RAPPORT
I. RESPECTER PLEINEMENT LES ÉCHÉANCES ET GARDE-FOUS FIXÉS PAR LE LÉGISLATEUR AFIN D'ASSURER LA TRANSITION LA PLUS SEREINE POSSIBLE VERS LA FIN DE LA DÉTENTION DE CERTAINS ANIMAUX SAUVAGES
A. LES ARRÊTÉS RELATIFS À LA FAUNE SAUVAGE CAPTIVE ONT PRIS UN RETARD PRÉJUDICIABLE AUX PROFESSIONNELS, CAR SOURCE D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE
1. Cette loi comprend plusieurs mesures radicales par leur inspiration abolitionniste, mais en réalité bien plus nuancées dans leurs effets juridiques et concrets, justifiant l'attention portée à son application
Parmi les mesures les plus emblématiques de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, figurent les interdictions des chapitres 3 et 4 qui mettent fin, à certaines conditions, à la captivité de certaines espèces sauvages utilisées à des fins commerciales (articles 46 à 49), suivant une logique « abolitionniste ».
C'est dans une même logique abolitionniste que le chapitre 4 et son article unique (article 50) prévoient la fin de l'élevage de visons d'Amérique destinés à la production de fourrure, dès la promulgation de la loi (et non après un délai comme initialement prévu par cette loi). D'application directe, il a conduit à la fermeture du dernier établissement actif dans ce secteur dès la fin de l'automne 2023 (trois autres avaient été fermés par anticipation). Dans ce cas, la loi avait produit ses effets avant même d'entrer en vigueur.
Il faut noter toutefois que l'achat ou la vente de fourrures en vison n'étant, elle, pas interdite, le professionnel ayant cessé son activité pourra continuer d'écouler son stock en fonction des opportunités du marché. Par la suite, les industries textiles continueront de s'approvisionner à l'étranger, dans des conditions d'élevage qui seront, selon toute probabilité, moins-disantes.
En outre, après des débats marqués par des postures idéologiques et une prise à témoin systématique des franges les plus militantes de l'opinion publique, la commission mixte paritaire avait été conclusive au prix de divergences d'interprétations voire de malentendus sur ces dispositions, les plus emblématiques de la loi.
C'est ce qui rend le présent travail de contrôle d'autant plus important : il faut rappeler que ces interdictions ne sont pas générales et absolues, mais concernent certains animaux sauvages en captivité et si, et seulement si, certaines conditions sont réunies.
C'est ce qui rend également d'autant plus nécessaire la publication des textes réglementaires.
Or, alors que le Sénat avait été accusé, de façon factuellement inexacte, de refuser l'inscription de la proposition de loi à son ordre du jour et de « jouer la montre », la rapporteure remarque que, par contraste avec les arrêtés relevant de la compétence du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, les arrêtés du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont pris un retard préjudiciable aux professionnels, car source d'insécurité juridique.
Elle ne souhaite cependant pas sous-estimer la difficulté, réelle, liée à la mise en oeuvre des mesures d'interdiction de la loi, qui nécessite un travail politique et technique considérable.
2. Les « dispositions parapluie » nécessaires à la mise en oeuvre d'autres dispositions de ce texte ont bien été prises, ou sont sur le point de l'être
Tout d'abord, il faut noter que l'article 47 de la loi, définissant les refuges ou sanctuaires pour animaux sauvages captifs, destinés à l'accueil des animaux retirés à leur environnement actuel (cf. infra, le B et le C du présent I), ne nécessitait pas de mesures d'application pour entrer en vigueur2(*).
Par ailleurs, les trois arrêtés sur la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive (CNCFSC) prévus pour l'application de l'article 46 ont été pris. Ils devaient l'être prioritairement dans la mesure où il est prévu que cette commission soit consultée pour d'autres textes réglementaires pris en application de la présente loi (par exemple pour la liste d'espèces sauvages autorisées à la détention prévue à l'article 14).
Un premier porte sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la CNCFSC3(*), précisant notamment l'existence de deux formations, l'une plus élargie et impliquant les associations de protection animale, l'autre plus resserrée et ne laissant de place qu'aux professionnels et scientifiques. Le ministère chargé de l'écologie a indiqué qu'un arrêté modificatif serait pris dans les semaines suivant le présent bilan.
Deux autres arrêtés portent sur les nominations des membres au sein de cette commission, tant dans la formation prévue à l'article 4 du précédent arrêté (formation d'étude de la faune sauvage captive4(*)) que dans celle prévue à son article 5 (formation pour la délivrance des certificats de capacité5(*)).
Les deux arrêtés de nomination sont satisfaisants en ce qu'ils permettent une représentation équilibrée des différentes sensibilités, et donnent en particulier toute leur place aux compétences des professionnels, respectant, de ce fait, et l'esprit et la lettre de la loi. Le risque demeure, toutefois, que certaines compétences spécifiques, comme celles des circassiens, ne soient plus reconnues à leur juste valeur car davantage diluées qu'auparavant, au sein d'une instance élargie.
Enfin, à ce chapitre 3, il faut ajouter l'article 14 de la loi (chapitre Ier), créant un article L. 413-1 A au code de l'environnement, qui prévoit qu'un arrêté du ministre chargé de l'écologie fixe la liste des animaux pouvant être détenus comme animaux de compagnie ou dans le cadre d'élevages d'agrément (la « liste positive »). Ce renversement philosophique conduira à ce que, par défaut, un animal soit interdit à la détention, et à ce qu'il ne soit autorisé à la détention que par exception.
À la consultation du public, ce texte, qui a été présenté à la rapporteure de la mission de suivi, semble équilibré, alors que son principe laissait craindre des difficultés insolubles. Il s'agit désormais de le publier au plus vite pour permettre aux amateurs concernés de connaître le cadre qui leur est applicable, et pour que les plateformes de vente en ligne puissent se mettre en conformité avec leurs obligations (cf. infra, II, A, 5).
Recommandation n° 1 : publier au plus vite l'arrêté sur la liste positive d'espèces autorisées à la détention, dans la mesure où il est nécessaire à la mise en oeuvre d'autres dispositions du texte.
* 2 Ce n'est pas pour autant que le problème du manque de place pour les animaux sauvages retirés à leur environnement actuel est résolu.
* 3 Arrêté du 9 mars 2023 fixant les conditions d'organisation et de fonctionnement de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 047 351 079
* 4 Arrêté du 27 mars 2023 portant nomination à la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive en formation d'étude de la faune sauvage captive. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 047 351 226
* 5 Arrêté du 27 mars 2023 portant nomination à la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive en formation pour la délivrance des certificats de capacité. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000 047 351 224