III. LA PROTECTION DE LA JEUNESSE, UN IMPÉRATIF DÉLIBÉRÉMENT MIS ENTRE PARENTHÈSES
L'emploi des 15-24 ans est fortement affecté depuis le début de la crise, qu'il s'agisse de licenciements ou de difficultés pour entrer sur le marché du travail. Lors de la première vague, en 2020, il a diminué de 11 % en France tandis qu'il s'est à peu près maintenu en Allemagne (- 1 %) et au Royaume-Uni (2 %).
A l'inverse, l'emploi des 25-64 ans a été préservé et le nombre d'actifs de cette classe d'âge est rapidement revenu au niveau de 2019.
Cette différence de situation résulte du choix du Gouvernement de protéger avant tout les détenteurs d'un emploi, via le dispositif d'activité partielle. Il s'agit donc d'une priorisation assumée, ses effets négatifs sur la jeunesse n'ayant été l'objet que de quelques mesures ponctuelles.
Bien qu'un rebond ait pu être observé durant l'été 2020, à la faveur notamment des emplois saisonniers, le niveau d'emploi des jeunes se trouvait toujours fin 2020 environ 3 % sous sa moyenne de 2019.
Surtout, l'étude commandée par la mission d'information observe qu'en mars-avril 2021, « le recul du nombre d'actifs chez les jeunes est quasiment similaire au recul du nombre d'employés par rapport à 2019. En d'autres termes, les pertes d'emplois se sont, in fine , traduites par une sortie des jeunes du marché du travail, et non par une hausse du chômage ». Cela signifie que de nombreux jeunes actifs ne se sont pas inscrits dans une démarche de recherche d'emplois, mais se sont éloignés durablement du marché du travail. Si certains l'ont fait pour reprendre ou prolonger des études, il est très vraisemblable qu'une part non-négligeable d'entre eux subisse désormais une inactivité prolongée et contrainte.
Cette situation est particulièrement alarmante dans la mesure où, au-delà des situations personnelles difficiles que vivent les jeunes depuis le déclenchement de la crise (confinement, rupture du lien social, cours à distance, etc.), une telle sortie du marché du travail a un impact sur le « capital humain » du pays, les compétences se dépréciant à mesure que l'éloignement de l'emploi perdure. A moyen et long terme, cela se traduira par une perte de productivité et un affaiblissement de la croissance potentielle du pays.
La relative stabilité du taux de chômage français au cours de la période masque donc en réalité une double baisse, du numérateur (nombre de personnes sans emploi) et du dénominateur (population active, qui inclue les personnes sans emploi en recherche d'activité).
Sur un plan plus général, les jeunes devraient donc encourir une « double peine » : éprouver de grandes difficultés à s'insérer durablement sur le marché du travail puis devoir supporter le poids de la dette accumulée au plus fort de la lutte contre l'épidémie.
Même si elle n'est donc pas propre à la France, la dégradation profonde et sans doute durable de la situation des jeunes ne manque pas d'inquiéter. Sur ce point, l'étude réalisée à la demande de la mission d'information confirme, si besoin en était, la large préoccupation du Sénat pour cette question, qui s'est notamment exprimée à travers le « droit de tirage » 6 ( * ) exercé par plusieurs groupes politiques au cours de la session 2020-2021.
* 6 Mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France
Mission d'information sur l'évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français
Mission d'information sur la politique en faveur de l'égalité des chances et de l'émancipation de la jeunesse