C. UNE EFFICACITÉ PERMISE PAR L'ALLOCATION CONSTANTE DE MOYENS BUDGÉTAIRES ADAPTÉS
1. Une action du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » dédiée à la CNDA, mais qui ne retrace pas l'ensemble de ses dépenses
a) Un rattachement au programme 165 dès la mise en place de la CNDA
Alors que la CNDA relevait auparavant du programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration », elle a vu ses crédits rattachés au programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » depuis le 1er janvier 2009.
Dans le cadre de ce rattachement budgétaire, la CNDA participe, comme les autres juridictions administratives, à une conférence de gestion annuelle. Elle est précédée d'une pré-conférence budgétaire, destinée à approfondir l'étude du volet budgétaire du dialogue de gestion grâce, notamment, à une analyse détaillée de l'exécution budgétaire de l'année antérieure. C'est à l'occasion de cette pré-conférence budgétaire qu'est déterminé le budget de la Cour.
b) Un budget pouvant être déduit du croisement de plusieurs documents budgétaires
Alors qu'il existe au sein du projet annuel de performances de la mission « Conseil et contrôle de l'État », une action 7 « Cour nationale du droit d'asile » au sein du programme 165, celle-ci ne recouvre que les crédits de rémunération des personnels affectés à la Cour : les magistrats administratifs, les rapporteurs, les secrétaires d'audience et les agents des services administratifs et gestionnaire. La rémunération du président de la Cour est affectée pour moitié à l'action 7, l'autre partie relevant de l'action 6 « Soutien », qui retracent notamment les dépenses des personnels non affectés directement à une autre action au titre de leur fonction de soutien, notamment les emplois relevant du secrétariat général du Conseil d'État.
Les dépenses de fonctionnement de la CNDA sont contenues au sein de l'action 6 « Soutien », qui retrace l'ensemble des dépenses hors titre 2 exposées pour le programme au titre des fonctions support (fonctionnement courant, immobilier, informatique, formation, etc.). Aucune information n'est toutefois mentionnée sur la part des dépenses de fonctionnement et d'investissement allouées à la CNDA au sein de cette action 6. Il convient aussi de relever qu'aucun crédit de titre 5 n'est directement affecté à la CNDA, même si elle bénéficie toutefois des prestations des services centraux du Conseil d'État (direction de l'équipement, informatique) et fait l'objet depuis 2017 d'un projet d'investissement majeur lié à son relogement sur un autre site à Montreuil, avec le tribunal administratif de Montreuil.
Il en ressort une situation assez peu lisible. Les arguments avancés contre la création d'une action budgétaire dédiée à la CNDA, et retraçant l'ensemble de ses dépenses, sont principalement de deux ordres. D'une part, la définition d'une clé de répartition des dépenses de fonctionnement entre les différentes juridictions administratives s'avère délicate au moment de l'élaboration du projet annuel de performances. D'autre part, les travaux réalisés à la CNDA n'ont pas toujours correspondu à des dépenses d'investissement. En effet, les travaux effectués au sein des locaux du siège de la CNDA à Montreuil depuis 2009, notamment le réagencement des espaces et l'aménagement des nouvelles salles d'audience, étaient considérés comme des dépenses de fonctionnement, dans la mesure où ils concernaient des surfaces locatives.
Le Conseil d'État retrace toutefois le coût complet de l'action de la CNDA annuellement dans le cadre du document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration ». Ainsi, une ventilation des dépenses de l'action 6 (dépenses de fonctionnement, investissement et personnel), selon les méthodes de la comptabilité d'analyse des coûts, est réalisée chaque année dans ce document budgétaire.
Il faut donc se référer à un autre document budgétaire que le projet annuel de performances de la mission « Conseil et contrôle de l'État » pour comprendre le budget de la CNDA, qui relève pourtant du programme 165. Ce croisement de plusieurs documents budgétaires n'est pas satisfaisant, surtout dans un contexte de progression continue du budget de la CNDA, qui représente en 2024 plus d'un dixième du montant total du budget de la mission.
2. Une augmentation du budget contenue au niveau de l'évolution du nombre de recours
a) Une augmentation du budget plus forte que le nombre de recours en prenant en compte les dépenses d'investissement exceptionnelles de relogement de la CNDA
Il ressort donc du document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » que le budget global de la CNDA pour 2023 a été de l'ordre de 94 millions d'euros53(*), alors qu'il n'était que de 22 millions en 2010.
Évolution
du budget global de la CNDA
en miroir de l'évolution du nombre de
recours de 2010 à 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents de politiques transversales
En prenant en compte les dépenses d'investissement exceptionnelles54(*), le budget total de la CNDA a été multiplié par 4,3 tandis que le nombre de recours a été multiplié par 2,4.
Toutefois, il convient de relever que la forte hausse du budget de la CNDA à partir de 2018 est concomitante au projet d'ampleur de relogement de la CNDA avec le tribunal administratif de Montreuil. À ce stade de l'opération, selon les informations transmises par le Conseil d'État en mai 2024, sur un montant de 131,6 millions d'euros affectés et engagés au profit de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), un montant de 82,46 millions d'euros a été payé depuis 2018, et réparti sur plusieurs exercices. Le montant de restes à payer s'élève à 49,14 millions d'euros, dont les échéances sont prévues en 2025 (38,93 millions d'euros) et 2026 (10,21 millions d'euros). À horizon 2027, à nombre de recours constant, le budget total de la CNDA a donc vocation en principe à diminuer puisque ces dépenses d'investissement ne pèseront plus sur son budget.
b) Une évolution du budget suivant de près l'augmentation du nombre de recours hors dépenses d'investissement exceptionnelles
Hors dépenses d'investissements exceptionnelles, le budget total de la CNDA suit globalement l'évolution du nombre de recours. Alors que le nombre de recours a été multiplié par 2,4 depuis 2010, les dépenses agrégées de personnel et de fonctionnement de la Cour ont quant à elles été multipliées par 2,8.
Évolution des dépenses de personnel
et de fonctionnement
à la CNDA
de 2010 à 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les informations transmises par le Conseil d'État
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, les coûts d'occupation, de gardiennage et de nettoyage, ainsi que les frais de justice, et plus particulièrement l'interprétariat, ont fortement augmenté depuis 2019. Entre 2019 et 2024, les dépenses d'occupation ont progressé de 46 % compte tenu, notamment, de la prise à bail des nouveaux locaux. Les surfaces utilisées par la Cour ont en effet augmenté de 2 263 m2, passant de 12 390 m2 en 2019 à 14 653 m2 en 2024. L'augmentation des surfaces a nécessairement eu un impact sur les dépenses relatives aux services aux bâtiments, dont les plus significatives sont les prestations de gardiennage et de nettoyage. Ces dépenses ont ainsi évolué globalement de 54 % depuis 2019 (respectivement de 63 % pour le gardiennage et de 27 % pour le nettoyage). S'agissant enfin des dépenses de frais de justice, elles ont progressé de 16 % entre 2019 et 2024. Au sein de cette dotation, c'est l'interprétariat qui a fait l'objet d'une plus forte hausse, de + 22 % entre 2019 et 2024.
En ce qui concerne les dépenses de personnel, elles ont progressé de 235 % de 2010 à 2023, passant ainsi de 12,7 millions d'euros à 42,5 millions d'euros sur la période. La progression des effectifs a été le moyen privilégié par la Cour pour améliorer le traitement des recours.
3. Une priorité concentrée sur le renforcement des moyens humains
La progression des dépenses de personnel s'explique principalement par l'augmentation des effectifs. En effet, de 2010 à 2023, la consommation du plafond d'emplois a été multipliée par près de 2,7, passant de 243 ETPT à 656 ETPT. Le cumul du schéma d'emplois, qui correspond aux créations d'emplois, s'est établi durant la même période à près de 457 ETP.
La Cour a bénéficié massivement de créations d'emplois à partir de 2018, en captant quasi-totalement toutes les créations de poste du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » pendant plusieurs années consécutives. Ainsi, sur les 108 emplois créés en 2019, 103 concernent la CNDA. Ses effectifs ont été renforcés de plus de 200 ETP en deux ans, avec la création à nouveau de 103 emplois en 2019.
Le glissement vieillesse-technicité (GVT), les évolutions de la valeur du point fonction publique ainsi que des mesures de revalorisation salariale ont également contribué, mais dans une moindre mesure, à l'évolution des dépenses de personnel.
Depuis 2012, les principales mesures de revalorisation salariale ont représenté presque 2,3 millions d'euros pour la Cour, avec notamment la revalorisation des agents contractuels en 2016 pour un montant de 0,4 million d'euros, ou encore la revalorisation des indemnités des présidents et des assesseurs des formations de jugement en 2019, pour un montant de l'ordre de 0,7 million d'euros.
Au 1er janvier 2024, la CNDA compte 653 agents, dont la majorité est affectée en chambres (462 agents). La CNDA a pour particularité que quasiment la moitié de ses effectifs sont des personnels contractuels (320 agents).
* 52 Voir infra.
* 53 Les crédits inscrits sur l'action « Cour nationale du droit d'asile » du DPT immigration correspondent au coût complet (dépenses de fonctionnement et de personnels) de cette juridiction, après ventilation de l'action soutien du programme 165 selon les méthodes de la comptabilité d'analyse des coûts.