C. LES ÉLUS LOCAUX ONT AGI POUR MAINTENIR LES SERVICES PUBLICS ESSENTIELS, MAIS ÉGALEMENT POUR PALLIER LES DÉFAILLANCES DE L'ÉTAT, PARFOIS AU-DELÀ DE LEURS COMPÉTENCES HABITUELLES

1. La quasi-totalité des élus locaux ont rencontré des difficultés pour assurer le fonctionnement des services publics essentiels au niveau local

Le maintien de la continuité des services publics essentiels au niveau local a été source de difficultés pour 95 % des répondants.

Les services aux personnes âgées (40 %), la mise en place du service minimum d'accueil dans les crèches et les écoles (32 %), le ramassage des déchets et l'assainissement (31 %), la mise en oeuvre des mesures de sécurité sanitaire (31 %) et le maintien de l'ordre et le respect des mesures de confinement par la police municipale (26 %) ont été les services les plus touchés sur l'ensemble du territoire.

Quels sont les services publics essentiels

pour lesquels votre collectivité a rencontré le plus de difficultés ?

(plusieurs réponses possibles - total supérieur à 100%)

Source : Délégation aux collectivités territoriales du Sénat

Plus grande est la commune, plus le poids des difficultés est important. Les élus de communes de moins de 1 000 habitants font état, en moyenne, de 1,7 difficulté, tandis que ceux issus de collectivités de plus de 10 000 habitants en ont rencontré 2,1 en moyenne.

Cette perception différente des difficultés peut être expliquée par la moindre voilure des services publics essentiels dans les territoires ruraux, sujet traité par la délégation dans ces travaux récents 6 ( * ) . En effet, mécaniquement, s'il y a moins de services locaux, il y a moins de difficultés locales. Dans les collectivités territoriales les plus peuplées, les services et les enjeux afférents sont plus nombreux.

Les services essentiels pour lesquels la collectivité
a rencontré le plus de difficulté

(plusieurs réponses possibles - total supérieur à 100 %)

Global

Moins de 1 000 hab.

Entre 1 000

et 10 000 hab.

Plus de 10 000 hab.

Petite enfance et éducation

32%

28%

37%

36%

Services aux personnes âgées

40%

35%

44%

49%

Déchets, assainissement, eau, etc.

31%

26%

34%

38%

Sécurité (police municipale)

26%

24%

26%

30%

Sécurité sanitaire

31%

30%

32%

35%

Nombre de difficultés moyen

1,9

1,7

2,0

2,1

Source : Délégation aux collectivités territoriales du Sénat

Cependant, le poids des difficultés s'allège légèrement pour les élus locaux au-delà de 50 000 habitants, ce qui peut s'expliquer par l'absorption des enjeux organisationnels par des fonctionnaires territoriaux plus nombreux au soutien des élus.

Cette remarque s'applique tout particulièrement en matière de services aux personnes âgées, problème majeur pour près d'une collectivité territoriale sur deux de plus de 10 000 habitants.

Des différences territoriales apparaissent, par exemple pour les questions de sécurité, qui furent une difficulté prioritaire pour 36 % des collectivités franciliennes, soit dix points de pourcentage de plus que la moyenne nationale.

2. Grâce aux initiatives des élus locaux, les collectivités territoriales se sont substituées à l'État en matière d'équipements de protection et d'information de la population sur les mesures d'urgence

Le contexte exceptionnel de la crise sanitaire a conduit l'ensemble des collectivités territoriales à agir au-delà de leur champ habituel de compétences, en particulier dans deux domaines : l'acquisition directe d'équipements de protection individuels ou collectifs (62 %) et l'information de la population sur les dispositifs d'urgence annoncés par l'État (61 %).

Placés dans l'incertitude, les élus locaux ont choisi d'avoir une gestion active des carences rencontrées. Ces initiatives doivent être appréciées à l'aune des deux principales difficultés rencontrées dans les premiers moments de la crise sanitaire, à savoir le manque de visibilité sur les stocks nationaux et l'approvisionnement par l'État (36 %) et le manque de directives claires et cohérentes de la part de l'État sur les mesures d'état d'urgence sanitaire (17 %).

Dans quel(s) domaine(s) votre collectivité a-t-elle été amenée à agir
hors de son champ habituel de compétence ?

(plusieurs réponses possibles - total supérieur à 100 %)

Global

Moins de 1 000 hab.

Entre 1 000

et 10 000 hab.

Plus de 10 000 hab.

Achats d'équipements de protection individuels ou collectifs

62%

53%

68%

78%

Renseignements sur les dispositifs annoncés par l'État

61%

60%

61%

61%

Mise à disposition de moyens
et de locaux

26%

15%

34%

44%

Contribution de la police municipale au respect des mesures de confinement

20%

8%

27%

42%

Actions de soutien au système hospitalier

18%

9%

21%

39%

Aucune action menée en dehors
du champ habituel de compétences

14%

19%

8%

7%

Source : Délégation aux collectivités territoriales du Sénat

En particulier, l'ampleur des initiatives prises par les élus locaux pour se fournir eux-mêmes en masques ne peut que traduire une certaine défiance vis-à-vis de la parole étatique. Ce qui n'est pas sans interroger sur l'égalité entre les territoires puisque le déterminant de l'action locale semble avoir été les moyens à disposition des collectivités, qui varient essentiellement en fonction de leur taille.

Les collectivités se sont littéralement substituées à l'État en matière de masques et d'équipements de protection. Ainsi, 78 % des collectivités de plus de 10 000 habitants ont indiqué avoir acheté des équipements de protection à leur initiative. Ce taux reste élevé (54 %) y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants. Une césure entre les communes de plus de 10 000 habitants et celle de moins de 1 000 se dessine cependant plus nettement dans les autres domaines d'intervention renseignées, qu'il s'agisse de la mise à disposition de locaux (44 % contre 15 %), de la contribution de la police municipale au respect du confinement (42 % contre 8 %) ou de la mise en oeuvre d'actions de soutien au système hospitalier (39 % contre 9 %).

L'unique champ d'action où les prises d'initiatives ne varient que très peu en fonction de la taille (61 % contre 60 %) est également le domaine où les actions requièrent le moins de moyens : le renseignement de la population sur les mesures d'urgence prises par l'État.

« L'État n'assure aucune équité entre les territoires : les grandes communes ont les moyens techniques et financiers de prendre des mesures. »

« L'impréparation de l'État impose à chaque territoire de tenter de trouver des solutions par ses propres moyens (achat de masques...). L'État n'est pas en mesure d'assurer une équité ou une égalité territoriale entre les grandes communes et les plus petites. »

Maires de communes de moins de 1 000 habitants de la Meuse


* 6 « Les collectivités locales, engagées au service de nos ruralités », Rapport d'information n° 251 (2019-2020) de MM. Bernard Delcros, Jean-François Husson, Franck Montaugé et Raymond Vall, déposé le 16 janvier 2020. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r19-251/r19-2511.pdf

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