VII. IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA PERCEPTION DES VACCINS PAR LA POPULATION

A. ÉVOLUTION DE LA PERCEPTION DES VACCINS CONTRE LA COVID-19

Malgré les réserves de la population française à l'égard des vaccins, la couverture vaccinale contre la covid-19 a été relativement élevée. Les attitudes et comportements à l'égard des vaccins contre la covid-19 ont suivi les perceptions concernant la dangerosité de la maladie, d'une part, et l'efficacité et la sécurité des vaccins, d'autre part. Ce constat suggère une bonne compréhension générale du principe de la balance bénéfices/risques par la population128(*). En effet, pendant le premier confinement, alors qu'aucun vaccin n'était disponible mais que l'impact de la pandémie était manifeste, les intentions de vaccination étaient relativement importantes. Au cours du second semestre 2020, les discours évoquant la fin de la pandémie ainsi que les premières prises de parole exprimant des doutes quant à l'efficacité ou la sécurité des candidats vaccins ont entraîné une nette baisse de ces intentions129(*). Enfin, la résurgence de vagues épidémiques avec l'apparition des premiers variants et la confirmation progressive de l'efficacité et de la sécurité des vaccins au fur et à mesure du déploiement de la campagne vaccinale se sont traduites par un renforcement des intentions de vaccination et l'atteinte d'une importante couverture vaccinale en population générale130(*) : en septembre 2022, environ 79 % de la population française avait reçu le schéma vaccinal initial, soit plus de 90 % de la population éligible (adultes et adolescents âgés de 12 ans et plus)131(*).

L'érosion de l'adhésion aux campagnes de rappel contre la covid-19 observée aujourd'hui en France est probablement liée à une sous-estimation des risques encore représentés par le SARS-CoV-2 - qui ne fait plus l'actualité et dont la mortalité a été fortement diminuée par la vaccination -, plutôt qu'à un scepticisme vis-à-vis de la vaccination132(*). Celle-ci est en effet sujette à un paradoxe : son efficacité efface la perception du risque de la maladie associée, qui est pourtant l'objet du vaccin et de son acceptabilité. La différence entre les volontés déclarées de vaccination et le nombre de vaccinations effectives133(*) conforte l'idée que, bien que perçue comme utile, la vaccination ne serait pas nécessairement vue comme prioritaire et donc pas toujours effectuée si le suivi médical ne permet pas de transformer cette disposition positive en acte vaccinal.

Aujourd'hui encore, des doutes sur ces vaccins subsistent dans la population : d'après une enquête menée en France lors de l'été 2023, 62 % des personnes interrogées considèrent que l'on ignore encore beaucoup de choses sur les effets indésirables à long terme des vaccins à ARNm et 47 % des enquêtés vaccinés contre la covid-19 (tous vaccins confondus) disent avoir des doutes ou des réticences concernant le vaccin qu'ils ont reçu (contre 46 % à l'été 2022)134(*). Si pour 51 % des enquêtés l'ARN messager est une technologie prometteuse pour la médecine de demain, 31 % assimilent les vaccins utilisant cette technologie à des thérapies géniques et 20 % pensent qu'ils modifient notre ADN.

Ces résultats font écho aux jugements des Français sur la qualité de l'information fournie par les autorités publiques dans le cadre de la campagne vaccinale. D'après une enquête de suivi longitudinal des attitudes à l'égard d'un vaccin contre la covid-19, on observe une insatisfaction et une défiance assez généralisée de la population : 33,7 % des Français estimaient ne pas avoir été bien informés sur les vaccins contre la covid-19 au printemps 2022 et 56,1 % pensaient que certaines informations scientifiques sur les vaccins avaient été dissimulées à l'été 2022 (20,9 % ne savaient pas si c'était le cas)135(*).

Outre ce manque perçu de transparence, l'étude a révélé un défaut de clarté des explications fournies : 52 % des répondants estimaient que les informations sur les vaccins étaient trop compliquées. Indéniablement, les évolutions successives de la stratégie vaccinale, souffrant parfois de recommandations divergentes entre le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale et la Commission technique des vaccinations de la HAS, ont manqué de lisibilité. De même, si la surveillance des vaccins s'est accompagnée de la publication de rapports réguliers et détaillés par le système de pharmacovigilance, la transposition vers le public de ces informations, au travers d'une communication coordonnée permettant leur bonne appropriation, a fait défaut, ce qui s'est révélé problématique au regard du contexte de désinformation qui a entouré la crise sanitaire. En effet, il a été montré que les récits « anti-vaccins » faisaient souvent référence à des rapports véridiques sur les problèmes de santé et les décès consécutifs à la vaccination mais de manière déformée, biaisée ou grossièrement exagérée136(*).


* 128 Cette compréhension ne signifie pas pour autant que celle-ci est bien appréciée et n'exclut pas les doutes qui peuvent exister quant aux informations fournies par les autorités de santé.
Cette tendance s'observe également au travers de l'attitude plus favorable des personnes âgées et immunodéprimées envers la vaccination et de la faible couverture vaccinale des enfants âgés de 5 à 11 ans (inférieure à 5 %). Cette dernière a en outre été ouverte simultanément à la levée des mesures restrictives, diminuant la perception de sa pertinence.

* 129 La baisse de la confiance dans le gouvernement observée à cette période a potentiellement également contribué à cette tendance. Voir : J. K. Ward et al., La recherche sur les aspects humains et sociaux de la vaccination en France depuis le covid-19 - 1ère édition, 2024 ( https://shs-vaccination-france.com/la-recherche-sur-les-aspects-humains-et-sociaux-de-la-vaccination-en-france-depuis-le-covid-19-1ere-edition/).

* 130 Il est également nécessaire de souligner le rôle joué par la mise en place du passe sanitaire, puis vaccinal, qui ont contribué à l'atteinte de cette bonne couverture. Voir : M. Oliu-Barton et al., Nat. Commun. 2022, 13, 3942 ( https://doi.org/10.1038/s41467-022-31394-1).
Pour une description détaillée des attitudes et comportements de vaccination et des moteurs sous-jacents, voir : J. K. Ward
et al., La recherche sur les aspects humains et sociaux de la vaccination en France depuis le covid-19 - 1ère édition, 2024 ( https://shs-vaccination-france.com/la-recherche-sur-les-aspects-humains-et-sociaux-de-la-vaccination-en-france-depuis-le-covid-19-1ere-edition/).

* 131 En septembre 2022, le premier rappel avait également été effectué par plus de 90 % de la population éligible. Cependant, malgré diverses initiatives « d'aller-vers », des inégalités de couverture vaccinale, en fonction des territoires et des conditions sociales, restent à déplorer. Voir : Cour des comptes, La vaccination contre la covid-19. Des résultats globaux favorables, des disparités persistantes, 2022 ( https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20221214-politique-vaccinale-covid-19.pdf).

* 132 La baisse de l'efficacité vaccinale contre l'infection et la faible efficacité contre la transmission sont toutefois susceptibles de jouer également un rôle dans cette érosion.

* 133 Comme indiqué précédemment, alors que 74 % des personnes éligibles déclaraient avoir l'intention de recevoir la dose de rappel en septembre, seuls 30,1 % des personnes âgées de 65 ans et plus s'étaient vues administrer cette nouvelle dose en février 2024.

* 134 P. Peretti-Watel et al., Enquête ICOVAC Vague 1 : retour sur la crise sanitaire et la vaccination contre la covid-19, 2023 ( http://www.orspaca.org/notes-strategiques/enqu%C3%AAte-icovac-vague-1-retour-sur-la-crise-sanitaire-et-la-vaccination-contre-la).

* 135 a) ORS PACA, Enquête COVIREIVAC Vague 2 - SLAVACO Vague 4 : Rappels et vaccination des enfants en période de décrue de l'épidémie, 2022 ( http://www.orspaca.org/sites/default/files/note-covireivac-v2-slavaco-v4.pdf) ; b) ORS PACA, Enquête SLAVACO Vague 5 : Qui a (encore) peur de la covid-19 et jugements sur l'action des pouvoirs publics durant l'épidémie, 2022 ( http://www.orspaca.org/sites/default/files/note-slavaco-n5.pdf).

* 136 B. Kotseva et al., PLoS ONE 2023, 18, e0291423 ( https://doi.org/10.1371/journal.pone.0291423).

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