L'ESSENTIEL

Le groupe de travail sur l'avenir des services publics de La Poste s'est intéressé au financement des quatre missions de service public confiées à La Poste, à leurs évolutions, ainsi qu'aux nouvelles missions de service public et activités d'intérêt général qui pourraient être assurées par l'entreprise.

L'avenir des missions de service public de La Poste repose sur quatre leviers d'action : compenser, contrôler, améliorer et détecter.

I. COMPENSER, POUR PRÉSERVER DANS LA DURÉE LE FINANCEMENT DES SERVICES PUBLICS DE LA POSTE

A. POUR LA PREMIÈRE FOIS, COMPENSER LE SERVICE UNIVERSEL POSTAL

Première et principale mission de service public confiée à La Poste, le service universel postal est l'obligation de fournir des services de qualité de collecte et de distribution du courrier et des colis, sur l'ensemble du territoire, de manière permanente et à des prix abordables pour tous.

Jusqu'en 2017, l'équilibre financier du compte du service universel postal était assuré. Or, depuis 2018, ce compte est déficitaire . Si la baisse du volume du courrier est une tendance de long terme, elle a été accélérée par la crise économique et sanitaire, provoquant un déficit estimé à 1,3 milliard d'euros (Md€) pour l'année 2020 , malgré la hausse des activités de livraison de colis.

Face à cette situation financière inédite et aux incertitudes liées à l'évolution de ce déficit dans les prochaines années, dont le montant pourrait varier de 700 millions d'euros (M€) à 2,4 Mds€ d'ici 2025 en fonction des mesures prises pour le réduire.

Aujourd'hui, sans compensation de l'État à compter de l'année 2021, une « réduction » du service public s'imposera dans les faits avec une diminution des services rendus aux usagers . Afin d'éviter cette situation dommageable et de maintenir un modèle français exigeant de service public, les rapporteurs envisagent un mécanisme de compensation mixte, associant un levier fiscal, jusqu'à 270 M€, et un levier budgétaire complémentaire, jusqu'à 730 M€ .

B. MAINTENIR LA COMPENSATION DES TROIS AUTRES SERVICES PUBLICS

Deuxième mission de service public, la contribution à l'aménagement du territoire se traduit par l'obligation de maintenir un réseau de 17 000 points de contact, ce qui garantit une densité du réseau postal spécifiquement française et qui constitue le principal atout de l'entreprise. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 177 M€, pour un coût net évalué à 227 M€ par l'Arcep.

Déjà sous-compensé, le financement de cette mission doit être préservé des effets de la baisse des impôts de production évalués à 66 M€ pour l'année 2022, ces derniers contribuant à son financement.

Troisième mission de service public, le transport et la distribution de la presse s'effectuent dans les conditions du service universel postal et à des tarifs préférentiels afin de favoriser le pluralisme des idées et des expressions. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 96 M€, pour un coût net évalué à 296 M€.

Malgré le développement de la presse en ligne, l'existence de ce service public demeure justifiée, mais le mécanisme de compensation doit être réformé dans la mesure où la hausse des tarifs n'a pas permis d'en assurer l'équilibre financier.

Quatrième et dernière mission de service public confiée à La Poste , la mission d'accessibilité bancaire , qui permet notamment aux personnes précaires d'ouvrir un livret A auprès de La Banque Postale et de l'utiliser comme un quasi-compte courant, a démontré son utilité sociale avec environ 1,2 million de bénéficiaires. En 2020, cette mission était compensée à hauteur de 230 M€, pour un coût net estimé à 260 M€ et qui devrait augmenter dans les prochaines années.

De manière complémentaire à cette mission, des mesures supplémentaires devraient être prises pour favoriser l'accès aux espèces , en particulier dans les zones peu denses, rurales et touristiques .

(en M€)

R2015

R2018

R2019

E2020 (c)

SU (a)

CA

7 644

7 107

6 842

5 920

Compensation

Aucune compensation

Déficit (NB : bénéfice en 2015)

288

-365

-554

-1 320

Presse (a)

Déficit avant compensation

-465

-287

-290

-296

Compensation

133

111

104

96

Déficit net

-332

-176

-186

-200

Aménagement du territoire (b)

Coût net avant compensation

-238

-231

-231

-227

Compensation

169

171

171

177

Déficit net

-69

-60

-60

-50

Accessibilité bancaire (b)

Coût net avant compensation

-405

-338

-406

-360

Compensation

235

320

350

330

Déficit net

-170

-18

-56

-30

Déficits nets cumulés

-283

-619

-856

-1 600

(a) Évaluation selon la méthode du compte (différence entre chiffre d'affaires et charges).

(b) Évaluation selon la méthode du coût net (différentiel de profit entre la situation avec les contraintes de MSP et l'absence de telles contraintes).

(c) Les comptes réglementaires 2020 n'étant disponibles qu'en juin 2021, il s'agit d'estimation préliminaire.

II. CONTRÔLER, POUR S'ASSURER DU RESPECT PAR LA POSTE DE SES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC

A. PERMETTRE À L'ARCEP DE PLEINEMENT EXERCER SON RÔLE DE RÉGULATEUR

Les auditions du groupe de travail ont mis en évidence la nécessité de sécuriser et de compléter, le cadre juridique permettant à l'Arcep d'exercer son rôle de régulateur et de contrôle vis-à-vis de La Poste, moindre que celui exercé vis-à-vis des opérateurs de télécommunications. Dans cette perspective, les modifications législatives suivantes sont envisagées :

- confier à l'Arcep une mission de calcul du coût net du service universel postal afin de disposer d'estimations chiffrées indépendantes et contre-expertisées à partir desquelles la compensation de l'État sera déterminée, puis notifiée à la Commission européenne ;

- confier à l'Arcep une mission de calcul du coût net de la mission de distribution de la presse afin de garantir davantage de transparence et de lisibilité aux éditeurs de presse qui dépendent du réseau postal de distribution.

B. RENFORCER LE CONTRÔLE POLITIQUE DES QUESTIONS POSTALES

Les auditions successives du groupe de travail sur l'avenir de La Poste ont également mis en évidence la nécessité de renforcer le contrôle et le suivi politiques des questions postales .

D'une part, au niveau national, il est souhaitable de clarifier la supervision politique des questions postales au sein du Gouvernement afin de s'assurer de la bonne adoption des dispositions réglementaires relatives à La Poste et du pilotage du Comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise , négocié entre La Poste et les services compétents de l'État.

D'autre part, aux niveaux national et territorial, les compétences de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP) et des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) devraient être élargies pour permettre un suivi plus complet de l'organisation postale, du respect des obligations de service public et de la qualité de service.

Enfin, la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), désormais actionnaire de contrôle à hauteur de 66 %, devrait voir son rôle renforcé en matière de suivi de l'évolution et du financement des missions de service public confiées à La Poste.

III. AMÉLIORER, POUR RENFORCER LES EXIGENCES DE QUALITÉ DE SERVICE DE LA POSTE

A. FIXER DE NOUVEAUX OBJECTIFS CONTRAIGNANTS DE QUALITÉ DE SERVICE

Si le développement de la mesure de la qualité de service constitue l'une des lignes directrices du nouveau plan stratégique de La Poste à horizon 2030, force est de constater que le sentiment des citoyens est celui d'une satisfaction globale, mais d'une dégradation récente de la qualité des services postaux et d'une moindre présence postale sur le territoire.

Dans la perspective de l'octroi par l'État d'une compensation du service universel postal, une trajectoire à la hausse des objectifs réglementaires de qualité de service devrait être prévue et fixée dans un nouvel arrêté ministériel pour la période 2021-2023, puis pour la période 2024-2026. Le contrôle du respect de ces objectifs de qualité relève des compétences de l'Arcep, les auditions ayant mis en évidence un contrôle timide et un faible usage du pouvoir de sanction du régulateur , c'est pourquoi une plus grande publicité des décisions prises par l'Arcep est nécessaire.

Le sentiment d'une dégradation récente de la qualité de service étant particulièrement prégnant parmi les éditeurs de presse, des objectifs réglementaires et contraignants pourraient être fixés pour la première fois pour le service public de transport et la distribution de la presse . Si le contrôle du respect de ces objectifs relevait de la compétence de l'Arcep, les indicateurs de mesure de qualité pourraient être progressivement définis par un Observatoire de la qualité de la distribution de la presse .

Enfin, afin de mieux appréhender cette problématique, une mission prospective de calcul du coût lié au manque de qualité de service pourrait être confiée à l'Arcep .

B. AMÉLIORER LA QUALITÉ DE SERVICE DE LA POSTE

Premièrement, face au sentiment d'une moindre présence postale sur le territoire et à la transformation du réseau postal liée à la baisse de la fréquentation des bureaux de poste, il est indispensable d' améliorer les modalités d'information des élus locaux qui dénoncent régulièrement les fermetures des bureaux de poste.

Le cas échéant, la constitution d'agences postales communales (APC) ou intercommunales (API) est préférable aux fermetures sèches des bureaux de poste.

Deuxièmement, afin de renforcer le partenariat entre les maisons France Services et La Poste , le processus de labellisation devrait être accéléré afin d'avoir au moins un point de contact partenarial entre La Poste et France Services par département d'ici la fin de l'année 2021 . En effet, si 84 départements respectaient cette condition au 1 er janvier 2021, 17 départements ne disposaient pas d'un point de contact partenarial entre La Poste et France Services à cette date.

Enfin, pour mieux répondre aux attentes des citoyens, il est nécessaire d'augmenter le nombre de tournées de distribution du courrier et des colis le samedi. En effet, la présence postale est aussi celle du facteur, son passage étant attendu par les citoyens le samedi .

Contact humain essentiel pour de nombreuses personnes, le passage du facteur représente à la fois le maintien de la présence de La Poste , mais également le maintien de la présence de l'État et des services publics sur l'ensemble du territoire.

IV. DÉTECTER, POUR LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ET LES DIFFICULTÉS DES FRANÇAIS

A. DÉTECTER LA PRÉCARITÉ NUMÉRIQUE À DOMICILE : UNE 5ÈME MISSION DE SERVICE PUBLIC À ENVISAGER

Aujourd'hui, 13 millions de personnes ne maîtrisent pas les outils numériques en France . Si plusieurs politiques publiques de lutte contre l'exclusion numérique sont mises en oeuvre, avec un budget de 250 M€ dans le cadre du plan de relance, et que des initiatives sont prises par La Poste en la matière, toutes ces actions ont la même limite : adopter une « approche par tiers lieux » .

Si toutes les actions en faveur de l'inclusion numérique sont souhaitables, une « approche à domicile » complémentaire pourrait être développée, avec l'appui de La Poste, pour inclure les « publics invisibles », c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer dans un bureau de poste ou une maison France Services, qui n'osent pas demander de l'aide pour sortir de la précarité numérique ou qui ne connaissent pas les offres existantes de formation.

Dans cette perspective, les facteurs pourraient aussi devenir les « détecteurs » à domicile de la précarité numérique . Il ne s'agit pas de faire des facteurs des médiateurs numériques, mais de leur permettre d'intervenir en amont : avant de pouvoir former, il faut pouvoir identifier .

Une expérimentation convaincante a été réalisée en ce sens par la communauté d'agglomération du Sicoval , en partenariat avec La Poste, et des expérimentations similaires devraient être développées sur l'ensemble du territoire afin de pouvoir déterminer si la détection à domicile de la précarité numérique par les facteurs peut constituer une cinquième mission de service public confiée à La Poste .

B. DÉTECTER LA « GALÈRE ADMINISTRATIVE » : UN NOUVEAU RÔLE POUR LES FACTEURS

Aujourd'hui, près de trois Français sur cinq se disent incapables de réaliser des démarches administratives en ligne , alors que l'objectif du Gouvernement est de dématérialiser à 100 % les 250 démarches administratives les plus utilisées d'ici le mois de mai 2022.

Face à cette situation, la puissance publique peut utilement mobiliser le réseau de La Poste et sa capacité de déploiement sur l'ensemble du territoire afin de confier un nouveau rôle aux facteurs, en soutien des politiques publiques existantes : celui de « détecteur » de la « galère administrative » .

Autrement dit, les facteurs pourraient devenir de véritables « représentants à domicile des maisons France Services » , en identifiant les besoins des usagers et en établissant le lien avec les équipes compétentes des maisons France Services.

Dans une logique similaire à celle évoquée précédemment, les 250 équipes de facteurs mobiles que La Poste s'est engagée à déployer sur le territoire doivent être rapidement mises en place . Ces équipes mobiles, formées à la médiation numérique, pourront notamment se rendre au domicile des usagers en difficulté et dans l'incapacité de se déplacer afin de les aider gratuitement à la réalisation de certaines démarches administratives.

C. DÉTECTER LA PERTE D'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES : DES EXPÉRIMENTATIONS À DÉVELOPPER

Dans le cadre de sa stratégie de diversification dans la Silver Economy et la santé, La Poste a été sollicitée par le Gérontopôle du CHU de Toulouse pour mener une expérimentation visant à détecter, par un questionnaire, la perte d'autonomie fonctionnelle des personnes âgées . Cette expérimentation s'inscrit dans le cadre du programme ICOPE de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui vise à prévenir la dépendance de 15 millions de personnes âgées d'ici 2025, dont 150 000 en France.

Selon les premiers enseignements de cette expérimentation, l'appui des facteurs dans la réalisation de la première étape du programme peut être sollicité dans trois configurations :

- lorsqu'il y a une carence de professionnels de santé sur un territoire ;

- lorsque les professionnels de santé sont mobilisés de façon exceptionnelle ;

- lorsque la personne concernée est en situation de vulnérabilité numérique et n'est pas en mesure de réaliser elle-même une évaluation de sa perte d'autonomie fonctionnelle.

Cette première expérimentation s'est avérée satisfaisante , à la fois pour les professionnels de santé, les facteurs et les personnes ayant bénéficié du programme ICOPE. Dans la continuité de cette initiative, des expérimentations similaires devraient être développées par d'autres CHU sur l'ensemble du territoire, le ministère des solidarités et de la santé ayant récemment publié un appel à manifestation d'intérêt pour la mise en oeuvre du programme ICOPE.

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