I. UN « QUOI QU'IL EN COÛTE » UTILE MAIS QUI REPOUSSE À MOYEN ET LONG-TERME LA RÉSOLUTION DES PROBLÉMATIQUES ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES 5
A. UN RECOURS MASSIF À L'ENDETTEMENT PUBLIC POUR AMORTIR LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE 5
B. LES EMPRUNTS ET LES REPORTS DE CHARGES DES ENTREPRISES RISQUENT DE DÉTERIORER DURABLEMENT LEUR CAPACITÉ DE REBOND 6
II. DES DÉPENSES DE SOUTIEN D'UNE AMPLEUR INÉGALÉE, SANS QUE L'OBJECTIF DE PROTÉGER TOUTES LES ENTREPRISES AIT ÉTÉ PLEINEMENT TENU 7
A. LES IMPORTANTES MESURES DE SOUTIEN MISES EN PLACE ONT PERMIS D'ATTÉNUER LES EFFETS DE LA CRISE 7
B. UN OBJECTIF DE PROTÉGER L'ENSEMBLE DES ENTREPRISES NON REMPLI ET DES RISQUES D'INSOLVABILITÉ AGGRAVÉS 8
III. LA PROTECTION DE LA JEUNESSE, UN IMPÉRATIF DÉLIBÉRÉMENT MIS ENTRE PARENTHÈSES 10
COMPTE RENDU DE LA PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE DEVANT LA MISSION (29 JUIN 2021) 13
EXAMEN DES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS (5 JUILLET 2021) 23
PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DE L'ÉTUDE TAJ 33
SYNTHÈSE DE L'ÉTUDE RELATIVE AUX RESTRICTIONS DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET DE LA LIBERTÉ D'ALLER ET VENIR DANS CINQ PAYS EUROPÉENS 39
AVANT-PROPOS
Depuis la mise en place d'un premier confinement, le 17 mars 2020, le Sénat a été appelé à examiner, souvent dans une grande urgence, de nombreux projets de loi, d'une part pour mettre en place puis reconduire l'état d'urgence sanitaire, d'autre part pour apporter des soutiens massifs aux secteurs économiques frappés par les restrictions, voire l'interruption complète, de leur activité. La « déclaration de « guerre » au virus Sars-CoV-2 par le Président de la République a entraîné une mobilisation sans précédent des outils budgétaires, dans le cadre d'une politique de « quoi qu'il en coûte » peu remise en question depuis lors.
L'urgence de la lutte contre la pandémie pouvait expliquer le recours à des procédures juridiques exceptionnelles - jamais le nombre des ordonnances n'ayant été aussi élevé - et le Sénat a répondu présent depuis le début de la crise sanitaire. Mais au fil des mois et de la succession de vagues épidémiques, il est apparu indispensable d'engager un « retour d'expérience » sur les dispositions tant sanitaires qu'économiques et budgétaires mises en oeuvre par le Gouvernement. Par sa violence et son impact sur toutes les dimensions de vie sociale, économique, culturelle et personnelle de tous, la pandémie constitue un phénomène exceptionnel. Tenter de porter un regard lucide sur la manière dont les pouvoirs publics y ont fait face ne revient pas à nier cette évidence mais vise simplement à tirer des enseignements d'autant plus utiles que la crise sanitaire se prolonge et que plus personne ne se hasarde désormais à avancer une date de sortie définitive.
C'est animé de cette exigence que le Sénat, à l'initiative du président Gérard Larcher, a décidé de mettre en place une mission d'information inédite par sa forme et la tâche qui lui a été confiée. Créée par la Conférence des présidents, la mission d'information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées de confinement ou de restrictions d'activité, qui comprend 19 membres désignés à la représentation proportionnelles des groupes politiques composant le Sénat, a commencé ses travaux en janvier 2021. L'étendue volontairement très vaste de sa mission supposait qu'elle définisse des priorités et mette en oeuvre des modalités de travail inédites.
C'est dans ce cadre que la mission d'information a d'emblée choisi d'engager un marché afin de disposer d'une évaluation précise et exhaustive des réponses opérationnelles et juridiques à la crise sanitaire dans cinq pays européens : outre la France, il s'agissait de l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni . Confiée au cabinet d'avocats Taj au terme d'un appel d'offres, la réalisation de cette étude avait pour ambition d'identifier précisément l'incidence de chaque mesure dans ces pays, à la fois dans le domaine sanitaire et économique.
Une telle tâche s'est avérée difficile, notamment dans le domaine sanitaire : non seulement les cinq pays sous revue ont tous mis en oeuvre une batterie de réponses non pharmaceutiques, mais celles-ci l'ont été simultanément. Si le Stringency Index de l'Université d'Oxford fournit une indication sur le niveau des mesures de restriction de liberté imposées et leur évolution au fil du temps, l'étude, réalisée par Taj avec le soutien de son sous-traitant Deloitte Monitor, ne permet pas de définir une stratégie plus vertueuse qu'une autre.
En tout état de cause, des difficultés d'ordre méthodologique rendent les comparaisons très difficiles : au-delà de la définition des lits de réanimation qui diffère sensiblement d'un pays à l'autre, c'est la « doctrine » même d'utilisation du système de santé qui diffère d'un pays à l'autre. Enfin, les cinq pays étudiés disposent d'une organisation institutionnelle propre et la politique de santé y fait l'objet d'une répartition entre l'Etat et les collectivités territoriales très différente : la structure fédérale de l'Allemagne ou très décentralisée de l'Espagne, dont se rapproche l'Italie, où la politique de santé relève des régions, contraste avec la centralisation française d'un système qui privilégie l'organisation de l'offre de soins.
La décentralisation des décisions relatives à la mise en oeuvre des mesures de restriction, parce qu'elle permet de mieux tenir compte de la situation épidémique très contrastée observée sur le terrain, semble néanmoins avoir donné de meilleurs résultats en termes d'adéquation de la réponse sanitaire à l'évolution de la circulation du virus Sars-CoV-2.
En revanche, l'étude menée par Taj ne permet pas de conclure à la supériorité d'une mesure - fermeture des établissements scolaires, interdiction des rassemblements, instauration d'un couvre-feu, interdiction des trajets longue distance et interruption des réseaux de transports publics... - sur une autre. C'est pourquoi, la mission d'information n'a souhaité dégager des orientations que dans le domaine économique, qui constituait le second volet du travail de comparaison engagé. Même si elle est, elle aussi, assortie de lourdes réserves méthodologiques, tenant notamment à l'absence de données exhaustives, elle apporte un éclairage des enjeux des années à venir pour la société française.