VI. M. Julien Durand-Réville, responsable santé de l'Union des industries de la protection des plantes
Je représente en France les entreprises qui développent et mettent sur le marché les substances destinées à protéger les plantes contre les agressions.
Je pense que nous sommes tous ici conscients de l'importance d'une bonne gestion de la perturbation endocrinienne. Cela a été dit, la vraie difficulté est de bien faire la part des choses entre des perturbateurs endocriniens avérés et des substances qui peuvent entrer en interaction, sans nécessairement avoir des effets néfastes sur la santé.
Nos organismes sont tout à fait accoutumés aux interactions avec ces substances, qu'il s'agisse de substances naturelles apportées par notre alimentation - caféine, hormones présentes dans les végétaux ou dans la viande, sucre... - ou de substances exogènes.
Globalement, qu'il s'agisse de l'industrie chimique dans son ensemble, avec le règlement européen REACH, ou plus particulièrement des produits phytosanitaires, le cadre actuel ne permet pas, faute de tests appropriés, de démontrer un mode d'action de la perturbation endocrinienne. En revanche, il y a déjà toute une batterie de tests permettant de mettre en évidence d'éventuels effets néfastes.
M. Cicolella a évoqué le DDT : cette substance n'est plus sur le marché depuis très longtemps. Aujourd'hui, les critères, les études et les éléments que doit fournir l'industrie se combinent, avec des tests - conduits sur les humains, mais aussi sur des animaux de laboratoire - de différentes modulations de doses, y compris sur plusieurs générations.
En termes de critères, l'Europe avait proposé quatre options. La première est de poursuivre dans la même voie qu'aujourd'hui, avec des critères provisoires. La deuxième consiste à exclure les perturbateurs endocriniens avérés, selon la définition présentée tout à l'heure par Mme Chaze. La troisième revient à interdire ces mêmes substances, en créant une catégorie supplémentaire de perturbateurs endocriniens suspectés et même une autre catégorie regroupant des substances simplement impliquées dans des interactions. Enfin, la quatrième option vise à la prise en compte, en sus de tout cela, d'un certain nombre de critères, notamment la puissance, c'est-à-dire la capacité d'une substance à induire des effets néfastes aux concentrations auxquelles les personnes ou l'environnement peuvent être exposés.
Pour vous donner un ordre de grandeur du nombre des substances concernées par ces différentes options, j'indiquerai que l'Europe a travaillé, dans la cadre de la réalisation d'une étude d'impact, sur 350 produits phytosanitaires et une centaine de produits biocides. Il est intéressant de noter que, aux termes du rapport, les options 2, 3 et 4 apportent le même niveau de protection pour l'environnement et la santé. On lit plus loin que ce sont les options 2 et 3 qui ont l'impact le plus critique sur la compétitivité sectorielle de l'agriculture et du commerce. Voilà dix ans, on dénombrait à peu près 1 000 substances agricoles actives sur le marché, contre environ 400 aujourd'hui.
La position française sur ce sujet est assez isolée en Europe. En particulier, notre pays est le seul à demander le retrait non seulement des perturbateurs endocriniens avérés, mais aussi de tous les perturbateurs endocriniens suspectés, soit, au total, plus d'une centaine de substances, c'est-à-dire environ un tiers des substances encore présentes sur le marché.
Quelle est notre position à l'égard de la définition des perturbateurs endocriniens ? Nous sommes nous aussi d'accord pour que l'on retienne les trois critères des effets néfastes, de la causalité et des modes d'action liés à la perturbation endocrinienne. Il nous semble important de prendre aussi en compte d'autres éléments, notamment la sévérité et la réversibilité des effets, ainsi que la puissance. À titre d'exemple, la puissance de la pilule contraceptive est de 1 million, ce qui correspond à celle du moteur d'un supertanker ! Par comparaison, à quantité égale, la puissance des effets sur le système hormonal oestrogénique d'un certain nombre de substances naturelles présentes dans les légumes, comme le coumestrol, est de l'ordre de 10 000. Ce chiffre est plus faible pour des substances exogènes comme le parabène. On le voit, il y a une gradation : faut-il interdire des substances qui ne produisent des effets qu'à des concentrations extrêmement élevées ?