AVANT-PROPOS

Actuellement régies par les articles L. 2113-1 à L. 2113-23 du CGCT, les communes nouvelles sont nées de la volonté du législateur de conforter le fait communal, maillon essentiel de la cohésion sociale et de notre démocratie.

La loi n° 71-588, dite « Marcellin » du 16 juillet 1971, instituant un régime de fusion de communes, n'ayant pas produit les effets escomptés, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 lui substitue une nouvelle procédure de regroupement communal fondée sur le volontariat1(*). Son exposé des motifs présente l'ambition du texte : « Les articles 8 et 9 substituent un nouveau dispositif de fusion de communes, plus simple, plus souple et plus incitatif, à l'ancien (...) qui s'est révélé peu efficace. C'est le dispositif des communes nouvelles qui pourra concerner, sur une base volontaire, aussi bien des communes contiguës (...) que la transformation d'un EPCI en commune nouvelle. ». Le rapport de la commission des lois du Sénat avait alors confirmé les résultats très modestes du dispositif « Marcellin », contrastant avec ceux obtenus par nos voisins européens dans le cadre de démarches similaires engagées à la même période. Le projet de loi entendait donc rénover ce dispositif. Dans son rapport, la commission des lois du Sénat souscrivait à cet objectif, rappelant que la France comptait, au 1er janvier 2009, 36.686 communes et que cet « éclatement communal (...) constitue tout à la fois une richesse par la proximité et le maillage du territoire mais également une déperdition d'efficacité par l'émiettement des moyens : de nombreuses petites communes ne disposent pas en effet des capacités nécessaires à la gestion de la collectivité ».

Notre délégation a exercé un suivi attentif de ce sujet, lui consacrant un rapport en 2016 avec un titre résolument optimiste : « Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse : raisons et conditions d'une réussite »2(*). M. Christian MANABLE et Mme Françoise GATEL, cosignataires du rapport, constataient ainsi : « Nous sommes passés en-deçà du seuil psychologique de « la France aux 36 000 communes ». Cette « révolution silencieuse », opérée en toute discrétion, est le fruit des communes nouvelles ». Sur cette lancée, sept ans plus tard, la France compte désormais moins de 35.000 communes et franchit donc une nouvelle étape symbolique. Quelques 2,5 millions de personnes vivent désormais dans une commune nouvelle en France.

Force est toutefois de constater que cette évolution représente une baisse de seulement 5 % du nombre de communes depuis 2010, de sorte que la France demeure un pays caractérisé par l'émiettement communal3(*). Notre pays regroupe en effet 40 % des communes (ou échelon comparable) de l'Union européenne pour 15 % de la population4(*).

Force est également de relever que le dispositif des communes nouvelles marque un net ralentissement depuis 2020, probablement lié, en partie, à la crise sanitaire.

Alors, demi-succès ou demi-échec ? La réponse à cette question n'apparaît pas évidente. En tout état de cause, la diminution du nombre de communes ne constitue pas une fin en soi. La pertinence de la commune nouvelle se mesure à l'aune du seul objectif qui compte : l'efficacité de l'action publique locale jusqu'au dernier kilomètre et au dernier habitant.

Cet impératif d'efficacité commande, à l'évidence, d'écarter une piste consistant à rendre le dispositif contraignant. En effet, la commune nouvelle repose sur la libre volonté des élus et de la population et ce principe d'affectio societatis doit demeurer. L'intelligence territoriale est basée sur cette notion de responsabilité, donc de liberté. Il serait inopportun d'imposer par la loi une fusion de communes car elle ne réussit que là où elle repose sur un projet partagé et porté par les élus locaux. Le modèle des communes nouvelles n'est d'ailleurs pas généralisable : dans certains départements français, le nombre de communes est déjà faible et leur population moyenne élevée. La commune nouvelle s'inscrit dans le principe de différenciation territoriale : en effet, à côté du maquis des lois territoriales successives, trop souvent uniformisantes, repose la commune nouvelle, qu'on peut qualifier de « pépite de liberté locale», d'autant que le cadre juridique a été assoupli à plusieurs reprises par le législateur, notamment au travers de la loi n° 2019-209 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, issue d'une initiative de la sénatrice Françoise GATEL.

Afin de dresser un état des lieux et de relancer la dynamique de création des communes nouvelles, notre délégation et l'Association des maires de France (AMF) ont organisé au Sénat, le 28 septembre 2022, sous le haut-patronage de M. Gérard LARCHER, la rencontre nationale des communes nouvelles intitulée « Communes nouvelles : pour un nouveau souffle ». Ces rencontres ont permis de dresser un bilan en demi-teinte des communes nouvelles5(*).

Cette manifestation a été prolongée par une consultation en ligne lancée en avril 2023 par les rapporteurs, dans le cadre de la présente mission « flash », auprès de l'ensemble des communes nouvelles. 280 d'entre elles ont répondu, soit plus du tiers des communes nouvelles, ce qui constitue un excellent taux de réponse. Cette consultation a été complétée par l'organisation de trois tables-rondes (mai-juin 2023) afin de nourrir la réflexion des rapporteurs.

Il en ressort que la commune nouvelle est une organisation qui renforce le pouvoir d'agir des communes (I). La mission formule cinq fortes recommandations pour lui donner un nouvel élan (II).

I. LA COMMUNE NOUVELLE : UNE ORGANISATION QUI RENFORCE LE POUVOIR D'AGIR

A. UN BILAN JUGÉ GLOBALEMENT POSITIF

Les réponses obtenues lors de la consultation menée par vos rapporteurs témoignent du regard positif porté par les maires sur le dispositif de la commune nouvelle. En effet, 83 % des répondants se relanceraient dans la création d'une commune nouvelle, si c'était à refaire : 65 % répondent « oui tout à fait » et 18 % « oui plutôt ».

Source : résultats de la consultation en ligne
auprès des communes nouvelles

Par ailleurs, près de 90 % des répondants jugent positivement le fonctionnement de la commune nouvelle : 40 % émettent un avis « très » positif et 47 % « plutôt » positif.

Toutefois même si les taux restent globalement hauts, on observe des variations. Ainsi, si le jugement est très positif dans les communes nouvelles qui ont rassemblées moins de communes (92,8 % dans celles composées de 2 communes), le pourcentage tombe à 75 % dans celles composée de 6 communes et plus. De la même façon, si le fonctionnement est jugé positif à 97,1 % dans les communes nouvelles de moins de 1 000 habitants, le taux tombe à 71,9 % dans celles de plus de 4 000 habitants.


* 1 Loi de réforme des collectivités territoriales, dite « RCT ».

* 2 Rapport d'information n° 563 (2015-2016), fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 28 avril 2016 : https://www.senat.fr/rap/r15-563/r15-563.html

* 3 Vincent Aubelle, Eric Kerrouche, La décentralisation. Pour, contre ou avec l'État. Paris, La Documentation française, 2022.

* 4 Ibid.

* 5 Le compte-rendu se trouve sur https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220926/dct_bulletin_2022-09-26.html#toc2

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