C. LA CONSTRUCTION DES TRVE DEVRA ÊTRE BEAUCOUP PLUS PROTECTRICE POUR LES CONSOMMATEURS ET RÉDUIRE LEUR EXPOSITION AUX VARIATIONS ERRATIQUES DU MARCHÉ

Le modèle de régulation que recommande la commission d'enquête prenant la forme d'un CfD sur le parc nucléaire historique ayant vocation à être étendu à l'ensemble des moyens de production d'électricité décarboné et dont les effets se répercuteraient intégralement sur les consommateurs conduirait nécessairement à rendre les TRVe beaucoup plus protecteurs, stables et proches des coûts complets du mix de production national qu'aujourd'hui ou dans le modèle retenu par le Gouvernement dans le cadre de l'accord de novembre 2023.

Comme décrit supra dans les développements relatifs au fonctionnement des marchés de détail de l'électricité, principalement du fait du mécanisme « d'écrêtement » des droits d'Arenh, les TRVe ont complètement perdu le caractère protecteur des fluctuations erratiques des marchés qui constitue pourtant leur légitimité et leur raison d'être. L'accord de novembre 2023 accentuerait encore davantage ce phénomène puisqu'il exposerait en totalité les TRVe aux aléas des marchés. En effet, selon les dispositions retenues dans l'accord, et comme l'a confirmé la CRE à la commission d'enquête et dans des délibérations récentes, 100 % de la part « approvisionnement en énergie » de la construction des TRVe serait déterminée en fonction de la moyenne des prix de marchés à terme constatée au cours des deux années précédentes. À ce titre, les réponses écrites de la CRE à la commission d'enquête ne souffrent absolument aucune ambiguïté : « l'intégralité des volumes actuellement couverts par la part approvisionnement en énergie des TRVe sera approvisionné sur les marchés de gros de l'électricité de manière lissée sur deux ans ».

La commission d'enquête considère que cette situation n'est pas souhaitable et qu'elle pourrait même, à terme, fragiliser juridiquement la pérennité des TRVe.

En effet, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, la validité juridique des TRVe au regard du droit national et, par voie de conséquence du droit de l'Union européenne qu'il ne fait que transposer, est strictement conditionnée au fait qu'ils poursuivent « un objectif d'intérêt économique général de stabilité des prix de l'électricité ». Inversement, le même Conseil d'État a imposé la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg) dans la mesure où, puisqu'ils étaient davantage corrélés aux prix de marchés, ils ne répondaient pas à cet objectif de stabilité.

En dépit des leçons qui auraient dû être tirées de la crise des prix de l'énergie, le dispositif choisi par le Gouvernement met en danger les TRVe et remet en cause leur raison d'être en les exposant intégralement aux aléas des marchés de gros. La commission d'enquête recommande de faire exactement l'inverse en fixant une ligne fondée sur le respect de quatre grands principes, à savoir des TRVe :

- préservés ;

- plus protecteurs ;

- corrélés avec les coûts complets de production du mix électrique ;

- et plus stables.

La première priorité est de s'assurer que les TRVe soient bien préservés après 2025. Pour cela, le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre au sein des instances européennes et auprès de ses partenaires pour veiller à la pérennisation dans le droit de l'Union européenne de la possibilité laissée aux États-membres d'appliquer des tarifs réglementés pour certaines catégories de consommateurs.

Il s'agira en effet de veiller à ce que la Commission européenne ne mette pas en oeuvre la possibilité de mettre fin aux tarifs réglementés que lui octroie le 10ème paragraphe de l'article 5 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité : « au plus tard le 31 décembre 2025, la Commission réexamine la mise en oeuvre du présent article visant à parvenir à une fixation des prix de détail de l'électricité fondée sur le marché, et présente un rapport sur cette mise en oeuvre au Parlement européen et au Conseil assorti ou suivi, s'il y a lieu, d'une proposition législative. Cette proposition législative peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés ».

Le système de régulation sous forme de CfD recommandé par la commission d'enquête se traduira mécaniquement par des TRVe plus protecteurs, car beaucoup moins exposés aux prix de marchés qu'aujourd'hui et également très largement corrélés aux coûts complets de production du mix électrique et en particulier à la compétitivité du parc électronucléaire en exploitation.

La commission souligne que, contrairement au dispositif retenu par le Gouvernement en novembre 2023, le dispositif de régulation qu'elle propose permettra de tenir la promesse qu'avait faite le Président de la République lors de son discours de Belfort : « nous mettrons en oeuvre, en accord avec la Commission européenne, une nouvelle régulation de l'électricité nucléaire (en remplacement de l'Arenh) afin que les consommateurs français, ménages et entreprises, puissent bénéficier de prix stables, proches des coûts de production de l'électricité en France ».

En effet, dans le scénario recommandé par la commission d'enquête, la part approvisionnement en énergie de la construction des TRVe serait structurellement dépendante du prix pivot ou du corridor de prix du CfD qui régulerait les revenus du parc nucléaire national. Cela signifie qu'au moins 60 % à 70 % de la part approvisionnement en énergie des TRVe serait structurellement stable entre 60 et 65 euros par MWh. Dans l'hypothèse, à terme, où une régulation de type CfD pourrait être étendue à l'ensemble des moyens de production décarbonés, hydraulique compris, c'est au moins 90 % de la part approvisionnement qui serait structurellement calculée sur le prix stable de cette régulation. Ce n'est qu'une part extrêmement résiduelle de moins de 10 % de la part approvisionnement en énergie qui se retrouverait ainsi encore exposée à l'évolution des prix de marchés. Pour rappel, avant application des mesures de « bouclier tarifaire », la proportion de la part approvisionnement en énergie des TRVe exposée aux aléas des prix de marchés a atteint 90 % en 2023 et le modèle soutenu par le Gouvernement l'expose quant à lui de façon structurelle à 100 %.

Le niveau de prix garanti par la régulation de type CfD étant calculé sur la base des coûts complets de production des centrales, moyennant une contribution aux investissements d'EDF dans le programme de nouveau nucléaire, les TRVe reflèteront de façon infiniment plus fidèle les coûts de production de notre mix électrique qu'aujourd'hui ou que dans le modèle proposé par le Gouvernement. Ils permettront aux consommateurs français de réellement bénéficier de la compétitivité incomparable du parc nucléaire national, que leurs aïeux ont d'ailleurs largement contribué à financer à travers les prix de l'électricité.

Par rapport au modèle actuel de tarif règlementé, dans le scénario proposé par la commission d'enquête, la part approvisionnement en énergie des TRVe pourrait presque être divisée par deux, passant de 125 euros par MWh aujourd'hui à environ 70 euros par MWh demain. Pour un foyer chauffé à l'électricité dans un appartement de quatre pièces qui consommerait environ 6 MWh par an, la baisse de prix correspondante sur sa facture d'électricité atteindrait 330 euros. Cette réduction représente plus de 20 % de la facture annuelle en 2024 (1 500 euros) de ce type de ménage.

Toutefois ce n'est pas tant la réduction de ce montant qui est importante et sécurisante pour le consommateur. Dans le système actuel comme dans le modèle soutenu par le Gouvernement, une baisse de même ampleur pourrait également être constatée dans l'hypothèse d'une diminution forte et durable des prix de marchés. L'essentiel dans la proposition de la commission d'enquête tient à la stabilité dans le temps de la part approvisionnement en énergie des TRVe qui serait structurellement insensibilisée aux aléas intempestifs des marchés quand le modèle choisi par le Gouvernement l'expose au contraire dans sa totalité à leurs fluctuations imprévisibles.

Une diminution attendue des TRVe en 2025

De façon mécanique, en raison de la baisse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, le niveau des TRVe en 2025 sera amené à diminuer. En retenant l'hypothèse que la moyenne des prix de marchés constatés en 2024 serait la même que celle qui a été observée au cours des cinq premiers mois de l'année 2024, et toutes choses égales par ailleurs, la commission d'enquête estime que les TRVe TTC pourraient baisser de plus de 20 % en 2025.

En juin 2024, la Gouvernement s'est quant à lui engagé à une diminution de l'ordre de seulement 10 % à 15 % en précisant que ce scénario s'inscrivait dans une perspective de sortie complète du dispositif de « bouclier tarifaire » qui signifie un retour au niveau de fiscalité sur la consommation électrique qui prévalaient avant la crise, c'est-à-dire une augmentation de 21 euros par MWh à 32 euros par MWh du tarif normal d'accise sur l'électricité.

Source : commission d'enquête

Recommandation n° 30

Destinataire

Échéance

Support/Action

Rendre les TRVe plus protecteurs et plus stables en les adossant sur les volumes d'électricité vendus dans le cadre d'une régulation sous forme d'un CfD, le cas échéant étendue à l'ensemble des moyens de production décarbonés.

Gouvernement (ministère chargé de l'énergie)

CRE

2026

Législatif et règlementaire

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