N° 638
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé,
Par Mmes Élisabeth DOINEAU, rapporteure
générale,
et Cathy APOURCEAU-POLY,
Sénatrices
(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. Alain Milon, président ; Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, vice-présidentes ; Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, Marie-Claude Lermytte, Solanges Nadille, Raymonde Poncet Monge, secrétaires ; Mmes Chantal Deseyne, Pascale Gruny, M. Olivier Henno, Mme Corinne Imbert, MM. Bernard Jomier, Philippe Mouiller, Mmes Émilienne Poumirol, Marie-Pierre Richer, M. Jean Sol.
(2) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
L'ESSENTIEL
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Chaque année en France, le tabagisme, la consommation d'alcool et l'obésité entraînent respectivement 70 000, 40 000 et 27 000 décès prématurés. Aux conséquences sanitaires s'ajoute l'impact sur les finances publiques, qui justifie également une préoccupation budgétaire. La fiscalité comportementale peut contribuer à réduire le nombre de morts évitables. Le rapport propose ainsi notamment d'augmenter la fiscalité du tabac et des boissons sucrées. Il recommande aussi de réfléchir à l'instauration d'un prix minimum par unité d'alcool pur, et de recourir à d'autres outils tels que l'encadrement de l'exposition publicitaire ou des normes de composition nutritionnelle.
I. UN EFFORT CONTRASTÉ ET UN CONSTAT D'ÉCHEC RELATIF DES POLITIQUES DE PRÉVENTION MENÉES
A. UNE PRÉVALENCE DU TABAGISME TOUJOURS FORTE MALGRÉ LE NIVEAU ÉLEVÉ DE LA FISCALITÉ
En France, la fiscalité des produits du tabac rapporte à la sécurité sociale 14 milliards d'euros par an.
Un paquet de 20 cigarettes « premium » était vendu au 1er janvier 2024 12,5 euros, dont environ 8,5 euros d'accise sur les tabacs, 2 euros de TVA, 1 euro de rémunération du buraliste et 1 euro de marge du fabriquant (cf. graphique page suivante).
La France fait partie des six États de l'OCDE où le prix du paquet de cigarettes est le plus élevé. En Europe, seuls le Royaume-Uni et l'Irlande ont des tarifs supérieurs.
La fiscalité n'est pas le seul outil de lutte contre le tabagisme. On peut en particulier mentionner la « loi Veil » de 1976 (encadrement de la publicité), la « loi Évin » de 1991 (interdiction de la publicité et interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif) et, plus récemment, la campagne « Mois sans tabac » (2016), le paquet neutre (2017 - la France étant le premier État à l'instaurer après l'Australie) et un meilleur remboursement des substituts nicotiniques (2019).
Prix d'un paquet de 20 cigarettes « premium » au 1er janvier 2024
(en €)
Source : Direction générale des douanes et droits indirects
On pourrait donc s'attendre, compte tenu des moyens mis en oeuvre, à ce que la politique de lutte contre le tabagisme soit un succès.
Pourtant, la politique de réduction du tabagisme est un échec.
Contrairement aux autres États couvertes par l'OCDE, la France affiche une prévalence du tabagisme à peu près stable depuis 1960, malgré l'effet de la hausse de la fiscalité de 2018-2020.
Proportion de fumeurs quotidiens parmi la
population de 15 ans et plus
selon l'OCDE (1960-2022)
(en %)
Source : D'après l'OCDE
Le tabagisme présente ainsi un coût social important
Source : Pierre Kopp, Le coût social des drogues : estimation en France en 2019, OFDT, juillet 2023
* Cette estimation ne prend pas en compte l'impact négatif sur le PIB.