DEUXIÈME
PARTIE
LE COVID LONG
I. INTRODUCTION
Dès le début de la pandémie, de nombreux patients ont témoigné de symptômes persistants à l'issue de la phase aiguë de la covid-19. Cet état de santé a été qualifié de « covid long » - terme initialement créé par les patients150(*) puis repris par la communauté scientifique - ou de « syndrome post-covid »151(*), à l'instar des syndromes post-infectieux décrits à la suite de l'infection par divers pathogènes152(*).
Si la pandémie de la covid-19 a entraîné une mobilisation politique et scientifique sans précédent, permettant notamment de réduire considérablement la morbi-mortalité associée grâce au développement de vaccins, une plus faible attention a été portée au covid long, qui entraîne pourtant un impact significatif sur la santé des individus qui en sont affectés153(*) et représente un enjeu majeur de santé publique154(*). Aussi, plus de 4 ans après l'émergence de la covid-19, les connaissances sur le covid long, son suivi et sa prise en charge restent lacunaires. Dans un récent avis, le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) a estimé que la France n'avait pas suffisamment « pris la mesure de la réalité du syndrome post-covid (SPC) »155(*). Alors que l'attention de la société se détourne peu à peu de la covid-19, il apparaît impératif de se pencher sérieusement sur cette problématique, trop souvent négligée jusqu'à présent.
L'Office s'est intéressé à deux reprises au covid long, au travers d'auditions publiques organisées le 8 avril et le 16 décembre 2021, dont les conclusions ont été respectivement intégrées dans les rapports parus en juillet 2021156(*) et en février 2022157(*). Deux années après ce dernier rapport, l'Office a souhaité faire un point sur l'évolution des connaissances sur ce sujet.
II. UNE DÉFINITION NON HARMONISÉE ET UN DIAGNOSTIC TOUJOURS DIFFICILE
Entité nouvelle et encore mal comprise, le covid long n'a pas de définition harmonisée. En 2021, un processus de décision collective a amené l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à définir cette maladie comme survenant « chez les personnes ayant des antécédents d'infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, généralement trois mois après l'apparition de la maladie, avec des symptômes qui durent au moins deux mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic ». Cette définition précise que les symptômes peuvent se manifester après la phase d'infection initiale ou persister depuis celle-ci, qu'ils peuvent être fluctuants et entraîner des rechutes, et qu'ils sont susceptibles d'affecter la vie quotidienne des patients158(*).
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a fait le choix d'une définition fondée sur trois critères : un « épisode initial symptomatique de la covid-19 », la « présence d'au moins un des symptômes initiaux au-delà de 4 semaines suivant le début de la phase aiguë de la maladie » et des « symptômes initiaux et prolongés non expliqués par un autre diagnostic sans lien connu avec la covid-19 »159(*). Le choix d'un délai raccourci, fixé à 4 semaines au lieu des 2 mois retenus par l'OMS, a pour objectif de reconnaître les patients à un stade plus précoce et de pouvoir leur offrir une prise en charge plus rapide.
Le principal obstacle à une définition standardisée est que, malgré de nombreuses recherches poursuivant cet objectif, il n'a pas été possible d'identifier de symptôme spécifique ou un marqueur biologique ou radiologique qui pourrait servir de critère de diagnostic. Aussi, le diagnostic du covid long continue de reposer sur un processus différentiel, qui nécessite l'exclusion d'autres diagnostics pouvant expliquer les symptômes rapportés par le patient, éventuellement parasité par d'autres étiologies. Les conséquences de cette complexité sont un diagnostic tardif, qui conduit à une prise en charge retardée, ainsi qu'un sous-diagnostic. Comme le souligne le Covars dans son avis, ce risque serait particulièrement important chez les personnes âgées et celles souffrant de comorbidités, pour lesquelles les symptômes du covid long peuvent être attribués à leur état de santé, et chez les enfants, perçus comme faiblement touchés par la covid et pour lesquels des explications alternatives sont susceptibles d'être proposées (par exemple, la santé mentale ou la surexposition aux écrans, qui peuvent causer des troubles de l'humeur, de la fatigue et des troubles du sommeil).
Le lien étiologique avec une infection issue du SARS-CoV-2 représente également un défi pour l'établissement d'un diagnostic de covid long, en raison des nombreux cas peu - ou pas - symptomatiques et des infections n'ayant pas été diagnostiquées160(*). Pour faire face à cette difficulté, la définition de la HAS inclut les cas d'infection probable, définie par la survenue brutale de trois des symptômes suivants : fièvre, céphalée, fatigue, myalgie, dyspnée, toux, douleurs thoraciques, diarrhée, odynophagie.
* 150 F. Callard et al., Soc. Sci. Med. 2021, 268, 113426 ( https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2020.113426).
* 151 Les termes « formes prolongées de la covid-19 », « séquelles tardives [ou post-aiguës] de la covid-19 » ou « symptômes prolongés de la covid-19 » sont également utilisés.
* 152 De telles complications ont été observées avec les virus Ebola, d'Epstein-Barr, du chikungunya ou du Nil occidental mais également avec des coronavirus comme le SRAS ou le MERS. Voir : a) J. Choutka et al., Nat. Med. 2022, 28, 911 ( https://doi.org/10.1038/s41591-022-01810-6) ; b) M. Parotto et al., Lancet Respir. Med. 2023, 11, 739 ( https://doi.org/10.1016/S2213-2600(23)00239-4).
* 153 L'impact du covid long a été qualifié de « dévastateur » par Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l'OMS. Voir : Tedros Adhanom Ghebreyesus, The data is clear: long Covid is devastating people's lives and livelihoods, 2022 ( https://www.theguardian.com/society/2022/oct/12/long-covid-who-director-general-oped-tedros-adhanom-ghebreyesus).
* 154 Dans un éditorial du journal scientifique The Lancet Respiratory Medicine publié en août 2023, le covid long a été présenté comme « une crise de santé publique croissante à l'échelle mondiale ». Voir : The Lancet Respiratory Medicine, Lancet. Respir. Med. 2023, 11, 663 ( https://doi.org/10.1016/S2213-2600(23)00268-0).
* 155 Covars, Avis du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) du 7 novembre 2023 sur le syndrome post-covid, ses enjeux médicaux, sociaux et économiques et les perspectives d'amélioration de sa prise en charge, 2023 ( https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-11/avis-du-covars-du-7-novembre-2023---syndrome-post-covid-29943.pdf).
* 156 Rapport de MM. Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices, sur « Les aspects scientifiques et techniques de la lutte contre la pandémie de la covid-19 », Assemblée nationale n° 4315 (15e législature) - Sénat n° 741 (2020-2021) ( https://www.senat.fr/rap/r20-741/r20-7411.pdf).
* 157 Rapport de MM. Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices, sur « La lutte contre la pandémie de la covid-19 : Aspects scientifiques et techniques - Conséquences indirectes », Assemblée nationale n° 5064 (15e législature) - Sénat n° 531 (2021-2022) ( https://www.senat.fr/rap/r21-531/r21-5311.pdf).
* 158 OMS, A clinical case definition of post COVID-19 condition by a Delphi consensus, 2021 ( https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/345824/WHO-2019-nCoV-Post-COVID-19-condition-Clinical-case-definition-2021.1-eng.pdf).
* 159 Haute Autorité de santé, Réponses rapides dans le cadre de la COVID-19 : Symptômes prolongés à la suite d'une covid-19 de l'adulte - Diagnostic et prise en charge - Synthèse, 2023 ( https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-01/synthese_symptomes_prolonges_a_la_suite_d_une_covid_19_de_l_adulte_diagnostic_et_pec.pdf).
* 160 La prévalence de cette situation pourrait s'accroître en raison du faible niveau de dépistage actuel.