B. UNE ABSENCE DE PILOTAGE DU PROCESSUS, QUI A EMPÊCHÉ LE MINISTÈRE D'ANTICIPER LA DÉRIVE DES DÉLAIS DE PRISE DE RENDEZ-VOUS

Le processus de délivrance des titres d'identité implique différents acteurs : les communes pour le dépôt des demandes de titres d'identité, les services instructeurs de préfectures (CERT), INGroup pour la réalisation des titres et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) qui assure un soutien opérationnel à chacune de ces étapes.

Rappel du processus de délivrance des titres d'identité

Source : commission des finances du Sénat

L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), créée en 2007, joue un rôle essentiellement opérationnel : elle est chargée des systèmes d'information, des équipements, des réseaux informatiques et de l'achat à INGroup1(*) des titres sécurisés. Ce positionnement d'ordre technique est manifesté par le rattachement historique de l'ANTS à la fonction numérique du ministère de l'intérieur, situation qui a évolué sur la période récente2(*).

Dans cette configuration, le secrétaire général était chargé, par décret, « de coordonner la politique du ministère de l'intérieur en matière de titres sécurisés »3(*), sans que cette mission ne trouve de traduction précise dans l'organisation du secrétariat général.

En effet, la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) ne s'était pas vu confier de mission de pilotage du processus par l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne du secrétariat général du ministère de l'intérieur, qui fait seulement référence aux missions de la direction concernant la « lutte contre la fraude en matière de titres sécurisés »4(*). Ainsi, si des effectifs sont bien dédiés, au sein de la DMATES5(*), à des fonctions en lien avec les titres sécurisés, il n'y avait, au premier semestre 2022, aucun pilotage réel assuré par le ministère.

Pour rappel, en mai 2022, le délai moyen d'obtention d'un rendez-vous pour nos concitoyens était de 77 jours, et la délivrance d'une carte d'identité prenait ensuite 27 jours. Ainsi, il fallait alors en moyenne en France près de 150 jours calendaires pour obtenir un titre d'identité. Alors que l'augmentation des délais de rendez-vous en mairie a été progressive, la rapporteure spéciale ne peut que déplorer que le ministère de l'intérieur n'ait pris la mesure de la situation que tardivement.

En effet, les premières mesures d'urgence n'ont été annoncées que début mai 2022, soit plusieurs mois après le début de la crise. Il faudra alors plus d'un an et quatre salves d'annonces ministérielles et primo-ministérielles pour que soient mises en place les conditions de la résorption des délais. Ce n'est d'ailleurs que le 28 mars 2023 qu'un haut fonctionnaire est désigné par le ministre pour « renforcer le pilotage national du dispositif ». La rapporteure spéciale recommande que le ministère mette en oeuvre un pilotage réel de la délivrance des titres, en particulier en déterminant des indicateurs de suivi et les leviers de pilotage pertinents.

Recommandation n° 1 : confier à la DMATES un rôle de pilotage d'ensemble du processus de délivrance des titres (secrétariat général du ministère de l'intérieur).


* 1 Anciennement Imprimerie Nationale.

* 2 Le rattachement de l'ANTS à la DMATES date uniquement de l'arrêté du 30 décembre 2022, l'agence étant antérieurement rattachée à la direction du numérique du ministère.

* 3 Article 3 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer modifié.

* 4 L'arrêté du 30 décembre 2022 précise les missions de la direction en matière de lutte contre la fraude, sans lui confier plus précisément de rôle de pilotage.

* 5 La mission « délivrance sécurisée des titres », placée au sein de la direction de la modernisation de l'administration territoriale de l'État, comptait en 2022 une quinzaine d'agents.

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