, la conservation et l'amélioration des immeubles relevant du statut de la copropriété). Cette complexité s'explique également par l'empilement des modifications de la loi du 10 juillet 1965 sans que ne soit procédé à un nettoyage et une harmonisation de l'ensemble de ce cadre juridique.

En 2018, la loi ÉLAN avait entrepris de rassembler et d'harmoniser l'ensemble de ces normes en habilitant le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative d'un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis. Cette habilitation visait à regrouper et organiser l'ensemble des règles régissant le droit de la copropriété, ainsi qu'à prendre des mesures visant à améliorer la gestion des immeubles et à prévenir le contentieux.

La codification aurait permis une clarification globale du cadre juridique applicable à la copropriété en assurant :

- la redéfinition du champ d'application et l'adaptation des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété,

- la modernisation et l'adaptation des règles d'organisation et de gouvernance de la copropriété,

- l'harmonisation de l'ensemble des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, modifiée à de nombreuses reprises.

Le ministère de la Justice indique que cette codification n'a pas été possible en raison de l'absence d'une version stabilisée des textes, l'habilitation à codifier, d'une durée de deux ans, ayant expiré avant la publication de l'ensemble des décrets d'application de l'ordonnance portant réforme du droit.

Les spécialistes du droit de la copropriété comme les acteurs de terrain affirment que cette codification demeure nécessaire. Il serait ainsi pertinent de reprendre l'entreprise de codification, cette fois à droit constant, afin de poursuivre les objectifs d'intelligibilité et de simplification de ces dispositions. À ce titre, la direction des affaires civiles et du sceau a indiqué à la commission d'enquête que « les travaux de codification engagés dans cette optique et présentés à la Commission supérieure de codification devraient pouvoir être repris, cette fois à droit constant, le cas échéant avec une nouvelle habilitation. » Cette codification devrait concerner les dispositions législatives et réglementaires afin de présenter un ensemble cohérent et unifié.

Le processus de codification permettrait l'inclusion de toutes les formes de propriété partagée dans un seul texte, notamment les associations syndicales libres (ASL) afin de reconnaître pleinement ses similarités avec le régime de la copropriété et garantir la levée des blocages juridiques susmentionnés induits par l'ordonnance de 2004.

Proposition : Procéder à la codification du droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de procéder au regroupement, à l'harmonisation et à la modernisation de l'ensemble des dispositions juridiques encadrant le fonctionnement des copropriétés relevant de la loi de 1965 comme celles de fait relevant d'autres dispositifs juridiques.

Les travaux de la commission d'enquête ont également permis d'identifier les difficultés de gestion de la copropriété engendrées par l'ancienneté et la complexité de la plupart des règlements de copropriété.

Le règlement de copropriété dans la loi du 10 juillet 1965

L'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que toute copropriété dispose d'un règlement conventionnel de copropriété, qui précise la destination des parties tant privatives que communes (dont les parties communes spéciales) ainsi que les conditions de leur jouissance.

Le règlement prévoit la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

Le règlement détermine également, dans le respect des dispositions de la loi, les règles de fonctionnement et les pouvoirs des assemblées générales.

Le règlement est, en règle générale, rédigé par un professionnel (notaire, géomètre-expert) au moment de la construction de l'immeuble ou de sa division en lots ou a posteriori, par le syndicat de copropriétaires lors d'une assemblée générale. À défaut d'accord, le règlement de copropriété peut également résulter d'une décision de justice. Il est modifié par le syndicat des copropriétaires, après inscription par le syndic de ce point à l'ordre du jour. Le syndic est en charge de son exécution. Le règlement de copropriété et toutes les modifications ultérieures sont publiés par un notaire au service de publicité foncière.

Le règlement de la copropriété doit théoriquement être mis à jour de manière régulière afin de prendre en compte les évolutions normatives ainsi que les éventuelles modifications d'usage au sein de la copropriété.

Toutefois, nombre de règlements de copropriété sont difficiles à appliquer.

Dans les copropriétés les plus anciennes, antérieures à 1965, le règlement de copropriété peut être rédigé selon les normes antérieures à la loi du 10 juillet 1965. De plus, les actes de copropriété les plus anciens, antérieurs à la création de la publicité foncière en 1955, sont souvent absents du règlement de la copropriété.

Pour les règlements ayant fait l'objet d'une actualisation périodique, l'ajout de dispositions et l'empilement de normes nouvelles peuvent rendre difficilement compréhensible le document pour les copropriétaires.

La modification du règlement suppose par ailleurs que les copropriétaires ou le syndic aient connaissance de l'évolution du cadre normatif et réunissent périodiquement une assemblée générale afin de statuer sur sa modification. Il convient néanmoins de relever que la loi SRU a simplifié l'actualisation du règlement, en autorisant sa modification à la majorité simple lorsqu'elle vise à mettre le document en conformité avec le droit actuel.

Un travail de recherche d'Anselme Deker en 2023 souligne également l'inadaptation fréquente des règlements établis entre les années 1965 à 2000 en raison des multiples modifications législatives intervenues depuis lors et des défauts de publicité de certaines délibérations d'assemblées générales rendant peu compréhensibles certaines évolutions du règlement57(*). Anselme Deker insiste en outre sur la réticence que peuvent avoir les copropriétaires à procéder à la mise en conformité de leur règlement en raison du coût financier que cela engendre, du temps mobilisé et de la crainte que les modifications apportées ne leur soient défavorables.

Pour toutes ces raisons, les petites copropriétés disposent rarement de règlement de copropriété conforme au cadre juridique en vigueur. Cela constitue une source additionnelle de blocages au sein de la copropriété, notamment lors de l'arrivée de nouveaux copropriétaires ou d'un conflit de voisinage.

Le travail de mise en conformité des règlements de copropriété ne peut reposer que sur l'action des syndics professionnels, dont on sait qu'ils sont peu présents sur les petites copropriétés ou les copropriétés dégradées. Dès lors, il conviendrait que la puissance publique accompagne l'ensemble des copropriétés, y compris celles gérées par des syndics non professionnels, par la prise en charge de nouvelles missions :

- Premièrement, la rédaction d'un règlement de copropriété type, qui pourrait servir de base de rédaction à toute copropriété n'en disposant pas ou venant d'être créée. Cela permettrait de garantir que l'ensemble des dispositions nouvelles, notamment issues des lois ALUR et ELAN, y figurent bien. Un règlement type ne pourrait néanmoins faire l'économie d'un travail particulier de recensement des lots et de calcul de la répartition des clés de charges.

- Deuxièmement, le recensement des normes nouvelles à inclure au sein des règlements de copropriété. Cela permettrait à des copropriétaires et à des syndics bénévoles d'accéder simplement aux dispositions à inclure dans le document, même sans suivre les nombreuses actualités législatives.

- Troisièmement, l'élaboration de dispositions spécifiques relatives au fonctionnement particulier des petites copropriétés, permettant la rédaction de contrat allégé. La loi du 10 juillet 1965 reconnaît en effet un statut particulier aux petites copropriétés, de moins de cinq lots ou disposant d'un budget prévisionnel moyen inférieur à 15 000 euros, ainsi qu'aux copropriétés dont le syndicat n'est composé que de deux copropriétaires. Il conviendrait dès lors de prévoir la rédaction de contrats standards spécifiques aux petites copropriétés et aux copropriétés à deux, afin d'accompagner les copropriétaires ne pouvant compter sur l'aide d'un syndic professionnel pour la rédaction et la mise à jour de leur règlement.

- Enfin, ce travail de standardisation des dispositions de règlement pourrait permettre de clarifier un ensemble de pratiques dont le développement rapide ne permet pas aux copropriétaires d'établir un véritable encadrement, engendrant une multiplication des conflits d'usage. Comme l'illustre la massification du recours à la location de courte durée de type « Airbnb », les copropriétés sont de plus en plus confrontées à des usages nouveaux, non encadrés par les règlements de copropriété. Il serait opportun de mettre à la disposition des copropriétaires et des syndics des clauses types quant à l'utilisation des parties privatives et communes ou l'augmentation des charges pour ce type d'usage, afin de faciliter l'adaptation des règlements à cet effet.

Les professionnels de l'immobilier rappellent également la nécessité d'associer les syndics à la phase de conception du règlement de copropriété, afin de garantir l'adéquation entre la configuration du bâti, notamment des parties prenantes, avec les usages qui en seront faits tant par les copropriétaires que par les locataires.

Proposition : Confier au ministère de la Justice la rédaction d'un règlement de copropriété type ainsi que la création d'une plateforme digitale recensant les dernières dispositions législatives devant entraîner modification du règlement de la copropriété.

c) Faciliter la prise de décision et la gouvernance au sein des copropriétés
(1) Renforcer l'inclusion des occupants

Les professionnels de l'immobilier, les associations en faveur du logement et les représentants des copropriétaires et des locataires rencontrés au cours des auditions et des déplacements de la commission d'enquête ont tous pointé du doigt l'importance de l'inclusion de l'ensemble des parties prenantes de la copropriété dans sa gestion quotidienne. De fait, plus l'appropriation des enjeux de la copropriété est partagée de tous, plus l'usage et l'entretien des parties communes comme privatives seront respectueux et durables.

Cette mobilisation d'ensemble doit se matérialiser dans les instances de gouvernance de la copropriété, tout en garantissant le respect des droits de propriétaires tels qu'ils découlent du cadre constitutionnel français.

Ainsi, il est fréquemment formulé le souhait de permettre l'inclusion des locataires au sein de l'assemblée générale.

En l'état du droit, le locataire ne peut assister à une assemblée générale qu'à deux occasions :

- S'il a été désigné mandataire par un copropriétaire et s'exprime à ce titre au nom de son copropriétaire.

- S'il représente une association de locataire qui regroupe au moins 10 % des locataires de la copropriété58(*). Il peut à ce titre formuler des observations sur les questions inscrites à l'ordre du jour.

Toutefois, l'information et la consultation des locataires permettent une meilleure appropriation des enjeux de gestion et d'entretien par les locataires et peuvent contribuer à pacifier la gouvernance de la copropriété. En conséquence, il apparaît opportun de poursuivre cette démarche d'ouverture, en constituant une nouvelle instance de consultation des occupants, sans que celle-ci n'ait de pouvoir de décision équivalent à celui dont dispose l'assemblée générale.

La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a créé au sein de la loi du 10 juillet 1965 un « conseil des résidents » composé de l'ensemble des personnes demeurant à titre principal dans l'immeuble. La possibilité de créer un conseil des résidents est réservée aux résidences services en copropriété offrant des services collectifs (salle d'animation, salle de restaurant) aux propriétaires comme aux locataires59(*).

Ce conseil est réuni par le syndic avant la tenue de l'assemblée générale, dont l'ordre du jour lui est communiqué. Le syndic communique également au conseil des résidents les comptes rendus de l'assemblée générale ainsi que toutes les informations relatives aux services fournis dans la résidence, afin que le conseil émette un avis, notamment sur le besoin de créer ou supprimer un service.

Comme l'a souligné l'association nationale de défense des consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), ce modèle de consultation des occupants pourrait être élargi à l'ensemble des copropriétés puisqu'il permet de concilier l'intégration et l'écoute des locataires ainsi que l'accès réservé à l'assemblée générale aux copropriétaires.

Cette nouvelle instance pourrait notamment permettre aux résidents de s'exprimer sur des enjeux du quotidien, tels que la gestion des déchets ou l'aménagement de la copropriété aux mobilités durables, en adoptant une position qui serait par la suite présentée au conseil syndical et lors de l'assemblée générale.

En outre, dans une logique d'information, les locataires mandatés pourraient se voir offrir la possibilité d'assister aux délibérations de l'assemblée générale et du conseil syndical, facilitant leur compréhension des évolutions actées dans le cadre de ces instances. Cette proposition, dans le cadre de la consultation citoyenne menée par la commission d'enquête a obtenu plus de 58 % d'avis favorables.

Proposition : Renforcer l'inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l'ensemble des copropriétés :

- de créer un conseil de résidents se réunissant en amont et/ou en aval des assemblées générales, ou lorsque les résidents en ressentent la nécessité ;

- de permettre à des locataires mandatés d'assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.

Comme mentionné précédemment, le seuil de copropriétaires résidant dans l'immeuble est un facteur qui joue sur la bonne évolution de la copropriété. Les copropriétaires occupants sont en effet statistiquement plus mobilisés pour les choix de gouvernance permettant de préserver le bâti et la fonctionnalité des parties communes, étant soumis au quotidien à l'impact de ces décisions. À cet égard, il pourrait être intéressant de valoriser au mieux la voix de ces copropriétaires « actifs » qui actuellement disposent du même pouvoir de décision que les copropriétaires bailleurs sur l'entretien de la copropriété.

Pour rappel, le pouvoir de décision de chaque copropriétaire au sein de l'assemblée générale découle actuellement de la quote-part attachée à son lot. L'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l'attribution à chaque lot de copropriété une quote-part des parties communes en fonction de la typologie du bien (superficie, caractéristiques, emplacement). L'article 5 de la même loi précise que « dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes, tant générales que spéciales, afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l'ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation ». La quote-part rattachée à chaque partie privative définit ensuite le nombre de voix dont dispose chaque copropriétaire, c'est-à-dire son pouvoir de décision au sein de l'assemblée générale. La quote-part constitue également la base de calcul pour la répartition des charges.

En conséquence, il est difficile d'attribuer un niveau de quote-part supérieur aux copropriétaires résidents que l'on souhaiterait favoriser, puisque cela irait de pair avec une hausse des charges leur incombant.

Il serait dès lors souhaitable qu'une réflexion soit ouverte, en lien avec le ministère de la Justice, autour de la mise en place d'un « bonus copropriétaire occupant », permettant une majoration du droit de vote lors de l'assemblée générale.

Ce bonus pourrait faire l'objet d'une limitation aux seules décisions concernant l'entretien et la vie quotidienne (gestion des déchets, utilisation de certains espaces partagés) afin d'être cohérent avec l'objectif d'une gestion durable du bien.

Proposition : Confier au ministère de la Justice une réflexion autour de l'octroi d'un « bonus copropriétaires résidents » aux copropriétaires occupants lors des votes en assemblée générale ayant trait à certaines questions d'entretien et de vie quotidienne de la copropriété.

(2) Permettre une action rapide et agile en renforçant le pouvoir décisionnaire du conseil syndical

Outre l'inclusion renforcée de l'ensemble des parties prenantes, la bonne gestion de la copropriété repose sur la capacité du syndicat à prendre et faire exécuter des décisions. Les situations de dégradation des copropriétés peuvent ainsi résulter d'une paralysie des instances de décisions des copropriétés, notamment dans les grands ensembles où la réunion de l'assemblée générale est difficile et où le quorum est rarement atteint.

Afin de parer ces situations, l'assemblée générale peut faire le choix de déléguer son pouvoir exécutif au conseil syndical selon deux modalités.

Premièrement, l'assemblée générale peut recourir à une délégation de pouvoir spéciale, sur la base de l'article 25 a), accordée à la majorité des voix de tous les copropriétaires et concernant la prise de décision ou d'un acte mentionné à l'article 24, dont notamment :

- les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ;

- les modalités de réalisation et d'exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, ou à la suite d'une déclaration d'utilité publique ;

- les travaux d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite ;

- la réalisation d'un diagnostic technique global ;

- la décision d'installation de certains nouveaux équipements.

Cette délégation est cantonnée à une décision précise, définie par avance lors du vote de la délégation par l'assemblée générale.

Deuxièmement, depuis l'ordonnance de 2019, l'article 21-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit une délégation dite générale de pouvoirs au conseil syndical de plus de trois membres. Celle-ci ouvre la possibilité pour l'assemblée générale, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de déléguer au conseil syndical le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité des voix exprimées par des copropriétaires présents, représentés ou votant par correspondance, pour une durée maximum de deux ans renouvelables.

La délégation générale de pouvoir ne peut toutefois pas porter sur l'approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par des modifications législatives ou réglementaires.

Cette délégation est limitée par la définition d'un montant maximal des sommes allouées au conseil syndical pour mettre en oeuvre sa délégation de pouvoir.

L'extension du pouvoir de délégation prévue par l'ordonnance de 2019 semble aller dans le bon sens : elle permet de simplifier la gestion et la prise de décision de la copropriété et s'avère particulièrement pertinente dans les grands ensembles où l'absence aux assemblées générales est un frein persistant à la prise de décision et à la bonne gestion de la copropriété.

Dès lors, cette mesure gagnerait à être rendue plus systématique. À titre de comparaison, le modèle de la copropriété aux États-Unis, et notamment en Californie, fonctionne selon un mode de gouvernance proche de celui d'une collectivité publique, avec un organe exécutif plus puissant qu'en France. Le conseil syndical s'apparente ainsi à un conseil d'administration de l'association des copropriétaires, qui peut édicter des règles juridiquement contraignantes pour les résidents, collecter des frais pour l'entretien des parties communes et appliquer des sanctions en cas de non-conformité.

Ce modèle permettant une prise de décision simplifiée pourrait trouver toute son utilité dans le cadre des grandes copropriétés aux structures complexes, pour lesquelles le modèle de l'assemblée générale de la loi du 10 juillet 1965 est mal adapté. Il serait également utile pour remédier à la baisse de mobilisation d'une part des copropriétaires et permettrait une continuité dans la prise de décision, sans nuire au fonctionnement démocratique de la copropriété.

Il pourrait ainsi être envisagé un renforcement des pouvoirs exécutifs du conseil syndical, afin de transformer ce dernier en un véritable conseil d'administration de la copropriété. Ce conseil se verrait confier par principe la gestion d'un pourcentage minimal de 10 % du budget prévisionnel de la copropriété. Ce montant pourrait faire l'objet d'un rehaussement à la suite d'un vote en assemblée générale, notamment afin de confier au conseil syndical la gestion de travaux de rénovation ou d'entretien aux montants plus conséquents.

En effet, actuellement, la portée des délégations générales de pouvoir aux conseils syndicaux est limitée par les faibles montants engagés. Fréquemment, de petits travaux réguliers épuisent le montant défini et l'assemblée générale est appelée à se prononcer au sujet de dépenses ayant déjà été validées par le passé par le conseil syndical. Le pouvoir exécutif confié au conseil gagnerait dès lors à être systématisé, en faisant évoluer les pouvoirs confiés au conseil syndical.

Proposition : Faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété, muni de pouvoirs exécutifs étendus et systématiques. Le conseil syndical se verrait ainsi confier la gestion d'une part minimale de 10 % du budget de la copropriété.

(3) Réduire l'influence des copropriétaires mauvais payeurs

L'analyse de législation comparée réalisée par les services du Sénat à la demande de la commission d'enquête montre que certains États vont plus loin que la France afin de lutter contre la paralysie des instances de décisions de la copropriété, soit en contrôlant l'accès et le maintien de certains copropriétaires au sein de la copropriété, soit en excluant de la prise de décision les copropriétaires qui conduisent à la dégradation de la copropriété.

En effet, aux États-Unis et en Allemagne, les copropriétaires jouissent d'un droit de regard quant à la présence et au maintien des copropriétaires mauvais payeurs au sein du syndicat.

En Allemagne, une loi du 15 mars 1951 prévoit une procédure d'éviction des copropriétaires ne respectant pas les obligations légales auxquelles ils sont tenus en matière d'utilisation des parties privatives et communes et vis-à-vis des autres copropriétaires. Aussi, si un copropriétaire a commis à l'égard des autres copropriétaires une violation grave de ses obligations conduisant ceux-ci à ne plus vouloir vivre en copropriété avec lui, les copropriétaires peuvent exiger de lui la vente de son appartement.

Un retard de paiement des charges et des coûts de plus de trois mois pour un montant supérieur à 3 % de la valeur fiscale de son appartement peut être considéré comme un manque suffisamment grave pour l'enclenchement de la procédure d'éviction.

Aux États-Unis, plusieurs régimes de copropriété existent, notamment le cooperative housing corporation (« co-op »), le condominium. Le régime juridique des « co-op » prévoit l'approbation par le conseil d'administration de tout candidat à l'acquisition d'un lot au sein de la copropriété, ainsi que de tout nouveau locataire. Le conseil est ainsi autorisé à s'assurer de la capacité financière de l'acquéreur à faire face au coût de la copropriété, en examinant les comptes bancaires, les revenus et les éventuelles dettes, ainsi que son respect du règlement de la copropriété. 75 % des immeubles en copropriété à New York sont des cooperative housing corporation.

Comme le rappelle Soliha, les copropriétaires en droit français ne disposent pas de cette faculté de choix des nouveaux ménages, dont ils vont pourtant être solidaires d'un point de vue financier.

Cette solidarité de fait rend nécessaire le renforcement des capacités en matière de recouvrement des charges, ainsi que s'agissant de la réduction de la capacité de blocage des copropriétaires mauvais payeurs, comme cela est le cas en Espagne ou en Italie. En Espagne, les copropriétaires qui n'ont pas acquitté leurs charges peuvent assister à l'assemblée générale, mais sont privés de droit de vote. Celui-ci ne leur est accordé de nouveau que lorsqu'ils ont régularisé leur dette vis-à-vis du syndicat ou s'ils ont engagé une contestation judiciaire relative au montant des charges et procédé à la consignation de la somme contestée chez un notaire. En Italie, l'article 18 de la loi n° 220 du 11 décembre 2012 ouvre la possibilité pour le syndic de suspendre des services communs à l'immeuble le copropriétaire dont le retard de paiement de charge dépasse un semestre.

En 2023, la proposition de loi n° 894 de M. Vincent Seitlinger (Les Républicains) visant à interdire aux copropriétaires en défaut de voter aux assemblées générales portant des dispositions similaires a été déposée à l'Assemblée nationale. L'article unique de la proposition de loi vise à inscrire au premier alinéa de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 que « tout copropriétaire qui, à la date de la convocation de l'assemblée générale, n'a pas payé deux appels de charges trimestrielles consécutifs ou plus, ne peut prendre part au vote des délibérations de ladite assemblée générale ».

Un tel dispositif présenterait l'avantage de garantir que les mauvais payeurs ne voteront pas dans leur intérêt propre - en faveur d'une réduction des charges et des dépenses - en mettant de côté l'entretien durable de la copropriété, comme le font les marchands de sommeil dans une stratégie délibérée pro dégradation. Cependant, afin de prévenir les cas où un copropriétaire refuse d'acquitter ses charges, car il les conteste, la présente proposition de loi gagnerait à être enrichie des mêmes garde-fous prévus par le droit espagnol, c'est-à-dire le maintien du droit de vote à la condition de consigner la somme due chez un notaire dans l'attente d'une décision de justice. Une telle proposition devrait aussi bien distinguer les impayés « volontaires » de ceux résultant de difficultés sociales et économiques.

Par ailleurs, une telle interdiction de vote pourrait conduire au renforcement de la paralysie de l'assemblée générale, les seuils de majorité étant plus compliqués à atteindre. Dès lors, des modalités de fonctionnement spécifique des votes en assemblée générale devraient être établies lorsqu'un certain seuil de mauvais payeurs est atteint au sein d'une même copropriété, notamment en précisant que les voix des propriétaires débiteurs sont déduites du décompte total ainsi qu'en délimitant le type de décisions pour lesquelles l'interdiction s'applique. Cela pourrait notamment être le cas des votes relatifs au choix du syndic (afin que le copropriétaire débiteur ne puisse exercer de pression sur ce dernier) ou pour le vote des travaux.

Cette nouvelle disposition viendrait compléter les limitations actuelles du droit au vote des copropriétaires et notamment celle créée par la loi ALUR, qui précise «  si l'assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en Justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d'un lot d'un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat la voix de ce copropriétaire n'est pas pris en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l'article 22.  »

Afin de faciliter la prise de décision et limiter les recours contentieux de copropriétaires désinvestis souhaitant renforcer les blocages, la commission d'enquête propose également de restreindre la possibilité de porter un recours contentieux contre les décisions d'assemblée générale aux seuls copropriétaires ayant participé à l'assemblée générale ayant pris la décision contestée, ayant mandaté un tiers lui-même présent ou étant excusé pour motif impérieux. En effet, comme le souligne l'Unis, « les multiples possibilités de participation à distance, le vote par correspondance, et la possibilité de se faire représenter doit inciter fortement les copropriétaires à s'impliquer pour ne pas pénaliser les autres et bloquer les projets ».

Proposition : Limiter le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges et le droit de recours contre les décisions d'assemblées générales des copropriétaires n'y assistant pas.

2. Faciliter la résolution des blocages en réarmant les professionnels face aux situations difficiles
a) Faire évoluer la profession de syndic

Comme l'ont démontré les auditions et les déplacements de la Commission d'enquête, les syndics professionnels ont un rôle central à jouer pour le devenir des copropriétés : rigoureux, ils sont identifiés comme tiers de confiance et assurent le respect de l'ensemble des normes et la régularité des comptes de la copropriété ; défaillants, ils contribuent à la perte de confiance et de mobilisation des copropriétaires et entraînent la copropriété dans la spirale de la dégradation.

Dès lors, les syndics doivent d'une part, voir leur capacité à résoudre les situations de blocages renforcée, et d'autre part, être soumis à un contrôle accru afin de prévenir d'éventuelles défaillances. Il est à noter que les syndics entendus dans le cadre de la commission d'enquête ont appelé à une plus forte structuration et à de meilleurs contrôles de leur activité, afin de démontrer leur sérieux et renforcer la confiance à leur égard.

(1) Mieux préparer les syndics aux nombreuses missions en lien avec la copropriété

La profession de syndic est encadrée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet. Celle-ci prévoit que le syndic doit pour exercer disposer d'une carte professionnelle portant la mention syndic de copropriété délivrée par la chambre de commerce et d'industrie.

Cette carte ne peut être délivrée qu'aux personnes physiques qui satisfont aux conditions suivantes :

- justifier de leur aptitude professionnelle ;

- justifier d'une garantie financière ;

- contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle ;

- ne pas être frappées d'une des incapacités ou interdictions d'exercer.

La loi ALUR a renforcé les obligations liées au syndic disposant d'une carte professionnelle ainsi qu'à leurs collaborateurs en matière de formation, de déontologie et de contrôle de la profession.

Son article 24 des obligations supplémentaires en matière de gestion financière transparente, à l'instar de la séparation obligatoire des comptes bancaires de chaque copropriété, ainsi qu'en matière d'information des copropriétaires.

De plus, la loi ALUR a créé l'obligation de suivi d'une formation continue pour les syndics de copropriété afin que ces derniers puissent rester informés des dernières réglementations en vigueur, formation qui conditionne le renouvellement de la carte professionnelle. À cet égard, les travaux de la commission d'enquête ont montré la nécessité de poursuivre l'accompagnement des syndics, dont les missions évoluent fortement et qui ont de plus en plus à connaître de situations de fortes dégradations, devant lesquelles ils sont souvent démunis. À ce titre, les obligations de formation continue des syndics pourraient être étoffées, notamment en incluant l'obligation, au cours de leur formation continue, de suivre des modules de formations en lien avec la transition énergétique des copropriétés ou la lutte contre la dégradation globale de ces ensembles. Aussi, sur les 14 heures de formation continue annuelle nécessaire pour le renouvellement de la carte professionnelle, un nombre d'heures à définir pourrait être consacré aux enjeux spécifiques de la gestion des copropriétés dégradées.

La loi ALUR avait également prévu (article 4 de la loi Hoguet) un décret fixant les conditions de compétence initiale et minimale des collaborateurs des syndics. Dix ans après, ce texte n'est toujours pas paru ! La commission d'enquête soutient donc la démarche de la FNAIM qui a introduit, le 15 mars 2024, un recours devant le Conseil d'État pour obliger le gouvernement à prendre ce décret.

Les auditions de la commission d'enquête ont également fréquemment soulevé les enjeux de régulation de la profession de syndic. Beaucoup d'acteurs de l'immobilier ont ainsi rappelé que si pour la plupart, les syndics professionnels assurent leurs missions avec sérieux et professionnalisme, la défaillance de certains d'entre eux conduit à des situations très difficiles et accélère la dégradation des impayés. Pour les personnes ayant contribué à la consultation citoyenne menée par la commission d'enquête, le manque de réactivité du syndic constitue l'une des premières de dégradation de la copropriété.

À cet égard, la loi ALUR portait l'ambition de franchir une étape supplémentaire en matière d'encadrement et de contrôle des activités immobilière, notamment en confiant au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI) la mission de « veilleur au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités » exercées par les professionnels de l'immobilier. En cohérence, la loi ALUR a confié au Conseil d'État le soin de constituer un code de la déontologie applicable aux professionnels de l'immobilier.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) est revenue sur les prérogatives disciplinaires du CNTGI, en créant une commission de contrôle seulement chargée de l'instruction des dossiers de pratiques abusives signalées au CNTGI et le cas échant de leur transfert à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. L'arrêté de constitution de la commission de contrôle n'étant toujours pas paru, six ans après la promulgation de la loi ELAN, la FNAIM a adressé au Premier ministre une demande formelle de constitution de cette instance, qui doit permettre de renforcer la confiance à l'égard de leur profession.

Outre la non-constitution de la commission de contrôle, la limitation du pouvoir de sanction disciplinaire de la CNTGI est regrettable, car elle constituait une étape supplémentaire vers la régulation de la profession. Il pourrait dès lors être bienvenu de revenir sur les attributions disciplinaires du conseil, en lui confiant de véritables pouvoirs de sanction des professionnels défaillants (avertissement, blâme, interdiction temporaire et interdiction définitive d'exercice).

Proposition : Poursuivre l'encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale (publication du décret sur les compétences des collaborateurs attendu depuis 2014), de formation continue notamment en matière de copropriétés en difficulté ainsi qu'en dotant la profession d'un véritable organe disciplinaire (au minimum nomination de la commission de contrôle prévue par la loi).

(2) Réarmer les syndics pour le recouvrement des impayés

La lutte contre la dégradation des copropriétés doit nécessairement inclure une réflexion sur la capacité des syndics à réagir le plus en amont possible lors des premiers signes de fragilisation. Ces derniers disposent d'une palette d'actions visant à recouvrir les impayés, que la commission d'enquête souhaiterait voir renforcées.

Pour rappel, le recouvrement des charges relève de la compétence exclusive du syndic de copropriété qui, s'il n'agit pas, peut voir sa responsabilité engagée et son contrat révoqué.

Dès le premier impayé de charges, le syndic met en demeure le copropriétaire défaillant, par une lettre recommandée ou par acte du commissaire de justice. Si l'impayé persiste, le syndic adresse au copropriétaire une lettre de rappel.

En cas d'impayés inférieurs à 5 000 euros, le syndic doit, avant de porter un recours devant le juge, faire appel à un conciliateur de justice, à un médiateur ou à une procédure participative afin de trouver un accord quant aux charges à payer. Cette tentative de règlement à l'amiable est décrite comme chronophage et peu efficace par les professionnels de l'immobilier, qui rappellent que la procédure « fait perdre du temps, augmente le coût du recouvrement, et s'avère inutile en copropriété dans la mesure où il n'y a rien à concilier, sinon un étalement de la dette qui peut être demandé au juge »60(*).

Le syndic peut ensuite engager une procédure devant le tribunal judiciaire afin d'obtenir le versement des sommes manquantes, ou faire inscrire une hypothèque légale afin de saisir et vendre le lot de copropriété concerné.

Les professionnels de l'immobilier entendus par la commission d'enquête émettent le souhait d'une simplification de ce parcours afin d'accélérer le recouvrement des impayés. La possibilité de déroger à l'obligation de conciliation des charges et d'engager une procédure accélérée au fonds, quel que soit le niveau des montants en question, pourrait ainsi permettre, selon eux, une action plus rapide. Le syndic pourrait également être autorisé à procéder à un appel de fonds en cours d'année afin de prendre en charge les coûts liés à une dépense imprévue.

Toutefois, la procédure de conciliation ne doit pas faire l'objet d'une dérogation systématique pour les syndicats, car elle constitue un espace de concertation utile pour des copropriétaires qui, en l'état et même après condamnation par le juge, ne seront pas en mesure de rembourser les sommes dues. Comme le président du Conseil national des présidents de tribunal judiciaire le rappelait devant la commission d'enquête, la difficulté de recouvrement des charges ne prend pas fin une fois la décision du tribunal prononcée, du fait de l'incapacité financière des copropriétaires paupérisés de rembourser leur dette.

Jean-Marc Roux soulevait ainsi devant la commission d'enquête la possibilité d'aller plus loin en matière d'échelonnement de l'apurement de la dette. Le plan d'apurement des dettes est en effet défini par la loi d'ALUR sur une période de cinq ans. Cette période semble trop restreinte, alors que la réalité du redressement des copropriétés concerne des périodes plus longues, de 10 ans en moyenne, mais pouvant aller jusqu'à vingt ans. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) suggérait d'ailleurs également, en cohérence, d'aligner la durée de ce plan sur celui défini par le code du commerce pour les entreprises en faillite, pouvant aller jusqu'à dix ans. Cela permettait une approche plus réaliste du recouvrement des dettes pour le syndic faisant le choix de la conciliation, constituant parfois la dernière possibilité de recouvrer les sommes dues.

Toutefois, les membres de la commission d'enquête ont rappelé qu'outre les évolutions de procédures juridiques envisagées ci-dessus, le recouvrement des impayés s'inscrit nécessairement dans un travail plus large de lutte contre la paupérisation des copropriétaires et d'accompagnement financier à leur égard notamment en permettant la mobilisation des FSL comme cela a été précédemment évoqué.

Proposition : Faciliter le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d'apurement de la dette jusqu'à 10 ans et en mobilisant les FSL au profit des copropriétaires en difficulté.

La lutte contre l'accumulation des impayés doit aussi se concrétiser par la simplification du fonctionnement et de la gestion de la copropriété. À cet égard, plusieurs personnes entendues par la commission d'enquête soulignent la nécessité de lutter contre l'absence de syndic résultant de la paralysie de l'assemblée générale, ou par le manque d'information des copropriétaires.

Pour rappel, la désignation ou la révocation du syndic répondent à une règle de majorité en assemblée générale plus exigeante que la règle de majorité par défaut, car elles nécessitent la majorité des voix de tous les copropriétaires. Cela peut conduire, notamment dans les grands ensembles où la participation aux assemblées est très faible, à des délais longs de désignation d'un syndic, délais pendant lesquels les taux d'impayés se consolident.

La commission d'enquête recommande donc d'inclure la désignation et la révocation d'un syndic dans la liste des décisions de l'assemblée générale pouvant être prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, définie à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Par ailleurs, l'assouplissement de la désignation d'un syndic permettrait de limiter les cas de désignation par le juge d'un administrateur judiciaire.

Proposition : Abaisser le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d'un syndic afin de limiter l'absence de syndic au sein des copropriétés.

De plus, en matière de gestion du budget prévisionnel, il est apparu au cours des auditions de la commission d'enquête que l'appel de fonds trimestriel constituait une potentielle source de difficultés financières pour les ménages, pouvant engendrer des impayés.

À cet égard, il serait donc opportun de revenir sur l'article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui définit par défaut le trimestre comme rythme d'appel de fonds, afin de prévoir des échéances mensuelles, facilitant la gestion du budget des ménages et minorant le risque d'accumulation des impayés.

Lors de son audition, l'USH indiquait notamment que, dès le constat de premiers impayés, les organismes de logement social ont fréquemment recours à des appels de fonds mensuels afin de faciliter la trésorerie des ménages et limiter l'émergence de recours contentieux.

Proposition : Prévoir, par défaut, une mensualisation des charges de copropriété, permettant une gestion simplifiée du budget des ménages.

(3) Insérer le syndic d'intérêt collectif dans un programme d'accompagnement plus complet

La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a, à l'initiative de l'Assemblée nationale, créé une procédure d'agrément visant à constituer un vivier de syndics d'intérêt collectif. Cet agrément se fonde sur des critères de compétences et de reconnaissance d'une expérience définis par décret. Les organismes de logement social sont réputés remplir les conditions de l'agrément.

Ce nouveau dispositif s'inscrit dans la ligne de la recommandation portée par le rapport Hanotin Lutz qui avançait l'idée d'un syndic d'intérêt général face au constat qu'en cas de dégradation de la copropriété « les syndics sont régulièrement suspectés d'être responsables lorsque l'équilibre d'une copropriété est compromis ». En cohérence, le rapport proposait l'introduction d'un syndic assurant une facturation d'honoraires correcte et maîtrisant les enjeux de gestion d'une copropriété en voie de dégradation.

Le syndic d'intérêt collectif a pour mission l'accompagnement du conseil syndical et de l'administrateur provisoire dans le cadre d'une procédure de redressement de copropriétés dégradées. Il doit permettre la levée de blocage par un accompagnement renforcé des copropriétaires démobilisés face à l'ampleur des dégradations, et garantir une gestion désintéressée sans abus en matière de facturation.

Ce projet rejoint ainsi des initiatives vertueuses apparues ces dernières années, telles que l'association Quali SR Syndic Prévention Redressement qui porte également le projet d'une certification d'un syndic de redressement.

Les personnes entendues dans le cadre de la commission d'enquête ont toutes accueilli favorablement ce nouveau dispositif, tout en faisant état des nombreuses incertitudes quant aux critères et surtout au rôle qui incombera à ce nouveau syndic d'intérêt collectif.

Certains ont également soulevé des interrogations quant à la présomption de syndic d'intérêt collectif attribué par défaut aux organismes de logement social : dans certains territoires, les OLS ne sont que peu ou pas confrontés aux enjeux de redressement de copropriété, l'attribution de l'agrément pose alors question. Ce point devrait ainsi faire l'objet d'une attention particulière dans les premières années de la mise en oeuvre du dispositif, afin de s'assurer que les syndics désignés soient réellement en mesure d'assurer les missions confiées.

Plusieurs intervenants ont par ailleurs souligné l'importance des enjeux financiers liés à l'arrivée d'un nouvel acteur au sein d'une copropriété dégradée : la situation financière de la copropriété dégradée étant, par définition, peu robuste, la manière dont le syndic d'intérêt collectif sera amené à trouver une forme de rentabilité économique dans ses missions interroge. Des inquiétudes ont également été mentionnées au sujet de la complexité que pourrait engendrer l'arrivée d'un nouvel acteur parmi tous les intervenants mobilisés dans le cadre d'une copropriété en redressement.

En conséquence, dans la mise en oeuvre de ce dispositif, les décrets d'application ainsi que la parole de la puissance publique doivent aller dans le sens d'une grande pédagogie et d'un suivi accru des différents enjeux. La commission d'enquête estime par ailleurs qu'une réflexion reste à mener quant à l'insertion du syndic d'intérêt collectif au sein d'un programme de redressement plus large. Cela pourrait notamment se concrétiser en laissant la possibilité de désigner un syndic d'intérêt collectif en amont de la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un administrateur provisoire, afin qu'il intervienne au plus tôt pour rétablir un dialogue au sein de copropriété paralysée, et qu'il s'insère dans le cadre d'un suivi renforcé de la part de la puissance publique. La désignation d'un syndic d'intérêt collectif pourrait dès lors intervenir à la demande du maire de la commune ou du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat.

En outre, un soutien financier fléché, sous la forme d'une aide à la gestion de l'Anah attribuée à ce syndic, dans le cadre d'un financement plus large de sites faisant l'objet d'une ORCOD, d'une OPAH ou d'un POPAC pourrait permettre de créer un équilibre financier pour ce nouvel acteur. En effet, sans aide de gestion couvrant les coûts d'intervention des syndics d'intérêt collectif, la portée du dispositif introduit par la loi du 9 avril 2024 pourrait rester lettre morte.

Bien entendu, l'octroi d'aides à la gestion, apparaissant indispensable pour la viabilité de l'action du syndic collectif, devra faire l'objet d'un encadrement, notamment par l'Anah, afin de garantir son bon usage.

Proposition : Publier rapidement les décrets d'application relatifs au syndic d'intérêt collectif et insérer son action dans un programme de redressement de la copropriété plus large, à la demande du maire ou du président de l'EPCI et lui octroyer des aides à la gestion, afin de garantir une meilleure coordination avec les acteurs du redressement.

b) Renforcer la portée des actions du mandataire ad hoc et de l'administrateur provisoire

Les procédures d'alerte et de traitement des copropriétés en difficulté peuvent conduire à la désignation d'un mandataire ad hoc puis d'un administrateur provisoire. Ces deux procédures relèvent de niveau de dégradation différent, le mandataire ad hoc pouvant être désigné dès les premiers signes de fragilisation de la copropriété afin de rétablir son fonctionnement normal, tandis que l'intervention d'un administrateur provisoire se cantonne aux situations de déséquilibre les plus sérieuses.

Les travaux de la commission d'enquête ont permis de constater un écart significatif entre le recours aux deux procédures, le dispositif de mandat ad hoc semblant n'avoir pas réussi à faire valoir son utilité auprès des acteurs de la copropriété.

De plus, pour les deux procédures, l'effectivité et la rapidité d'exécution des décisions des administrateurs judiciaires semblent pouvoir être encore améliorées.

La faible mobilisation du dispositif traduit, selon les acteurs entendus par la commission d'enquête, la réticence des parties prenantes de la copropriété de à l'intervention un nouvel acteur, par méconnaissance, peur des surcoûts et méfiance envers la multiplication des interventions extérieures.

Afin d'encourager désignation d'un mandataire ad hoc le plus en amont possible, la loi du 9 avril 2024 a permis de saisir le juge en l'absence d'approbation des comptes depuis au moins deux ans.

Plusieurs acteurs de l'immobilier plaident pour l'introduction d'autres critères d'alerte permettant d'enclencher cette procédure, comme des taux élevés d'absence aux assemblées générales ou l'impossibilité de faire voter certains travaux d'entretien et de rénovation énergétique. Les professionnels de l'immobilier proposent également d'élargir les indicateurs financiers permettant la saisine du juge en vue de la désignation d'un mandataire ad hoc, notamment en incluant les ratios sur la trésorerie, sur les dettes, les créances et l'épargne, en lien avec l'annexe 1 des comptes présentés. Ces indicateurs financiers cumulatifs pourraient ainsi permettre au syndic de produire une analyse déterminant le degré d'alerte.

Le faible recours au mandataire ad hoc peut aussi être analysé comme un aveu d'échec de l'efficacité de son action. Les suites données aux recommandations qu'il porte relevant de la seule volonté de l'assemblée générale, les recommandations peinent souvent à être mises en oeuvre dans des copropriétés démobilisées ou connaissant de premières difficultés financières.

Dès lors, une réflexion pourrait être conduite sur le caractère obligatoire du suivi des recommandations du mandataire ad hoc. Les recommandations du mandataire ad hoc pourraient être mises en oeuvre par défaut par le syndic, sous réserve que l'assemblée générale ne décide pas de les écarter par un vote. Cela permettrait une application plus systématique de ces recommandations qui sont souvent la dernière possibilité pour les copropriétés de rétablir un équilibre financier ou de parer une dégradation bâtimentaire avant de s'inscrire dans une spirale de détérioration.

Jean Marc Roux rappelait également devant la commission d'enquête le rôle que peut endosser le mandataire ad hoc comme médiateur au sein d'une copropriété connaissant des tensions naissantes : le mandataire pourrait ainsi procéder de manière plus systématique à un dialogue de conciliation entre le syndic et les copropriétaires mauvais payeurs, puisque le syndic se refuse souvent à le faire.

Proposition : Renforcer l'action du mandataire ad hoc en associant sa désignation avec le lancement d'un programme de suivi par la puissance publique (VOC, Popac, OPAH) afin de lui attribuer des financements de l'Anah tout en rendant obligatoire l'exécution de ses recommandations.

Les actions des administrateurs provisoires, telles que définies aux articles 29-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, pourraient également être renforcées afin d'accélérer le redressement des copropriétés.

L'intervention de l'administrateur provisoire

Lorsque l'état de dégradation de la copropriété devient tel que l'équilibre financier du syndicat de copropriétaire est gravement compromis ou que le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, un administrateur provisoire peut être désigné par le président du tribunal judiciaire à la demande des copropriétaires représentant 15 % des voix du syndicat, par le syndic, le maire de la commune sur laquelle se situe l'immeuble, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, le représentant de l'État dans le département, le procureur de la République ou le mandataire ad hoc.

L'administrateur provisoire est habituellement un administrateur judiciaire inscrit sur la liste mentionnée à l'article L. 811-2 du code du commerce. Le président du tribunal judiciaire peut également désigner une personne physique ou morale justifiant d'une expérience particulière au regard de la nature de l'affaire. Les copropriétaires sont informés de la désignation d'un administrateur provisoire ainsi que des rapports établis par ce dernier relatif à la situation financière de la copropriété.

Il incombe à l'administrateur provisoire de prendre toute mesure nécessaire au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. Il dispose à cet égard de tous les pouvoirs du syndic, dont le mandat cesse de plein droit sans indemnité, et de tout ou partie des pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires et du conseil syndical. Il doit néanmoins consulter le conseil syndical avant de prendre des décisions en matière de travaux, d'appels de fonds ou de recouvrements judiciaires. L'administrateur provisoire est en outre en capacité de solliciter la division des grands ensembles trop complexes à administrer et rétrocéder des parcelles ou des voiries aux acteurs publics locaux.

La désignation de l'administrateur provisoire entraîne également la suspension de l'exigibilité des créances antérieures pour une période de douze mois, l'interruption des actions en justice de la part de tous les créanciers visant à la condamnation du syndicat débiteur et l'arrêt des procédures d'exécution de la part de ces créanciers ou des procédures de saisie n'ayant pas produit un effet attributif. L'administrateur élabore un plan d'apurement visant à répondre à l'ensemble des créances lui ayant été signalées au cours des premiers mois suivant sa désignation, qu'il notifie aux créanciers et au conseil syndical. Ce plan d'apurement ne peut dépasser cinq ans.

Dans le cadre de l'élaboration du plan d'apurement soumis au juge, et en l'absence d'actifs du syndicat pouvant être cédés, l'administrateur provisoire peut demander au juge d'effacer partiellement les dettes du syndicat pour un montant équivalant au montant des créances irrécouvrables.

Si la situation financière de la copropriété ne permet pas de conduire les travaux nécessaires à la mise en sécurité de l'immeuble ou la réduction des charges de copropriété, le juge peut placer la copropriété sous administration provisoire renforcée à la demande du maire, du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat, du préfet ou de l'administrateur provisoire en place. Ce statut habilite l'administrateur provisoire à conclure une convention à durée déterminée au nom du syndicat des copropriétaires avec un ou plusieurs opérateurs compétents en matière de maîtrise d'ouvrage de travaux et de mise au point de financement d'opération de travaux, afin de leur confier toute mission concourant au redressement de la copropriété.

Lorsque le propriétaire ou le gestionnaire d'un immeuble (pas nécessairement en copropriété) est dans l'incapacité d'assurer sa conservation ou la sécurité et la santé des occupants, le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat peut demander au juge la nomination d'un expert, en vue de l'acquisition de l'immeuble par voie d'expropriation c'est la procédure de carence61(*).

Les prérogatives étendues confiées à l'administrateur provisoire doivent permettre une action accélérée et une exécution plus maîtrisée des travaux prioritaires dans les copropriétés dégradées.

Comme l'a souligné le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), « le statut réglementé et la désignation par décision judiciaire [des administrateurs judiciaires] leur confèrent une indépendance et une légitimité qui leur permettent d'agir dans l'intérêt de l'immeuble et de l'ensemble des résidents, sans subir la pression que les copropriétaires pourraient imposer à un syndic professionnel, notamment lorsqu'ils détiennent un nombre de tantièmes suffisant pour faire et défaire les contrats des syndics ». Ces situations de blocages ont été constatées par la commission d'enquête lors d'une visite de copropriété en voie de dégradation à Béthune au sein de laquelle les actions du syndic sont paralysées par la désapprobation de quelques copropriétaires majoritaires. L'arrivée d'un administrateur judiciaire permet dès lors de rétablir un fonctionnement normal de la copropriété et de garantir une prise de décision rationnelle quant aux travaux à mener.

Les travaux conduits par la commission d'enquête ont toutefois permis d'identifier les limites de l'action conduite par les administrateurs provisoires en vue du redressement des copropriétés dégradées.

Tout d'abord, l'efficacité de l'action des administrateurs provisoires est minée par les désignations trop tardives, qui mènent à des situations de forte dégradation nécessitant des interventions plus lourdes, plus longues et plus coûteuses. Ce retard de saisine peut s'expliquer par la réticence des syndics et des copropriétaires qui méconnaissent et craignent l'action d'un administrateur provisoire. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires note ainsi que ces réticences sont constatées dans les immeubles au fort taux de copropriétaires bailleurs, qui ne souhaitent pas être contraints à financer d'importants travaux. Les syndics, eux, retardent souvent la désignation d'un administrateur judiciaire tout comme le lancement des procédures de recouvrement des charges, de crainte de perdre leur contrat face à des copropriétaires mauvais payeurs en situation de majorité. Il est déploré par les professionnels que la saisine du tribunal n'advienne fréquemment qu'une fois la trésorerie complètement épuisée, les impayés de charges dépassant les 100 % ou alors que la collectivité territoriale a pris des arrêtés de péril imminent ou de traitement de l'insalubrité.

Afin de limiter les retards de saisine du juge et les coûts induits pour les copropriétaires, la loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement permet au président du tribunal judiciaire d'imputer tout ou partie des frais de l'administration provisoire au syndic qui n'aurait pas saisi sur la requête le juge pour la désignation d'un mandataire ad hoc. La commission a néanmoins été alertée sur les limites du dispositif : il serait par exemple anormal d'imputer ces frais à un syndic nouvellement nommé, qui ne serait pas responsable de la mauvaise gestion de ses prédécesseurs. La bonne exécution de cette nouvelle disposition repose donc sur la sagesse du juge chargé d'examiner si le syndic en place est réellement responsable de l'état de dégradation des comptes et de la copropriété.

Il pourrait dès lors être envisagé d'autres sanctions à l'égard du syndic resté passif face à la dégradation de la copropriété, en lien avec les propositions de la commission d'enquête relative à la création d'une instance de régulation de la profession.

De plus, alors que l'administrateur provisoire est désigné afin d'accélérer la mise en oeuvre des actions de redressement, ces dernières pâtissent de la lenteur de certaines procédures. Jean-Marc Roux a ainsi souligné l'incohérence entre la célérité demandée aux administrateurs judiciaires et leur obligation de recourir à la procédure accélérée au fond. Le recours à la voie de requête pourrait au contraire permettre de procéder dans des délais plus courts, par exemple afin d'obtenir la suspension d'exigibilité des sommes dues par le syndicat ou des mesures de poursuites contre celui-ci.

Par ailleurs, les professionnels entendus ont souligné les disparités observées par les administrateurs provisoires en matière de collaboration avec les acteurs locaux, notamment les tribunaux et les collectivités locales. Si certains territoires ont par exemple fait le choix de construire une véritable expertise partagée entre les tribunaux judiciaires (notamment à Bobigny ou à Évry ou des tribunaux spécialisés ont été créés) et les collectivités pour accélérer et mieux prendre en charge le redressement des copropriétés, les administrateurs provisoires se retrouvent néanmoins parfois, notamment pour les biens en zone diffuse, face à des acteurs locaux démunis, ce qui est de nature à engendrer un grand retard dans la gestion des cas.

Dans ces zones peu sensibilisées au rôle de l'administrateur provisoire ainsi qu'aux enjeux de dégradation de l'habitat, l'expertise et la formation de l'administrateur judiciaire sont d'autant plus essentielles pour le redressement de l'immeuble. En ce sens et afin de renforcer la crédibilité et la confiance accordée aux administrateurs judiciaires, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) travaille depuis 2017 à la constitution d'une réserve d'administrateurs judiciaires spécialisés en redressement de copropriété, s'élevant aujourd'hui à 70 membres.

Si cette spécialisation a été saluée par la commission d'enquête, ses effectifs semblent encore très en dessous des besoins identifiés sur le terrain. Cette initiative pourrait donc être structurée et approfondie, par un parcours de formation centré sur les enjeux relatifs aux copropriétés, l'augmentation du nombre d'administrateurs judiciaires formés aux enjeux de redressement des copropriétés, et la mise en place d'un dispositif de compagnonnage entre les administrateurs judiciaires locaux et les administrateurs spécialisés.

Proposition : Accroître le nombre et renforcer la capacité d'action des administrateurs provisoires en prévoyant une spécialisation des administrateurs judiciaires et simplification des modalités de saisine du juge.

Les auditions de la commission d'enquête ont également permis de mettre en lumière une certaine défiance des élus locaux à l'égard des administrateurs judiciaires et des difficultés de suivi des opérations menées par ces derniers.

Outre la demande d'une meilleure formation des administrateurs judiciaires, des élus locaux ont insisté sur les difficultés d'évaluation et de contrôle de l'action de l'administrateur judiciaire. Mme Hélène Geoffroy, ancienne ministre, maire de Vaulx-en-Velin, co-présidente de la commission politique de la ville et cohésion sociale de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité a ainsi rappelé que « [les élus locaux] sont incapables d'encadrer la manière dont les choses fonctionnent. Ils n'[ont] aucun mot à dire sur la rémunération [des administrateurs judiciaires], pas plus que les copropriétaires ou la puissance publique ».

Afin de restaurer la confiance et renforcer la prévisibilité de leur action, l'administrateur provisoire, l'État, la collectivité et l'EPFIF ont, dans le cadre de la prise en charge de la copropriété Grigny 2, signé un protocole relatif à la liquidation du syndicat de la copropriété. Ce protocole a permis de mieux définir l'action de l'administrateur judiciaire, notamment en encadrant les conditions et délais de liquidation du syndicat.

Cette bonne pratique pourrait être systématisée en prévoyant, par défaut, l'établissement d'un contrat entre la collectivité, l'Anah et l'administrateur judiciaire afin, premièrement, de définir les objectifs et les modalités d'action de l'administrateur judiciaire et, deuxièmement, d'encadrer les coûts de son intervention.

Proposition : Pour toute intervention d'un administrateur judiciaire, prévoir la passation d'un contrat entre ce dernier, la puissance publique et la collectivité afin de définir les objectifs et les coûts prévisionnels associés.

c) Mieux protéger les copropriétaires face à une situation d'impayés irrémédiable

Pour les situations d'impayés les plus graves, les professionnels de l'immobilier et du redressement des copropriétés appellent à la poursuite de l'évolution des textes afin de protéger davantage les copropriétaires qui subissent la défaillance des autres ménages.

La solidarité financière entre les membres du syndicat fait en effet peser sur ces derniers des charges qu'ils ne peuvent pas nécessairement supporter, notamment en raison des coûts élevés des procédures de recouvrement.

Afin de limiter ces charges, Soliha a proposé à la commission d'enquête de premièrement d'élargir le « super-privilège » de recouvrement de charges sur le montant de l'hypothèque légale d'un lot. Aujourd'hui limité au montant de charges des deux dernières années, il serait opportun d'élargir cette possibilité jusqu'à cinq ans, afin de limiter l'appel aux contributions des copropriétaires restants et d'ajuster la procédure à la durée réelle des délais d'aboutissement d'une procédure judiciaire. Cette recommandation figurait déjà au sein du rapport Braye, en 2012.

En outre, lorsque les difficultés deviennent irrémédiables, les acteurs du redressement des copropriétés plaident pour l'ouverture d'une véritable procédure de faillite du syndicat, afin de limiter les coûts pour l'ensemble des copropriétaires ainsi que pour la puissance publique. En l'état actuel du droit, il est possible de décréter une carence ou de procéder à une expropriation partielle ou totale de la copropriété. Il est également possible de procéder à une dissolution consécutive à une scission amiable (article 28 de la loi du 10 juillet 1965) ou à une scission judiciaire (article 29-1 de la même loi).

Toutefois, l'impossibilité de constater la faillite du syndicat conduit à un risque de faillite personnelle des propriétaires captifs des immeubles en grande difficulté qui, selon Soliha, sont exposés à une « triple peine » : la résidence dans un immeuble dégradé pendant plusieurs années, le versement de charges importantes ne correspondant pas au niveau de services, l'expropriation assortie d'une indemnisation inférieure au prix d'acquisition qui ne permet même pas pour certains de rembourser leur emprunt auprès de la banque ni de solder les dettes du syndicat.

Se pose alors la question d'un véritable régime de la faillite de la copropriété, permettant une réponse claire et protectrice des copropriétaires quant au sort des dettes et des créances.

Proposition : Mieux protéger les copropriétaires face aux situations d'impayés irrémédiables, notamment :

- en élargissant le « super-privilège » de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d'hypothèque légale ;

- en confiant au ministère de la Justice l'élaboration d'une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d'éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement.


* 57 Anselme Deker. Les enjeux de l'adaptation et de la mise en conformité des règlements de copropriété.

Sciences de l'ingénieur, 2023.

* 58 Article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière.

* 59 Article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965

* 60 Propos de M. Gilles Frémont, président de l'association nationale des gestionnaires de copropriété lors de son audition par la Commission d'enquête le 19 mars 2024.

* 61 Article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation.

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