D. AMÉLIORER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS EN PREMIÈRE INSTANCE ET EN APPEL

Au fil de ses auditions et déplacements, votre mission a acquis la conviction que la justice n'obtiendrait pas de moyens supplémentaires sans réforme de son organisation et de son fonctionnement. Plusieurs pistes d'action ont semblé, à cet égard, prioritaires à votre mission.

En premier lieu, le renforcement de l'autonomie de gestion des juridictions et l'ouverture du chantier de la réforme des cours d'appel constituent les deux premières voies préconisées par votre mission.

En second lieu, elle a identifié quatre pistes complémentaires : l'adaptation des procédures d'appel et de cassation, sans remettre en cause l'accès à la justice, la recherche de nouvelles méthodes de travail au sein des juridictions, de nature à recentrer le juge sur son office, l'exploration de voies raisonnables de déjudiciarisation et de dépénalisation et l'allègement de la charge d'activité des juridictions pénales.

Premier priorité de cet ensemble de propositions, le modèle actuel de gestion et d'administration des juridictions, qui semble procéder d'une vision trop centralisatrice, ne permet pas une organisation optimale réellement déconcentrée et appelle des évolutions.

1. Renforcer l'autonomie de gestion des juridictions
a) Mieux prendre en compte les compétences d'encadrement pour l'accès aux fonctions de chefs de cour et de juridiction

La légitimité et l'autorité des chefs de cour et de juridiction reposent en premier lieu sur les conditions de leur nomination qui se doivent, selon votre mission, d'être transparentes et appuyées sur des critères objectifs . La nomination des magistrats, strictement encadrée par la Constitution, fait l'objet de procédures distinctes selon les fonctions occupées.

Ainsi, les nominations aux postes de premier président de cour d'appel et de président de tribunal de grande instance relèvent du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature, alors que les nominations des procureurs généraux près les cours d'appel et des procureurs de la République relèvent du pouvoir de proposition du garde des sceaux, sur avis simple du Conseil supérieur de la magistrature. Par ailleurs, la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, a étendu la procédure de « transparence » à l'ensemble des nominations de premier président de cour d'appel et de président de tribunal de grande instance 217 ( * ) .

Votre mission s'est interrogée sur les critères de recrutement des chefs de cour et de juridiction , et sur la valorisation de compétences autres que celles relatives à l'exercice d'une fonction juridictionnelle dans le choix des candidats, notamment les capacités d'encadrement, de gestion, d'organisation et de coordination d'une équipe .

La procédure de sélection est présentée dans l'encadré ci-après.

La procédure d'examen des candidatures
par le Conseil supérieur de la magistrature

L'examen des candidatures des procureurs généraux près les cours d'appel et des procureurs de la République, relevant du pouvoir de proposition du garde des sceaux

La chancellerie établit un projet de nomination, la « transparence » , qui est porté à la connaissance de l'ensemble des magistrats. Est également diffusée la liste complète des candidats pour chaque poste dite « transparence détaillée » . Les candidats non proposés peuvent alors formuler , dans un délai restreint, des observations auprès du Conseil supérieur de la magistrature et de la chancellerie . À l'issue de ce délai, la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet se réunit afin de procéder à l'examen des dossiers des magistrats proposés d'une part, et des magistrats ayant formulé des observations d'autre part. Pour chaque proposition, un ou deux rapporteurs sont désignés, une attention toute particulière est portée aux évaluations professionnelles, mais aussi aux actions de formation continue suivies, ainsi qu'au déroulement général de la carrière. Pour les postes de chef de cour ou de juridiction , la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet procède à des auditions. À l'issue de l'instruction, elle arrête son avis et formule, le cas échéant, des recommandations ou des signalements au bénéfice d' « observants ». Le fruit de ces délibérations est communiqué à la direction des services judiciaires lors de séances dites « de restitution », les procureurs généraux près les cours d'appel et les procureurs de la République étant ensuite nommés sur avis simple du Conseil supérieur de la magistrature.

L'examen des candidatures des premiers présidents et présidents de tribunal de grande instance, relevant du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature

Des appels à candidatures sont régulièrement diffusés , dans lesquels les besoins propres de certaines juridictions sont soulignés.

Les magistrats intéressés peuvent alors candidater, sans se limiter aux postes vacants à un moment donné . Les candidatures sont adressées simultanément au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux. La formation compétente à l'égard des magistrats du siège procède alors à un examen de cette liste appelée « première lecture », qui permet d'écarter les candidatures ne répondant pas aux exigences statutaires ou jurisprudentielles du Conseil supérieur de la magistrature. Le Conseil supérieur de la magistrature pose également un critère supplémentaire afin d'éviter tout problème de positionnement : nul ne peut être nommé à la tête d'une juridiction où il a exercé au cours des cinq années précédentes.

Des co-rapporteurs, l'un magistrat et l'autre non-magistrat, procèdent ensuite à une analyse sur dossier des profils des candidats, lors d'une « deuxième lecture », à l'issue de laquelle sont sélectionnés des candidats pour une audition devant la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature . Pour les postes de premier président , le Conseil supérieur de la magistrature sollicite, des candidats convoqués à une audition, la rédaction d'une note exposant la cohérence de leur candidature au regard de leurs activités actuelles et passées, ainsi que leur conception de l'exercice de la fonction de premier président. Une fiche de présentation des juridictions cibles est également portée à la connaissance des membres de la formation du Conseil supérieur de la magistrature, de façon à adapter le profil aux besoins de la juridiction.

À l'issue des auditions, la formation du Conseil supérieur de la magistrature délibère et diffuse un projet de circulaire de « transparence » permettant aux candidats non retenus de formuler d'éventuelles observations . Une fois cette procédure close, le Conseil supérieur de la magistrature se réunit de nouveau et statue de façon définitive, la chancellerie prépare ensuite les décrets de nomination .

Source : commission des lois du Sénat et rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature 2015.

Le rapport annuel pour l'année 2015 du Conseil supérieur de la magistrature précise que les rapporteurs des formations compétentes qui examinent les candidatures « s'attachent plus particulièrement à vérifier si les formations suivies, les expériences d'animation ou de coordination d'un service, le travail de partenariat, l'activité professionnelle antérieure, qualifient particulièrement le candidat pour le poste sollicité » 218 ( * ) .

Le Conseil supérieur de la magistrature a établi, pour le recrutement aux fonctions de président de juridiction, trois groupes de critères qu'il « s'efforce d'apprécier au mieux lors du processus de sélection » 219 ( * ) :

- être un « bon juge » , à savoir maîtriser le droit civil et pénal et avoir mené une réflexion sur le rôle du juge et de la justice dans la société et sur l'importance de la déontologie des magistrats, domaine dans lequel il doit être personnellement irréprochable ;

- démontrer un intérêt pour les questions d'organisation et de gestion et être en capacité d'identifier les leviers d'amélioration de la productivité et de la qualité ;

- disposer d'un pouvoir de conviction et d'une capacité d'entraînement, nécessaires à l'animation d'une juridiction.

Ces critères de choix ne sont toutefois prévus par aucun texte et semblent en outre insuffisamment étayés par des objectifs précis.

En outre, aucun critère n'a été établi , à la connaissance de votre mission, pour le recrutement aux fonctions de premier président de cour d'appel , le Conseil supérieur de la magistrature indiquant dans son rapport de 2014 220 ( * ) qu'il lui semblait indispensable de formaliser les attentes et les compétences requises pour occuper les fonctions de chefs de cour, d'une nature différente de celles de chef de juridiction.

Quant aux critères de nomination des procureurs de la République et des procureurs généraux près les cours d'appel , qui relèvent du pouvoir de proposition du garde des sceaux, ils ne semblent pas non plus formalisés et rendus publics.

Il semble anormal à votre mission qu'aucun critère de recrutement ne soit prévu par les textes pour le recrutement des chefs de cour et de juridiction, et qu'aucun document de référence ne semble fixer de cadre à ces recrutements .

Pourtant, votre mission a relevé que depuis la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016 précitée, le statut de la magistrature mentionne désormais expressément s'agissant des chefs de juridiction, que leur « évaluation apprécie, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction » 221 ( * ) .

Votre mission préconise donc que des critères de sélection des chefs de cour et de juridiction soient inscrits dans la loi organique n° 94-100 du 5 février 1995 sur le Conseil supérieur de la magistrature. Ces critères pourraient ensuite être déclinés en grilles analytiques de compétences , documents opérationnels qui pourraient être rendus publics et faire l'objet d'un réexamen chaque année, par les formations compétentes du Conseil supérieur de la magistrature, en amont des premiers recrutements, et par le garde des sceaux de manière à pouvoir être adaptés si besoin.

Proposition n° 67 :

Améliorer la définition de critères de sélection des chefs de cour et de juridiction, notamment les compétences d'administration et d'encadrement, et les inscrire dans la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature.

Le Conseil supérieur de la magistrature a également instauré une pratique consistant à placer au sein d'un « vivier » 222 ( * ) , certains des candidats non retenus pour un poste auquel ils ont présenté leur candidature mais susceptibles de l'être ultérieurement. Jusqu'en 2015, un candidat placé dans ce « vivier » l'était sans limite de durée et n'était pas réentendu lorsque sa candidature était examinée pour un nouveau poste. Il est désormais prévu que le candidat mis au « vivier » soit entendu de nouveau au moment où le Conseil supérieur de la magistrature envisage de proposer sa nomination à un poste à responsabilité, dans certains cas limitativement énumérés 223 ( * ) , ce qui semble pertinent à votre mission, puisque que la durée de placement dans ce « vivier » des candidats est désormais limitée à une année.

Par ailleurs, votre mission attache une grande importance à la formation des magistrats dans l'objectif de mieux les préparer à l'exercice de responsabilités.

Le cycle approfondi d'études judiciaires (CADEJ), ouvert à tous les magistrats et proposant des sessions de réflexion sur leur métier et sur la place de la justice en France, a utilement intégré à son programme des éléments sur l'organisation administrative, budgétaire et juridictionnelle, les moyens de la justice, l'action managériale, l'éthique, la déontologie et la discipline, aux côtés de thèmes juridiques plus classiques tels que la justice et la société, les normes et la justice, justice et sécurité ou encore les espaces judiciaires internationaux.

De même, tout magistrat nommé à des fonctions qu'il n'a jamais exercées auparavant bénéficie dans les deux mois qui suivent son installation d'une formation à la prise de fonction correspondante , délivrée par l'École nationale de la magistrature. Si ces dispositions s'appliquent aux chefs de cour ou de juridiction, il semble qu'elles pourraient être renforcées.

En outre, il semble que pourrait être établi par la direction des services judiciaires un cadre plus formel de passation de pouvoir entre les chefs de cour ou de juridiction sortants et entrants, prévoyant notamment la documentation et les outils à laisser à disposition du successeur.

Proposition n° 68 :

Mieux préparer la prise de fonction des magistrats chefs de cour ou de juridiction.

b) Conforter la responsabilité des chefs de cour et de juridiction dans l'administration de la justice, appuyée sur les directeurs de greffe

L'administration des juridictions constitue une mission essentielle des chefs de cour et de juridiction, qu'ils exercent avec l'appui des fonctionnaires de greffe, placés sous l'autorité d'un directeur de greffe.

Le code de l'organisation judiciaire retient la cour d'appel comme le principal niveau d'administration et de gestion dans les territoires , les chefs de cour étant conjointement chargés de l'administration des services judiciaires et désignés ordonnateurs secondaires des dépenses et recettes du ressort. Ils détiennent une compétence conjointe pour la passation des marchés publics et doivent s'assurer de « la bonne administration des services judiciaires et de l'expédition normale des affaires ». Ils disposent pour ce faire du service administratif régional 224 ( * ) .

Jusqu'à récemment, aucun article du code de l'organisation judiciaire n'attribuait aux chefs des tribunaux de grande instance un rôle en matière d'administration et de gestion . Le décret n° 2014-1458 du 8 décembre 2014 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire institue un « comité de gestion », composé du président du tribunal de grande instance, du procureur de la République et du directeur de greffe. Ce comité doit se réunir au moins une fois par mois, afin de débattre des questions de gestion et de fonctionnement de la juridiction. Aucun article du code de l'organisation judiciaire n'attribuant expressément de pouvoirs d'administration aux chefs de juridiction, ce pouvoir est en conséquence partagé avec les directeurs de greffe. Les chefs de juridiction rendent toutefois compte de leur gestion auprès des chefs de cour du ressort.

Lors de ses auditions et déplacements, votre mission a pu constater l'existence de tensions entre magistrats et greffiers sur leurs compétences d'attribution respectives en matière de gestion . Cette ambiguïté résulte pour certains de la fonctionnarisation des greffes privés, intervenue à partir de la fin des années 1960 225 ( * ) , que le cadre juridique actuel semble favoriser. Le code de l'organisation judiciaire prévoit 226 ( * ) en effet que le directeur de greffe, appartenant au grade fonctionnel de directeur des services de greffe judiciaires, exerce ses fonctions sous « l'autorité et le contrôle hiérarchique » des chefs de juridiction, qui ne peuvent toutefois se substituer à lui . Le directeur de greffe doit ainsi se conformer aux directives générales qui lui sont données par les chefs de juridiction, mais il dispose du pouvoir d'évaluation des greffiers et fonctionnaires de greffe et a autorité pour affecter les fonctionnaires dans les différents services, sans que les chefs de juridiction puissent s'y opposer.

Deux propositions d'évolution du système ont été soumises à votre mission lors des auditions, par les Conférences nationales représentant les chefs de cour et de juridiction, d'une part, et par les syndicats représentatifs des fonctionnaires d'autre part. Les premiers souhaitent que les juridictions soient plus clairement dirigées par les deux magistrats chefs de juridiction , conformément au principe français de la « dyarchie ». Ces magistrats pourraient être assistés d'un secrétaire général d'arrondissement judiciaire, qui aurait, par délégation des chefs de juridiction, autorité sur l'ensemble des greffiers et des fonctionnaires de greffe, eux-mêmes encadrés par un directeur de greffe, assurant un encadrement intermédiaire. Cette fonction de secrétaire général pourrait être confiée à un directeur de greffe pour les juridictions de petite et moyenne taille et à un magistrat ou un administrateur civil dans les juridictions ayant atteint une taille critique à définir. Les seconds souhaitent quant à eux que les cours et tribunaux soient dirigés par les directeurs de service de greffe judiciaires et non plus par des magistrats, qui seraient alors uniquement centrés sur leurs fonctions juridictionnelles.

Votre mission ne souhaite pas arbitrer en faveur de l'un ou l'autre des systèmes proposés, mais plutôt rechercher les voies et moyens d'une entente et d'une collaboration , d'autant plus nécessaires que la création du nouveau statut de directeur des services de greffe judiciaire, dont la formation est désormais presque intégralement axée sur les missions d'organisation, d'encadrement et gestion, apparaît bien mieux adaptée aux missions qui leur sont confiées dans les juridictions.

L'organisation et la gestion d'une juridiction et l'exercice de fonctions juridictionnelles demeureront toujours liées , dans la mesure où la façon de rendre la justice est étroitement dépendante des moyens accordés pour l'organisation de cette mission. Votre mission préconise en revanche de clarifier les textes réglementaires régissant le système actuel.

Proposition n° 69 :

Clarifier l'organisation et les relations hiérarchiques internes des juridictions, en distinguant mieux l'organisation de la fonction de juger, qui relève directement des chefs de juridiction, de la gestion quotidienne par les directeurs de greffe sous l'autorité et le contrôle des chefs de cour et de juridiction.

Enfin, votre mission préconise de redonner un sens aux instances de concertation des cours et des juridictions, à savoir les différentes assemblées de magistrats et de fonctionnaires, afin de favoriser la vie interne des juridictions.

D'après les magistrats et fonctionnaires entendus par votre mission, ces instances ne sont plus attractives pour les magistrats et fonctionnaires , qui jugent globalement que peu de décisions s'y prennent et que peu de débats stratégiques y sont menés. Il en résulte une très faible participation aux assemblées. Devant ces difficultés, seule l'action et l'initiative personnelle des chefs de cour et de juridiction peuvent permettre, par les sujets mis à l'ordre du jour, de remédier à ce désintérêt pour l'action collective dans les juridictions. Votre mission préconise de profiter des récentes évolutions en matière de gouvernance des juridictions, pour faire des assemblées générales des magistrats et des fonctionnaires de réels lieux d'échange et de débat . La création des conseils de juridiction et l'obligation de concevoir un projet de juridiction, tant pour les cours d'appel que pour les tribunaux de grande instance, invitent à associer au mieux les différents acteurs de ces institutions. Les assemblées générales des magistrats et des fonctionnaires constituent ainsi des instances pertinentes pour initier ces projets et pour impulser une nouvelle dynamique de concertation, qui doit aussi avoir lieu sur les orientations budgétaires. Afin de réunir les conditions de présence de l'ensemble des personnels concernés par l'assemblée générale, votre mission préconise de fixer au moins un jour dans l'année où aucune audience n'est prévue dans la juridiction concernée.

Proposition n° 70 :

Redonner un sens aux assemblées de magistrats et fonctionnaires, pour en faire de réels espaces de concertation.

c) Mettre à niveau les budgets de fonctionnement courant des juridictions

Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions 227 ( * ) , dont les crédits de paiement s'élèvent à 354 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017, ne représentent que 11 % du programme « Justice judiciaire », dont la totalité des crédits sont dédiés aux juridictions. Ils sont également minoritaires au sein même des dépenses de fonctionnement du programme (41 %), les frais de justice représentant la majorité des crédits ouverts (59 %) sur cette ligne budgétaire.

Évolution des crédits de fonctionnement courant des juridictions

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012 228 ( * )

2013 229 ( * )

2014

2015

2016

2017

2009/2015

2009/2017

Crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale

289

279

267

265

296

300

301

318

354

4%

22%

Crédits de paiement consommés en fin d'année

330

295

333

320

312

297

305

n.c

-

-8%

-

Taux de consommation des crédits

114%

106%

125%

121%

105%

99%

101%

-

-

-

-

Source : inspection générale des finances et inspection générale de la justice 230 ( * ) .

Ces dépenses semblent pourtant être les plus sensibles pour les chefs de cour et de juridiction, puisque ce sont les seules dépenses sur lesquelles ils ont un pouvoir d'arbitrage, même relatif, ainsi que l'ont montré les déplacements de votre mission, lors desquels les responsables de juridiction ont mis en évidence, a contrario du mouvement global d'augmentation des crédits 231 ( * ) , une baisse de leurs crédits de fonctionnement courant. À titre d'illustration, d'après les calculs transmis par la cour d'appel de Riom à votre mission, sa dotation aurait fortement diminué à périmètre constant, entre 2008 et 2017. Alors que les crédits de fonctionnement ouverts en loi de finances initiale sont en augmentation depuis 2014, les crédits consommés par les juridictions ont baissé de 4,6 % entre 2012 et 2015. Ce décalage pourrait bien expliquer la perception par les juridictions d'une baisse de leurs crédits de fonctionnement, alors pourtant que les crédits votés augmentent en loi de finances initiale.

Votre mission constate en outre que la surconsommation des crédits disponibles entre 2009 et 2015 232 ( * ) pourrait être en partie la cause de l'apparition de charges à payer qui, reportées d'une année sur l'autre, grèvent, dès le début de la gestion, le budget de l'année donnée par le paiement d'engagements d'années antérieures . Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2017, notre collègue Yves Détraigne avait estimé à près de 35 % le montant de ces charges à payer pour l'exercice 2017 233 ( * ) .

Votre mission préconise que l'effort budgétaire d'augmentation du budget de fonctionnement des juridictions engagé soit poursuivi sur la durée afin, tout d'abord, d'apurer les charges restant à payer . Il s'agit ensuite de redonner la possibilité aux chefs de juridiction d'engager des dépenses aujourd'hui qualifiées de « non obligatoires » , mais indispensables à de bonnes conditions de travail, à un meilleur accueil des justiciables et à l'engagement de projets de juridiction.

Proposition n° 71 :

Poursuivre la remise à niveau des moyens de fonctionnement courant des juridictions, pour leur permettre de faire face aux charges fixes et leur redonner des marges de manoeuvre budgétaire.

d) Accroître l'autonomie de gestion des chefs de cour et de juridiction

Les chefs de cour sont l'échelon de référence en matière de dialogue de gestion budgétaire 234 ( * ) avec la direction des services judiciaires. Ils ont pour mission d'arbitrer entre les demandes budgétaires de l'ensemble des juridictions de leur ressort, et d'en assurer l'exécution grâce aux services administratifs régionaux.

Le rapport récent de janvier 2017 sur le fonctionnement des juridictions, remis par l'inspection générale de la justice et l'inspection générale des finances, indique que « les dialogues de gestion entre la DSJ [direction des services judiciaires] et les [responsables de] BOP [budgets opérationnels de programme] ne sont pas pleinement efficaces ».

Votre mission a retenu deux principaux axes d'amélioration. En premier lieu, il s'agit de clarifier les critères d'attribution par la direction des services judiciaires, des dotations budgétaires aux juridictions . En second lieu, lors de son déplacement au tribunal de grande instance de Bobigny, les responsables de la juridiction ont regretté l'absence de pilotage qualitatif de l'attribution des dotations. D'une part, les crédits ne sont pas toujours à la hauteur des charges à payer et, d'autre part, l'incitation à la bonne gestion n'est prévue que de façon limitée . Ainsi, lorsqu'une juridiction fait des efforts particuliers de maîtrise budgétaire, la politique d'intéressement demeure relativement insignifiante. Votre mission souligne toutefois que des efforts sont engagés en ce sens par la direction des services judiciaires qui, à l'occasion d'un plan d'économies relatif aux frais de justice 235 ( * ) , a redistribué en 2016 près de 30 % du montant des économies réalisées 236 ( * ) , sur le budget de fonctionnement des cours d'appel, aux juridictions qui avaient été les plus efficaces dans la réalisation de ce plan d'économies. Mais ce type d'actions semble exceptionnel.

Plus généralement, la pratique actuelle qui consiste, d'après les informations communiquées à votre mission, à déduire du budget de l'année les économies réalisées l'année précédente, n'est pas de nature à inciter à faire des économies , bien au contraire.

Votre mission préconise en conséquence de revoir les critères d'attribution des dotations aux juridictions et de créer un mécanisme d'intéressement pérenne pour inciter les juridictions à assurer une bonne gestion, grâce à l'établissements de critères quantitatifs et qualitatifs objectifs et transparents , qui pourraient être mesurés à l'aune des résultats de l'année précédente.

Proposition n° 72 :

Améliorer les procédures de dialogues de gestion budgétaire entre les chefs de cour et le ministère, et revoir les modalités de fixation des dotations en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs.

Le pilotage des juridictions se heurte par ailleurs au manque de prévisibilité de l'évolution des ressources , privant ainsi les chefs de juridiction de véritables marges de manoeuvre, en raison de deux facteurs principaux :

- d'une part, la délégation d'une trop faible part de l'enveloppe budgétaire en début de gestion ;

- d'autre part, l'augmentation de la proportion des crédits dits « fléchés » en début de gestion par la direction des services judiciaires.

Comparaison des crédits de fonctionnement courant des juridictions
ouverts en loi de finances et délégués en début de gestion

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2013-2017

Crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale

296

300

301

318

354

20 %

Réserve de précaution (ou gel de crédits)

18

21

24

25

28

60 %

Crédits de paiement disponibles en début d'année

Montant

277

279

277

293

326

18 %

% de la dotation totale

94 %

93 %

92 %

92 %

92 %

- 2 %

Crédits retenus par la direction des services judiciaires

17

13,5

14

24

-

41 %

Crédits de paiement réellement attribués aux juridictions en début de gestion

Montant

259,8

265,6

262,8

268

-

3 %

% de la dotation totale

88 %

89 %

87 %

84 %

- 4 %

Source : inspection générale des finances et inspection générale de la justice.

Cette problématique des crédits non mis à disposition des juridictions en début de gestion rejoint celle de la sanctuarisation du budget de l'autorité judiciaire 237 ( * ) .

À la réserve de précaution interministérielle obligatoire, s'ajoutent en effet les crédits retenus en début de gestion par la direction des services judiciaires, non délégués aux chefs de cour, dans l'objectif ultérieur de les « flécher » directement sur des politiques publiques prioritaires définies par la chancellerie. La Conférence nationale des présidents des tribunaux de grande instance, entendue par votre mission, a indiqué que le fléchage de crédits en début de gestion par la direction des services judiciaires n'était pas de nature à faciliter la gestion budgétaire des chefs de juridiction, mais plutôt à en renforcer les contraintes et la centralisation excessive. Les inspections générales de la justice et des finances, dans leur rapport de janvier 2017 précité, ont mis en évidence la grande variété de nature des crédits « fléchés » par la direction des services judiciaires, allant des projets de juridiction au service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) ou encore au plan de lutte anti-terroriste, ce dernier concentrant, en 2015 et 2016, une grande partie des crédits fléchés. Votre mission juge que cette gestion centralisatrice ne peut que contraindre à l'excès les juridictions, sans permettre une correcte prise en compte des spécificités de chacune d'elles . En outre, il résulte de ces multiples retenues sur le budget alloué aux juridictions une insuffisance des crédits disponibles en début d'année, et une absence de prévisibilité quant aux délégations de crédits dans l'année , dont l'aléa ne permet pas de planifier une programmation rationnelle et cohérente de la dépense tout au long de l'année.

Votre mission plaide pour une déconcentration réelle de la gestion des juridictions, grâce à l'allocation, dès le début de la gestion, de la totalité des crédits aux cours d'appel . Elle perçoit néanmoins l'intérêt de pouvoir disposer, notamment pour le ministère public, d'instruments de gestion utiles à la mise en oeuvre d'un politique nationale harmonisée sur l'ensemble du territoire, mais suggère que ces arbitrages se fassent dans le cadre d'un dialogue de gestion renouvelé et responsable entre les chefs de cour et la chancellerie.

Proposition n° 73 :

Redonner des marges de manoeuvre aux chefs de cour en leur déléguant en début de gestion la totalité de leurs crédits.

Votre mission a également été frappée par l'absence totale de levier budgétaire des chefs de juridiction . Les présidents des tribunaux de grande instance et les procureurs de la République n'ont en effet aucune compétence ni aucun pouvoir d'arbitrage budgétaire. La Conférence nationale des procureurs de la République, entendue par votre mission, indiquait devoir demander l'autorisation des chefs de cour, via le service administratif régional, pour toute menue dépense, sachant que seules les dépenses dites obligatoires sont en mesure d'être satisfaites. Il en résulte une marge d'initiative et de décision des chefs de juridiction de plus en plus limitée .

Interrogés par votre mission, les équipes des services administratifs régionaux rencontrées, notamment à Riom, confirment cette gestion budgétaire de plus en plus contrainte pour les juridictions, dans laquelle une majorité de crédits correspondant aux dépenses obligatoires est dépensée via des marchés régionaux sur lesquels les juridictions n'interviennent pas, alimentant un sentiment de dépossession chez les chefs de juridiction. Ce mode de gestion centralisée au niveau du service administratif régional, possède en outre l'inconvénient de déconnecter complètement les juridictions de la préoccupation de leur coût de fonctionnement et de les déresponsabiliser .

Selon votre mission, il convient de donner aux chefs de juridiction , dans le même esprit de déconcentration que pour les chefs de cour vis-à-vis de la chancellerie, la compétence et la responsabilité de gestion de leur budget de fonctionnement courant annuel , dans le cadre toutefois des limites imposées par les procédures relatives à la commande publique. Cette déconcentration s'inscrirait dans le cadre de la création du tribunal de première instance 238 ( * ) , qui rend plus légitime la responsabilité budgétaire des chefs de juridiction . Une dotation par juridiction devrait être arbitrée en début de gestion sur la base de critères objectifs, prenant en compte les dépenses obligatoires, les chefs de juridiction ayant ensuite la responsabilité de gérer leur budget de façon autonome, la procédure d'exécution et de contrôle de la dépense demeurant sous l'autorité du service administratif régional.

Proposition n° 74 :

Donner aux chefs de juridiction la compétence et la responsabilité de gestion de leur budget.

Pour accompagner cette montée en compétence des chefs de cour et de juridiction, votre mission recommande de renforcer et surtout diversifier les équipes à disposition des responsables de juridiction, notamment dans les services administratifs régionaux, afin de disposer de compétences administratives et techniques renforcées qui ne peuvent pas nécessairement être assumées par des greffiers ou des magistrats . Ces compétences concernent les métiers des ressources humaines, de l'informatique, de marchés publics ou de conduite de travaux. Votre mission suggère de profiter des départs en retraite pour renouveler le personnel en diversifiant les recrutements, tout en favorisant l'attractivité de ces fonctions de gestion, concernant notamment les corps communs interministériels 239 ( * ) .

Proposition n° 75 :

Renforcer les équipes de gestion des chefs de cour et de juridiction, en diversifiant les compétences à leur disposition en matière de gestion des ressources humaines, d'informatique, de marchés publics ou encore de conduite de travaux.

Le renforcement de l'autonomie doit nécessairement s'accompagner de contreparties. À cet effet, votre mission préconise d'expérimenter la signature de conventions d'objectifs tripartites entre les juridictions, les cours d'appel dont elles relèvent et la chancellerie, mentionnant les objectifs et les engagements des parties prenantes. Il s'agirait, au regard d'objectifs partagés, de prévoir des engagements quantitatifs et qualitatifs, tant pour l'activité juridictionnelle que pour la gestion de la juridiction .

À cet égard, le tribunal de grande instance de Bobigny, visité par votre mission, signataire en 2016 d'une telle convention, a pu bénéficier de créations de postes pour son service des affaires familiales, particulièrement engorgé, en contrepartie d'objectifs de réduction des délais d'audiencement. Le conseil de prud'hommes de Bobigny, dans le même esprit, a également signé un contrat d'objectifs avec le ministère de la justice, afin de résorber le stock d'affaires. Votre mission préconise de débuter par les juridictions les plus importantes, tout en prévoyant une éventuelle généralisation de ces conventions d'objectifs . En outre, chaque cour d'appel pourrait signer une convention avec la chancellerie sur la base d'objectifs et d'engagements propres. La mise en oeuvre de ce projet suppose, par ailleurs, de renforcer les compétences de la direction des services judiciaires en matière de pilotage transversal des juridictions 240 ( * ) . Votre mission précise que la philosophie de cette mesure n'est pas d'être systématique et uniforme, mais au contraire d'être un outil au service du renforcement de l'autonomie des juridictions, en soutenant des objectifs ou priorités locales .

Proposition n° 76 :

Développer la contractualisation entre les juridictions de première instance, les cours d'appel et la direction des services judiciaires, en commençant par les juridictions les plus importantes.

2. Ouvrir le chantier de la réforme des cours d'appel, un enjeu essentiel de l'organisation judiciaire

Lors de ses auditions et de ses déplacements, votre mission a acquis la conviction que la situation des cours d'appel appelait une réforme , pour deux motifs majeurs : donner une taille critique suffisante à chaque cour d'appel et assurer une meilleure cohérence de l'action publique avec les services de l'État intervenant à l'échelon régional. Une telle réforme conduit à revoir le nombre des cours d'appel et à actualiser et simplifier leur carte. Elle serait ainsi l'occasion de concevoir un nouveau modèle de cour d'appel .

Cette préoccupation d'efficacité, spécialement mise en avant par les procureurs généraux rencontrés par votre mission, incite aussi à rechercher une meilleure correspondance entre les différentes cartes des services relevant du ministère de la justice , alors qu'ils sont supposés travailler de façon coordonnée. Une telle discordance peut étonner, mais en réalité elle ne fait qu'illustrer le fonctionnement « en silos » des directions de l'administration centrale du ministère, déjà évoquée par votre mission 241 ( * ) .

Plus largement, votre mission s'est intéressée aux questions de carte judiciaire, dans le souci de concilier proximité et efficacité des juridictions .

a) Les objectifs et les principes de la réforme des cours d'appel : pour un nouveau modèle de cour d'appel plus efficace

Lorsqu'il fait appel, le justiciable doit pouvoir compter, devant la cour d'appel, sur une décision rendue collégialement par des magistrats plus spécialisés juridiquement. Après la première instance, votre mission juge une telle attente légitime. Or un certain nombre de cours d'appel ne comportent qu'un nombre limité de magistrats du siège, ainsi que le montre le tableau ci-après. Plusieurs cours d'appel n'ont donc pas la taille critique pour assurer le traitement contentieux et la qualité des décisions que le justiciable est en droit d'attendre . En effet, comment faire fonctionner correctement une cour d'appel et spécialiser suffisamment ses magistrats dans les différentes compétences et chambres de la cour (chambres civiles, chambre sociale, chambre commerciale, chambre des appels correctionnels, chambre de l'instruction...) avec seulement 10 ou 20 conseillers au siège ?

Emplois de magistrats localisés en 2016
dans les trente cours d'appel de France métropolitaine
(incluant les chefs de cour et les secrétaires généraux placés auprès d'eux)

Cours d'appel

Total
siège

Total
parquet

Total
cours d'appel

Paris

219

72

291

Aix-en-Provence

123

27

150

Versailles

79

18

97

Douai

75

19

94

Lyon

52

13

65

Rennes

48

12

60

Montpellier

46

9

55

Bordeaux

40

10

50

Toulouse

36

8

44

Amiens

33

7

40

Colmar

32

6

38

Nîmes

32

6

38

Grenoble

31

7

38

Rouen

31

7

38

Nancy

26

7

33

Metz

26

6

32

Poitiers

24

6

30

Caen

24

5

29

Pau

24

5

29

Orléans

22

6

28

Reims

21

6

27

Riom

20

5

25

Dijon

19

6

25

Angers

18

6

24

Chambéry

18

5

23

Besançon

17

6

23

Limoges

13

4

17

Agen

11

4

15

Bourges

11

4

15

Bastia

9

4

13

Total général

1 180

306

1 486

Source : commission des lois du Sénat
et direction des services judiciaires du ministère de la justice.

Par ailleurs, ainsi que l'a observé votre mission lors de ses auditions et déplacements, les discordances entre la carte des cours d'appel et la carte administrative générale , dans le cadre de laquelle les services régionaux de l'État ont été réorganisés, créent des difficultés concrètes de coordination entre les parquets généraux , chargés de coordonner l'action des parquets de leur ressort, et leurs services partenaires de l'État . Cette difficulté ne se pose guère, en revanche, au siège.

En effet, les procureurs généraux ont pour interlocuteurs réguliers le préfet de région ainsi que les autres responsables des services régionaux de l'État, dans le cadre de leurs politiques partenariales, notamment en matière de coordination des actions de répression des infractions .

En vertu du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, le préfet de région, « responsable de l'exécution des politiques de l'État dans la région » et assisté par le comité de l'administration régional 242 ( * ) , « a autorité sur les préfets de département » ainsi que « sur les chefs des services déconcentrés, les délégués ou les correspondants à l'échelon régional des administrations civiles de l'État », à l'exception de la direction régionale des finances publiques (DRFiP), de la direction régionale des douanes et des droits indirects (DRDDI), du rectorat et des services d'inspection du travail, lesquels se situent au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l'emploi (DIRECCTE).

Les parquets généraux doivent donc coordonner leur action avec le préfet de région et avec la DIRRECTE, chargée notamment de la détection et de la répression administrative des infractions en matière économique et commerciale et en matière de droit du travail, mais aussi avec la DRFiP et la DRDDI, qui ne relèvent pas de son autorité, s'agissant des infractions fiscales et douanières, ou avec le rectorat, qui n'en relève pas non plus, s'agissant de certaines actions en milieu scolaire.

Une telle discordance est une source de complexité pour les parquets généraux, comme l'existence de plusieurs tribunaux de grande instance dans un même département complique les relations entre les procureurs de la République et les autres services de l'État, en particulier le préfet, ainsi que cela a déjà été évoqué 243 ( * ) . Toutefois, sauf exceptions limitées 244 ( * ) , un procureur de la République n'aura toujours qu'un seul préfet de département comme interlocuteur, alors qu'un procureur général, qui sera très rarement le seul dans sa région administrative, aura souvent deux préfets de région comme interlocuteurs voire trois. Du point de vue des services de l'État organisés à l'échelon régional, ceux-ci auront le plus souvent plusieurs procureurs généraux comme interlocuteurs, avec la difficulté supplémentaire que le procureur général qui n'est concerné qu'au titre d'une partie limitée de la population ou du territoire de la région administrative aura du mal à être un interlocuteur fort et bien identifié.

À titre d'exemple, ainsi que cela a été exposé à votre mission lors de son déplacement à Agen, le préfet et les autres services de l'État de la région Occitanie - laquelle correspond à tout ou partie du ressort de pas moins de cinq cours d'appel - ont plus naturellement tendance à travailler et à dialoguer de façon régulière avec les procureurs généraux de Toulouse et de Montpellier, en portant moins d'attention aux échanges avec les procureurs généraux de Pau et d'Agen, qui ne représentent qu'une faible proportion de la population et du territoire de la région.

Dès lors, les priorités de l'action publique définies de façon conjointe par les parquets et les services de l'État en matière de constatation et de répression des infractions sont plus complexes à établir et à mettre en oeuvre au sein de l'institution judiciaire.

En outre, même dans le cadre des 13 nouvelles régions, le ressort de nombreuses cours d'appel chevauche deux régions : Agen, Bourges, Dijon, Grenoble, Pau, Poitiers, Rennes, Paris et Versailles. Le ressort de la cour d'appel de Nîmes chevauche trois régions, sans en couvrir aucune complètement. La région Bourgogne-Franche-Comté correspond au ressort de quatre cours d'appel, dont trois en partie seulement : Bourges, Dijon et Paris. La région Nouvelle-Aquitaine correspond, quant à elle, au ressort de cinq cours d'appel, dont trois en partie seulement : Poitiers, Agen et Pau. D'autres exemples de discordances pourraient être cités.

Un tel constat conduit nécessairement votre mission à s'interroger sur l'évolution du nombre et de la carte des cours d'appel afin, d'une part, de leur faire toutes atteindre une taille critique suffisante et, d'autre part, de revoir les limites des ressorts pour assurer une meilleure cohérence avec la carte administrative générale , dans l'intérêt de la protection de l'ordre public au sens large, dont les parquets et les parquets généraux ont la responsabilité du point de vue judiciaire.

Adepte d'une démarche pragmatique, sans esprit de système, votre mission ne souhaite pas tracer la carte idéale des cours d'appel ou dresser la liste des cours d'appel devant être maintenues ou supprimées, d'autant qu'elle n'est pas en mesure de le faire. En effet, ce travail devra reposer sur une analyse précise de l'activité et des effectifs de chaque cour ainsi que des caractéristiques et du nombre des juridictions de son ressort. Il devra aussi associer étroitement en amont les chefs de cour, afin qu'ils puissent proposer les évolutions nécessaires au titre de leur rôle d'initiative.

En revanche, votre mission a souhaité définir les grands principes susceptibles de guider cette réforme des cours d'appel .

Lors de la réforme de la carte judiciaire en 2008, seule la carte des juridictions de première instance a été revue. Depuis cette réforme se pose de façon récurrente la question de la révision de la carte des cours d'appel. La nouvelle carte des régions administratives, qui ne comporte plus que 13 régions en France métropolitaine, rend plus vive cette interrogation sur la pertinence de maintenir trente cours d'appel sur le même territoire.

Dans le cadre des travaux de réflexion précités sur la « justice du XXI e siècle », le groupe de travail sur les juridictions du XXI e siècle, présidé par M. Didier Marshall, avait abordé, dans son rapport 245 ( * ) , la question de la carte des cours d'appel, en préconisant - avant la création des 13 nouvelles régions - des « cours d'appel de taille pertinente et en cohérence avec les régions administratives », organisée sur plusieurs sites pour tenir compte de l'existant.

À ce stade, votre mission ne propose pas de réduire le nombre de cours d'appel à 13, soit une par grande région, ni de supprimer toute implantation judiciaire relevant de l'appel là où une cour serait supprimée. La carte des régions administratives ne sauraient dicter en l'état la carte des cours d'appel , car rien ne l'exige de façon absolue.

Suivant l'idée prioritaire de taille efficiente de juridiction en appel , au nom de la qualité des décisions rendues, votre mission considère que l'exigence de proximité, qui s'impose pour le traitement d'un certain nombre de contentieux de la vie courante en première instance, ne présente pas la même acuité en appel, d'autant que, sauf exception, le ministère d'avocat est obligatoire dans tous les domaines. Ainsi, même s'il convient de veiller à une répartition équilibrée sur le territoire, la question du maillage territorial par des cours d'appel apparaît secondaire .

Enfin, il semble cohérent à votre mission de constituer des ressorts de cours d'appel plus étendus, dans l'hypothèse où seraient mises en place des juridictions de première instance de taille plus importante, dans le cadre du tribunal de première instance (TPI), que propose votre mission 246 ( * ) . Il ne s'agirait pas, globalement, de faire grossir par principe les juridictions, mais de constituer sur le territoire, en première instance comme en appel, des juridictions plus solides et plus compétentes , plus à même de répondre à l'exigence de nos concitoyens d'une justice plus rapide et de qualité .

Dès lors, il apparaît pertinent de regrouper des cours d'appel et de réunir leurs effectifs et leurs moyens.

Dans son rapport public annuel de 2015, évaluant la réforme de la carte judiciaire, la Cour des comptes avait d'ailleurs recommandé de revoir la carte des cours d'appel, que la réforme de 2008 n'avait pas concernée 247 ( * ) .

Proposition n° 77 :

Sans calquer la carte des cours d'appel sur la carte des régions administratives, réduire le nombre de cours d'appel pour permettre un fonctionnement plus optimal de chacune d'elles.

En outre, même si l'on écarte l'idée trop systématique de n'avoir qu'une seule cour par région, il semble indispensable à votre mission que les limites des ressorts des nouvelles cours d'appel soient cohérentes avec la carte des régions administratives , de façon à ce qu'il n'existe plus de ressorts chevauchant plusieurs régions. Le ressort de chaque cour d'appel doit être entièrement inclus dans le périmètre d'une seule région et le nombre de cours d'appel au sein d'une même région doit être plus limité qu'aujourd'hui, pour renforcer la crédibilité de l'institution judiciaire vis-à-vis de ses partenaires des services régionaux de l'État ainsi que, par voie de conséquence, l'efficacité des actions partenariales auxquelles participent les parquets généraux et, sous leur autorité, les parquets.

L'objectif ainsi recherché est le renforcement de l'unité d'action de l'institution judiciaire face à ses partenaires dans la mise en oeuvre des priorités de l'action publique.

Proposition n° 78 :

Assurer la cohérence entre les limites des ressorts des cours d'appel et les limites des régions administratives.

À titre d'illustration de ces différentes considérations, il ne serait sans doute pas raisonnable de regrouper les deux cours d'appel franciliennes de Paris et Versailles, qui sont déjà les première et troisième plus grosses de France par le nombre de magistrats, pour constituer une cour d'appel unique disproportionnée en Île-de-France. En revanche, il conviendrait sans doute de retirer l'Eure-et-Loir du ressort de Versailles et l'Yonne de celui de Paris, par cohérence avec la carte des régions administratives.

S'agissant des sept juridictions d'appel outre-mer 248 ( * ) , compte tenu de ses investigations, votre mission n'est pas en mesure de recommander leur rationalisation. Si l'on peut s'interroger, par exemple, comme cela a été fait lors des auditions de votre mission, sur l'idée d'une cour d'appel unique pour les diverses collectivités françaises d'Amérique, comportant plusieurs chambres détachées, votre mission ne peut que rappeler l'érection récente, le 1 er janvier 2012, de la chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France située à Cayenne en cour d'appel de plein exercice, quand bien même il s'agit aujourd'hui de la plus petite cour d'appel de France par le nombre des magistrats qui y sont affectés.

Concernant l'organisation interne de ces futures cours d'appel, si les plus petites ont sans doute vocation à être regroupées avec de plus grandes, il ne semble pas indispensable de maintenir tous les sites judiciaires actuels, au regard de l'exigence limitée de proximité en appel pour le justiciable.

Certes, de même que les tribunaux de première instance, les cours d'appel peuvent comporter des chambres détachées , sur le site des cours qui auront été regroupées. Ces chambres pourraient traiter de tout ou partie du contentieux d'appel pour un ressort géographique donné au sein du ressort de la cour. Selon une autre formule, elles pourraient être compétentes pour un ou plusieurs contentieux donnés pour l'ensemble du ressort de la cour d'appel . En d'autres termes, une chambre détachée pourrait être, par exemple, la chambre sociale ou la chambre commerciale pour l'ensemble du ressort de la cour.

Alors que les sites périphériques du tribunal de première instance devraient disposer d'une compétence contentieuse homogène, en lien avec l'objectif de proximité, ceux des nouvelles cours d'appel devraient plutôt répondre, selon votre mission, à un impératif de spécialisation, en vue d'une plus grande qualité juridique des décisions.

Néanmoins, votre mission ne juge pas nécessaire de recommander le maintien par principe de tous les sites judiciaires actuels des cours appel, d'autant que les sites libérés par des cours supprimées pourraient permettre de rationaliser les implantations immobilières des juridictions de première instance. Là encore, il devrait appartenir aux chefs de cour de proposer les modalités d'organisation territoriale les mieux à même d'atteindre l'objectif de ce nouveau modèle de cour d'appel, plus efficient, dans chaque ressort.

Au terme de ce processus de regroupement, chaque cour disposerait d'un budget plus important et d'un effectif plus étoffé, permettant une plus grande spécialisation des magistrats, conformément à la vocation des cours d'appel, mais aussi une meilleure gestion sous l'égide des chefs de cour. Une telle évolution serait de nature à renforcer la responsabilité et l'autonomie des chefs de cour en matière budgétaire , et par conséquent leurs capacités de pilotage et de coordination administrative, s'appuyant sur des services administratifs régionaux (SAR) plus étoffés 249 ( * ) , regroupant davantage de compétences de gestion, et leurs capacités d'initiative budgétaire, pour mieux piloter des projets de territoire ou des priorités locales.

Votre mission est attachée à la perspective de renforcer l'autonomie et les marges de manoeuvre budgétaires des chefs de cour et chefs de juridiction 250 ( * ) . Le nombre actuel des cours d'appel conduit nécessairement à une dispersion des moyens administratifs et financiers.

Votre mission a d'ailleurs pu relever l'inégalité structurelle des cours d'appel dans le domaine budgétaire.

Actuellement, 10 cours d'appel sur 30 en France métropolitaine, soit 1 sur 3, sont responsables d'un budget opérationnel de programme (BOP) 251 ( * ) pour le compte de plusieurs cours et participent seules au dialogue de gestion avec la direction des services judiciaires, en vue de déterminer les crédits affectés au budget opérationnel de programme. Les autres cours du budget opérationnel de programme ne sont que des unités opérationnelles (UO), selon la nomenclature budgétaire, instaurant une forme de tutelle alors que tous les chefs de cour sont conjointement ordonnateurs secondaires 252 ( * ) . En pratique, au vu des auditions de votre mission et de ses observations lors de ses déplacements, les chefs de cour doivent s'entendre au sein d'un même budget opérationnel de programme pour se répartir les crédits, au détriment d'une logique budgétaire plus dynamique de projets et de performance. Au surplus, une telle organisation budgétaire, qui heurte la logique de l'organisation judiciaire, ne semble guère conforme à l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Cette architecture budgétaire contestable, en vigueur depuis 2012, a été délibérément conçue pour compenser le nombre jugé trop grand de cours d'appel. Prosaïquement, elle permet à la direction des services judiciaires de limiter le nombre de dialogues de gestion, qui ne sont conduits qu'avec les chefs de cour responsables de budget opérationnel de programme.

Dès lors que les cours d'appel seraient moins nombreuses, chacune d'elles pourrait représenter un budget opérationnel de programme. Par voie de conséquence, il apparaîtrait rationnel qu'à chaque cour soit aussi rattaché un pôle Chorus , alors qu'à ce jour certaines cours sont rattachées à d'autres pour leur gestion en matière d'exécution budgétaire de certaines dépenses 253 ( * ) .

Proposition n° 79 :

Prévoir un budget opérationnel de programme et un pôle Chorus par cour d'appel.

Au terme de cette réforme des cours d'appel pourra se mettre en place un nouveau modèle de cour d'appel , fondé sur un ressort plus vaste et des effectifs plus étoffés, éventuellement sur plusieurs sites spécialisés. Une telle configuration doit permettre de spécialiser davantage les magistrats en appel, d'améliorer ainsi la qualité juridique des arrêts rendus en appel et de mieux harmoniser, dans un ressort plus vaste, les jurisprudences des juridictions de première instance , qui seraient elles-mêmes regroupées au sein du tribunal unique de première instance.

Une telle évolution est un préalable à toute réforme de la procédure ou de la nature même de l'appel , étudiée par votre mission 254 ( * ) , a fortiori si cette réforme doit conduire à restreindre les possibilités d'appel des justiciables souhaitant que leur affaire soit entièrement rejugée.

b) Une réévaluation périodique de la carte judiciaire, sur la base de critères rationnels et objectifs, pour maintenir l'exigence de proximité

À l'issue de ses déplacements, votre mission est consciente de ce que la réforme de la carte judiciaire de 2008, dont la Cour des comptes a salué la réussite globale, a laissé, en particulier parmi les personnels de greffe, un trouble profond. Pour autant, le débat sur l'adaptation de la carte judiciaire aux évolutions locales démographiques, économiques et contentieuses ne peut simplement osciller entre, d'une part, réforme radicale et centralisée avec la suppression massive de juridictions et, d'autre part, un immobilisme certes paré des vertus de l'aménagement du territoire, mais indifférent aux exigences d'efficacité du service public de la justice.

Pour assurer la sérénité de ce débat, il apparaît utile de concevoir un dispositif permanent de suivi et de réévaluation de la carte judiciaire , sur la base d'un ensemble de critères rationnels et objectifs, qui systématiserait l'exercice réalisé par le rapport remis en février 2013 au garde des sceaux par M. Serge Daël sur l'évaluation de la carte judiciaire 255 ( * ) .

La réforme de la carte judiciaire de 2008 et ses ajustements

La mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, décidée en 2008 à partir de travaux menés en 2007, a conduit à la suppression de plus d'une juridiction sur quatre, sur la base de critères de seuil d'activité, et s'est échelonnée de décembre 2008 à janvier 2011. Il s'agissait de la plus importante réforme de la carte depuis 1958 et l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation judiciaire, laquelle avait créé les tribunaux d'instance (TI) et les tribunaux de grande instance (TGI).

Les implantations judiciaires relevant du pouvoir réglementaire, cette réforme a donné lieu à une succession de décrets entre février 2008 et septembre 2010, à commencer par le décret n° 2008-145 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance et le décret n° 2008-146 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce.

Un accompagnement social de la réforme a été mis en place, par le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint et le décret n° 2008-741 du 29 juillet 2008 instituant une aide à l'adaptation de l'exercice de la profession d'avocat aux conditions nouvelles résultant de la suppression de certains tribunaux de grande instance. La prime de restructuration a bénéficié à 1 196 magistrats et fonctionnaires.

Au total, 23 tribunaux de grande instance, 178 tribunaux d'instance, 62 conseils de prud'hommes et 78 tribunaux de commerce ont été supprimés, soit 341 juridictions, et 7 tribunaux d'instance, 1 conseil de prud'hommes et 6 tribunaux de commerce ont été créés, soit 14 juridictions. Le nombre total de juridictions de première instance en France est passé de 1 155 à 828, hors les 35 cours d'appel.

À l'issue de la réforme, il restait 159 tribunaux de grande instance, 302 tribunaux d'instance, 210 conseils de prud'hommes et 153 tribunaux de commerce.

Saisi de plus d'une centaine de requêtes contre la suppression de juridictions, le Conseil d'État se prononça dans une série d'arrêts du 9 février 2010. Il n'a annulé, pour des motifs de fond, que la suppression du tribunal de grande instance de Moulins (Allier), en raison de la distance entre Moulins et le tribunal de grande instance de Cusset, de la proximité de l'établissement pénitentiaire de Moulins-Yzeure, comptant une maison d'arrêt et une maison centrale, et du fait que Moulins était le chef-lieu du département et le siège des autres services de l'État. Le tribunal de grande instance de Moulins a donc rouvert.

À la suite de la mission de M. Serge Daël sur l'évaluation de la carte judiciaire, dont les conclusions ont été remises à la garde des sceaux en février 2013, le Gouvernement a décidé, par le décret n° 2013-1258 du 27 décembre 2013 modifiant l'organisation judiciaire, de rouvrir, en septembre 2014, les tribunaux de grande instance de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), Saumur (Maine-et-Loire) et Tulle (Corrèze) et de créer une chambre détachée du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier à Dole (Jura), du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à Guingamp (Côtes-d'Armor) et du tribunal de grande instance d'Agen à Marmande (Lot-et-Garonne). Par le décret n° 2014-607 du 10 juin 2014 a été créée à Millau, en janvier 2015, une chambre détachée du tribunal de grande instance de Rodez (Aveyron).

Au terme de ces ajustements, on comptait 163 tribunaux de grande instance, auxquels s'est ajouté en avril 2011 le nouveau tribunal de grande instance de Mayotte, dans le cadre de la départementalisation de ce territoire, soit un total de 164, hors les quatre tribunaux de première instance dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

D'autres ajustements ponctuels ont concerné les autres juridictions (réouverture du tribunal d'instance de Fougères en janvier 2012...).

La Cour des comptes a estimé le coût budgétaire de la réforme à 413 millions d'euros (dépenses immobilières pour l'essentiel, dépenses de fonctionnement), dont 329 millions d'euros pour les seules dépenses immobilières. Le volet immobilier s'est traduit par la suppression de 437 implantations judiciaires et la création de 14 implantations nouvelles, avec 119 opérations immobilières provisoires et 333 définitives. La Cour a estimé à 9,1 millions d'euros le montant annuel des économies de fonctionnement liées à la réforme en 2015.

Source : commission des lois du Sénat
et rapport annuel 2015 de la Cour des comptes.

Ce dispositif de réévaluation périodique, par exemple tous les cinq ans, voire permanente, de la pertinence de la carte judiciaire pourrait être doté d'une base législative et associer des parties prenantes au-delà des seuls services judiciaires. Un tel mécanisme permettrait de gérer de façon plus fluide et locale, et moins brutale et globale, l'évolution de la carte , sans les bouleversements ni les traumatismes suscités par la réforme de 2008.

Un tel dispositif trouverait sa place même dans l'hypothèse où ne serait pas mis en place le tribunal de première instance (TPI), mais il serait plus pertinent encore s'il était mis en place, comme le préconise votre mission. En effet, il serait utile de réévaluer périodiquement l'implantation des chambres détachées du tribunal de première instance . Dans certains cas, il pourrait paraître justifié de supprimer ou de déplacer une chambre détachée et, dans d'autres cas, de créer une nouvelle chambre détachée, en fonction de la situation démographique et économique locale, incluant la question du développement des moyens de transport.

Proposition n° 80 :

Prévoir un mécanisme de réévaluation périodique de la carte judiciaire, sur la base de critères objectifs et partagés, pour faire évoluer le réseau et l'implantation des sites judiciaires et des chambres détachées en fonction des évolutions locales et de l'exigence de proximité.

Au surplus, avec l'organisation du tribunal de première instance, il serait plus simple de créer une nouvelle implantation judiciaire, sous forme de chambre détachée , que de créer aujourd'hui un nouveau tribunal de plein exercice. Cette souplesse doit permettre de faire évoluer de façon plus harmonieuse la carte judiciaire, dans le sens de la proximité.

S'agissant plus spécialement de la carte des tribunaux de commerce (TC) et des conseils de prud'hommes (CPH), votre mission s'est interrogée sur l'idée de la simplifier, pour améliorer l'efficacité de ces juridictions. En effet, lors de ses déplacements, elle a pu constater, même si de nombreux conseils de prud'hommes et tribunaux de commerce ont déjà été regroupés par la réforme de la carte judiciaire, que des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce de petite taille avaient pu être maintenus là où des tribunaux de grande instance avaient été supprimés. De plus, dans le cadre de cette réforme, l'engagement avait été pris de maintenir le nombre global de conseillers prud'hommes inchangé, ce qui a conduit à une hausse du nombre moyen de conseillers par conseil de prud'hommes, sans pour autant que le nombre d'affaires le justifie toujours 256 ( * ) .

En comparaison des 157 tribunaux de grande instance, il existe à ce jour 203 conseils de prud'hommes et 134 tribunaux de commerce en France métropolitaine 257 ( * ) , sans compter les sept tribunaux de grande instance à compétence commerciale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Votre mission partage l'idée largement admise selon laquelle un juge non professionnel doit traiter un nombre suffisamment important d'affaires par an pour acquérir une expérience et des aptitudes juridiques lui permettant de remplir efficacement son office, d'autant que son mandat est limité dans le temps, même s'il est renouvelable 258 ( * ) . En d'autres termes, outre le renforcement récent par le législateur des obligations de formation 259 ( * ) , il est nécessaire que le nombre de conseillers prud'hommes et de juges consulaires soit évalué selon des critères objectifs, en fonction des besoins, pour pouvoir les professionnaliser davantage, conformément aux exigences de qualité des décisions de justice et d'égalité de traitement des justiciables.

Dans son rapport public annuel de 2015, évaluant la réforme de la carte judiciaire 260 ( * ) , la Cour des comptes, reprenant les conclusions d'un référé de 2013 261 ( * ) , a appelé à poursuivre la rationalisation de la carte des tribunaux de commerce, au nom de l'objectif de taille critique, appréhendée sous l'angle du nombre d'affaires traitées par juridiction. Une considération similaire peut être formulée pour la carte des conseils de prud'hommes.

On peut ajouter, s'agissant des tribunaux de commerce, que la question se pose de façon plus nette compte tenu de la décrue du nombre d'affaires contentieuses, hors procédures collectives 262 ( * ) , réduisant d'autant le nombre d'affaires traitées par chaque juge, mais aussi en raison des difficultés de recrutement des juges consulaires en certains endroits.

Les auditions de votre mission n'ont pas fait apparaître d'opposition de principe à l'idée de regrouper certains tribunaux de commerce et certains conseils de prud'hommes, en particulier de la part des organisations les plus concernées. En revanche, un attachement aux spécificités de ces juridictions non échevinées a été très largement exprimé. Votre mission ne propose pas de les remettre en cause ou de les faire évoluer.

Simplifier la carte de ces juridictions spécialisées , en regroupant les juridictions les plus petites traitant le moins d'affaires, permettrait d' atteindre une taille critique et un fonctionnement plus optimal , avec une professionnalisation plus forte de leurs membres. En outre, la simplification de la carte des conseils de prud'hommes permettrait une allocation plus rationnelle des effectifs de fonctionnaires de greffe en matière prud'homale. S'agissant des tribunaux de commerce, l'indemnisation des titulaires des charges de greffier de tribunal de commerce serait nécessaire, pour les tribunaux pouvant être supprimés ou réorganisés, en application de règles déjà fixées 263 ( * ) .

Pour les conseils de prud'hommes, il conviendra toutefois de maintenir une certaine proximité, car les litiges liés au contrat de travail relèvent du contentieux de la vie courante , à l'instar de celui qui devrait a minima être traité dans les chambres détachées du futur tribunal unique de première instance. Le code du travail prévoit qu'il est créé au moins un conseil de prud'hommes dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, mais que plusieurs conseils de prud'hommes peuvent être créés dans le ressort d'un tribunal de grande instance « pour des raisons d'ordre géographique, économique ou social » 264 ( * ) .

Pour les tribunaux de commerce, toute évolution de la carte devra toutefois être conçue parallèlement à la réforme consistant à étendre leur compétence, proposée par votre mission 265 ( * ) .

c) La nécessaire correspondance entre les différentes cartes administratives du ministère de la justice

Relèvent du ministère de la justice trois réseaux distincts de services territoriaux : les services judiciaires, les services pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Par ailleurs, le secrétariat général du ministère dispose de neuf plates-formes interrégionales, assurant des fonctions de soutien aux juridictions et aux services déconcentrés 266 ( * ) .

Hors outre-mer, il existe à ce jour neuf directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) et neuf directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse (DIPJJ), dont les cartes coïncident et ont été remodelées pour tenir compte des limites des 13 nouvelles régions administratives, dans lesquelles se sont réorganisés les services déconcentrés de l'État. Dans plusieurs cas, les limites des régions pénitentiaires ou de la protection judiciaire de la jeunesse englobent plusieurs nouvelles régions administratives. Les secteurs géographiques de compétence des neuf plates-formes relevant du secrétariat général correspondent aux neuf régions de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, s'agissant de leur fonction de soutien auprès de ces services déconcentrés.

En revanche, les limites des ressorts des cours d'appel, de même que les périmètres de compétence des neuf plates-formes dans leur fonction de soutien aux juridictions, ne coïncident ni avec les limites des 13 nouvelles régions ni avec celles des directions interrégionales. Les ressorts de certaines cours d'appel chevauchent deux directions interrégionales.

En outre, les plates-formes n'apportent pas aux juridictions le même soutien qu'aux services déconcentrés : s'agissant des juridictions, elles ne les assistent pas en matière d'exécution budgétaire et comptable, mission qui relève des services administratifs régionaux placés auprès des cours d'appel.

Alors que les directions interrégionales constituent, au sein même du ministère de la justice, des interlocuteurs naturels et réguliers des chefs de cour et des chefs de juridiction, votre mission ne peut que plaider en faveur d'une mise en cohérence de la future carte des cours d'appel avec les autres cartes du ministère de la justice .

Proposition n° 81 :

Assurer la cohérence des limites géographiques des différentes cartes du ministère de la justice : cours d'appel, services pénitentiaires, protection judiciaire de la jeunesse et plates-formes du secrétariat général.

3. Adapter les procédures d'appel et de cassation, sans remettre en cause l'accès à la justice

Le constat d'un engorgement des juridictions tant pénales que civiles, décrit par votre mission 267 ( * ) , est incontestable et reconnu par l'ensemble des acteurs de la justice.

Il s'explique partiellement par plusieurs phénomènes simultanés qui s'entretiennent mutuellement : l'accroissement de la judiciarisation de certains contentieux, à l'initiative du législateur, l'ouverture de nouvelles voies de recours, et la forte demande de justice des justiciables, qui s'exprime par un recours accru aux tribunaux.

Dans ce contexte, votre mission s'est interrogée sur les pistes possibles qui permettraient de réduire le nombre de procédures en appel 268 ( * ) et en cassation, sans pour autant remettre en cause l'accès à la justice.

a) En matière civile, une rationalisation des voies de recours qui suppose comme préalable incontournable de renforcer la première instance

L'article 542 du code de procédure civile dispose que « l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré ». Le système français retient la conception de l' appel voie d'achèvement , c'est-à-dire que « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit » (article 561 du même code). Si les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions (article 564 du même code), elles peuvent en revanche invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge (article 563 du même code).

À l'inverse, la conception de l' appel voie de réformation suppose un principe d'immutabilité du litige entre la première instance et l'appel. Le rôle de la cour d'appel est alors seulement de vérifier la régularité de la décision rendue par le premier juge.

Le rapport Célérité et qualité de la justice devant la cour d'appel , remis au garde des sceaux en mai 2008, par la commission présidée par M. Jean-Claude Magendie, alors premier président de la cour d'appel de Paris, mettait en exergue deux inconvénients de la conception de l'appel voie d'achèvement : « l'un au regard de l'objectif de célérité, l'autre au regard du premier degré de juridiction. Tout d'abord, elle entraîne un véritable ralentissement de l'instance d'appel dans la mesure où elle contraint la cour d'appel à instruire une affaire partiellement ?nouvelle?. Ensuite, par un effet indirect pervers, la voie d'achèvement ne permet pas de valoriser le premier degré de juridiction : le justiciable, sachant qu'il bénéficie d'une seconde possibilité de faire valoir ses prétentions, conserve parfois stratégiquement une position d'attente, utilisant le premier degré comme un ?galop d'essai? » 269 ( * ) .

Pour autant, la commission concluait à la nécessité de maintenir la procédure d'appel voie d'achèvement et proposait une voie d'achèvement « maîtrisée » du litige, se traduisant principalement par la possibilité pour la cour de relever d'office l'irrecevabilité tirée de la nouveauté de la prétention et par un principe de « concentration » de la procédure à travers la fixation d'un calendrier précis, adapté à la nature, à la complexité et aux particularités de l'affaire. Ces propositions ont inspiré le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 réformant la procédure d'appel et la gestion des flux de contentieux judiciaire, dit « décret Magendie ».

En mai 2013, un rapport de l'Institut des hautes études sur la justice (IHEJ), La prudence et l'autorité, l'office du juge du XXI e siècle 270 ( * ) , remis au garde des sceaux dans le cadre des travaux de réflexion sur la « justice du XXI e siècle », allait beaucoup plus loin, remettant en cause l'appel voie d'achèvement, en limitant la production de nouveaux moyens et en abandonnant l'idée d'un appel général. Ainsi, l'appel apporterait une réponse précise à une question ciblée, imposant à l'appelant de motiver précisément sa déclaration sur le ou les points contestés, alors qu'actuellement l'appel n'a pas à être motivé.

Dans le rapport Le juge du XXI e siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice , remis au garde des sceaux en décembre 2013 dans le cadre des mêmes travaux, M. Pierre Delmas-Goyon, conseiller à la Cour de cassation, s'est également engagé, bien que plus prudemment, dans cette voie, estimant que, si la première instance « est celle où l'échange des moyens et arguments permet à chacun d'affiner ses prétentions et de définir sa position [, il] est plus difficile d'admettre que la "matière du procès" continue à se construire au second degré de juridiction, au risque de retarder indûment la résolution du litige . [...] Recentrer l'appel sur la critique de la décision de première instance permettrait incontestablement de mieux circonscrire le débat au second degré et de juger dans un délai plus raisonnable ». Il concluait ainsi à la nécessité « de vérifier si la préconisation d'un appel limité à une voie de réformation présente des inconvénients majeurs qui commanderaient d'y renoncer ».

Ce débat autour de l'appel voie de réformation a ressurgi à l'occasion des travaux en cours sur la réforme de la Cour de cassation, engagés à l'initiative de son premier président, M. Bertrand Louvel, pour accélérer le traitement des dossiers et restreindre le nombre de pourvois en cassation. Selon le premier président, entendu par votre mission, les délais de jugement en appel sont en effet responsables de la durée globale excessive de la procédure 271 ( * ) .

Dans son rapport du 22 février 2017, la commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, présidée par M. Jean-Paul Jean 272 ( * ) , estimait que « l'architecture d'ensemble [de la réforme de la Cour de cassation] commande une réforme législative cohérente avec la procédure d'appel conçue principalement comme une voie de réformation » 273 ( * ) .

De manière un peu schématique, deux conceptions s'affrontent donc : les tenants d'un appel voie de réformation 274 ( * ) , qui entendent maîtriser la gestion des flux contentieux , et les défenseurs de l' appel voie d'achèvement , qui estiment que le système actuel est le garant d'un large accès au juge pour le justiciable 275 ( * ) .

Il semble que la réforme de la procédure d'appel, issue des travaux de la commission présidée par M. Jean-Claude Magendie en 2008, ait atteint ses limites.

Entendus par votre mission, les représentants de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats ont souligné que les délais imposés par le décret de 2009 à chaque étape de la procédure d'appel constituaient une lourde contrainte pour les avocats et leurs clients sans apporter d'amélioration des délais de jugement. Ces critiques ont également été exprimées par différents représentants de la profession d'avocat.

Dans son rapport de 2013, M. Pierre Delmas-Goyon soulignait également cette difficulté. En raison de l'insuffisance du nombre de magistrats dans les cours d'appel, « on assiste ainsi au paradoxe de juridictions du second degré mises en mesure d'accélérer leurs procédures avec la réforme dite Magendie II, mais fixant à des dates plus lointaines leurs affaires. Cette situation ne peut que susciter l'incompréhension et la frustration des justiciables et de leurs conseils, sommés d'agir plus rapidement par une institution qui ne parvient pas à suivre le rythme qu'elle leur impose. Cette évolution va à l'encontre de la qualité et de l'efficacité de la justice ». Il estime en conclusion que, compte tenu de la situation des cours d'appel, il est douteux qu'« une conception extensive de l'appel continue de servir l'objectif d'une amélioration de la célérité et de l'efficacité de la justice » 276 ( * ) .

Cependant, la réforme de la procédure vers un appel voie de réformation se heurte à de nombreuses réticences.

Entendus par votre mission, les représentants de l'Union syndicale des magistrats, opposés à cette réforme, ont fait valoir que l'appel voie de réformation n'était pas favorable au justiciable, en ce qu'il fige le litige en première instance et ne permet pas de prendre en considération des éléments nouveaux apparus entre la première décision et l'appel, alors même que les parties sont parfois étrangères à ces évolutions.

L'appel voie d'achèvement est un droit à l'erreur pour le justiciable dans le choix de son avocat, pour l'avocat dans le choix des moyens invoqués et pour le magistrat, qui statue le plus souvent à juge unique en première instance.

Face à la complexification croissante des contentieux, le double regard porté en première instance puis en appel constitue une source de sécurité pour le justiciable.

De plus, cette réforme risquerait de ne pas réduire les délais de traitement des affaires car, en cas d'appel voie de réformation, les avocats soulèveraient de nombreux incidents de la mise en état, suscitant un nouveau contentieux et submergeant ainsi les magistrats.

Pour l'ensemble de ces raisons, bien que consciente de la nécessité de réformer la procédure d'appel, votre mission appelle à une certaine prudence .

La réussite de toute réforme de la procédure d'appel , qu'il s'agisse d'une évolution vers un appel voie de réformation ou, comme cela a pu être évoqué au cours des auditions, de la remise en cause du caractère suspensif de l'appel, repose en réalité d'abord sur la nécessité de commencer par donner à la justice de première instance les moyens d'offrir au justiciable une justice rapide et de qualité, puis de revoir l'organisation des cours d'appel .

À cet égard, les représentants de la Conférence des premiers présidents de cour d'appel, entendus par votre mission, se sont interrogés sur la pertinence qu'il y aurait à réintroduire de la collégialité en première instance, estimant que c'était peut-être cette collégialité, et la qualité de la décision de justice qu'elle procure, que les justiciables venaient chercher en appel.

Comme l'a relevé le premier président de la Cour de cassation, lors de son audition par votre mission, cette réforme devrait également s'accompagner d'un développement des modes alternatifs de règlement des litiges (MARL), entre les mains des avocats notamment, ce qui supposerait un changement assez radical de culture. Comme votre mission a pu le constater, certains avocats sont d'ores et déjà prêts à franchir ce pas. Ainsi, lors de leur audition par votre mission, les représentants de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats, ont estimé que les modes alternatifs de règlement des litiges devraient être davantage utilisés pour circonscrire l'intervention du juge aux points sur lesquels les parties n'ont pas réussi à s'entendre.

En outre, la réforme de la procédure d'appel dépend également de l'organisation des cours d'appel, que votre mission propose de faire évoluer vers un nouveau modèle de cour d'appel 277 ( * ) : la question de la procédure peut se poser différemment pour un nombre plus limité de cours, dotées chacune d'effectifs importants et supposées, en conséquence, être plus efficaces dans leur activité juridictionnelle.

Selon votre mission, la réforme de la procédure d'appel repose donc sur un certain nombre de préalables qui, à l'heure actuelle, ne semblent manifestement pas encore acquis.

Proposition n° 82 :

Faire mûrir la réflexion tendant à modifier la procédure d'appel, et en particulier à recentrer l'appel sur la critique de la décision de première instance, en réunissant les conditions nécessaires pour ne pas baisser le niveau des garanties offertes au justiciable par le double degré de juridiction.

Enfin, votre mission se bornera à évoquer, sans prendre position sur cette question, la proposition formulée par la commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, dans son rapport précité de 2017, tendant à instaurer un filtre des pourvois.

Lors de leur audition par votre mission, les représentants de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation se sont interrogés sur la nature des critères qui seraient retenus pour opérer ce filtre. Ils ont insisté sur la nécessité de déterminer des critères objectifs, écartant comme inacceptable l'idée d'une sélection fondée sur l'intérêt de l'affaire, critère particulièrement flou et arbitraire, qui risquerait de permettre au juge de ne retenir que les affaires qu'il souhaite traiter.

Pour permettre une diminution du nombre de pourvois en cassation, ils ont en revanche proposé qu'une réflexion soit engagée sur la suppression de la possibilité de former un pourvoi pour certaines affaires purement factuelles, comme en matière de saisies immobilières, d'état des personnes, d'assistance éducative, d'enlèvement international d'enfants, affaires dans lesquelles l'intérêt du justiciable est de disposer d'une décision définitive rendue rapidement.

Ils ont également évoqué l'idée d'opérer, comme cela se fait devant le Conseil d'État, une différenciation des dossiers en fonction de leur difficulté, seuls les dossiers les plus complexes ayant vocation à être tranchés par une formation collégiale.

Compte tenu de son vaste champ d'étude, votre mission n'a pu étudier ces différentes pistes avec toute l'attention qu'elles méritent et ne peut donc qu'en faire mention.

b) En matière pénale, une modernisation souhaitable des voies de recours pour en renforcer l'effectivité

En matière pénale, la question de l'évolution des voies de recours est indissociable d'une réflexion sur les raisons de l'exercice de celles-ci. Aussi, avant d'envisager toute évolution des procédures, votre mission a considéré nécessaire d'agir en priorité sur l'harmonisation des jurisprudences, comme piste de réduction du besoin pour les justiciables et le ministère public de faire appel des décisions de justice 278 ( * ) .

• Moderniser l'appel en matière de contraventions de police

En application de l'article 546 du code de procédure pénale, le droit d'appel des contraventions de police est actuellement limité. Peuvent être frappés d'appels les jugements de police statuant sur une contravention pour laquelle l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe, les jugements de police rendus pour les contraventions de la troisième à la quatrième classe dès lors que la peine d'amende prononcée est supérieure à 150 euros et tous les jugements de police dès lors qu'ils prononcent une peine de suspension du permis de conduire. Selon la Cour de cassation, cette limitation du droit d'appel est conforme à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où le droit au recours peut connaître des exceptions pour les infractions mineures 279 ( * ) .

L'absence de voie de recours en appel de certaines contraventions de police incite à de nombreux pourvois en cassation en raison d'erreurs procédurales de certaines juridictions de proximité.

En application de l'article 567 du code de procédure pénale, l'ensemble des jugements rendus en dernier ressort en matière de police peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou par la partie à laquelle il est fait grief.

En 2014, 543 pourvois ont été exercés contre des jugements des juridictions de proximité.

Il apparaît aujourd'hui souhaitable de moderniser ces dispositions. Il ne semble pas nécessaire d'encombrer la Cour de cassation avec des pourvois concernant des violations manifestes de la loi, en particulier pour des contentieux de masse concernant souvent le code de la route.

Votre mission formule plusieurs propositions dont la mise en oeuvre devrait être concomitante pour ne pas engendrer une aggravation de la charge des juridictions de l'ordre judiciaire.

La première proposition consiste à étendre le droit d'appel à toutes les contraventions de police . Si cette modification est susceptible d'engendrer une augmentation de la charge des cours d'appel, ce contentieux pourra néanmoins être traité par un juge unique d'appel . Ce jugement pourrait également faire l'objet de procédures simplifiées telle que l'ordonnance pénale.

Proposition n° 83 :

Étendre le droit d'appel à l'ensemble des contraventions, organiser le jugement de ce contentieux en appel par un juge unique et par des procédures simplifiées.

À l'instar de la Cour de cassation dans ses rapports annuels, votre mission propose également de limiter le nombre d'appels et de pourvois abusifs ou dilatoires.

Cet objectif pourrait être atteint par la création d'une amende civile en matière pénale pour action en justice abusive . Ces amendes existent d'ores et déjà dans la procédure civile : ainsi peuvent être sanctionnés par une amende civile de 3 000 euros l'action en justice dilatoire ou abusive (article 32-1 du code de procédure civile), l'appel principal dilatoire ou abusif (article 559 du code de procédure civile), le recours dilatoire ou abusif (article 581 du code de procédure civile) et le pourvoi en cassation abusif (628 du code de procédure civile). Ces amendes civiles s'ajoutent aux dommages et intérêts de la partie civile pour son préjudice.

En matière pénale, il existe déjà une amende civile, mais elle ne peut être prononcée que dans la seule hypothèse d'un non-lieu prononcé après une information judiciaire déclenchée par une constitution de partie civile abusive ou dilatoire. Il conviendrait d'en étendre le champ pour la rapprocher des cas prévus pour l'amende civile dans la procédure civile.

En pratique, les amendes civiles sont certes très peu prononcées par les juridictions. Néanmoins, l'institution d'une possibilité de sanction pourrait permettre de dissuader les actions abusives ou dilatoires.

Proposition n° 84 :

En matière pénale, sanctionner les appels et les pourvois abusifs ou dilatoires par une amende civile.

L'objectif de limitation des appels et pourvois abusifs ou dilatoires pourrait également être atteint par la modification, à la marge, de certaines dispositions pénales qui incitent les justiciables à multiplier les recours .

Par exemple, l'article L. 223-6 du code de la route permet aux détenteurs du permis de conduire de récupérer de manière automatique les points perdus à la suite du paiement d'une amende ou à la suite d'une condamnation si aucune nouvelle infraction ayant donné lieu à retrait de point n'a été commise dans un délai de deux ans. Cette disposition incite les conducteurs à multiplier les recours afin que la perte définitive de points n'intervienne pas au cours de ce délai de deux ans : une modification législative pourrait préciser que, pour faire obstacle à une récupération de points, serait seulement prise en compte la date de l'infraction et non la date de la perte effective des points à la suite d'une récidive.

• Renforcer le caractère dévolutif de l'appel en matières correctionnelle et criminelle

En application de l'article préliminaire du code de procédure pénale, « toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ».

Voie de réformation 280 ( * ) , l'appel remet la chose jugée en question devant les juridictions du second degré pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit sur tous les points qui ont été soumis aux juges de première instance.

Certaines limites tenant à l'objet du jugement, à l'acte d'appel ou à la qualité de l'appelant permettent néanmoins de circonscrire la saisine de la cour d'appel. Ainsi, en matière correctionnelle, aux termes de l'article 509 du code de procédure pénale, « l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel » et les demandes nouvelles sont interdites. L'acte d'appel lui-même peut ne pas être général et limiter les points sur lequel la cour peut statuer 281 ( * ) . Ainsi, le ministère public peut choisir de ne pas saisir la juridiction d'appel de l'intégralité de l'action publique.

Le principe de dévolution de l'appel n'existe néanmoins pas en matière criminelle. Le condamné et le ministère public ne peuvent faire appel que de l'intégralité de la décision de première instance.

Dans un arrêt de la chambre criminelle du 2 février 2005 282 ( * ) , la Cour de cassation a considéré qu'il résultait des articles 380-1 et 380-14 du code de procédure pénale qu'une cour d'assises statuant en appel devait réexaminer l'intégralité de l'affaire, « en son entier ». Dès lors, est considéré irrecevable tout appel cantonné aux seules dispositions de l'arrêt relatives aux peines.

Cet état du droit prive les condamnés, reconnaissant leur culpabilité, de ne faire appel que de leur peine. Elle retire également au ministère public cette possibilité. Pourtant, les procès d'assises sont aujourd'hui longs et coûteux, en particulier pour établir la réalité et la véracité des faits reprochés au condamné (expertises, témoignages, etc.).

D'après les dernières statistiques disponibles, pour l'année 2015, les délais de procédure pour un crime étaient de 40,6 mois en première instance et de 21,8 mois en appel. Ces durées importantes de traitement retardent des décisions définitives. Un allégement des procédures criminelles en appel semble donc souhaitable et légitime.

Dès lors, en l'absence de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière criminelle, votre mission propose de donner la possibilité au condamné et au ministère public de limiter leur appel à la seule peine prononcée en première instance, ce qui supposerait une modification de l'article 380-1 du code de procédure pénale. Cette possibilité pourrait s'appliquer au quantum mais également à la nature de la peine. Cette nouvelle voie procédurale n'enlèverait aucun droit à l'accusé, qui garderait toujours le choix entre un appel intégral ou limité. Elle pourrait permettre une réduction du nombre de jours d'audience prévus pour les assises en appel, allégeant d'autant la charge des juridictions.

Proposition n° 85 :

Donner la possibilité au condamné et au ministère public, en matière criminelle, de ne faire appel que du quantum ou de la nature de la peine.

• Donner au droit au pourvoi en cassation plus de chances d'aboutir en rendant la représentation obligatoire devant la chambre criminelle

À la différence de la procédure de cassation devant les chambres civiles et commerciale de la Cour de cassation, la procédure de cassation en matière pénale n'impose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux Conseils.

Cette spécificité des pourvois en cassation pose deux problèmes principaux.

En premier lieu, malgré l'apparence d'un plus large accès au juge pour le justiciable, les chances pour ce dernier de voir aboutir ses pourvois sont en réalité réduites eu égard à la technicité du droit pénal.

Plus de 40 % des pourvois formés devant la chambre criminelle ne sont pas soutenus par un mémoire, en dépit de la possibilité théoriquement offerte au justiciable de former lui-même un pourvoi en matière pénale et de présenter un mémoire personnel exposant les moyens qu'il propose à l'appui de ce pourvoi. Une telle proportion semble traduire la difficulté rencontrée par les justiciables pour rédiger un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation.

Les pourvois assortis de mémoires donnant lieu à une non-admission, ce qui traduit l'absence de moyens sérieux représentent 32 % des pourvois soutenus par un mémoire. La plupart concernent des mémoires personnels qui ne se conforment pas aux exigences de la technique de cassation et au rôle spécifique de la chambre criminelle. En 2014, 56 % des mémoires personnels ont abouti à une décision de non-admission contre seulement 9 % des pourvois soutenus par un avocat aux Conseils.

En second lieu, l'absence de représentation obligatoire ne permet pas aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de jouer leur rôle habituel de conseil, qui permet de dissuader les justiciables de former des pourvois voués à l'échec, et oblige la Cour de cassation à se prononcer sur des pourvois manifestement infondés, au détriment de sa mission de garantir la bonne application du droit.

Ainsi, la représentation obligatoire des pourvois présentés à la chambre criminelle est une recommandation formulée par la Cour de cassation depuis plusieurs années dans ses rapports annuels. À l'initiative de notre collègue Jacques Mézard, le Sénat avait d'ailleurs adopté une telle disposition en première lecture du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, en novembre 2015, sans que l'Assemblée nationale et le Gouvernement la reprennent pour autant à leur compte.

Votre mission estime souhaitable de promouvoir la représentation obligatoire par un avocat en cas de pourvoi en cassation devant la chambre criminelle.

Les incidences d'une telle réforme sur l'octroi de l'aide juridictionnelle devraient toutefois être prises en compte en même temps que cette modification.

Il est également possible d'envisager une dérogation au principe de représentation obligatoire pour les pourvois dirigés contre des condamnations à une peine de privation de liberté.

Proposition n° 86 :

Rendre la représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

4. Imaginer de nouvelles méthodes de travail au sein des juridictions, pour recentrer le juge sur son office

Au fil des auditions et des déplacements qu'elle a réalisés, votre mission a vu se dessiner une nouvelle conception du travail du juge, fruit de l'évolution profonde et progressive des mentalités des magistrats. Face à l'augmentation constante du besoin de justice de nos concitoyens, associée à une complexification croissante des contentieux, l'image du magistrat solitaire, « artisan de la justice », est désormais dépassée, sans que son indépendance soit pour autant menacée .

Cela s'est traduit ces dernières années dans l'organisation des juridictions (création de pôles, mise en place de magistrats coordonnateurs...), mais également dans l'idée, insuffisamment mise en pratique dans les faits, de doter le juge d'une véritable équipe ayant pour mission, d'une part, de le décharger de certaines tâches ne relevant pas de son coeur de métier et, d'autre part, de lui apporter une aide à la décision.

Comme l'ont souligné les représentants de la Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance, entendus par votre mission, le recul progressif du recours à la collégialité en première instance, dans le but d'améliorer le rendement des juridictions, ainsi que le développement de l'informatique, permettant aux magistrats de rédiger seuls leurs décisions, ont pu favoriser une tendance au repli sur soi chez les magistrats, dont votre mission estime qu'il faut sortir aujourd'hui.

La situation n'est cependant pas la même pour les magistrats du parquet, pour lesquels le travail en équipe est un mode naturel de fonctionnement, du fait de leur organisation hiérarchisée. La problématique pour le parquet relève davantage du renforcement des équipes déjà constituées, par l'augmentation du nombre d'assistants spécialisés ou de greffiers assistants de magistrats.

a) Encourager le développement de nouveaux outils d'harmonisation des jurisprudences

L'hétérogénéité de jurisprudences porte une part de responsabilité dans la demande de justice : comment un justiciable peut-il accepter qu'une décision différente, parfois rendue en sens inverse, ait été prise, dans une affaire similaire à la sienne, par un autre juge appartenant au même tribunal ou par une autre juridiction au sein du ressort d'une même cour d'appel ?

En matière pénale, selon les représentants de la Conférence nationale des procureurs de la République, cette hétérogénéité des jurisprudences est le motif principal des appels résultant de l'initiative du parquet.

L'absence d'homogénéisation, critiquée tant par les magistrats que par les avocats, semble être une spécificité des juridictions judiciaires. Le principe d'indépendance se conçoit différemment chez les magistrats judiciaires et chez les juges administratifs 283 ( * ) . Il semble autoriser chez les premiers des positions particulières et isolées sur le plan jurisprudentiel vis-à-vis de la jurisprudence d'une chambre, d'une juridiction, d'une cour d'appel et même de la Cour de cassation.

Avant d'envisager toute éventuelle réforme en profondeur des procédures d'appel 284 ( * ) , votre mission a aussi considéré qu'il était nécessaire d'agir en priorité sur la réduction du besoin des justiciables et du ministère public de faire appel, notamment en renforçant l'homogénéité des jurisprudences en première instance.

• Encourager de nouvelles formes de coordination au sein des pôles et des services des juridictions

Lors de ses auditions et de ses déplacements, votre mission a été surprise de constater que, si la collégialité était une méthode parfaitement acceptée par les magistrats pour trancher les décisions de justice, en revanche, l'idée de faire appel à cette même collégialité pour harmoniser les pratiques de jugement entre magistrats se heurtait à d'importantes réserves de leur part.

Les magistrats prennent cependant progressivement conscience que la nécessité d'harmoniser les décisions qu'ils rendent n'est en rien une atteinte à leur indépendance, mais bien un gage de bonne justice et une attente légitime pour les justiciables.

Cette prise de conscience s'est d'ores et déjà traduite, par exemple, par l'utilisation par le juge aux affaires familiales de barèmes pour la détermination des montants des prestations compensatoires, sur le modèle de ce qui existe depuis bien longtemps en matière de dommages corporels.

Dans les hypothèses plus complexes de divergences concernant l'interprétation même de la loi, votre mission souhaite qu'une concertation puisse être organisée entre magistrats au sein des structures appropriées de la juridiction : le pôle s'il existe ou, à défaut, l'assemblée générale des magistrats du siège. Ces pratiques relèvent des mesures d'organisation interne aux juridictions que la chancellerie et les premiers présidents de cour d'appel et présidents de juridiction de première instance, doivent encourager voire systématiser.

Lors de son déplacement à Bordeaux, votre mission a rencontré des magistrats du tribunal de grande instance qui lui ont fait part de la nécessité, pour que l'exigence d'harmonisation soit bien acceptée, de laisser la responsabilité de la coordination aux magistrats eux-mêmes.

Pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques en ce sens, votre mission estime cependant pertinent d'accorder une reconnaissance statutaire aux magistrats qui s'investiraient dans ces missions de coordonnateurs ou de responsables de pôle, lesquels doivent intégrer la question de l'harmonisation des jurisprudences.

Proposition n° 87 :

En cas de divergence de jurisprudences au sein d'une juridiction, organiser, à l'initiative du président de la juridiction, des échanges entre magistrats du siège du pôle concerné ou, à défaut de pôle, entre l'ensemble des magistrats du siège réunis en assemblée générale, pour permettre d'apporter aux justiciables des réponses harmonisées.

Proposition n° 88 :

Pour encourager la diffusion des bonnes pratiques, accorder une revalorisation statutaire pour les missions de magistrat coordonnateur ou responsable de pôle.

• En matière pénale, renforcer la spécialisation des magistrats

La spécialisation des magistrats siégeant en correctionnelle est une piste à explorer pour favoriser l'harmonisation des jurisprudences.

À la différence des juges aux affaires familiales, des juges de l'application des peines et des juges des libertés et de la détention, les fonctions de juges correctionnels ne font pas l'objet d'une spécialisation.

Historiquement, si les magistrats instructeurs ou du parquet se sont spécialisés au stade de l'enquête et de l'instruction, la spécialisation en matière pénale au stade du jugement reste encore assez rare en pratique. La spécialisation des formations correctionnelles est apparue progressivement comme une nécessité dans des contentieux spécifiques. Ainsi, depuis 2015, il existe au tribunal de grande instance de Paris une chambre spécialisée dans le traitement des délits terroristes.

Une telle spécialisation gagnerait à être étendue aux formations correctionnelles de droit commun. En effet, au regard de l'inflation législative et des jurisprudences abondantes du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme, le jugement des affaires pénales en matière correctionnelle apparaît de plus en plus technique et spécifique. La spécialisation des juges permettrait de répondre à ce phénomène de complexification du droit, mais également à la spécialisation renforcée des avocats et des autres professionnels du droit intervenant en matière correctionnelle.

Source de gains de productivité mais également de renforcement de la connaissance des procédures, la spécialisation est de nature à répondre aux exigences d'harmonisation et de qualité attendues par le justiciable, tout en sécurisant les juges, par l'unification de leurs pratiques et de leurs jurisprudences. Une telle évolution pourrait d'abord faire l'objet d'une expérimentation pour en apprécier l'efficacité.

Proposition n° 89 :

Renforcer l'homogénéisation des jurisprudences en expérimentant la spécialisation des juges siégeant en correctionnelle.

• Développer le recours à des référentiels de jurisprudence pénale

La mise en place d'un référentiel de jurisprudence pénale contribuerait elle aussi, à une plus grande cohérence des décisions de justice. Sans pour autant être contraignant , ce référentiel conduirait à ce que soient exposés de manière transparente les divergences d'interprétation et favoriserait ainsi un dialogue explicite entre les juges.

La montée en puissance de l' open data des décisions de justice 285 ( * ) et le développement de systèmes d'analyse statistique des jurisprudences, notamment avec les outils de « justice prédictives », à l'instar de l'expérimentation menée par le barreau de Lille, encouragera à l'établissement de ce référentiel, dans chaque cour d'appel.

Proposition n° 90 :

Prévoir un référentiel de jurisprudence pénale dans chaque juridiction partagé dans le ressort de la cour d'appel.

b) Revaloriser les missions des greffiers, pour recentrer les magistrats sur la fonction de juger

Le bon fonctionnement des services de greffe et donc du tribunal lui-même repose, dans bien des cas, sur la bonne volonté des greffiers. Or, avec la multiplication des tâches qui leur ont été confiées, les greffiers sont aujourd'hui souvent surchargés, comme l'ont montré les déplacements de votre mission.

Outre une certaine démotivation des personnels, cette surcharge d'activité a pour conséquence, comme le relevaient les représentants de la Conférence nationale des procureurs de la République lors de leur audition par votre mission, de dévaloriser le rôle des greffiers, qui sont contraints de se concentrer sur les tâches les plus urgentes, qui s'apparentent souvent à des tâches de secrétariat, alors qu'ils sont les spécialistes de la procédure et des voies d'exécution.

De plus, les corps des directeurs des services de greffe judiciaires 286 ( * ) et des greffiers sont composés d'agents titulaires dont le niveau universitaire de qualification s'est nettement élevé ces dernières années. Il n'est pas rare de rencontrer des greffiers titulaires de diplômes identiques à ceux des magistrats. Ils reçoivent ensuite une formation initiale et continue de grande qualité à l'École nationale des greffes, dans les locaux de laquelle votre mission a eu l'occasion de se rendre.

Il existe donc un décalage important, et source de tensions, entre la hausse du niveau de qualification des personnels de greffe et la nature des tâches qui leur sont confiées.

Dans son rapport L'ambition raisonnée d'une justice apaisée , remis au garde des sceaux, en 2008 287 ( * ) , la commission sur la répartition des contentieux, présidée par M. Serge Guinchard, avait proposé de confier aux greffiers en chef 288 ( * ) dans un premier temps, puis aux greffiers, des fonctions juridictionnelles, assorties d'une revalorisation statutaire. En plus des missions de greffier en chef, ce greffier juridictionnel aurait eu en charge, par exemple, le traitement de la procédure d'injonction de payer.

La réflexion sur le greffier juridictionnel a ensuite été étoffée par le groupe de travail présidé par M. Pierre Delmas-Goyon, dans son rapport Le juge du XXI e siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice , remis au garde des sceaux en décembre 2013 289 ( * ) , dans le cadre des travaux de réflexion sur la « justice du XXI e siècle ».

Résumé des propositions du rapport du groupe de travail
présidé par M. Pierre Delmas-Goyon
Le juge du 21 ème siècle , un citoyen acteur, une équipe de justice

En matière civile, ce rapport prévoyait de confier au greffier juridictionnel :

- une compétence propre pour la mise en état des affaires civiles ;

- une compétence générale propre pour l'homologation en matière gracieuse ;

- une compétence propre en matière gracieuse dans divers domaines : déclaration d'absence, reconstitution d'actes détruits, envois en possession en matière successorale, demandes visant à rendre exécutoire la décision non frappée de recours du bâtonnier en matière de contestation d'honoraires etc. ;

- une compétence propre pour le prononcé du divorce par consentement mutuel ;

- des compétences propres dans les domaines suivants : demandes de rectification d'erreurs matérielles non contestées, recueil du consentement en matière de procréation médicalement assistée, vérification des comptes de tutelle etc.;

- une compétence déléguée en matière d'injonctions de payer.

En matière pénale, il proposait de permettre au greffier, sur les directives spécifiques ou permanentes du procureur de la République, de suivre les enquêtes et d'entretenir à cet effet un dialogue approprié avec les enquêteurs.

Dans le domaine de l'aide à la décision du magistrat, il était proposé que le greffier assiste au délibéré.

Selon ce rapport, un recours devant le juge était possible à l'encontre de toutes les décisions de nature juridictionnelle prises par le greffier juridictionnel.

Tous les agents composant le corps actuel des greffiers étaient susceptibles d'accéder aux responsabilités de greffier juridictionnel. Ce dernier serait resté sous l'autorité hiérarchique du directeur de greffe.

Source : commission des lois du Sénat.

En 2014, des négociations sur la revalorisation statutaire et indiciaire des personnels des greffes, entre le ministre de la justice et les organisations syndicales, ont abouti à la signature d'un protocole d'accord. Ce protocole avait notamment pour objectif de revaloriser le métier du greffier en étendant ses missions dans le domaine de l'assistance renforcée du magistrat. Corrélativement, la grille indiciaire des greffiers devait être revalorisée pour tenir compte de leur niveau de recrutement, de leur qualification et de leurs nouvelles responsabilités. Cet accord s'est traduit, en 2015, par l'adoption de dispositions réglementaires, dont le décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires.

Ce décret définit ainsi leurs attributions :

« Les greffiers sont des techniciens de la procédure. Ils assistent les magistrats dans les actes de leur juridiction et authentifient les actes juridictionnels. »

À côté de ces fonctions traditionnelles, le décret précise qu'ils « exercent également des fonctions d'assistance des magistrats dans le cadre de la mise en état et du traitement des dossiers ainsi que dans le cadre des recherches juridiques. Selon les directives des magistrats, ils rédigent des projets de décisions et de réquisitoires » 290 ( * ) .

C'est dans le cadre de cette conception élargie des missions des greffiers qu'a été mise en place, dans les tribunaux de grande instance d'Amiens, de Soissons, de Rennes, de Saint-Malo, de Chartres et de Nanterre, l'expérimentation de l'assistance des magistrats du ministère public par des greffiers assistants de magistrats (GAM) 291 ( * ) .

Cette expérimentation n'a pour l'instant concerné que le parquet et n'a donné lieu qu'à un « saupoudrage » des greffiers assistants de magistrats dans quelques juridictions. Les greffiers assistants de magistrats déployés apportent leur assistance aux magistrats dans le cadre du traitement en temps réel, de la gestion du bureau des enquêtes, de leur représentation et participation à l'élaboration des politiques publiques ou du traitement du courrier pénal.

Lors des auditions et déplacements qu'elle a organisés, notamment dans les tribunaux de grande instance de Bobigny et Lille, votre mission a pu constater que la mise en place des greffiers assistants de magistrats donnait pleinement satisfaction dans les juridictions qui en bénéficiaient.

Le succès de cette expérimentation, outre l'intérêt qu'elle présente pour les magistrats et les greffiers, s'explique par le fait qu'elle s'est accompagnée d'un plan de formation spécifique des greffiers concernés, élaboré par l'École nationale des greffes en collaboration avec l'École nationale de la magistrature, et d'un renfort des effectifs correspondant à la charge induite par les nouvelles missions confiées.

L'absence de renforcement des effectifs du greffe avait en effet été la cause de l'échec, en 2003, d'une expérience du même type : la mise en place de greffiers assistants renforcés du magistrat (GARM), dans 14 juridictions pilotes.

Adoptant une démarche pragmatique de réforme par étapes, votre mission estime pertinent de commencer par utiliser pleinement les potentialités offertes par le statut rénové des greffiers avant d'envisager, comme le proposait le rapport de M. Pierre Delmas-Goyon, de confier aux greffiers d'importantes tâches juridictionnelles, ce qui supposerait une intervention du législateur pour réformer en profondeur le statut des greffiers et garantir notamment leur indépendance.

Ainsi, au regard du succès rencontré par les greffiers assistants de magistrats placés auprès des magistrats du parquet, votre mission propose d'expérimenter la mise en place de ces greffiers assistants auprès des magistrats du siège. Ceux-ci pourraient par exemple gérer la mise en état des affaires civiles, à l'exception des incidents relevant de la matière contentieuse, comme c'est le cas au sein des juridictions administratives, dans lesquelles, comme le relevait le M. Pierre Delmas-Goyon dans son rapport, « l'instruction est entièrement conduite par le greffe et tous les échanges passent par lui. Il fixe les délais, sous le contrôle du juge, et peut faire des mises en demeure . Le greffier juridictionnel pourra ainsi délivrer des injonctions de conclure, demander que soient fournies des explications ou de nouvelles pièces si nécessaire ».

Dans un rapport de janvier 2016, l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) estimait que le renforcement de l'assistance du magistrat par le greffier dans le cadre de la mise en état apparaissait souhaitable, à condition qu'elle soit précisément cadrée. Elle devrait être réservée aux dossiers les plus simples et préserver le rôle juridictionnel du juge de la mise en état. Ainsi, ce rapport proposait de confier aux greffiers la gestion calendaire de la mise en état sur instructions du magistrat, le juge de la mise en état demeurant compétent, comme l'a prévu le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom, pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance 292 ( * ) .

L'affectation de greffiers en nombre suffisant à l'assistance des magistrats, alors même que les services de greffe éprouvent des difficultés de fonctionnement au quotidien, en raison des vacances de postes et de l'augmentation du nombre d'affaires à traiter, ne pourrait intervenir sans procéder à un ajustement des effectifs nécessaires pour assurer ces nouvelles missions, en plus des missions actuelles, dans des conditions satisfaisantes. Votre mission propose ainsi, au préalable, de relever les effectifs de greffe 293 ( * ) .

Proposition n° 91 :

Expérimenter le déploiement de greffiers assistants du magistrat auprès des magistrats du siège. Leur confier par exemple la mise en état des affaires civiles.

Accompagner cette expérimentation des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, pour éviter qu'elle ne pèse sur les tâches courantes et urgentes des services de greffe.

c) Renforcer la dimension collaborative du travail des magistrats

• Les effectifs d'aide à la décision du magistrat

Face à la complexification des contentieux, à la multiplication des normes applicables et à l'insuffisance des effectifs, les magistrats rencontrés ont unanimement fait part à votre mission de leur besoin de disposer de collaborateurs de haut niveau capables de les assister dans le traitement d'affaires complexes ou de les décharger de certains contentieux de masse ne présentant pas de difficultés particulières.

La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a autorisé le recrutement d'assistants de justice auprès des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des cours d'appel. La loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature a étendu cette faculté à la Cour de cassation.

Comme le relevait déjà en 2002 notre ancien collègue Christian Cointat dans son rapport d'information sur l'évolution des métiers de la justice 294 ( * ) , le statut des assistants de justice ne leur a pas permis de répondre pleinement aux attentes des juridictions. Ces assistants sont en effet des étudiants, le plus souvent titulaires d'un diplôme de troisième cycle universitaire, en fin de parcours ou venant de quitter l'université. Il en résulte un fort taux de rotation car ils quittent rapidement leurs fonctions, soit parce qu'ils ont été reçus à un concours de la fonction publique, soit parce qu'ils ont trouvé un emploi dans le secteur privé. Eu égard à la brièveté de leurs contrats, il n'est pas intéressant pour les magistrats de consacrer un temps important à les former, notamment à la rédaction de projets de décision.

Pour répondre à ces difficultés, le rapport d'information précité de notre ancien collègue Christian Cointat proposait de renforcer le statut des assistants de justice, « en allongeant le nombre d'heures et d'années d'exercice des fonctions, en revalorisant le montant des vacations horaires et en créant des passerelles vers la magistrature » 295 ( * ) .

Au lieu de modifier en ce sens le statut des assistants de justice, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle a fait le choix de créer un nouveau corps, celui des juristes assistants. Tout en rappelant qu'elle était favorable, dans leur principe, aux mesures visant à alléger la charge de travail des magistrats pour leur permettre de se recentrer sur les missions qui constituent leur coeur de métier, votre commission des lois avait estimé que la création de ce nouveau corps, dont le statut et les fonctions étaient relativement proches de ceux des assistants de justice, à l'exception de la possibilité pour les juristes assistants, lorsqu'ils sont doctorants, d'intégrer la magistrature au bout de trois ans 296 ( * ) , créait une certaine confusion.

Le tableau ci-après présente, de façon comparée, le statut des différentes catégories d'assistants dont peuvent bénéficier les magistrats, indépendamment de l'appui que peuvent représenter les greffiers : les assistants de justice, les juristes assistants ainsi que, en matière pénale uniquement, les assistants spécialisés.

Statut des assistants de justice, des juristes assistants et des assistants spécialisés

Assistants de justice

Juristes assistants

Assistants spécialisés (pénal)

Textes de référence

Article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative

Décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice

Article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle (Art. L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire)

Article 91 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (art. 706 du code de procédure pénale)

Décret n° 99-75 du 5 février 1999 pris pour l'application de l'article 706 du code de procédure pénale et relatif à l'exercice des fonctions d'assistant spécialisé

Juridictions bénéficiaires

- tribunaux d'instance ;

- tribunaux de grande instance ;

- cours d'appel ;

- Cour de cassation ;

- École nationale de la magistrature

- tribunaux d'instance ;

- tribunaux de grande instance et de première instance ;

- cours d'appel ;

- Cour de cassation

- pôles de l'instruction ;

- auprès de magistrats du parquet au sein des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) et du tribunal de grande instance de Paris en matière économique et financière et de crimes contre l'humanité (art. 704 et 705 du code de procédure pénale)

Qualifications requises

- un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat

- une compétence qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions

- un diplôme de doctorat en droit ou un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat

- deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique ;

- une compétence qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions

- les fonctionnaires de catégorie A ou B ;

- les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d'un diplôme national sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d'accès à la fonction publique et justifient d'une expérience professionnelle minimale de quatre années

Temps de travail

La loi ne dit rien mais le décret précise que le nombre de vacations horaires allouées à un même bénéficiaire ne peut excéder 80 par mois dans la limite de 720 par an

Ils exercent à temps partiel ou complet

Non précisé mais les fonctions d'assistant spécialisé sont exclusives de toute autre activité professionnelle rémunérée, à l'exception de l'enseignement

Durée de la mission

Une durée de deux années renouvelable deux fois, soit une durée totale maximale de six ans

Une durée de trois années renouvelable une fois, soit une durée totale maximale de six ans

Une durée de trois ans renouvelable sans limitation

Missions confiées

Ils sont tenus au secret professionnel.

Le décret précise qu'ils apportent leur concours aux travaux préparatoires réalisés pour l'exercice de leurs attributions par les magistrats et aux activités de l'ENM.

Concrètement, ils effectuent des recherches documentaires, des analyses juridiques, ils rédigent des notes de synthèse des dossiers ainsi que, parfois, des projets de décision sur les instructions et les indications des magistrats 297 ( * ) .

Ils sont tenus au secret professionnel et peuvent accéder aux dossiers de procédure pour l'exercice des tâches qui leur sont confiées.

Concrètement, ils ont vocation à « participer à l'élaboration de la décision par des recherches documentaires, des analyses juridiques approfondies, des rédactions de notes » 298 ( * )

Les assistants spécialisés participent aux procédures sous la responsabilité des magistrats, ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées par les magistrats, ils ont accès au dossier de la procédure pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées et sont soumis au secret professionnel

Rémunération

450 à 500 euros nets par mois

2 300 euros bruts par mois

Aucune rémunération à la charge du ministère de la justice 299 ( * )

Effectifs

933 ETPT

353 postes ouverts 300 ( * )

93 postes pourvus

Source : commission des lois du Sénat.

Si votre mission ne remet pas en cause l'utilité des juristes assistants , dont la création a été saluée par l'ensemble des magistrats rencontrés, elle s'interroge néanmoins à son tour sur la pertinence de faire coexister au sein des juridictions deux types d'intervenants aux statuts relativement proches . Votre mission estime qu'il aurait été plus pertinent que le statut des assistants de justice soit réformé et assoupli pour s'adapter aux besoins variés des juridictions.

Votre mission tient également à souligner, reprenant à son compte une remarque formulée par les représentants de l'Association nationale des juges d'instance lors de leur audition, la nécessité que la fonction de juriste assistant ne soit pas « envisagée comme une simple passerelle vers la magistrature, dans un souci de diversification des recrutements. Si cette intention n'est pas dénuée d'intérêt, il importe aussi, pour que l'assistance au magistrat soit réellement efficace, et que l'investissement dans la formation de ces agents demeure rentable, [qu'ils puissent] s'investir durablement dans des fonctions qui peuvent avoir leur intérêt par elles-mêmes ».

Enfin, votre mission relève que la création désordonnée de fonctions qui se recoupent, pour pallier l'insuffisance des effectifs, alimente les tensions. À cet égard, au cours de ses déplacements, des représentants des greffiers ont fait part à votre mission de leurs craintes de voir ces assistants les remplacer à terme dans leurs fonctions statutaires d'assistance du magistrat.

Pour dissiper ces craintes et pour améliorer la lisibilité de l'organisation des juridictions, votre mission estime nécessaire de préciser le rôle et les responsabilités de chacun, pour éviter les confusions de compétences, sans pour autant mettre en péril le principe même du travail en équipe par une rigidité excessive de cette répartition des rôles.

Proposition n° 92 :

Clarifier les rôles respectifs des membres de l'équipe du magistrat : greffiers, assistants de justice et juristes assistants.

• La collaboration entre magistrats

Pour pousser encore plus loin la logique du travail en équipe, votre mission s'est interrogée sur la possibilité, pour le magistrat en charge d'une affaire complexe, d'être assisté dans la préparation de sa décision par un ou plusieurs autres magistrats, auxquels il confierait le traitement d'une partie de l'affaire seulement. Cette assistance pourrait être assurée par les magistrats qui viennent de sortir de l'École nationale de la magistrature et choisiraient un tel mode d'exercice.

Certes, pour les affaires complexes, le recours à la collégialité est toujours possible (article 804 du code de procédure civile), sur décision du président de la juridiction ou de son délégué, soit à la demande du juge unique saisi, soit d'office (article R. 212-9 du code de l'organisation judiciaire), y compris en matière de référé (article 487 du code de procédure civile) ou d'exécution des décisions de justice (article L. 213-7 du code de l'organisation judiciaire). Mais la procédure est alors relativement lourde puisqu'elle suppose une délibération et un jugement collectifs. De plus, comme le soulignait M. Pierre Delmas-Goyon, lors de son audition par votre mission, la collégialité ne constitue pas une méthode de travail en équipe à proprement parler. Elle sert principalement à forger une décision dont la responsabilité est partagée.

Par ailleurs, lors de leur audition, les représentants de la Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance ont fait valoir à votre mission que le code de procédure civile permettait déjà de mettre en place une sorte de collaboration entre magistrats, dans le cadre d'une procédure collégiale qualifiée de « dégradée », bien que ce procédé ne soit que rarement utilisé.

L'article 785 du code de procédure civile impose en effet au juge de la mise en état de faire un rapport oral de l'affaire à l'audience. Exceptionnellement, le rapport peut être fait par le président de la chambre ou un autre juge qu'il désigne. Ce rapport expose l'objet de la demande et les moyens des parties, il précise les questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire connaître l'avis du magistrat qui en est l'auteur.

Dans le cadre de la préparation de ce rapport, alors même que la procédure est supposée être collégiale, l'article 786 du même code permet au juge de la mise en état ou au magistrat chargé du rapport, si les avocats ne s'y opposent pas, de tenir seul l'audience pour entendre les plaidoiries. Il en rend alors compte au tribunal dans son délibéré. En pratique, le juge dit « rapporteur » prépare donc le jugement, qui est ensuite avalisé ou non par la formation collégiale. Selon votre mission, cette pratique du juge rapporteur mérite d'être diffusée.

Proposition n° 93 :

Encourager le recours à la procédure qui permet de confier à un juge rapporteur la préparation d'une décision rendue ensuite en formation collégiale.

Bien que cette procédure présente un intérêt certain, votre mission souhaite proposer un dispositif moins formel, qui s'apparenterait davantage à la mise en place d'une véritable collaboration entre magistrats, hors des hypothèses de collégialité . Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire, qui seul endosserait la responsabilité du jugement, bénéficierait d'un renfort précieux pour préparer sa décision et le jeune magistrat, qui se verrait confier le traitement d'une partie de l'affaire seulement, pourrait ainsi parfaire sa formation.

Dans le respect de l'indépendance des magistrats du siège, ce mode de fonctionnement est inspiré du fonctionnement du ministère public. Au sein du tribunal de grande instance, le procureur de la République, chef du parquet, est assisté d'un ou plusieurs substituts et vice-procureurs et, dans les tribunaux les plus importants, d'un ou plusieurs procureurs adjoints. Il en est de même du procureur général au sein des cours d'appel.

Cette organisation est aussi celle des juridictions administratives et notamment du Conseil d'État, où les auditeurs, nommés au sein de la section du contentieux, participent aux séances d'instruction et de jugement, rédigent, pour chaque dossier, une note et un projet de décision, et prennent part au vote sur les décisions rendues. De même, chaque auditeur à la Cour des comptes, à sa nomination, se voit désigner un mentor qui lui apporte son expérience pour mener à bien ses premiers contrôles.

Bien que cette idée ait soulevé des réserves chez les représentants des syndicats de magistrats entendus par votre mission, plusieurs chefs de juridiction ont rappelé que le siège fonctionnait ainsi il y a encore quelques dizaines d'années. Les jeunes magistrats sortant de l'École nationale de la magistrature préparaient les jugements que leur président signait ensuite, sans pour autant que leur indépendance soit menacée.

Proposition n° 94 :

Mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège pour la préparation de décisions complexes, hors des hypothèses de procédures collégiales.

5. Explorer les voies raisonnables de déjudiciarisation et de dépénalisation

Afin d'alléger la charge qui pèse sur les juridictions, votre mission s'est interrogée sur la réalité des possibilités de déjudiciarisation et de dépénalisation, tout en faisant preuve de prudence.

a) La déjudiciarisation en matière civile : un exercice qui a atteint ses limites

En 2008, le rapport de la commission sur la répartition des contentieux, présidée par M. Serge Guinchard, avait préconisé un certain nombre de déjudiciarisations 301 ( * ) . La plupart de ces déjudiciarisations, ainsi que d'autres, ont été réalisées dans plusieurs textes législatifs récents.

Le dernier en date, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, a notamment procédé au transfert aux officiers de l'état civil de l'enregistrement des pactes civils de solidarité et aux demandes de changement de prénom et de changement de sexe, à la suppression de l'homologation judiciaire de certaines décisions des commissions de surendettement et à la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel.

Les principales déjudiciarisations pertinentes ayant été mises en oeuvre, votre mission estime qu' aller plus loin ne serait pas sans danger . Il ne faut pas oublier, comme le soulignait M. Serge Guinchard, lors de son audition par votre mission, que le juge n'a pas seulement pour fonction de trancher les litiges, mais il a également pour mission de dire le droit, y compris dans le cadre de procédures gracieuses ou d'homologations. Lorsque des procédures sont retirées au juge, la protection du justiciable en est réduite d'autant , raison pour laquelle votre commission des lois s'était opposée à plusieurs mesures de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée.

L'exemple de la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel illustre parfaitement les limites de ce procédé.

Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat s'était fermement opposé à cette déjudiciarisation en présence d'enfants mineurs et avait préféré rendre la procédure conventionnelle optionnelle, chaque conjoint pouvant exiger le retour à la procédure judiciaire de droit commun. Il avait estimé que la procédure proposée ne permettait pas de protéger la partie la plus faible ni, le cas échéant, les enfants du couple. Par ailleurs, en contraignant les époux à prendre chacun un avocat, le Sénat avait considéré que cette réforme renchérirait le coût du divorce et que les économies attendues pour le budget du ministère de la justice seraient annulées par l'augmentation des dépenses d'aide juridictionnelle en raison de l'intervention de deux avocats 302 ( * ) .

Alors que la loi est entrée en vigueur il y a quelques mois seulement, votre mission n'a pu que constater, au cours de ses auditions et de ses déplacements, que les craintes exprimées par le Sénat s'avéraient totalement fondées. À quelques exceptions près, les personnes rencontrées par votre mission se sont en effet inquiétées des premiers effets de la réforme.

Concernant les économies attendues en temps et en moyens pour les juridictions, celles-ci risquent d'être rapidement annulées par l'augmentation des contentieux de « l'après-divorce ». Bien que ce risque ne puisse être confirmé pour l'instant, faute d'éléments chiffrés, l'entrée en vigueur de la réforme étant encore trop récente, les représentants de la Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux, entendus par votre mission, ont fait état de couples à peine divorcés revenant déjà en médiation, voire devant le juge, pour régler des différends qui ne l'ont pas été au moment du divorce.

Une autre tendance préoccupante commence également à se dessiner. Les magistrats rencontrés par votre mission lors de plusieurs déplacements ont noté un recours croissant à la procédure de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage 303 ( * ) , laquelle est bien plus chronophage pour un juge aux affaires familiales que la simple homologation d'une convention de divorce par consentement mutuel.

Selon ces magistrats, ce phénomène est révélateur d'une certaine réticence des avocats à se passer du juge, peut-être par crainte de voir leur responsabilité mise en cause plus fréquemment. Cette analyse a été confirmée par plusieurs avocats rencontrés par votre mission. Elle est également corroborée par l'observation, par les magistrats de plusieurs juridictions, d'une très nette augmentation du nombre de divorces par consentement mutuel enregistrés en fin d'année 2016, avant l'entrée en vigueur de la réforme.

Les représentants de plusieurs associations familiales, entendus par votre mission, ont par ailleurs déploré la responsabilité que cette réforme fait peser sur les épaules de l'enfant et le risque pour lui de subir des pressions pour qu'il ne demande pas à être entendu par le juge, car son audition ferait basculer le divorce dans une procédure contentieuse plus longue. À l'inverse, si l'enfant demande à être entendu, le juge ne peut plus refuser cette audition même s'il estime qu'elle est contraire à son intérêt. Quelle que soit l'hypothèse, l'enfant se retrouve désormais au coeur du conflit entre ses parents.

Enfin, de manière plus anecdotique mais tout à fait révélatrice des risques de dérives engendrés par cette réforme, à l'occasion de l'audition des représentants des associations familiales, votre mission a pris connaissance, avec une certaine stupéfaction de la commercialisation d'une « divorce box » permettant à un couple sans enfant et sans patrimoine immobilier de divorcer avec un avocat chacun pour un coût de 590 euros, ce forfait étant fixé à 990 euros en présence d'un ou plusieurs enfants et d'un patrimoine.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre mission a choisi d'aborder la question des déjudiciarisations en matière civile avec la plus grande prudence, évoquant seulement quelques pistes de réflexion, s'apparentant davantage à des simplifications procédurales qu'à de véritables propositions de déjudiciarisation, qui lui ont été soumises au fil des auditions et rencontres qui ont jalonné ses travaux.

Par ailleurs, ces différentes pistes n'ayant pu faire l'objet d'une étude approfondie, votre mission se borne à les évoquer sans proposer leur mise en oeuvre à brève échéance. En tout état de cause, votre mission s'est montrée attentive à ce que ces mesures n'emportent pas de transfert de charges aux collectivités territoriales.

Au titre de ces mesures, il pourrait être envisagé, comme le préconisait le rapport de M. Pierre Delmas-Goyon 304 ( * ) , de confier à la seule autorité administrative (préfet et, sous son autorité, services de police et de gendarmerie), l'établissement des procurations de vote, alors qu'aujourd'hui le tribunal d'instance est également compétent.

Reprenant ensuite une proposition formulée dans le rapport de M. Serge Guinchard, il pourrait être pertinent d'engager une réflexion tendant à permettre aux directeurs des services de greffe judiciaires d'être assistés des agents des finances publiques pour la vérification des comptes de tutelles.

Enfin, les représentants du Conseil supérieur du notariat, lors de leur audition par votre mission, ont suggéré un certain nombre de simplifications procédurales, qui mériteraient d'être examinées de manière plus approfondie. Ces propositions concernent la possibilité de désigner un tuteur dans un mandat de protection future, ainsi que la simplification de diverses procédures telles que les saisies immobilières, le changement de régime matrimonial, la délivrance des certificats de nationalité ou l'adoption simple des majeurs capables.

Proposition n° 95 :

Étudier la possibilité de confier à la seule autorité administrative l'établissement des procurations de vote.

Proposition n° 96 :

Poursuivre les réflexions engagées sur la possibilité de permettre aux directeurs des services de greffe judiciaires d'être assistés des agents des finances publiques pour la vérification des comptes de tutelles.

Proposition n° 97 :

Simplifier certaines procédures telles que les saisies immobilières, le changement de régime matrimonial, la délivrance des certificats de nationalité ou l'adoption simple des majeurs capables.

Par ailleurs, dans un ordre d'idée analogue consistant à alléger le travail des juridictions en matière civile, votre mission rappelle qu'elle propose de transférer du tribunal de grande instance au tribunal de commerce le contentieux relatif aux entreprises qui ne relèvent pas à ce jour du tribunal de commerce 305 ( * ) .

b) La dépénalisation : des champs techniques à explorer

De nombreuses personnes entendues par votre mission ont dénoncé le mouvement de pénalisation croissante des comportements sociaux. Afin de désengorger la justice pénale, une déjudiciarisation de certains contentieux pourrait être envisagée.

Deux types de contentieux apparaissent particulièrement chronophages pour les juridictions : les contentieux techniques et les contentieux massifs.

Pour certains contentieux techniques, concernant notamment le droit de l'environnement, le droit de la construction et de l'urbanisme, le droit de la consommation et de la concurrence, l'institution judiciaire ne semble pas actuellement apporter une plus-value. En dehors des grandes juridictions qui peuvent spécialiser certains magistrats, la fréquence de ces affaires est trop irrégulière et insuffisante pour permettre le développement d'une réelle expertise. Dans ces conditions, l'intervention de la juridiction pénale apparaît couteuse et peu utile. De plus, il s'agit le plus souvent d'infractions mineures où les peines encourues sont faibles, pour lesquelles l'analyse des statistiques extraites du service national du casier judiciaire ne révèle que des condamnations à des amendes d'un faible montant.

Il apparaît donc préférable à votre mission de confier aux autorités administratives, sous le contrôle du juge administratif, le soin de réprimer certains comportements.

Outre que le recours à la détention pour des infractions, par exemple environnementales, reste faible, voire quasi-inexistant, le taux de classement sans suite des affaires poursuivables où les auteurs sont identifiés reste assez élevé. Or pour qu'un droit soit efficace, il ne suffit pas que les peines encourues soient sévères, il faut également que la sanction soit identifiée comme certaine. Au regard des délais de traitement de ces affaires par les juridictions, votre mission considère préférable de confier aux services administratifs déconcentrés le soin de dresser des procès-verbaux et au niveau interrégional de prononcer des sanctions dont la régularité pourrait être contestée devant le juge administratif . L'expérience du droit de la consommation, avec l'action coercitive de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes 306 ( * ) , apparaît positive 307 ( * ) . Il convient de poursuivre cette simplification du droit de la répression qui, sans sacrifier en efficacité, peut utilement être confiée à une autorité administrative spécialisée.

Proposition n° 98 :

Instaurer des sanctions administratives en matière de droit de l'environnement, de droit de la construction et de l'urbanisme, de droit de la consommation et de droit de la concurrence, lorsque l'intervention d'une juridiction pénale apparaît coûteuse et peu efficace.

Les infractions de faible gravité donnant lieu à des contentieux massifs font déjà l'objet de modes de traitements simplifiés qui évitent la convocation d'audiences : il s'agit principalement du contentieux du code de la route, avec certaines conduites sous l'empire d'un état alcoolique ou malgré l'invalidation du permis de conduire, mais également des délits de détention ou d'usage illicite de stupéfiants.

À cet égard, le graphique ci-après présente l'évolution depuis 2014 de la structure des poursuites pour le contentieux routier correctionnel.

Structure des poursuites pour le contentieux routier correctionnel 308 ( * )

Source : casier judiciaire national.

Ainsi, pour le seul contentieux routier correctionnel, en 2014, 14 % des affaires étaient traitées sous forme de composition pénale, 44 % via une ordonnance pénale et 14 % via une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Seules 28 % des infractions relevaient d'une procédure classique.

Le traitement de ces contentieux est une question incontournable dans la réflexion sur le désencombrement des juridictions pénales. Néanmoins, les réponses apportées ne font pas l'objet aujourd'hui d'un consensus.

Ainsi, depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, le défaut de permis de conduire et le défaut d'assurance peuvent désormais être réprimés par une procédure dite de l'amende forfaitaire délictuelle, qui permet d'apporter une réponse pénale dissuasive rapide tout en simplifiant la procédure pour les magistrats. Cette mesure présente cependant l'inconvénient d'être indifférente aux circonstances de l'infraction.

Il existe également des procédures de transaction pénale dans lesquelles, généralement 309 ( * ) , le ministère public ou l'officier de police judiciaire sur son autorisation peut transiger à des fins d'extinction de l'action publique : la transaction prend le plus souvent la forme du paiement d'une amende. Néanmoins, en l'absence d'amende forfaitaire, le recours à ces procédures n'est pas particulièrement économe en ressources humaines et exige qu'un juge homologue les propositions de transaction.

Votre mission estime que la question du traitement de ces infractions relève de choix de société et d'une politique pénale définie au niveau national. Avant d'identifier les infractions précises qui pourraient être traitées de manière automatisée, notamment par l'édition d'un procès-verbal électronique, et qui se verraient appliquer une sanction forfaitisée ou une amende transactionnelle, il convient de disposer d'une analyse fine de ces contentieux et de la mobilisation qu'ils représentent en temps de magistrats et de greffiers.

Proposition n° 99 :

Réaliser un inventaire exhaustif de l'ensemble des infractions faisant l'objet d'un contentieux de masse et évaluer la charge de leur traitement par les juridictions pénales.

6. Alléger la charge d'activité des juridictions pénales

Comme l'ont confirmé les témoignages recueillis en audition ou lors des déplacements de votre mission, les juridictions pénales apparaissent aujourd'hui surchargées : la multiplication des affaires pénales, leur complexité, le foisonnement et l'instabilité des règles de procédure pénale contribuent à peser sur l'activité des parquets et des juridictions pénales.

À défaut d'une stabilisation législative, d'une accélération de la dématérialisation des procédures et de l'augmentation du nombre de magistrats du parquet, les marges de manoeuvre pour alléger la charge d'activité des juridictions pénales apparaissent faibles.

a) Rendre lisibles les politiques pénales nationale et locale

En application des articles 30, 35 et 39-1 du code de procédure pénale, il revient au Gouvernement de déterminer une politique pénale conduite par le garde des sceaux. En pratique, comme l'ont indiqué les magistrats entendus par votre mission, il n'y a pas une seule, mais de multiples et diverses politiques pénales.

Au cours d'une même année, plusieurs « priorités » peuvent être édictées. Ainsi en 2016, il a été notamment demandé aux parquets de lutter contre la criminalité organisée, le terrorisme, le trafic d'armes, les infractions commises à l'occasion de manifestations, les incivilités, les atteintes à la sécurité publique dans les transports collectifs de voyageurs, les infractions à la probité, la fraude aux prestations sociales, les atteintes à l'environnement, le racisme, de prévenir la radicalisation violente ou encore de mettre en place une politique pénale particulière lors du championnat européen de football.

Il apparaît indispensable à votre mission de clarifier la politique pénale : afin de limiter le nombre des priorités ou de les rendre plus cohérentes entre elles, votre mission propose que chaque garde des sceaux consolide au sein d'un document unique et actualisé l'ensemble des axes de la politique pénale du Gouvernement.

Proposition n° 100 :

Consolider au sein d'un document unique les priorités de la politique pénale nationale et laisser aux procureurs de la République la liberté de définir une politique pénale locale adaptée.

Cette mise en cohérence de la politique nationale ne doit cependant pas occulter la réalité des juridictions : votre mission a jugé nécessaire de réaffirmer qu' une politique pénale efficace est d'abord une politique pénale adaptée aux réalités du terrain . Par exemple, le ressort de la cour d'appel de Cayenne, confrontée à une délinquance transfrontalière étrangère particulière, ne peut pas avoir la même politique pénale que celui de la cour d'appel de Riom.

Cette politique pénale doit cependant être suffisamment explicitée pour permettre une application uniforme sur le ressort de la cour d'appel. Ainsi, au cours de ses déplacements, votre mission a constaté que la plupart des procureurs de la République rédigent des guides complets d'orientation des procédures pénales, qu'elles soient courantes ou plus rares. Cet outil, qui permet une cohérence de l'action du ministère public, est apparu utile tant aux magistrats du ministère public qu'aux enquêteurs.

b) Assurer un traitement judiciaire de qualité à l'ensemble des enquêtes

Face au flux important de procédures pénales et à la complexification des règles applicables aux enquêtes, les magistrats ont su se montrer innovants dans le traitement et la qualité des réponses pénales. Les magistrats du parquet, en particulier, ont su réinventer une prise en charge avec, par exemple, le « traitement en temps réel » (TTR), qui consiste à donner des réponses, des avis ou des orientations aux enquêteurs dans un délai très court, au téléphone ou par courriel, aussi appelé direction dématérialisée d'enquête.

Cette technique a permis d'accélérer la réponse pénale et de réduire le nombre des procédures transmises par support papier, tout en donnant la capacité aux magistrats du parquet de jouer pleinement leur rôle de direction et de contrôle des enquêtes de police judiciaire.

Néanmoins, votre mission a constaté, lors de ses déplacements en juridiction, les limites de ce système pourtant efficace. Loin de n'être appliqué qu'aux affaires courantes, le service du « traitement en temps réel » est utilisé par les services enquêteurs pour toute question, même pour des crimes flagrants ou des délits complexes. Le rapport de la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de cassation, sur le ministère public, constatait déjà en 2013 « une dégradation concomitante de la qualité des procédures et du niveau moyen des interlocuteurs du magistrat de permanence », notamment en raison de la réduction de l'encadrement opérationnel dans les services d'enquête judiciaire et de la diffusion plus large de la qualité d'officier de police judiciaire 310 ( * ) . Ce mouvement s'est aggravé par l'attribution des prérogatives de police judiciaire à des agents, et non des officiers, de police judiciaire.

À l'instar de la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal, votre mission considère que l'exigence de qualité de la justice impose que certaines affaires ne relèvent pas du « traitement en temps réel » mais doivent être traitées par un bureau des enquêtes, où les magistrats du parquet suivent un nombre limité de procédures en cours et peuvent effectivement diriger l'enquête.

Pour améliorer la qualité de la réponse pénale, elle juge utile que les procureurs de la République établissent un schéma d'orientation des infractions distinguant celles qui, en raison de leur fréquence dans le ressort ou de leur politique pénale, peuvent relever d'une direction d'enquête dématérialisée et les infractions qui exigent un suivi approfondi. Il semble souhaitable qu'un document matérialise ces choix pour qu'indépendamment de la charge de travail élevée du parquet, il soit établi que de telles infractions nécessitent obligatoirement un traitement par un bureau des enquêtes.

La rédaction d'une telle doctrine au sein des parquets permettrait éventuellement de confier à un juriste assistant le soin d'orienter les enquêteurs lors du premier appel sur la plate-forme de « traitement en temps réel », pour les affaires courantes définies dans le schéma d'orientation des infractions.

Cette exigences de qualité nécessite cependant de réaffirmer le principe d'opportunité des poursuites . La multiplication des indicateurs quantitatifs de « réponse pénale » a entraîné des comportements préjudiciables à la qualité de la réponse judiciaire, déplorés par les magistrats. Ainsi, nombre de magistrats ont regretté que l'objectif qui leur est assigné d'afficher un taux de réponse pénale supérieur à 90 % puisse conduire en réalité à une détérioration de la qualité des réponses effectivement rendues - par exemple, la multiplication des ordonnances pénales pour des délits pourtant complexes. Ils ont également déploré les instructions leur enjoignant d'apporter une réponse pénale systématique à des comportements de faible gravité.

Le principe d'opportunité des poursuites est un principe essentiel de la procédure pénale française 311 ( * ) . Un classement sans suite d'une procédure par opportunité relève d'un choix de politique pénale. Cette décision peut donc s'analyser comme une modalité de réponse pénale et a vocation à être utilisée de manière individualisée et non uniquement dans l'optique d'une gestion des stocks, s'agissant de procédures anciennes.

L'ambition d'une justice de qualité exige de dépasser un simple indicateur quantatif lié à la réponse pénale : votre mission encourage les procureurs de la République à réduire le champ d'application du « traitement en temps réel » (ou direction dématérialisée d'enquête), à renforcer les moyens des bureaux d'enquête pour un traitement approfondi de certaines affaires, tout en réaffirmant la possibilité et dans certains cas, la nécessité au regard des priorités de la politique pénale, pour le procureur de la République de classer sans suite.

Proposition n° 101 :

Pour améliorer la qualité de la réponse pénale, distinguer les infractions qui doivent relever de la direction dématérialisée d'enquête et celles qui exigeraient de relever d'un traitement plus approfondi par les bureaux d'enquête et réaffirmer le principe d'opportunité des poursuites des magistrats du parquet.

Par ailleurs, une réflexion pourrait être envisagée sur les avantages et les risques d'une extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière criminelle. Si une telle proposition, avancée par certains procureurs de la République, apparaît intéressante et permettrait effectivement une réduction du nombre des affaires jugées en audience correctionnelle, il convient néanmoins de prendre le temps d'évaluer les conséquences induites par une telle extension : il s'agirait de s'assurer que les intérêts de la victime ne sont pas lésés et de s'interroger sur l'opportunité d'une augmentation de la peine maximale susceptible d'être prononcée en pareille hypothèse.

Enfin, au cours de ses auditions et de ses déplacements, votre mission n'a pas manqué d'être interpellée sur la complexité du code de procédure pénale, ce qui l'a amenée à s'interroger sur l'articulation entre les enquêtes et l'instruction.

Si certains acteurs ont proposé un renforcement considérable des pouvoirs du parquet au cours des enquêtes préliminaires, qui nécessiterait au préalable une réforme constitutionnelle modifiant le statut du parquet, d'autres ont insisté sur la préservation du rôle du juge d'instruction. Ces deux options n'apparaissent pas incompatibles.

Malgré l'importante réduction du nombre des affaires confiées aux juges d'instruction ces dernières années et la masse considérable des enquêtes gérées par les magistrats du parquet, la pertinence de la procédure d'instruction reste d'actualité : les magistrats du parquet ont besoin de disposer, pour certaines affaires correctionnelles, d'une autre voie procédurale ; de même, pour les plaignants voyant leur plainte classée sans suite, il demeure indispensable de conserver une voie de recours auprès du juge d'instruction.

A cadre constitutionnel constant et à défaut d'une augmentation considérable de ses moyens, il n'apparaît ni souhaitable ni possible d'accroître les prérogatives du parquet, lesquelles devraient inévitablement s'accompagner d'un renforcement des droits de la défense et d'une juridictionnalisation de l'enquête préliminaire. Les parquets ne sont pas aujourd'hui en capacité de faire face à l'exercice de voies de recours contre les actes d'enquête qu'ils prescrivent ou refusent de prescrire.

La question de l'articulation entre les enquêtes et l'instruction n'a donc pas été tranchée par votre mission. Cette question renvoie à d'importants choix de société et mérite une réflexion spécifique.

c) Simplifier les jugements en matière pénale

Il est apparu souhaitable à votre mission de proposer quelques axes de simplification de la procédure pénale, au stade du jugement.

L'inflation législative constante en matière pénale a contribué à faire perdre en lisibilité et en cohérence la structure des peines pouvant être prononcées à titre principal, à titre complémentaire ou à titre accessoire 312 ( * ) . Certaines peines complémentaires peuvent être prononcées en sus, tandis que d'autres doivent l'être à la place d'une peine d'emprisonnement 313 ( * ) .

Ainsi, l'interdiction de séjour, peine complémentaire obligatoire dans le code pénal de 1810, peut désormais être à la fois une mesure de sûreté, une peine complémentaire facultative pouvant être prononcée à titre principal, une peine prononcée à titre obligatoire sauf décision spécialement motivée, ou une peine accessoire 314 ( * ) .

Certaines peines peuvent apparaître redondantes : ainsi, nombre de magistrats ont critiqué la coexistence du sursis avec mise à l'épreuve, du sursis assorti d'un travail d'intérêt général et de la contrainte pénale, instauré par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. De même, la peine de sanction-réparation 315 ( * ) semble faire doublon avec les mesures alternatives aux poursuites et la composition pénale.

La commission présidée par M. Bruno Cotte sur le droit des peines relevait également la multiplication des stages particuliers 316 ( * ) : alors qu'il n'existe aucune assise légale générale à la réalisation d'un stage, le code pénal prévoit pourtant un stage de citoyenneté 317 ( * ) , un stage de sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, un stage de responsabilité parentale, un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ou encore, depuis une date récente, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels. Il semble préférable de substituer à ces dispositions particulières, qui relèvent de précisions de nature réglementaire, une disposition générale relative à l'obligation de suivre un stage de sensibilisation.

Par ailleurs, afin de rationaliser la nomenclature des peines, il conviendrait de dresser un inventaire exhaustif de l'ensemble des peines auxquelles une personne peut être condamnée, afin de réfléchir à leur simplification et au regroupement de certaines d'entre elles.

Proposition n° 102 :

Simplifier le prononcé des peines en rationalisant la nomenclature des peines.


* 216 Voir infra page 233 .

* 217 Le statut de la magistrature en excluait jusqu'alors les postes classés hors hiérarchie pour lesquels le Conseil supérieur de la magistrature formule une proposition. Cette dérogation au droit commun concernant les fonctions du siège hors hiérarchie à la Cour de cassation, celles de premier président d'une cour d'appel et celles de président de 18 tribunaux de grande instance dont la liste est fixée par décret selon l'importance de l'activité juridictionnelle.

* 218 Rapport annuel d'activité du Conseil supérieur de la magistrature pour 2015, page 36. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000393.pdf

* 219 Rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature pour 2014, annexe « Le rôle des chefs de cour et de juridiction et les attentes à leur égard », page 250. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/sites/default/files/rapports_activite/csm_rapport_activite_2014.pdf

* 220 Ibid . page 253.

* 221 Article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 222 Le « vivier » est une base de profils de magistrats, constitués des candidatures précédemment déposés par ces derniers. Le Conseil supérieur de la magistrature utilise cette base de profils en proposant à la nomination un candidat qui est dans ce « vivier », alors qu'il n'a pas forcément candidaté au poste vacant concerné, mais à un poste antérieur dans l'année qui précède sans être sélectionné, mais en retenant l'attention du Conseil supérieur de la magistrature grâce à ses qualités et compétences.

* 223 Ibid. page 40 : « d'office, lorsque deux au moins des membres de la formation n'ont pu assister à sa première audition ; sur décision de la formation, lorsque celle-ci estime ne plus avoir la mémoire suffisante de l'audition, ou que le profil du poste à pourvoir le nécessite ; ou sur demande de l'intéressé, il s'agit alors d'un complément d'audition de vingt minutes, lui permettant de présenter de nouveaux éléments de son parcours professionnel ou d'exposer des qualités le prédisposant tout particulièrement au poste à pourvoir, à raison notamment des spécificités de la juridiction ».

* 224 Voir supra page 101 .

* 225 Voir supra page 149 .

* 226 Article R. 123-3 du code de l'organisation judiciaire.

* 227 Le fonctionnement courant correspond aux dépenses quotidiennes des juridictions relatives à la logistique, à l'équipement informatique et aux frais de déplacement. Sont également incluses dans ce périmètre les dépenses relatives à l'immobilier : les fluides, le nettoyage, le gardiennage, l'entretien courant, la maintenance, ainsi que les loyers lorsque la juridiction est locataire.

* 228 L'année 2012 présente une évolution particulière entre les crédits ouverts en loi de finances et ceux disponibles en fin d'année (+ 55 millions d'euros), du fait d'un changement de périmètre en cours d'année (transfert des dépenses d'affranchissement des frais de justice vers le fonctionnement courant au sein du programme 166 « Justice judiciaire »).

* 229 L'augmentation des crédits ouverts en loi de finances initiale entre 2012 et 2013 n'est pas pertinente dans la mesure où de nouvelles dépenses - les frais d'affranchissement, à hauteur de 55 millions d'euros - y ont été intégrées.

* 230 Rapport établi par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de la justice, les dépenses de fonctionnement courant des juridictions, revue de dépenses, janvier 2017, page 29. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2017/2016-M-088.pdf

* 231 Voir supra page 36 .

* 232 À l'exception de l'année 2014.

* 233 Rapport pour avis n° 146 (2016-2017) de M. Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2017, déposé le 24 novembre 2016, page 40. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a16-146-9/a16-146-91.pdf

* 234 Selon le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice déjà cité, page. 272, les dialogues de gestion des juridictions se déroulent chaque année au cours des mois d'octobre et novembre. Les responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) font parvenir à la direction des services judiciaires (DSJ), au cours du mois de septembre, leurs demandes budgétaires pour l'année suivante, accompagnées du détail du budget exécuté des trois dernières années en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Le dialogue de gestion se déroule en général sur une journée avec les chefs de cour et les directeurs des services administratifs régionaux (SAR), avec pour thèmes les ressources humaines, les aspects budgétaires et à la performance.

* 235 Plan d'apurement des scellés biologiques.

* 236 Montant de 1,5 million d'euros.

* 237 Voir supra page 61 .

* 238 Voir supra page 142 .

* 239 Voir supra page 80 .

* 240 Voir supra page 103 .

* 241 Voir supra page 89 .

* 242 Ce comité regroupe les préfets de département et les directeurs régionaux des services de l'État.

* 243 Voir supra page 146 .

* 244 Le ressort des deux tribunaux de grande instance de Colmar et de Saint-Malo chevauche deux départements.

* 245 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_Marshall_2013.pdf

* 246 Voir supra page 142 .

* 247 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2015

* 248 Cours d'appel de Basse-Terre (Guadeloupe), Cayenne (Guyane), Fort-de-France (Martinique), Saint-Denis (La Réunion), dotée d'une chambre détachée à Mamoudzou (Mayotte), Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et Papeete (Polynésie française) et tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon).

* 249 Voir supra page 101 .

* 250 Voir supra page 194 .

* 251 Dans le cadre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), tel que précisé par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, un budget opérationnel de programme (BOP) décline les objectifs et les résultats attendus d'un programme selon un critère fonctionnel ou géographique et regroupe selon ce critère une partie des crédits du programme, sous l'autorité des responsables du BOP. Les crédits de chaque programme sont répartis en plusieurs BOP géographiques ou fonctionnels. Le BOP se décompose en unités opérationnelles (UO) pour son exécution.

* 252 Article D. 312-66 du code de l'organisation judiciaire. Les chefs de cour sont, dans leur ressort, ordonnateurs secondaires pour les crédits des programmes n° 166 « Justice judiciaire » et n° 101 « Accès au droit et à la justice ».

* 253 Voir supra page 102 .

* 254 Voir infra page 214 .

* 255 Voir supra page 143 .

* 256 Voir supra page 165 .

* 257 Dont 18 tribunaux de commerce spécialisés pour connaître des procédures collectives les plus importantes, en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 258 Le mandat d'un conseiller prud'homme est désormais de quatre ans, comme le mandat d'un juge de tribunal de commerce.

* 259 En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques pour les conseillers prud'hommes et en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle pour les juges consulaires.

* 260 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2015

* 261 Référé n° 66605 sur l'organisation et le fonctionnement de la justice commerciale, rendu public le 24 juillet 2013. Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Organisation-et-le-fonctionnement-de-la-justice-commerciale

* 262 Voir supra page 47 .

* 263 Articles R. 743-169 et suivants du code de commerce.

* 264 Article L. 1422-1 du code du travail.

* 265 Voir supra page 166 .

* 266 Voir supra page 101 .

* 267 Voir supra page 45 .

* 268 Selon les chiffres clés de la justice pour 2016, le taux d'appel sur les jugements au fond prononcés en 2014 était de 21,4 % pour les tribunaux de grande instance se prononçant en premier ressort. Ces données sont consultables à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_CC%202016.pdf

* 269 Rapport, page 41. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_rapport_magendie_20080625.pdf

* 270 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ihej.org/wp-content/uploads/2013/07/rapport_office_du_juge_mai_2013.pdf

* 271 Selon les chiffres clés de la justice précités, 75 % des affaires civiles terminées en 2015 l'ont été au bout de 17,8 mois, tous modes de fin confondus.

* 272 À la date de publication du rapport, M. Jean-Paul Jean était également président de chambre, directeur du service de documentation, des études et du rapport et directeur du service des relations internationales de la Cour de cassation.

* 273 Rapport page 37. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/IMG/03.%20R%C3%A9forme%20de%20la%20Cour%20-%20Rapport%20de%20la%20Commission%20de%20r%C3%A9flexion%20&%20annexes.pdf

* 274 Position défendue par le premier président de la Cour de cassation et la Conférence des premiers présidents de cour d'appel.

* 275 Position soutenue par les avocats notamment.

* 276 Rapport précité, page 85. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_dg_2013.pdf

* 277 Voir supra page 200 .

* 278 Pour de plus longs développements sur l'harmonisation des jurisprudences, voir infra page 225 .

* 279 Cour de cassation, chambre criminelle, 6 février 2002, n° 01-84.216.

* 280 En procédure pénale, on distingue la voie de recours dite de réformation, qui permet un deuxième examen d'une affaire régulièrement jugée en premier ressort de la voie de recours dite de rétractation qui permet de porter à nouveau une affaire devant la même juridiction en cas de jugement rendu par défaut.

* 281 Selon l'adage : « Tantum devolutum, quantum appelatum ».

* 282 Cour de cassation, chambre criminelle, 2 février 2005, n° 05-80.196.

* 283 Dans une décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, sur la loi portant validation d'actes administratifs, le Conseil constitutionnel a consacré comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) l'indépendance des juridictions administratives.

* 284 Voir supra page 213 .

* 285 Voir supra page 132 .

* 286 Cette nouvelle dénomination des anciens « greffiers en chef » est issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 287 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, commission sur la répartition des contentieux présidée par M. Serge Guinchard , page 204. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000392.pdf

* 288 Devenus depuis directeurs des services de greffe judiciaires.

* 289 Le juge du XXI e siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice, rapport remis par le groupe de travail présidé par M. Pierre Delmas-Goyon. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_dg_2013.pdf

* 290 Cette disposition reprend en grande partie l'article 2 du décret n° 2003-466 du 30 mai 2003 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires, abrogé. Elle ajoute cependant, à côté de l'assistance à la mise en état des dossiers, une assistance au traitement de ces dossiers.

* 291 Circulaire du 8 octobre 2014 sur l'expérimentation de « l'assistance des magistrats ».

* 292 Rapport de la mission relative à l'évaluation du développement de la communication électronique civile dans les cours d'appel et les tribunaux de grande instance (inspection générale des services judiciaires), janvier 2016.

* 293 Voir supra page 70 .

* 294 Quels métiers pour quelle justice ? Rapport d'information n° 345 (2001-2002), de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois, sur l'évolution des métiers de la justice, déposé le 3 juillet 2002, page 91 et suivantes. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-3451.pdf

* 295 Rapport précité page 93.

* 296 Article 18-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 297 Rapport d'information sur l'évolution des métiers de la justice, précité, page 93.

* 298 Objet de l'amendement CL177 du Gouvernement devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'origine de l'introduction de cette disposition dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 299 Les assistants spécialisés sont mis à disposition par leur administration d'origine, évitant ainsi au ministère de la justice de prendre en charge financièrement leur traitement.

* 300 La dotation ouverte pour 2016-2017 devrait permettre le recrutement de 353 juristes assistants. 195 ont déjà été recrutés au 1 er mars 2017 et 158 devraient l'être avant la fin de l'année.

* 301 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000392.pdf

* 302 Rapport n° 839 (2015-2016) de M. Yves Détraigne fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, déposé le 21 septembre 2016, pages 83 et s. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l15-839/l15-8391.pdf

* 303 Cette procédure judiciaire concerne les époux qui sont d'accord pour divorcer, mais qui n'ont pas réussi à s'entendre sur les conséquences de leur séparation, par exemple sur la garde des enfants ou sur le partage des biens du couple.

* 304 Rapport précité, page 39.

* 305 Voir supra page 166 .

* 306 Depuis la mise en place de sanctions administratives par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 307 Depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, le montant maximal des amendes encourues par les personnes physiques en cas de pratiques commerciales trompeuses, de tromperies ou de falsification, a été porté à 300 000 euros.

* 308 On distingue les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), les ordonnances pénales et les compositions pénales.

* 309 Plusieurs mécanismes de transaction pénale sont prévus dans les droits pénaux spéciaux, notamment dans le domaine douanier, de la police de l'eau, de la pêche, de la voirie routière, etc.

* 310 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.justice.gouv.fr/publication/rapport_JLNadal_refonder_ministere_public.pdf

* 311 Il est énoncé à l'article 40-1 du code de procédure pénale :

« Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance [...] constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :

1° soit d'engager des poursuites ;

2° soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites [...] ;

3° soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient . »

* 312 Une peine accessoire est prononcée de plein droit lorsqu'une condition est remplie : il s'agit de peines complémentaires obligatoires. Par exemple, l'article 763 du code de procédure pénale prévoit qu'en cas de prescription d'une peine prononcée en matière criminelle, le condamné est soumis de plein droit et à titre définitif à l'interdiction de séjour dans le département où demeurent la victime du crime ou ses héritiers directs. À plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a censuré les peines accessoires qui n'offraient pas au juge un pouvoir de modulation (par exemple, décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010).

* 313 En application de l'article 131-6 du code pénal.

* 314 Voir les articles 131-3 du code pénal, 422-4 du code pénal et 763 du code de procédure pénale.

* 315 Introduite par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, elle permet de condamner une personne à procéder, dans un délai déterminé, à l'indemnisation de la victime.

* 316 Rapport de la commission présidée par M. Bruno Cotte, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_refonte_droit_peines.pdf

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