LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
I. UNE ABSENCE DE PILOTAGE DU PROCESSUS DE DÉLIVRANCE DES TITRES, QUI A CONDUIT À NE RÉAGIR QU'AVEC RETARD, ET DE FAÇON IMPROVISÉE
A. LA RÉFORME DE LA DÉLIVRANCE DES TITRES EN 2017 A CONDUIT À UNE ATTRITION DES EFFECTIFS DÉDIÉS À L'INSTRUCTION DES DEMANDES DANS LES PRÉFECTURES
Mis en oeuvre en 2017, le plan « préfecture nouvelle génération » (PPNG) visait deux objectifs, à savoir mettre en oeuvre la dématérialisation des titres et renforcer d'autres missions prioritaires en mobilisant les effectifs déchargés par cette dématérialisation. Ainsi, concernant la délivrance des titres, il s'agissait en grande partie de profiter de mutualisations pour diminuer les effectifs. La réforme s'est traduite par la fermeture des guichets d'accueil dans les préfectures et par l'ouverture de 58 centres d'expertise et de ressources titres (CERT).
Répartition géographique des centres d'expertise et de ressources titres
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de l'Intérieur
Les CERT sont consacrés à l'instruction des demandes de titres d'identité (cartes d'identité et passeport), aux permis de conduire et aux certificats d'immatriculation des véhicules (CIV). Cette nouvelle organisation devait à la fois générer des redéploiements de personnel vers les missions prioritaires, et une économie globale de 1 300 emplois.
Le CERT dédié aux permis de conduire étrangers et internationaux, à Nantes
Lors de la mise en place des CERT, un service à compétence nationale a été installé à Nantes, spécialisé dans les échanges de permis de conduire étrangers (EPE) et le traitement des demandes de permis de conduire internationaux (PCI) pour toute la France hors Île-de-France. Ce service illustre les difficultés de la réforme : manque d'anticipation, sous calibrage initial et absence de véritable stratégie de long terme.
En effet, ce sont uniquement 40 agents qui étaient prévus au départ pour traiter les plus de 100 000 demandes annuelles d'échanges de permis étrangers et l'ensemble des demandes de permis de conduire internationaux, alors même que les applications informatiques adaptées à ces types de demandes n'avaient pas été déployées. Les demandes d'échanges de permis se sont très vite accumulées, atteignant 120 000 dossiers en stock dès 2019.
Deux réponses ont alors été mises en oeuvre, à savoir :
- d'une part le transfert au CERT de Cherbourg des demandes de permis de conduire internationaux en mars 2019 ;
- d'autre part, le recours à des renforts pérennes et à des contractuels.
Ainsi, pour résorber les stocks de dossiers, il a fallu que le CERT de Nantes recourt à près de 120 ETPT, soit près de trois fois les effectifs prévus initialement. Seule la moitié de ces effectifs ont été pourvus en effectifs titulaires, le reste étant occupé par des effectifs contractuels.
Si la situation s'est aujourd'hui nettement améliorée, on peut néanmoins s'interroger sur le statut du CERT de Nantes, qui, bien qu'étant un service à compétence nationale, n'est pas considéré comme une direction déconcentrée du ministère de l'intérieur.
Un rattachement direct à la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) parait ainsi être opportune, permettant de clarifier les responsabilités et de ne pas mobiliser les marges d'emploi de la préfecture de département de Loire-Atlantique. Par ailleurs, une telle évolution pourrait avoir des conséquences positives en termes d'attractivité pour le service.
Source : échanges de la rapporteure avec les services de la Préfecture de Loire-Atlantique
À l'échelle nationale, il est rapidement apparu que les services avaient été sous-calibrés, les gains de productivité surévalués et que les objectifs initiaux du plan PNG ne pourraient pas être atteints.
La création de nouvelles procédures et leur dématérialisation ne se sont pas traduites par une réduction aussi importante qu'attendue des besoins en moyens humains, rendant la mobilisation d'effectifs contractuels structurellement indispensable pour permettre aux services d'exercer leurs missions. Ainsi, alors qu'après la crise sanitaire, ces services ont dû répondre à la hausse des demandes de titres d'identité, la majorité d'entre eux se trouvaient déjà depuis leur création dans une situation de forte tension.