B. UN COÛT ÉCONOMIQUE TRÈS ÉLEVÉ
Alors que la Grèce sortait à peine d'une longue crise économique et sociale, la pandémie de Covid-19 ruine ses efforts . La question est de savoir si ces conséquences économiques ne seront que passagères ou appelées à durer.
Pour faire face aux effets de cette pandémie, les autorités grecques ont pris, dès le 11 mars, des mesures représentant un coût total de 10 milliards d'euros , qui ont permis de financer les mesures suivantes :
- le versement de 800 euros à tout employé dont l'entreprise a suspendu ses activités ;
- un bonus pour les professionnels de santé ;
- la réduction du taux de TVA de 24 % à 6 % jusqu'à la fin de 2020 pour les biens nécessaires dans la lutte contre la pandémie ;
- l'annulation des pénalités pour paiement tardif des factures ;
- le remboursement immédiat des dettes dues par l'administration fiscale aux contribuables jusqu'à 30 000 euros ;
- le versement d'un prêt bancaire d'un milliard d'euros destiné aux entreprises pour couvrir les coûts salariaux et non salariaux ;
- la suspension jusqu'au 31 juillet du paiement des impôts et taxes pour les entreprises affectées par la crise du coronavirus.
Le 20 mai suivant, le gouvernement grec a annoncé un plan de soutien à l'économie, dont le secteur touristique, d'un montant porté à 24 milliards d'euros , y compris des fonds européens.
L'impact de la crise sur l'économie grecque sera très douloureux. Selon des prévisions de la Commission européenne, le PIB de la zone euro devrait chuter de 7,7 % en 2020. Or, la Grèce serait le pays de la zone euro le plus touché, avec un recul du PIB de 9,7 %, soit davantage que durant 2011 , l'année la plus violente de la crise économique lorsque le PIB avait reculé de 9 %. Dans un premier temps, le ministère grec des finances avait même estimé le coût de la crise entre 10 % et 15 % du PIB.
Par ailleurs, le ratio des prêts non performants , qui avait atteint son niveau historique le plus bas avec une moyenne en zone euro de 3,22 % au quatrième trimestre 2019, est susceptible d'augmenter significativement pour de nombreuses banques européennes, mais toutes n'abordent pas cette période dans la même situation. En effet, selon des statistiques de surveillance de la BCE, publiées le 7 avril dernier, la Grèce présentait avant la crise le ratio le plus élevé à 37,40 % .
Enfin, pour le seul mois de mars 2020, plus d'emplois ont été perdus que pour toute l'année 2012 . Alors que le taux de chômage avait diminué, tout en restant élevé, aux alentours de 16 % de la population active, il devrait augmenter de 6 points en Grèce d'ici la fin de l'année, pour s'établir à 22,3 %, soit le niveau le plus haut de la zone euro (10,4 % en moyenne), devant l'Espagne (20,8 %).
Cette situation s'explique en grande partie par la structure de l'économie grecque. Le tourisme est en effet le deuxième pilier de l'économie grecque derrière la marine marchande et représente 20,6 % du PIB, soit plus du double de la moyenne européenne (10 %), plus encore dans certaines régions - 80 % de l'économie de l'île de Santorin dépend du tourisme - et emploie un actif sur cinq. En 2019, la Grèce avait reçu environ 34 millions de visiteurs, pour des recettes de l'ordre de 18 milliards d'euros.
Or, la lutte contre la pandémie a exigé la fermeture des frontières et s'est traduite par la quasi-paralysie des transports maritimes et aériens. Dans ce contexte, la saison estivale risque d'être désastreuse . Selon le ministère grec du tourisme, la pandémie pourrait se traduire par une baisse des recettes touristiques d'environ 50 % . La perte de recettes des hôtels pourrait atteindre 4,5 milliards d'euros en 2020, tandis que 45 000 emplois seraient directement menacés.
Les autorités ont pris des mesures pour limiter ce risque. Elles valorisent sur la scène européenne leur gestion de la crise sanitaire de manière à rétablir un sentiment de sécurité chez les voyageurs, tout en restant prudentes pour ne pas se trouver confrontées à un afflux massif de touristes dans les îles, sous-équipées sur le plan sanitaire.
L'objectif est de préserver une saison touristique de trois mois (juillet, août et septembre), éventuellement prolongée en cas d'évolution positive de la pandémie. L'accès à la Grèce pourrait être limité aux seuls touristes européens , compte tenu du maintien attendu des restrictions de vols en provenance des pays tiers, et le gouvernement plaide pour une réouverture rapide des frontières intra-européennes. Il est par ailleurs probable que le tourisme intérieur ne compense pas la perte de recettes engendrées ordinairement par les touristes étrangers .
Le premier jour du déconfinement, le 4 mai, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a estimé que, « dans le meilleur des scénarios, la Grèce va pouvoir commencer son activité touristique à partir du 1 er juillet et nous travaillons afin d'atteindre cet objectif ». Il a ajouté : « Supposons que les gens fassent des tests avant de prendre l'avion et qu'ils soient suivis de près, alors l'expérience touristique ne pourrait être que très légèrement différente des précédentes années ». Un calendrier a été présenté pour le secteur hôtelier : les hôtels fonctionnant toute l'année ont rouvert le 1 er juin, et les hôtels saisonniers le feront le 15 juin, alors que la date initialement prévue était le 9 juillet.
Les autorités grecques redoutent que les principaux États européens de provenance des touristes, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la France, n'adoptent des mesures de quarantaine au retour des voyages, ce qui réduirait les flux. Elles cherchent à convaincre les pays des Balkans de l'intérêt de rouvrir les frontières sur la base de protocoles sanitaires et ont engagé des discussions avec des États tiers non européens, tels qu'Israël, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.