B. LA PHASE 2 D'EXELTIUM EST TOUJOURS AU POINT MORT TANDIS QUE POUR LES ENTREPRISES ÉLECTROSENSIBLES TOUT RESTE À CONSTRUIRE

1. Explicitement prévue par l'accord de novembre 2023, la phase 2 d'Exeltium est pourtant toujours au point mort

Le contrat conclu en 2008 entre EDF et le consortium Exeltium, qui se compose de 25 groupes industriels électro-intensifs, a été conclu pour une durée de 24 ans, prévoyant un volume d'électricité cumulé sur la période de 148 TWh, soit des livraisons annuelles, entre 2010 et 2034, pour une moyenne de 7,5 TWh et un prix censé refléter les coûts de développement et d'exploitation du parc nucléaire d'EDF.

Dans ses réponses écrites à la commission d'enquête, EDF mentionne que « le coût d'accès à l'énergie résulte, d'une part, du versement par Exeltium d'une avance en tête correspondant au coût d'investissement de la puissance globale demandée par Exeltium sur le parc nucléaire d'EDF (1,7 milliard d'euros) et, d'autre part, du prix proportionnel de l'énergie électrique consommée ».

Présentation d'Exeltium et de sa potentielle extension par l'Uniden

Exeltium est un schéma de fourniture long-terme avec EDF d'électricité indexée notamment sur les coûts de production du parc électronucléaire via un consortium. Ce schéma, qui permet de financer l'avance en tête avec EDF, a fait l'objet d'une approbation par la Commission Européenne.

Après quatorze années de fonctionnement (le démarrage des livraisons ayant débuté le 1er mai 2010), on peut considérer le bilan comme modérément satisfaisant, eu égard notamment à un niveau de prix qui a dérivé de façon significative par rapport à l'objectif initial. En revanche, du point de vue gouvernance, satisfaction des actionnaires-clients et des prêteurs, notation des agences de notation et fonctionnement global de la structure, il est indéniable qu'il s'agit d'un succès avec une structure sans égale dans le monde. La déconsolidation, dans les comptes des actionnaires-clients, de la dette contractée par Exeltium pour verser l'avance en tête demandée par EDF en 2010 (1,75 milliard d'euros) est également un des atouts significatifs de la structure.

La faiblesse d'Exeltium est clairement liée à l'imposition par la Commission européenne d'une option de sortie sans frais pour les clients à trois échéances (2020, 2025 et 2030) alors qu'Exeltium reste garante du remboursement de la dette et se trouve potentiellement exposée à des prix de marché de gros susceptibles d'être inférieurs au prix Exeltium.

Un consortium est tout à fait l'outil compatible avec un contrat long terme d'approvisionnement en énergie électrique. À ce titre, la phase 2 d'Exeltium (la Commission européenne ayant validé en 2008 un contrat de fourniture de 314 TWh sur vingt-quatre ans dont seuls 148 TWh ont pu être financés en 2010 du fait de la crise financière mondiale) est tout à fait appropriée pour des volumes supplémentaires destinés aux sites éligibles, jusqu'au terme du contrat, soit le 30 avril 2034. Des échanges exploratoires sont d'ailleurs intervenus à ce sujet avec la Commission au cours des deux dernières années.

D'autre part, un tel modèle qui permet de mobiliser une avance en tête à un taux réduit à travers l'effet de levier et surtout déconsolidée pour les actionnaires-clients (du fait que le consortium ne verse aucun dividende) et dont la structure de fonctionnement est transparente et optimisée, constitue certainement un mécanisme parfaitement adapté aux besoins des électro-intensifs, et donc extensible, voire duplicable. Il adresse par ailleurs le besoin structurel pour EDF d'une consommation en base élevée pour limiter le recours croissant à la modulation du parc nucléaire du fait de la priorité d'accès au réseau de la production des actifs renouvelables.

Les 25 actionnaires-clients actuels d'Exeltium couvrent d'ores et déjà une partie non négligeable des besoins des électro-intensifs en France, mais sa couverture pourrait être encore accrue sachant qu'un nombre de 50 sociétés pourrait être envisagé au vu des éligibilités historiques.

Source : réponses écrites de l'Uniden à la commission d'enquête

EDF, qui s'appuie notamment sur l'interprétation qu'en a fait la Commission européenne, ne considère pas que le contrat Exeltium, auquel le groupe semble peu favorable, constitue un contrat de partenariat industriel « at cost at risk » au même titre que les CAPN : « bien que dénommé contrat de partenariat industriel, les risques industriels supportés par Exeltium dans le cadre du contrat sont plafonnés et les avenants successifs au contrat n'ont eu de cesse de limiter cette exposition. La Commission européenne a d'ailleurs eu l'occasion, du fait notamment de ces limitations, de qualifier le contrat de « contrat de fourniture sophistiqué » (...). Ce contrat ne remplit pas les critères de partage de risques attendu pour la qualification de contrat at cost at risk ».

Lors de la négociation avec la Commission européenne en 2008 au sujet du dispositif Exeltium, le total des livraisons autorisées s'élevait à 314 TWh, soit 166 TWh de plus que les volumes prévus dans le contrat en cours jusqu'en 2034. L'accord de novembre 2023 prévoit explicitement la mise en oeuvre d'une phase 2 du contrat permettant d'atteindre le niveau autorisé en 2008 par la Commission européenne.

Compte-tenu du regard critique d'EDF sur l'évolution qui a été celle du dispositif Exeltium et des attentes des industriels, les négociations sur les paramètres d'un nouveau contrat visant à étendre ce mécanisme s'annoncent particulièrement complexes. À ce stade, à la connaissance de la commission d'enquête, elles ne semblent pas avoir évolué depuis novembre 2023. Dans ses réponses écrites à la commission d'enquête, l'Uniden indiquait ainsi que, « selon Exeltium, aucune négociation n'est en cours sur le sujet avec EDF, et l'Uniden n'a pas d'information sur d'éventuelles perspectives de négociation en vue de la mise en oeuvre de la phase 2 d'Exeltium, telle qu'elle a été prévue dans l'accord du 14 novembre 2023 entre l'État et EDF ».

Pourtant, la commission d'enquête considère qu'il est nécessaire que la situation se débloque tant ce dispositif détermine la compétitivité des industriels électro-intensifs qui en sont parties prenantes, notamment vis-à-vis de leurs concurrents étrangers.

2. Prometteuse, l'hypothèse de contrats collectifs d'allocation nucléaire pour les entreprises électrosensibles reste à confirmer

Outre les CAPN et la phase 2 d'Exeltium qui s'adressent aux industriels électro-intensifs, l'accord de novembre 2023 a l'ambition de créer un nouveau type de contrats de long terme, inspiré des CAPN mais adapté aux entreprises électrosensibles qui n'ont pas les moyens de payer les avances en tête prévues dans le cadre des CAPN. Toujours au stade de la réflexion, ces dispositifs en devenir sont parfois qualifiés de « contrats collectifs d'allocation nucléaire » (CCAN) ou de CAPN simplifiés.

Contrairement aux CAPN qui sont conclus entre les industriels, le cas échéant regroupés en consortium, et EDF, les CCAN seraient intermédiés dans le cadre d'un montage, en cours de définition, qui impliquerait Bpifrance.

Dans ses réponses écrites à la commission d'enquête, France industrie estime que les besoins associés à ce type de contrats pourraient s'élever à environ 15 TWh.

La commission d'enquête estime qu'un tel outil pourrait être un facteur de compétitivité pour les entreprises électrosensibles en capacité de s'engager sur des périodes longues mais qui ne pourraient pas assumer financièrement le coût des avances en tête des CAPN ni le partage des risques qu'ils supposent. Les réflexions des parties prenantes doivent donc se poursuivre pour concevoir dans les meilleurs délais un dispositif qui répondra aux besoins des secteurs économiques concernés au nombre desquels figurent748(*) notamment ceux de la métallurgie, des matériaux, de l'agro-alimentaire, des centres de données, des transports ou encore de l'eau.


* 748 D'après les réponses écrites du CLEEE à la commission d'enquête.

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