D. EXEMPTER CLAIREMENT LES VOLERIES DES INTERDICTIONS VISANT LES SPECTACLES ITINÉRANTS AVEC ANIMAUX SAUVAGES

Il convient de s'arrêter un instant sur la situation particulière de la volerie, victime collatérale de l'interdiction de l'itinérance des animaux d'espèces non domestiques en captivité.

L'interprétation gouvernementale de la loi vient en effet fragiliser cette activité héritée de la fauconnerie, composante encore très vivace de notre patrimoine culturel, en particulier dans plusieurs sites médiévaux, et qui comporte une vocation à la fois pédagogique et de divertissement du grand public.

En effet, l'interdiction générale « d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants » (article 4614(*)), qui visait selon ses instigateurs les circassiens et leurs animaux15(*), aurait pu emporter l'interdiction, pour les professionnels et amateurs de la volerie, d'exercer au-delà d'un périmètre pouvant être parcouru en une journée.

Ces passionnés se déplacent en effet régulièrement pour des événements festifs afin d'effectuer des démonstrations qui s'échelonnent généralement sur plusieurs jours.

Pour autant, la notion d'itinérance implique une permanence qui ne correspond en rien au mode d'exercice de la volerie, fait de prestations ponctuelles, correspondant généralement à des festivités locales à des moments précis de l'année.

Il a en outre été rappelé à de multiples reprises lors de l'examen de la proposition de loi, que les rapaces - faucons, buses et autres chouettes - n'avaient pas les mêmes besoins physiologiques que des animaux sauvages aquatiques (hippopotames) ou même que les félins. Ils semblent en effet mieux supporter le transport et la captivité.

C'est pourquoi le législateur s'est exprimé en commission mixte paritaire pour préciser son intention, qui ne souffre aucune ambiguïté : ces voleries ne relèvent pas de la notion d' « itinérance », mais de celle de « transport » ou de « mobilité ».

Des intentions clairement exprimées par le législateur
lors de la commission mixte paritaire

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour le Sénat. Les rapporteurs que nous sommes estiment que les voleries ne sauraient être concernées par l'interdiction de détention des animaux sauvages à l'article 12, dans la mesure où les spectacles de fauconniers qu'elles proposent ne relèvent pas de l'itinérance. Les animaux partent d'une volière, participent à un spectacle puis retournent dans leur volière : il s'agit davantage de transport ou de mobilité que d'itinérance. Il me paraît important d'apporter cette précision, qui a fait l'objet de nombreuses discussions la nuit dernière, afin de sécuriser les spectacles concernés, notamment ceux évoqués par M. Thiériot.

Mme Aurore Bergé, députée. Je souscris aux propos de Mme Chain-Larché afin de lever toute ambiguïté quant aux intentions du Sénat comme de l'Assemblée nationale. La fauconnerie ne saurait être concernée par l'interdiction posée à l'article 12. En exposant ces animaux et en allant les montrer, par exemple, dans des EHPAD, l'Espace Rambouillet, géré par l'Office national des forêts (ONF), participe à la protection de la biodiversité. Les soins sont dispensés aux faucons par des professionnels soucieux du bien-être de l'animal.

Extrait des débats de la commission mixte paritaire sur l'article 14 de la proposition de loi [devenu article 49 de la loi].

Pour lever toute ambiguïté, s'il en était besoin, la rapporteure avait bien rappelé lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire au Sénat, sans être contestée par le Gouvernement, que « les voleries ne relèvent pas de l'interdiction prévue, car elles sont non pas itinérantes, mais mobiles ».

Les équipes de la direction de l'eau et de la biodiversité, comme d'ailleurs la ministre chargée de l'écologie elle-même, ont reconnu en audition l'existence de cette dérogation pour les voleries, en évoquant la possibilité de modifier l'arrêté du 25 mars 200416(*) fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

Il s'agit déjà d'une première étape importante qui évitera la fin de cette activité, et d'un signe très encourageant pour la volerie, que la rapporteure tient à saluer haut et fort.

Recommandation n° 8 : exempter clairement les voleries des interdictions visant les spectacles itinérants avec animaux sauvages en définissant pour elles un régime spécifique - soit en modifiant l'arrêté du 25 mars 2004 relatif aux zoos, soit, de préférence, en prenant un arrêté spécifique à cette activité.

En revanche, s'agissant du nombre de jours de présentation, les négociations continuent, la sénatrice ayant clairement fait part du souhait du législateur que les voleries puissent exercer leur activité plusieurs jours d'affilée sur un site en dehors de leur point fixe.

L'interprétation par les services du ministère chargé de l'écologie tendait au contraire à considérer que la dérogation ne vaudrait que pour un événement journalier, avec retour au point fixe le soir même, au motif que le verbatim de la commission mixte paritaire fait état d'« un spectacle ».

La rapporteure considère que cela revient à faire dire au législateur ce qu'il n'a pas dit, « un spectacle » pouvant évidemment s'échelonner sur plusieurs jours, et parfois même sur un mois.

Elle constate, du reste, que cette interprétation serait contraire au but recherché, qui reste, est-il besoin de le rappeler, le bien-être animal. En effet, imposer un trajet retour, potentiellement sur longue distance, la même journée, serait dans la plupart des cas plus contraignant pour les animaux que de rester sur place.

Ce serait en outre fragiliser l'équilibre économique des voleries, qui seraient contraintes de choisir un jour sur un week-end avec des coûts fixes de transport et d'installation inéluctablement accrus.

Il semble que le secrétariat d'État à l'Écologie soit finalement disposé à permettre l'activité sur plus d'une journée, ce pour quoi la rapporteure, qui a bien entendu les assurances du Gouvernement, se montre reconnaissante. Elle considère que la mobilité pourrait raisonnablement être autorisée pour une semaine et que la liberté devrait être laissée à ces professionnels d'héberger leurs animaux sur le site du spectacle ou sur un point fixe à proximité, en fonction de ce qui semble plus favorable sur le plan du bien-être animal.

Recommandation n° 9 : donner rapidement un horizon clair aux voleries, qui vivent aujourd'hui dans l'incertitude, en leur permettant d'exercer leur activité en dehors de leur point fixe sur des périodes d'au moins sept jours consécutifs, et en accompagnant la création de points fixes pour multiplier les solutions temporaires d'hébergement.


* 14 Créant un article L. 413-10 du code de l'environnement.

* 15 De façon plus spécifique, l'article 49 (créant un article L. 413-14 du code de l'environnement) interdit les mêmes activités pour les montreurs d'ours et de loups.

* 16 Arrêté du 25 mars 2004 fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000 000 610 915/