B. UNE NÉCESSAIRE MODIFICATION DU CADRE LÉGISLATIF D'ORES ET DÉJÀ ADOPTÉE PAR LE PARLEMENT
La recommandation n° 1.1. « Clarifier et renforcer les obligations de service public qui s'imposent à l'acheminement des services d'urgence » s'est déjà partiellement traduite par la modification des dispositions législatives du CPCE applicables aux opérateurs en matière de numéros d'urgence. L'examen de la proposition de loi « Matras » relative à la sécurité civile 18 ( * ) étant intervenu, au Sénat, en première lecture, à la fin du mois de septembre 2021, celui-ci a pu tenir compte de cette recommandation et a adopté en conséquence un amendement à l'initiative du Gouvernement. Figurant à l'article 17 de la loi « Matras », ces dispositions modifient l'article L. 33-1 du CPCE afin d'imposer aux opérateurs la mise en oeuvre de « toute mesure permettant de garantir la continuité de l'acheminement de ces communications. Ils sont chargés de mettre en place une supervision technique permettant d'assurer, dans les meilleurs délais, une remontée d'alerte dans les conditions définies par décret » .
L'introduction de ces dispositions était présentée par le Gouvernement comme un moyen de « renforcer, en la clarifiant, l'obligation d'acheminement des communications d'urgence, figurant au point f) du I de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques. » et de compléter « cette obligation en imposant la mise en place d'une supervision technique des dispositifs des communications d'urgence permettant une remontée d'alerte dans les meilleurs délais » 19 ( * ) .
Le Sénat a soutenu cet amendement du Gouvernement car il permet de réintroduire à l'article L. 33-1 du CPCE une obligation de continuité de l'acheminement des communications d'urgence , une obligation qui ne figurait plus à la suite de la transposition de la directive européenne du 11 décembre 2018 par l'ordonnance du 26 mai 2021.
Cette évolution législative est à mettre en perspective avec les évolutions réglementaires récentes prises dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 11 décembre 2018, et finalisées à la lumière de la panne des 2 et 3 juin dernier.
En effet, le décret n° 2021-1281 du 30 septembre 2021 modifiant les obligations des opérateurs de communications électroniques conformément au code européen des communications électroniques précise notamment :
- la procédure de notification des incidents de sécurité, par exemple en donnant la possibilité au ministre chargé des communications électroniques d'adresser des prescriptions techniques à un opérateur afin de remédier à un incident de sécurité ayant eu un impact significatif sur le fonctionnement des réseaux et services ;
- les obligations renforcées des opérateurs en matière de communications d'urgence, par exemple pour la mise à disposition sans délai des services de secours, agissant dans le cadre de missions d'interventions de secours, des informations de localisation de l'appelant d'un numéro d'urgence, dans des conditions qui ont été davantage détaillées.
Les évolutions législatives permises par l'examen au Sénat de la loi « Matras », complétées par un renforcement des obligations des opérateurs au niveau réglementaire, était nécessaires. Elles marquent un premier pas dans la mise en oeuvre des recommandations du rapport du 19 juillet 2021, qui mentionne la clarification des obligations de service public qui s'imposent à l'acheminement des communications d'urgence .
Or, l'article L. 33-1 du CPCE concerne les dispositions générales applicables aux opérateurs de télécommunications, mais ne concerne pas les obligations de service public applicables à ces opérateurs, qui sont définies aux articles L. 35 à L. 35-7 du même code. S'il est précisé à l'article L. 35 que les obligations de service public sont assurées dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, l'article L. 35-1, réécrit à la suite de la transposition de la directive européenne du 11 décembre 2018 et relatif au service universel des communications électroniques, ne fait plus mention des communications d'urgence et de la gratuité de leur acheminement.
En effet, cette directive européenne ne considère pas que l'acheminement des communications d'urgence fasse partie des obligations du service universel des communications électroniques .
À cet égard, les rapporteurs soulignent toutefois que la portée d'une obligation générale applicable aux opérateurs est moindre que celle d'une obligation de service public.
Les rapporteurs rappellent également que, depuis la fin de l'année 2020, le Gouvernement n'a toujours pas désigné de nouveau prestataire du service universel pour le raccordement et la téléphonie fixe, même si la société Orange maintient ses engagements au titre du service universel jusqu'en 2023, ni amorcé la procédure d'attribution du prestataire du service universel pour l'accès Internet à haut débit.
Dans ce contexte, les rapporteurs appellent à la mise en oeuvre rapide d'une nouvelle procédure de désignation du prestataire de service universel. Le cahier des charges devra préciser des obligations renforcées en matière d'acheminement des communications d'urgence et renvoyer explicitement et a minima au respect des dispositions de l'article L. 33-1 du CPCE , qui consacre une obligation générale de continuité de l'acheminement des communications d'urgence, que ces communications proviennent d'un téléphone fixe ou mobile.
Ainsi, les évolutions législatives permises par l'examen au Sénat de la proposition de loi dite « Matras » permettent aux parlementaires d'ouvrir la voie à une réflexion plus poussée sur les obligations de service public des opérateurs de télécommunication, notamment dans la perspective de la mise en oeuvre du prochain service universel des communications électroniques .
* 18 Proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels dite « loi Matras », du nom du député auteur et rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, Fabien Matras.
* 19 Extrait de l'objet de l'amendement de séance n° 135 du Gouvernement adopté par le Sénat, en première lecture.