C. RENDRE L'INSTITUTION JUDICIAIRE PLUS PROCHE DES CITOYENS

La proximité est une qualité régulièrement exigée de la justice , par les différents acteurs judiciaires, dans l'intérêt du justiciable, en particulier lorsqu'il est vulnérable ou pour des litiges de faible enjeu financier, lorsque la distance avec la juridiction compétente peut le dissuader de la saisir. Votre mission estime qu'une telle exigence est légitime et suppose de maintenir un maillage territorial suffisant des lieux de justice.

Pour autant, l'exigence de proximité ne saurait s'appliquer à tous les contentieux . De plus, la voie contentieuse n'est pas l'unique mode pertinent de traitement pour les litiges exigeant de la proximité : les modes alternatifs de règlement des litiges, à commencer par la conciliation, peuvent constituer, dans un certain nombre de cas, un mode de traitement plus simple, efficace et rapide pour de petits litiges.

Votre mission tient aussi à souligner la participation des officiers publics et ministériels, et plus largement de tous les professionnels du droit, au maillage territorial de proximité en matière de justice.

1. Traiter dans la proximité les litiges de la vie courante, par la voie contentieuse ou par des voies alternatives

Réformer l'organisation des juridictions de première instance exige d'abord de déterminer les contentieux qui méritent d'être traités dans la proximité , afin que l'organisation judiciaire mise en place le garantisse.

En matière civile, le concept de contentieux de proximité excède le seul contentieux de la juridiction de proximité, laquelle sera supprimée au 1 er juillet 2017, et du tribunal d'instance (TI). Le seuil de la compétence civile d'attribution de la juridiction de proximité est fixé à 4 000 euros et celui du tribunal d'instance à 10 000 euros 150 ( * ) , le tribunal de grande instance (TGI) étant le tribunal de droit commun en première instance. Le tribunal d'instance se trouve ainsi compétent pour un grand nombre de litiges de la vie courante, en matière de consommation ou entre particuliers. En outre, le tribunal d'instance est compétent en matière d'injonction de payer, de saisie sur salaire, de baux d'habitation, de surendettement, de tutelles des majeurs, de bornage, de litiges de voisinage, de litiges de nature agricole, pour certaines opérations relatives aux élections politiques ou professionnelles ainsi que dans divers autres domaines définis par voie réglementaire 151 ( * ) . Après la suppression de la juridiction de proximité, le tribunal d'instance sera aussi compétent pour homologuer les accords de conciliation afin de leur donner force exécutoire, lorsqu'une partie refuse d'exécuter l'accord.

Le contentieux de proximité ne saurait non plus seulement se définir comme celui qui n'exige pas le ministère d'avocat et permet au justiciable de présenter lui-même son affaire.

Il doit s'envisager plus largement comme concernant tous les litiges de la vie courante , pour lesquels on doit pouvoir s'adresser de façon simple et proche à l'institution judiciaire. Ce contentieux de proximité englobe donc également au premier chef, selon votre mission, les affaires familiales, qu'il s'agisse du divorce, des affaires après divorce ou des affaires hors divorce, incluant les tutelles des mineurs. Comme le contentieux de l'instance, le contentieux familial devrait, lui aussi, pouvoir être traité dans la proximité du justiciable , alors qu'aujourd'hui il est traité uniquement par le tribunal de grande instance.

Pour autant, si l'on peut cerner le contentieux de proximité par la notion de litiges de la vie courante, votre mission considère que la voie contentieuse n'est pas toujours la plus pertinente pour le traitement de ces litiges. Ceux-ci peuvent être simples, de faible enjeu financier ou nécessiter une réponse rapide, sans soulever des questions de droit complexes.

Ainsi, les modes alternatifs de règlement des litiges restent une voie à encourager pour le traitement de ces petits litiges , à commencer par la conciliation , qui présente des avantages de rapidité, de gratuité et de confidentialité. Actuellement, la conciliation n'est pas développée comme elle le devrait, en raison du nombre encore trop limité de conciliateurs comme des limites de la procédure de conciliation, alors qu'elle permettrait de désengorger les tribunaux d'instance. Dans ce domaine, l'obligation de tentative préalable de conciliation avant la saisine du tribunal d'instance, à peine d'irrecevabilité, dans le cas de saisine par déclaration au greffe, prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, doit être prolongée par de nouvelles réformes développant la conciliation.

En matière pénale, l'exigence de proximité ne se pose pas dans les mêmes termes, puisqu'il est question de répression des infractions, et non de commodité d'accès du justiciable à la justice. Dès lors, la convocation au tribunal dans un lieu éloigné du domicile de la personne mise en cause, pour une audience correctionnelle ou pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, se conçoit plus aisément.

Toutefois, il peut paraître pertinent d' apporter les réponses pénales les plus simples dans la proximité , comme c'est déjà souvent le cas par l'intermédiaire des délégués du procureur aujourd'hui, en particulier pour les mesures alternatives aux poursuites (rappels à la loi, compositions pénales, classements sous condition...), pour la notification des ordonnances pénales ou encore pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière routière.

À côté des contentieux de proximité que votre mission a cherché à cerner, il existe des contentieux qui exigent un principe de spécialisation juridique plus marquée dans leur traitement, par des juges plus spécialisés, et pour lesquels le ministère d'avocat est a priori obligatoire en matière civile.

Ainsi, toute évolution de l'organisation judiciaire doit être conçue en première instance du point de vue de la nature des contentieux, pour mieux répondre aux exigences complémentaires de proximité et de spécialisation .

2. Pour renforcer l'accessibilité de la justice et sa proximité avec le justiciable, créer le tribunal unique de première instance

Au terme d'une analyse approfondie des différents arguments en présence, votre mission juge pertinent de proposer la mise en place, de façon progressive, sérieusement évaluée et préparée, d'un tribunal unique de première instance (TPI), départemental dans la plupart des cas , qui regrouperait le tribunal de grande instance (TGI) et le tribunal d'instance (TI) et comporterait plusieurs sites, sous forme de chambres détachées en dehors de son siège.

Quelle que soit la dénomination qui lui serait donnée - entendue par votre mission, la Conférence des présidents des tribunaux de grande instance suggère celle de tribunal judiciaire, en raison de sa compétence élargie et par analogie avec le tribunal administratif - le tribunal de première instance ne doit pas être d'abord conçu comme une réforme organisationnelle, à visée uniquement gestionnaire . Dans cette hypothèse, le tribunal de première instance, comme ont pu l'exprimer les organisations syndicales, notamment de fonctionnaires, ne serait qu'une façon de mutualiser la pénurie actuelle des moyens humains et matériels ou une nouvelle étape de rationalisation de la carte judiciaire, par d'autres voies. Telle n'est pas l'ambition de votre mission.

Au contraire, le tribunal de première instance constitue un mode d'organisation qui peut permettre de rapprocher l'institution judiciaire du justiciable, s'agissant du contentieux civil et pénal appelant un traitement dans la proximité , déjà évoqué, après la réforme de la carte judiciaire de 2008, à condition d'être correctement conçu et mis en oeuvre. En outre, il pourrait également en résulter une amélioration de l'organisation et du fonctionnement des juridictions en première instance, sous la double condition préalable que soit mise à niveau l'informatique judiciaire civile et que soit résorbé le phénomène des vacances de postes .

Le concept de tribunal de première instance doit aussi reposer sur la notion de taille efficiente de juridiction , largement partagée par les acteurs du monde judiciaire : une juridiction trop petite rencontre des difficultés pour fonctionner, en raison d'un trop faible nombre de magistrats pour faire face à une grande variété de contentieux et exercer certaines fonctions, ainsi que de sa vulnérabilité en cas de mobilités, de vacances de postes ou même de congés de maternité ou de maladie, et, à l'inverse, une juridiction trop volumineuse fonctionne souvent mal également, en raison de lourdeurs d'organisation et du poids d'une charge contentieuse très importante.

Aujourd'hui, les progrès de l'informatique judiciaire, en particulier le projet Portalis , doivent permettre à brève échéance, selon votre mission, de disposer de l'infrastructure qui permettra le bon fonctionnement du service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) et ultérieurement du tribunal de première instance dont le service d'accueil unique du justiciable constitue une première étape nécessaire .

a) Les travaux récents sur l'idée de tribunal unique de première instance

Sans remonter à l'échec de la réforme voulue par Raymond Poincaré, en 1926, pour créer un tribunal départemental unique, les débats sur l'idée d'un tribunal unique de première instance remontent aux années 1970. Ainsi, dans un rapport au garde des sceaux, en 1979, M. Yves Rocca, alors inspecteur général des services judiciaires, envisage la fusion du tribunal de grande instance avec les tribunaux d'instance de son ressort, les seconds étant conservés comme sites périphériques du premier. Cette idée a ensuite été reprise, en 1991, dans le projet de tribunal départemental envisagé par M. Henri Nallet, alors garde des sceaux, et, en 1994, par le rapport de M. Jean-François Carrez, président de la commission de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice.

Le concept de tribunal de première instance a été étudié de façon plus approfondie en 1997, il y a vingt ans, dans le rapport du groupe d'étude et de réflexion, présidé par M. Francis Casorla, alors premier président de la cour d'appel d'Orléans, sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance. Dans ce rapport, le tribunal de première instance devait s'appuyer sur un guichet unique de greffe (GUG), qui correspondait largement, dans ses missions, au service d'accueil unique du justiciable, créé au sein des greffes des juridictions judiciaires par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, pour informer les justiciables sur les procédures qui les concernent et recevoir de leur part des actes afférents à ces procédures, y compris lorsque celles-ci ne sont pas suivies au greffe de la juridiction auquel ils s'adressent 152 ( * ) .

En octobre 2013, dans leur rapport sur la réforme de la justice de première instance 153 ( * ) , notre collègue Yves Détraigne et notre ancienne collègue Virginie Klès avaient recommandé une démarche progressive en vue de la création d'un tribunal de première instance regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort, ceux-ci étant transformés en chambre détachées du tribunal de première instance, suivant l'objectif de renforcer l'accessibilité de la justice.

Parallèlement, dans le cadre des travaux de réflexion engagés par le garde des sceaux sur la « justice du XXI e siècle », le groupe de travail sur les juridictions du XXI e siècle, présidé par M. Didier Marshall, alors premier président de la cour d'appel de Montpellier, avait proposé, dans son rapport 154 ( * ) remis en décembre 2013, la création d'une juridiction unifiée de première instance répartie sur plusieurs sites judiciaires.

Toutefois, le Gouvernement ne retint pas cette proposition dans le projet de loi qu'il déposa, en premier lieu au Sénat, à la suite de ces travaux.

Certes, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle comporte quelques éléments qui peuvent contribuer à la mise en place du tribunal de première instance, sans pour autant nécessairement y conduire : transfert du tribunal de police au tribunal de grande instance, compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière de dommages corporels, transfert au tribunal de grande instance du contentieux de la sécurité sociale et suppression du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et du tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), création du service d'accueil unique du justiciable. Ces éléments restent néanmoins parcellaires et inaboutis. Il en est de même pour le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation judiciaire, qui a instauré au sein des tribunaux de grande instance l'organisation en pôles et services, animés par des magistrats coordonnateurs 155 ( * ) , et qui a prévu qu'un magistrat du tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance devait être chargé de la coordination de l'ensemble des tribunaux d'instance du ressort 156 ( * ) et de la supervision des conciliateurs de justice, renforçant le lien entre tribunal de grande instance et tribunal d'instance.

Par ailleurs, dans son rapport sur l'évaluation de la carte judiciaire, en février 2013, M. Serge Daël, conseiller d'État honoraire, avait recommandé la création de chambres détachées du tribunal de grande instance, en lieu et place de tribunaux de grande instance supprimés par la réforme de la carte de 2008, en présentant cette formule comme une « réponse aux besoins de proximité », mais également comme le « premier jalon du TPI » 157 ( * ) . Votre mission fait sienne cette approche.

b) Les bénéfices attendus du tribunal de première instance : davantage de proximité pour le justiciable, davantage d'efficacité pour la juridiction

Outre un traitement des divers contentieux de la vie courante dans une plus grande proximité, par la projection dans les chambres détachées du tribunal de première instance d'une partie du contentieux actuellement traité par le tribunal de grande instance , la mise en place du tribunal de première instance offrirait aussi aux justiciables une meilleure lisibilité de l'organisation de la justice en première instance, du fait d'une architecture simplifiée, ainsi qu'une plus grande accessibilité des juridictions . Ainsi, il ne serait plus nécessaire de savoir si une demande relève du tribunal de grande instance ou du tribunal d'instance, ni de se rendre au greffe de l'un ou de l'autre, a fortiori dans les départements comptant plusieurs tribunaux de grande instance, puisqu'il serait possible de se rendre au greffe du tribunal de première instance ou de ses chambres détachées, indifféremment, quelle que soit l'affaire, pour obtenir un renseignement ou bien suivre une procédure.

Par ailleurs, la mise en place du tribunal de première instance contribuerait aussi à améliorer le fonctionnement des juridictions, y compris dans leurs relations avec leurs partenaires institutionnels.

En premier lieu, le tribunal de première instance permettrait plus facilement de maintenir, et à moindre coût, les sites judiciaires existants , comme d'en créer de nouveaux, sans nécessairement la présence permanente de magistrats dans tous les sites extérieurs du tribunal de première instance. Cette présence serait déterminée en fonction du volume du contentieux du ressort de chaque chambre détachée. Seuls des personnels de greffe devraient a minima être présents dans tous les sites. Les fonctions de chefs de juridiction seraient également moins nombreuses.

En deuxième lieu, le tribunal de première instance donnerait une plus grande souplesse dans l'affectation et la gestion des magistrats et des fonctionnaires au sein d'une juridiction aux effectifs et au périmètre plus importants. La vulnérabilité de la juridiction aux conséquences de la mobilité des personnels et des vacances de postes, ainsi que du développement du travail à temps partiel et des congés de maternité résultant de la forte féminisation de la magistrature, qui modifient en profondeur les conditions d'organisation et de fonctionnement des juridictions, s'en trouverait réduite.

En troisième lieu, corrélativement, une telle organisation permettrait de mutualiser à une échelle supérieure certaines fonctions spécialisées chez les magistrats , dans les ressorts les moins peuplés, par exemple celles de juge des libertés et de la détention ou bien les fonctions du parquet, qui exigent des permanences ou sont moins attractives en raison des contraintes qu'elles représentent. L'exercice de certaines fonctions est aujourd'hui très lourd dans certaines juridictions de petite taille. De plus, le nombre de magistrats, limité dans certaines d'entre elles, peut soulever des difficultés en raison des incompatibilités pouvant concerner les magistrats du siège.

Ainsi, lors de son déplacement à Riom, votre mission a constaté que les parquets des trois tribunaux de grande instance de l'Allier, à Moulins, Montluçon et Cusset, pour des raisons pratiques résultant de leurs effectifs très limités, avaient déjà été conduits à mutualiser leurs permanences.

En quatrième lieu, un nombre plus important de magistrats au sein de la juridiction permettrait aussi, en dehors des contentieux traités dans la proximité, une plus grande spécialisation et donc in fine une meilleure qualité des décisions rendues en première instance .

En cinquième lieu, en regroupant un nombre plus important de magistrats, plus spécialisés, au sein du tribunal de première instance, les problèmes d'attractivité de certaines petites juridictions s'en trouveraient réduits . Les magistrats affectés dans ces petites juridictions participeraient à des équipes plus importantes, propices à un meilleur exercice professionnel, car plus collectif et moins solitaire. En effet, il est apparu à votre mission que la petite taille des équipes et la solitude des magistrats constituaient, avec la localisation géographique, un facteur important de manque d'attractivité. Ceci est à rapprocher des propositions formulées par votre mission 158 ( * ) en matière d'incitation à prendre une affectation dans certaines juridictions réputées moins attractives.

Plusieurs de ces bénéfices attendus de la mise en place du tribunal de première instance se trouveraient renforcés dans l'hypothèse d'un ralentissement de la fréquence de la mobilité des magistrats en début de carrière, souhaité par votre mission 159 ( * ) , dont nombre de chefs de juridiction ont relevé l'impact en termes de désorganisation du travail de la juridiction, de manque de suivi des dossiers et de mise à profit insuffisante de l'expérience acquise, a fortiori dans les fonctions de cabinet (juge d'instruction et juge des enfants en particulier).

En sixième lieu, le tribunal de première instance améliorerait aussi l'organisation et l'encadrement des greffes . Aujourd'hui, il est difficile d'organiser efficacement la direction du greffe dans les plus petites juridictions : il s'agit d'emplois fonctionnels souvent confiés à des greffiers, de catégorie B, pour lesquels ces emplois ne semblent pas assez attractifs, mais pas à des directeurs de greffe. Dans le greffe du tribunal de première instance, comportant des greffes détachés, il serait possible de mettre en place une meilleure organisation et un meilleur encadrement.

En dernier lieu - et votre mission considère que ce bénéfice n'est pas le moindre -, le tribunal de première instance, s'il est conçu sur une base départementale, permettrait de renforcer la cohérence de l'action publique dans la répression des infractions entre, d'une part, le procureur de la République et, d'autre part, le préfet de département et les responsables des autres services compétents de l'État , en particulier le groupement de gendarmerie départementale et la direction départementale de la sécurité publique.

Le préfet n'aurait plus en face de lui, comme c'est aujourd'hui le cas dans nombre de départements, y compris des départements qui ne sont pas les plus peuplés, deux ou trois procureurs de la République. Même si ceux-ci sont supposés coordonner leur action, sous l'autorité du procureur général, une telle dispersion affecte l'autorité du parquet face au préfet.

En outre, compte tenu des prérogatives particulières du parquet en matière commerciale, dans les procédures collectives, il serait plus pertinent d'avoir un parquet aux effectifs plus étoffés, permettant notamment une spécialisation plus affirmée dans la matière commerciale, laquelle exige la présence d'un magistrat du parquet pour veiller à l'ordre public économique et au respect des procédures devant les tribunaux de commerce.

Ainsi, la création du tribunal de première instance permettrait de renforcer la proximité et l'accessibilité des juridictions, tout en rationalisant leur organisation et leur fonctionnement. Par ailleurs, si l'on créait le tribunal de première instance, il serait cohérent de renforcer les responsabilités des chefs de juridiction , comme le propose votre mission 160 ( * ) .

c) Le périmètre des juridictions concernées : pour une juridiction de taille efficiente regroupant tribunal de grande instance et tribunal d'instance

Réformant en profondeur l'organisation des juridictions 161 ( * ) , à la faveur de la mise en place des institutions de la V e République, Michel Debré étant alors garde des sceaux, l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation judiciaire a créé les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance en substitution, d'une part, des tribunaux de première instance et, d'autre part, des justices de paix et des tribunaux cantonaux.

Étant précisé que le tribunal des affaires de sécurité sociale et le tribunal du contentieux de l'incapacité seront supprimés et leur contentieux transféré au tribunal de grande instance à compter du 1 er janvier 2019 162 ( * ) , le périmètre le plus large que pourrait recouvrir le tribunal de première instance englobe le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, mais aussi le conseil de prud'hommes (CPH) et le tribunal de commerce (TC).

Actuellement, même si le tribunal d'instance est une juridiction autonome par rapport au tribunal de grande instance, tout magistrat qui en assure le service est « juge d'un tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance » 163 ( * ) , nommé à ces fonctions par décret du Président de la République, tout en relevant du tribunal de grande instance. En revanche, le greffe du tribunal d'instance est complètement autonome par rapport à celui du tribunal de grande instance, ce que plusieurs directeurs de greffe rencontrés par votre mission ont déploré, comme source de rigidité. Lorsque plusieurs magistrats assurent le service d'un tribunal d'instance, l'un d'entre eux, communément appelé juge-directeur, est « chargé de la direction et de l'administration » du tribunal d'instance 164 ( * ) . Il existe donc déjà aujourd'hui des liens organiques forts entre tribunal d'instance et tribunal de grande instance , même si les fonctions de magistrat chargé du service d'un tribunal d'instance sont des fonctions spécialisées.

En revanche, si le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce rejoignaient le tribunal de première instance, ils perdraient leur autonomie juridictionnelle, ainsi que la présidence désignée en leur sein, sans lien organique avec le tribunal de grande instance 165 ( * ) , pour devenir respectivement, par exemple, une chambre du travail et une chambre commerciale du tribunal de première instance, l'une comme l'autre a priori échevinées, dont la présidence serait assurée par un magistrat professionnel du tribunal de première instance.

À cet égard, votre mission a pu apprécier, lors de son déplacement à Metz, le fonctionnement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance, présidée par un magistrat professionnel et composée d'assesseurs juges consulaires élus. Ces derniers ont fait part de leur satisfaction quant à ce mode de fonctionnement écheviné, auquel la Conférence générale des juges consulaires de France a toujours exprimé sa forte opposition de principe.

Néanmoins, adoptant une approche pragmatique et consciente de la forte identité juridictionnelle du conseil de prud'hommes et du tribunal de commerce , votre mission considère que ces deux juridictions spécialisées de première instance ne pourraient entrer aisément dans le schéma du tribunal de première instance. En effet, outre que le service de ces deux juridictions est entièrement assuré par des juges non professionnels 166 ( * ) , qui sont attachés à cette configuration, les justiciables concernés connaissent ces juridictions et leurs compétences particulières, de sorte que l'argument de la lisibilité de l'organisation judiciaire perd de sa portée.

De plus, la spécificité du greffe des tribunaux de commerce, assuré par des officiers publics et ministériels, titulaires de charge, comme c'était le cas jadis dans toutes les juridictions judiciaires, avant la fonctionnarisation des greffes à partir de la fin des années 1960 167 ( * ) , soulève d'autres difficultés s'il fallait intégrer le tribunal de commerce au sein du tribunal de première instance (indemnisation des greffiers, recrutement des personnels des greffes privés au sein des services judiciaires...).

Pour autant, dans la mesure où son greffe est composé de personnel des services judiciaires, comme celui des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, votre mission s'est interrogée sur l'idée d'intégrer le greffe du conseil de prud'hommes au sein du greffe du tribunal de première instance, sans pour autant remettre en cause l'autonomie juridictionnelle du conseil de prud'hommes. Une telle perspective n'aurait d'utilité que pour mutualiser l'encadrement et la gestion des personnels de greffe - d'autant que les effectifs des greffes des conseils de prud'hommes sont généralement limités -, sans pour autant améliorer le service aux justiciables, dès lors que le service d'accueil unique du justiciable engloberait bien le greffe du conseil de prud'hommes, comme c'est prévu. Dès lors, votre mission n'a pas retenu, à ce stade, une telle proposition.

Proposition n° 50 :

Compte tenu des spécificités de leur organisation juridictionnelle, conserver le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes en dehors du tribunal de première instance.

L'intégration des tribunaux de commerce comme des conseils de prud'hommes au sein du tribunal de première instance étant écartée par votre mission, celle-ci considère que le tribunal de première instance doit donc regrouper le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort , dont les liens organiques sont déjà forts, même si leurs relations de travail sont limitées. Le regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance au sein du tribunal de première instance conduit logiquement à la mise en commun de leurs magistrats et de leurs greffes , ainsi qu'à la suppression des actuelles fonctions spécialisées de juge d'instance , sauf à conserver chez les magistrats du tribunal de première instance une rigidité statutaire contradictoire avec l'idée même de tribunal unique de première instance.

La mise en commun des moyens humains et matériels des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance doit permettre de mettre en place des juridictions de taille plus efficiente, moins sensibles aux vacances de postes ou aux mobilités de magistrats, dans lesquelles des méthodes plus structurées et durables d'organisation comme de travail pourront se mettre en place.

Votre mission considère que la création du tribunal de première instance est indissociable de la réflexion sur la notion de taille efficiente de juridiction , laquelle repose en premier lieu sur les effectifs de magistrats et de greffiers. Aujourd'hui, comme elle l'a constaté dans ses déplacements, de nombreux tribunaux d'instance voire tribunaux de grande instance ont des effectifs trop limités pour faire face dans la durée au flux des affaires et pour mettre en place des priorités ou des politiques de juridiction. La notion de taille efficiente suppose aussi une gestion plus efficace de la juridiction et de ses personnels, ainsi que des capacités budgétaires plus importantes.

Proposition n° 51 :

Créer un tribunal de première instance, regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort, sur la base de la notion de taille efficiente de juridiction.

À titre d'exemple, lors de son déplacement à la chambre détachée de Marmande du tribunal de grande instance d'Agen, votre mission a constaté que cohabitaient dans le même bâtiment, construit par la commune, outre le conseil de prud'hommes de Marmande, la chambre détachée et le tribunal d'instance de Marmande, chacun doté d'un greffe propre et de magistrats propres, sans relations de travail les uns avec les autres. Une telle situation pratique est fréquente dans les palais de justice et affecte tant la lisibilité de la justice pour le justiciable que la simplicité dans la gestion des juridictions. Dans de très nombreux cas, il existe aussi des tribunaux d'instance qui n'ont pas leur siège dans le même palais de justice ou dans la même ville que le tribunal de grande instance.

Au surplus, votre mission observe que le tribunal de première instance tel qu'elle le conçoit existe déjà, dans certaines collectivités d'outre-mer 168 ( * ) , en tant que mode simplifié d'organisation judiciaire, regroupant les compétences du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance et doté de sections détachées.

d) La configuration du tribunal de première instance, sans remise en cause des implantations judiciaires existantes

À ce jour, il existe 157 tribunaux de grande instance en France métropolitaine , répartis dans les 96 départements métropolitains, auxquels s'ajoutent 7 tribunaux de grande instance dans les 5 collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution 169 ( * ) et 4 tribunaux de première instance dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie 170 ( * ) .

À ce jour, 50 départements métropolitains ne comptent qu'un seul tribunal de grande instance, soit un peu plus de la moitié, et 35 en comptent deux. En outre, l'Allier, l'Aisne, les Bouches-du-Rhône, l'Isère, la Moselle, l'Oise, la Haute-Savoie, la Seine-Maritime et la Seine-et-Marne comportent trois tribunaux de grande instance, le Pas-de-Calais quatre et le Nord pas moins de six.

Répartition des tribunaux de grande instance par département (France métropolitaine)

Nombre de tribunaux
de grande instance
par département

Nombre de départements

Proportion de l'ensemble des départements

1

50

52,1 %

2

35

36,5 %

3

9

9,4 %

4

1

1,0 %

5

0

0,0 %

6

1

1,0 %

Source : commission des lois du Sénat.

S'agissant de la configuration territoriale du tribunal de première instance, la réflexion doit là encore s'appuyer sur la notion de taille critique ou efficiente de juridiction.

Votre mission n'envisage pas la création d'un tribunal de première instance qui serait commun à plusieurs départements, même si la solution pourrait être mise à l'étude, au bénéfice des départements les moins peuplés, dans lesquels les effectifs de magistrats et de greffiers sont aujourd'hui très limités et ne permettent pas d'atteindre une taille critique suffisante.

En revanche, votre mission s'interroge sur la pertinence de conserver plusieurs tribunaux de grande instance dans près de la moitié des départements, a fortiori lorsque ce sont des tribunaux de grande instance aux effectifs réduits ou peu attractifs. En effet, de tels tribunaux peuvent peiner à atteindre la taille critique et à réunir un nombre suffisant de magistrats pour garantir un examen des affaires juridiquement assez spécialisé. En tout état de cause, ainsi que les déplacements et les auditions de votre mission l'ont montré, une telle configuration conduit à une dispersion des moyens et, dans les départements les moins attractifs, à un phénomène accru de vacances de postes, par manque de candidats, et de mobilité excessive des magistrats, nommés en sortie d'école : de telles juridictions souffrent d'un plus fort risque de désorganisation et d'accumulation de stock de dossiers. Il a même été indiqué à votre mission que des fonctions de chefs de juridiction restaient vacantes, par manque de candidats, dans des tribunaux de grande instance de l'est de la France.

Une telle situation illustre bien que l'organisation judiciaire actuelle ne permet pas de faire fonctionner au mieux le service public de la justice.

Dans ces conditions, le regroupement des effectifs de magistrats et de fonctionnaires et des moyens de plusieurs tribunaux de grande instance d'un même département, au sein du tribunal de première instance, apparaît comme une solution pertinente pour rendre plus efficace le fonctionnement des juridictions, outre qu'une telle formule est facteur de simplicité d'accès pour le justiciable. Ainsi, votre mission estime que le tribunal de première instance doit être constitué, en principe, à l'échelon du département .

Une telle configuration, dans l'hypothèse du regroupement dans un même tribunal de première instance de plusieurs tribunaux de grande instance , supposera aussi le regroupement des barreaux correspondants .

Toutefois, votre mission admet volontiers que le tribunal unique de première instance départemental n'est pas la formule la plus pertinente dans certains départements, en raison de leur population particulièrement élevée ou éventuellement de leur configuration géographique. L'attention portée à la notion de taille critique de juridiction invite également à ne pas créer des tribunaux trop gros, dont l'expérience montre qu'ils peuvent être lourds à gérer, dans les départements les plus peuplés. Une telle démarche pragmatique devra prendre en compte des critères précis et objectifs pour être légitime et pour distinguer les départements qui justifieraient la création de plusieurs tribunaux de première instance.

Proposition n° 52 :

Sauf particularités démographiques ou géographiques locales, créer un tribunal de première instance unique par département.

Indépendamment du caractère a priori départemental du tribunal de première instance, votre mission juge nécessaire de maintenir, globalement, toutes les implantations judiciaires existantes , dans le cadre de la mise en place du tribunal de première instance. En effet, le modèle du tribunal de première instance ne présente un intérêt significatif qu'à la condition de permettre un renforcement de la proximité pour le justiciable.

Dès lors, le modèle du tribunal de première instance se décline assez naturellement dans une organisation regroupant plusieurs sites , au plus près des territoires. Ces sites seraient ceux des actuels tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance, regroupés dans le tribunal de première instance.

L'unité de la juridiction serait assurée, outre l'unité d'administration et de gestion résultant du rôle des chefs de juridiction et, sous leur contrôle, du directeur du greffe unique, par le service d'accueil unique du justiciable, créé par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle : dans tous les sites du tribunal de première instance, les agents du greffe pourront permettre au justiciable de suivre son affaire et de déposer des actes et des pièces, quel que soit le site du tribunal dans lequel son affaire est suivie. En ce sens, le service d'accueil unique du justiciable représenterait un renforcement de la proximité pour le justiciable lorsque son affaire relève du siège du tribunal.

Le concept de chambre détachée , utilisé en France métropolitaine à la suite du rapport précité de M. Serge Daël pour opérer certains ajustements à la réforme de la carte judiciaire, permet de répondre de façon pertinente à cet objectif d'organisation territoriale. Ainsi, quatre chambres détachées, dotées chacune d'un greffe détaché, d'un ressort propre et de compétences civiles et pénales, ont été créées en France métropolitaine dans le ressort de quatre tribunaux de grande instance en septembre 2014 et janvier 2015 171 ( * ) .

De plus, la création de chambres détachées s'inscrit dans la logique de renforcement de l'organisation interne des juridictions , qui résulte du décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation judiciaire, lequel a organisé les tribunaux de grande instance en pôles et services, animés par des magistrats coordonnateurs. Les chambres détachées sont administrées par un président, qui propose au président du tribunal de grande instance une répartition du service de la chambre entre les magistrats qui y sont affectés 172 ( * ) .

Ainsi, votre mission propose d'utiliser et de systématiser cet outil de la chambre détachée, pour les implantations du tribunal de première instance extérieures à son siège. Les actuels tribunaux d'instance, de même que les actuels tribunaux de grande instance regroupés au sein du tribunal de première instance, autres que celui recevant le siège du tribunal de première instance, devraient être maintenus sous forme de chambre détachée du tribunal de première instance . Cette organisation devrait aussi soutenir localement l'activité des avocats des barreaux regroupés.

Proposition n° 53 :

Maintenir les implantations judiciaires actuelles des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, en transformant en chambres détachées du tribunal de première instance les sites extérieurs au siège et en s'appuyant sur le service d'accueil unique du justiciable.

Toutefois, votre mission n'exclut pas qu'il puisse apparaître, dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale résultant du tribunal de première instance, que certaines implantations, ponctuellement, ne trouvent plus de justification ou exigent de trop lourds travaux de remise en état pour qu'elles puissent être conservées.

S'agissant de la compétence contentieuse des chambres détachées du tribunal de première instance, votre mission considère qu'elle doit contribuer au renforcement de la proximité, en matière civile et pénale : les chambres détachées ne sauraient être limitées au traitement de l'actuel contentieux dévolu au tribunal d'instance.

En l'état du droit, le code de l'organisation judiciaire 173 ( * ) prévoit que les chambres détachées des tribunaux de grande instance ont la compétence civile et pénale plénière du tribunal de grande instance, mais que leurs compétences, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, peuvent être limitées par décret. De fait, aucune des quatre chambres détachées de France métropolitaine ne possède cette compétence plénière, mais toutes ont des compétences plus réduites, différentes de l'une à l'autre. Cette règle de droit ne contribue pas à la lisibilité de l'organisation.

Si l'idée de moduler le niveau de service judiciaire au sein d'une chambre détachée en fonction de l'exigence de proximité et des spécificités contentieuse des territoires peut s'avérer pertinente, votre mission considère d'abord que les chambres détachées doivent être dotées d'un socle minimal de compétence suffisant de nature à renforcer la proximité par rapport à la situation actuelle.

Pour que la création du tribunal de première instance réponde à cet objectif, en particulier pour les justiciables fragiles et vulnérables, qui ont besoin de la protection de l'institution judiciaire, les chambres détachées doivent disposer d'une compétence plus étendue que les actuels tribunaux d'instance . Comme cela a déjà été évoqué, le contentieux de proximité civil et pénal doit être traité dans les chambres détachées comme au siège du tribunal de première instance. En matière civile, il englobe le contentieux de l'instance et celui, actuellement traité par les tribunaux de grande instance, des affaires familiales, lequel relève de façon naturelle de la proximité. En matière pénale, il se limite aux réponses pénales les plus simples, en particulier les mesures alternatives aux poursuites, la notification des ordonnances pénales ou les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière routière.

Le principe d'égal accès des citoyens à la justice, principe de valeur constitutionnelle 174 ( * ) , exige par ailleurs que les compétences des chambres détachées ne soient pas laissées à la seule appréciation des chefs de cour ou de juridiction, mais qu'elles soient fixées de manière nationale, par un texte réglementaire.

Lorsque l'enjeu de proximité est moindre, le siège du tribunal de première instance resterait compétent, pour des contentieux plus complexes ou moins courants pour les justiciables, pour lesquels le ministère d'avocat est généralement obligatoire, au nom du principe de spécialisation. Des magistrats plus nombreux et plus spécialisés, au siège du tribunal de première instance, pourraient prendre en charge ces contentieux.

Pour autant, si la répartition des compétences entre le siège du tribunal de première instance et ses chambres détachées doit être assurée de façon homogène au niveau national, votre mission estime cependant que la situation contentieuse locale, la bonne organisation du traitement des affaires et plus largement la bonne administration de la justice, objectif de valeur constitutionnelle 175 ( * ) , doivent permettre d' accroître la compétence d'une chambre détachée, au cas par cas .

Deux formules sont alors envisageables, selon que l'on préfère une approche centralisée ou déconcentrée de cette question. Dans la première approche, l'attribution de compétences supplémentaires peut être réalisée par un simple arrêté ministériel, plus simple que l'actuel décret limitant la compétence des chambres détachées.

Dans la seconde approche, elle peut résulter d'une décision des chefs de cour, prise sur proposition des chefs de juridiction, après avis de l'assemblée générale des magistrats du tribunal de première instance. Sous réserve d'approfondir cette question, votre mission exprime sa préférence pour cette seconde approche, faisant confiance aux juridictions pour déterminer l'organisation territoriale la plus adaptée au traitement de leur contentieux.

Proposition n° 54 :

Fixer un socle minimal de compétences de proximité aux chambres détachées, correspondant aux litiges de la vie courante et incluant le contentieux d'instance et le contentieux familial, ainsi qu'aux réponses pénales simples, et permettre de façon souple de leur confier d'autres compétences.

Dès lors, mieux qu'aujourd'hui, le justiciable pourra s'adresser dans la proximité à son juge naturel pour l'ensemble des litiges de sa vie courante. Votre mission y voit un progrès pour l'institution judiciaire.

Une autre organisation aurait pu consister à confier à une chambre détachée la compétence de traiter pour l'ensemble du ressort du tribunal de première instance un contentieux spécifique, ne relevant pas de l'exigence de proximité. Toutefois, une telle formule aurait difficilement pu se combiner avec la mise en place d'un réseau de chambres détachées de proximité, sauf éventuellement dans des départements particulièrement peuplés. Il est plus simple de concentrer le traitement des contentieux ne relevant pas de la proximité au siège du tribunal de première instance.

S'agissant du traitement du contentieux civil de proximité attribué aux chambres détachées, en particulier de l'ancien contentieux de l'instance, il serait effectué par les magistrats du siège désignés à cet effet au sein du tribunal de première instance. Selon l'organisation retenue au sein de la juridiction, pourrait être créé un service des contentieux de proximité , reprenant les missions des anciens juges d'instance, le cas échéant avec des ajustements, et comportant des juges chargés des contentieux de proximité . Il ne saurait s'agir, néanmoins, de fonctions spécialisées, comme pour les juges d'instance actuellement, mais de fonctions confiées à une partie des magistrats affectés au sein du tribunal de première instance. Le service des affaires familiales pourrait lui aussi comporter des juges au sein des chambres détachées. En tout état de cause, la répartition des magistrats au sein des pôles, des services et des chambres d'une juridiction relève, au siège, de la responsabilité du président du tribunal, après consultation de l'assemblée des magistrats du siège.

e) Une démarche progressive, comportant deux conditions préalables et assortie de garanties pour les personnels comme pour les justiciables

Afin de permettre la création du tribunal de première instance, votre mission a identifié deux préalables majeurs , lesquels conditionnent la réussite d'une telle réforme si l'on veut s'en tenir à sa finalité première de renforcement de la proximité pour le justiciable, indépendamment des autres bénéfices susceptibles d'en être retirés.

Puisque le tribunal de première instance ne doit pas constituer un outil de partage de la pénurie d'effectifs de magistrats et de greffiers, il convient en premier lieu d' avoir suffisamment résorbé le phénomène des vacances de postes dans les juridictions , concernant les magistrats et les fonctionnaires, avant la mise en place effective de cette nouvelle juridiction de première instance, comme le préconise globalement votre mission 176 ( * ) .

Sans combler les actuelles vacances de postes de magistrats comme de greffiers, votre mission est convaincue que le tribunal de première instance sera voué à l'échec, car vécu comme une réforme gestionnaire de mutualisation de moyens insuffisants. En d'autres termes, comme un délai de quatre à cinq ans semble nécessaire afin de parvenir au comblement des vacances, la création du tribunal de première instance ne peut intervenir que de façon progressive . Ainsi, le tribunal de première instance pourrait être créé de façon échelonnée, département par département, au fur et à mesure du processus de comblement des vacances de postes, sans préjudice de la préfiguration du nouveau tribunal, au sein de chaque département, sous l'autorité des chefs de cour, par des chefs de juridiction désignés à cet effet pour conduire ce projet.

Par cohérence avec l'attention portée par votre mission aux capacités d'administration des chefs de juridiction, ceux qui seraient désignés comme chefs de projet pour la mise en place du tribunal de première instance dans leur département devraient être soigneusement sélectionnés par le ministère de la justice, étant précisé que les chefs des futurs tribunaux de première instance seraient nommés dans les conditions prévues à l'article 65 de la Constitution, avec l'intervention du Conseil supérieur de la magistrature. Serait associé à ces chefs de juridiction désignés chefs de projet un directeur de greffe, chef de projet pour le regroupement des greffes.

Lorsqu'un même département comporte plusieurs tribunaux de grande instance aujourd'hui, rien ne s'oppose à ce que les trois chefs de projet proviennent de juridictions différentes : la logique de projet doit prévaloir. Dans cette perspective, il sera nécessaire de prévoir l'organisation immobilière du tribunal de première instance et les besoins budgétaires particuliers pouvant résulter de cette réforme.

En second lieu, ainsi que cela a déjà été évoqué, le tribunal de première instance doit reposer sur un greffe unique réparti sur plusieurs sites , aboutissement du service d'accueil unique du justiciable . Or, comme votre mission a pu le constater lors de ses déplacements, à Brest en particulier, mais également ailleurs, le service d'accueil unique du justiciable est loin d'être complètement opérationnel dans les juridictions au sein desquelles il a été théoriquement déployé. Il ne saurait d'ailleurs l'être, pour des raisons technologiques qui semblent assez évidentes.

L'idée du service d'accueil unique du justiciable 177 ( * ) , que votre mission approuve sans réserve, repose sur trois composantes : une composante humaine, c'est-à-dire des effectifs dédiés au sein des greffes et formés à cette mission d'accueil renforcé et polyvalent - aujourd'hui un greffier du tribunal d'instance est supposé pouvoir renseigner un justiciable sur une affaire instruite au tribunal de grande instance -, une composante physique, c'est-à-dire des lieux d'accueil améliorés dans les juridictions 178 ( * ) , et une composante informatique, c'est-à-dire la possibilité pour les personnels d'accéder aux procédures dans les applications informatiques civiles et pénales.

Or, les vacances de postes au sein des greffes rendent très difficile la mise en place d'équipes dédiées et a fortiori formées, d'autant que les tâches d'accueil, en pareille situation, sont difficilement prioritaires par rapport aux autres missions des greffiers, dans le service pénal du tribunal de grande instance par exemple.

Surtout, si les personnels des services d'accueil unique du justiciable peuvent être habilités 179 ( * ) à accéder à l'application de la chaîne pénale Cassiopée , dont la technologie permet une consultation à distance, rien de tel n'existe en matière civile : les différents applicatifs civils, au nombre de neuf, ne peuvent être consultés qu'au sein de chaque juridiction, pour ses propres dossiers. Ainsi, en matière civile, faute de mieux le téléphone reste l'instrument du service d'accueil unique du justiciable pour obtenir des informations auprès du service compétent du greffe.

À terme, néanmoins, l'application civile Portalis , dont votre mission a pu voir une présentation et une démonstration lors de son déplacement à la direction des services judiciaires, doit permettre les mêmes fonctionnalités à distance que Cassiopée pour l'ensemble de la chaîne civile, à une échéance annoncée de 2022. Une telle échéance correspond à celle que se donne votre mission pour l'achèvement de la réforme consistant à créer le tribunal de première instance.

La seconde condition préalable majeure à la mise en place du tribunal de première instance réside donc dans la mise à niveau de l'outil informatique civil , avec l'entrée en fonctions complète de Portalis .

Proposition n° 55 :

Avant de créer le tribunal de première instance, combler les vacances de postes de magistrats et de greffiers dans les juridictions et moderniser l'informatique judiciaire civile pour assurer un fonctionnement effectif du service d'accueil unique du justiciable.

Dès lors, la création du tribunal de première instance se conçoit comme l'achèvement d'un processus d'ensemble de redressement de la justice, en particulier dans les crédits et les effectifs qui lui sont alloués et dans la modernisation de son outil informatique. Ces deux facteurs sont indispensables au fonctionnement du tribunal de première instance et donc à la réussite de cette réforme de l'organisation judiciaire.

Dans cette démarche progressive, certaines personnes entendues par votre mission, en particulier la Conférence nationale des procureurs de la République, ont évoqué l'idée de créer un parquet départemental unique, comme étape intermédiaire, avant la création du tribunal de première instance. En effet, du point de vue des difficultés d'organisation résultant de la pluralité de tribunaux de grande instance dans un même département, la première difficulté est celle liée à la présence de plusieurs procureurs de la République, devant se coordonner avec des interlocuteurs uniques dans les autres services de l'État avec lesquels ils sont en relation régulière.

Par ailleurs, outre le caractère progressif dans la préparation du tribunal de première instance, cette nouvelle organisation judiciaire doit s'accompagner de garanties pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes ainsi que pour les justiciables .

En effet, dans une juridiction plus large comportant plusieurs sites, les personnels ne doivent pas être considérés comme des « pions », ainsi que plusieurs organisations syndicales l'ont exprimé à votre mission - « pions » que les chefs de juridiction ou les directeurs de greffe pourraient déplacer à leur guise, en particulier entre le siège et les chambres détachées.

S'agissant des magistrats, en l'état du droit, le code de l'organisation judiciaire prévoit que le président du tribunal de grande instance répartit, par ordonnance annuelle, les magistrats du siège dans les différents pôles, chambres et services de la juridiction 180 ( * ) . Cette ordonnance dite de roulement , prise après avis de l'assemblée des magistrats du siège, constitue une mesure d'administration judiciaire, donc non susceptible de recours. Ce même dispositif prévaudrait naturellement dans le cadre du tribunal de première instance, pour l'affectation des magistrats du siège au siège de la juridiction ou dans les chambres détachées.

À cet égard, en l'état du droit, le code de l'organisation judiciaire dispose qu'un magistrat chargé du service d'une chambre détachée d'un tribunal de grande instance peut être appelé à siéger au tribunal de grande instance ou peut partager son service entre plusieurs chambres détachées 181 ( * ) . Il existe donc déjà une certaine souplesse, qui ne remet pas en cause le principe d'inamovibilité des magistrats du siège. Ainsi, des magistrats pourront assurer leur service, de façon totale ou partielle, au siège du tribunal de première instance ou dans une de ses chambres détachées . On peut assez aisément concevoir qu'un magistrat partage sa semaine, voire son mois, de service entre le siège du tribunal et une chambre détachée, ou à l'inverse que l'activité de la chambre détachée requière le service permanent d'un ou de plusieurs magistrats.

S'agissant des magistrats du parquet, la question ne soulève pas de difficulté, d'autant qu'il est peu probable que l'activité pénale des chambres détachées appelle une présence permanente d'un magistrat du parquet. Il est plus vraisemblable qu'un magistrat du parquet se rende ponctuellement à la chambre détachée, l'essentiel de son service s'effectuant au siège de la juridiction.

Proposition n° 56 :

Affecter les magistrats au tribunal de première instance et les répartir entre le siège de la juridiction et les chambres détachées selon la procédure actuelle de l'ordonnance de roulement, prise par le président du tribunal après avis de l'assemblée des magistrats du siège.

Au surplus, les déplacements de votre mission dans les juridictions lui ont permis de constater la capacité des magistrats à être mobiles à une échelle territoriale relativement large.

S'agissant des fonctionnaires des greffes, la question se pose dans des termes assez différents. À l'inverse des magistrats, les fonctionnaires ne sont pas astreints à des obligations de mobilité. Ils peuvent ainsi, sauf dans l'hypothèse de mobilités volontaires ou liées à des promotions, passer toute leur carrière dans la même juridiction ou dans le même département. Dans ces conditions, indépendamment de la question de l'évolution des effectifs du greffe en fonction de l'évolution de l'activité de la juridiction concernée, l'exigence de stabilité est importante pour les fonctionnaires des greffes , d'autant que nombre d'entre eux gardent un souvenir pénible des mobilités contraintes à la suite de la réforme de la carte judiciaire.

Votre mission juge donc nécessaire de garantir une affectation stable géographiquement aux fonctionnaires , dans un site judiciaire donné, que ce soit au siège du tribunal de première instance ou dans une chambre détachée. Une telle garantie serait globalement comparable à la situation qu'ils connaissent aujourd'hui : ils sont affectés au greffe d'une juridiction, qu'il s'agisse du tribunal d'instance ou du tribunal de grande instance, et ne peuvent être temporairement affectés au sein d'une autre juridiction dans le ressort du tribunal de grande instance que par un mécanisme de délégation , y compris lorsque le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance se trouvent dans le même bâtiment. Dans le cadre du tribunal de première instance, au sein duquel ce mécanisme de délégation devrait être conservé et aménagé, entre le siège et une chambre détachée, les effectifs seraient néanmoins regroupés dans le cas où, aujourd'hui, des juridictions distinctes mais ayant leur siège dans le même palais de justice seraient fusionnées.

Proposition n° 57 :

Garantir aux personnels du greffe du tribunal de première instance une affectation dans un site donné, au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée, tout en aménageant le mécanisme de la délégation entre le siège et une chambre détachée.

En cas de nécessité, les règles actuelles de délégation d'un personnel de greffe - qui devraient prochainement être assouplies par un décret - permettraient donc de faire face à une situation particulière et, notamment, d'apporter le renfort ponctuel, pour une période donnée, d'un greffier du siège du tribunal de première instance auprès d'une chambre détachée, par une décision qui devrait revenir aux chefs de juridiction. Il semble à votre mission que ces règles de délégation devraient s'accompagner, dans le cadre du tribunal de première instance, de garanties particulières : association du directeur de greffe à la décision, par la sollicitation préalable de son avis, et mise en place d'un volet indemnitaire spécifique pour toute la durée de la délégation.

Proposition n° 58 :

Adapter le mécanisme de délégation des personnels de greffe à l'architecture du tribunal de première instance, en associant le directeur de greffe à la décision des chefs de juridiction et en prévoyant un accompagnement indemnitaire pour la durée de la délégation.

S'agissant des justiciables, ils pourront bénéficier avec le tribunal de première instance d'une présence judiciaire renforcée, en mesure de traiter dans la proximité les contentieux de la vie courante. Votre mission n'exclut pas, au demeurant, que la relative souplesse de la formule de la chambre détachée conduise, à terme, à créer de nouvelles chambres détachées là où des juridictions ont été supprimées d'une manière affectant gravement la proximité, d'autant qu'une telle formule représente un coût plus limité que l'ouverture d'un tribunal, sous réserve de la question de l'immobilier. À l'inverse, des implantations pourraient ponctuellement ne plus être justifiées dans le cadre du tribunal de première instance.

Pour autant, le regroupement au sein du tribunal de première instance du contentieux dévolu actuellement au tribunal d'instance et de celui traité par le tribunal de grande instance ne doit pas conduire à étendre le champ de l'obligation de représentation par ministère d'avocat , propre à la plupart des contentieux du tribunal de grande instance, sauf exceptions 182 ( * ) . Si le contentieux du tribunal d'instance est dispensé du ministère d'avocat obligatoire, en raison du caractère oral de la procédure, contrairement au contentieux du tribunal de grande instance le plus souvent, en raison du caractère écrit de la procédure, il convient de conserver la distinction entre des contentieux exigeant ou non le ministère d'avocat, tout au moins à ce stade, contentieux par contentieux.

Proposition n° 59 :

Maintenir les règles actuelles, en fonction du type de contentieux, en matière de représentation obligatoire par ministère d'avocat.

Si la question de l'extension de la représentation obligatoire à de nouveaux contentieux mérite sans doute d'être examinée, son impact sur l'accessibilité de la justice, pour des contentieux de la vie courante de faible enjeu financier ou impliquant des personnes vulnérables, ou encore sur le budget de l'aide juridictionnelle, appelle une réflexion autonome que votre mission n'a pas pu engager.

Le regroupement au sein du tribunal de première instance des contentieux actuellement dévolus au tribunal d'instance et au tribunal de grande instance pourrait également être l'occasion d'une réflexion sur la rationalisation et la simplification des modes de saisine du tribunal , en lien avec les enjeux de dématérialisation.

f) Le renforcement de la politique d'accès au droit dans les territoires, corollaire de la création du tribunal de première instance

Votre mission estime que le renforcement de la politique d'accès au droit dans les territoires est un corollaire utile de la création du tribunal de première instance. En effet, la réforme de l'organisation judiciaire proposée pour la première instance étant guidée par le souci d'améliorer la proximité de la justice pour le justiciable, le réseau des structures d'accès au droit, tout comme celui des conciliateurs de justice, doit être pris en compte dans le cadre du nouveau tribunal de première instance , sous l'égide du conseil départemental de l'accès au droit (CDAD), dont la présidence est assurée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et la vice-présidence par le procureur de la République.

Les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD)

La composition et les missions des conseils départementaux d'accès au droit sont déterminées par les articles 54 et suivants de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les conseils départementaux d'accès au droit ont remplacé, en 1998, les conseils départementaux de l'aide juridique, créés en 1991. Ils sont un instrument de politique partenariale en matière d'accès au droit, en particulier à destination des personnes les plus modestes. Ils se sont mis en place progressivement dans quasiment tous les départements.

Les conseils départementaux d'accès au droit sont des groupements d'intérêt public (GIP), composés notamment de représentants de l'État, du département, de l'association départementale des maires, de l'ordre des avocats, de représentants des autres professions juridiques et judiciaires et d'associations oeuvrant dans le domaine de l'accès au droit, de l'aide aux victimes, de la conciliation ou de la médiation.

Le président du conseil départemental d'accès au droit est le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et, depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, le procureur de la République près ce tribunal en assure la vice-présidence, alors qu'il exerçait auparavant la fonction de commissaire du Gouvernement auprès du groupement d'intérêt public - fonction désormais dévolue à un magistrat du siège ou du parquet de la cour d'appel, désigné par les chefs de cour.

Dans chaque département, le conseil départemental d'accès au droit est « chargé de recenser les besoins, de définir une politique locale, de dresser et diffuser l'inventaire de l'ensemble des actions menées » en matière d'accès au droit, « procède à l'évaluation de la qualité et de l'efficacité des dispositifs auxquels il apporte son concours », « peut participer au financement des actions poursuivies » et, depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée, « participe à la mise en oeuvre d'une politique locale de résolution amiable des différends ». À cet effet, le conseil départemental d'accès au droit peut conclure des conventions avec certains de ses membres ou des partenaires extérieurs, notamment les centres communaux d'action sociale (CCAS).

La convention constitutive du groupement d'intérêt public détermine les modalités de participation de ses membres aux activités décidées par le conseil départemental d'accès au droit, par des contributions financières ou des apports de toute nature. Le financement est assuré par les participations de l'État, du département et des autres membres du GIP, les contributions des caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) et des organismes professionnels des autres professions et les subventions des collectivités territoriales ou organismes de sécurité sociale.

Source : commission des lois du Sénat.

Si votre mission est attachée, conformément à son objectif de plus grande proximité de l'institution judiciaire, au renforcement de la politique d'accès au droit dans les territoires , elle tient à rappeler que cette politique relève d'abord de la responsabilité, y compris budgétaire, de l'État . Il ne saurait s'agir, pour l'État, de se décharger sur les collectivités territoriales d'une politique contribuant à une fonction éminemment régalienne.

Ainsi, la politique d'accès au droit, si elle doit bien sûr associer les collectivités territoriales, en particulier les communes et le bloc communal, relève prioritairement de la mobilisation de crédits provenant de l'institution judiciaire. Il convient également de mieux associer les acteurs associatifs, notamment les associations de consommateurs et les associations familiales, qui jouent un rôle important dans l'accès au droit.

Aujourd'hui, la création de maisons de la justice et du droit (MJD), principal outil de l'accès au droit , dépend de facteurs locaux, sans toujours un plan d'ensemble visant à mieux couvrir les territoires. Un effort mérite d'être réalisé en ce sens, en identifiant mieux les territoires pouvant justifier la présence d'une maison de la justice et du droit. Les maisons de la justice et du droit sont au nombre de 137 aujourd'hui en France métropolitaine, inégalement réparties sur le territoire.

Au sein des maisons de la justice et du droit, outre des permanences ou des consultations par des professionnels du droit, en particulier par des avocats, souvent gratuites, ou des associations, peuvent également exercer leurs missions les conciliateurs de justice et les délégués du procureur de la République. À titre d'exemple, lors de son déplacement à Dijon, votre mission a pu apprécier le bon fonctionnement de la maison de la justice et du droit de Chenôve, lequel résulte de la présence d'un personnel judiciaire, en l'espèce une greffière.

À l'instar des chambres détachées, les maisons de la justice et du droit doivent être un véritable relais du tribunal de première instance , à la mesure de leurs missions, dans une logique de proximité, à la condition que la responsabilité de la maison de la justice et du droit soit bien confiée à un greffier 183 ( * ) . De la sorte, les maisons de la justice et du droit pourront être intégrées au service d'accueil unique du justiciable, en accédant à Portalis , au-delà de leurs seules missions actuelles, en développant leurs missions proprement judiciaires. L'implication des maisons de la justice et du droit dans le réseau du tribunal de première instance, pour en devenir de réels points d'accès comme les chambres détachées, exige un soutien budgétaire renforcé de la politique d'accès au droit par le ministère de la justice. Le renforcement des effectifs des greffes, recommandé par votre mission, doit également permettre de contribuer à un meilleur fonctionnement des maisons de la justice et du droit.

Il existe également des points d'accès au droit (PAD), sans personnel judiciaire, fonctionnant avec l'appui des collectivités territoriales. Une telle formule suscite toutefois certaines réserves de la part des acteurs judiciaires, car elle recouvre une grande diversité de réalités, qui peut varier selon l'implication du conseil départemental de l'accès au droit et des acteurs locaux : dans certains cas, le point d'accès au droit peut accueillir des consultations d'avocats ou de conciliateurs de justice, mais dans d'autres uniquement des permanences de bénévoles associatifs.

En tout état de cause, le développement du réseau des maisons de la justice et du droit et points d'accès au droit, à condition d'être correctement conçu, apparaît à votre mission comme un complément utile au tribunal de première instance, pour rapprocher la justice du justiciable. Toutefois, cette politique partenariale entre les acteurs de l'institution judiciaire et les collectivités territoriales ne doit pas conduire l'État à se désengager sur les secondes de sa responsabilité en matière d'accès à la justice.

g) Des perspectives d'évolution pour le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes, en dehors du tribunal de première instance

Parallèlement à ses réflexions sur le tribunal de première instance, votre mission a pu étudier diverses suggestions d'évolution concernant les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes, dont elle a proposé, de façon pragmatique, le maintien de l'autonomie juridictionnelle. À la différence des juridictions prud'homales, la rapidité de traitement des affaires plaide aussi en faveur du maintien des juridictions commerciales en l'état, sans oublier leur gratuité et, bien sûr, la connaissance des enjeux de la vie des affaires par les juges consulaires.

S'agissant des tribunaux de commerce, votre mission relève une relative incohérence dans la répartition des compétences rationae personae entre le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce. En effet, en fonction de leur secteur d'activité, toutes les entreprises ne relèvent pas du tribunal de commerce 184 ( * ) . Celui-ci est compétent pour les personnes ayant le statut de commerçant et les sociétés commerciales 185 ( * ) et pour les artisans 186 ( * ) à compter du 1 er janvier 2022, à l'initiative du Sénat dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. En revanche, le tribunal de grande instance - tribunal de première instance de droit commun - demeure aujourd'hui compétent pour les exploitants agricoles et les professionnels libéraux, à moins qu'ils aient opté pour un statut de société commerciale, ainsi que pour les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique 187 ( * ) .

Alors que les contentieux et les difficultés économiques auxquels peuvent être confrontées les entreprises relevant de la compétence du tribunal de grande instance sont similaires à ceux que peuvent connaître les entreprises relevant du tribunal de commerce, il semblerait pertinent à votre mission que l'ensemble des entreprises, quels que soient leur statut et leur secteur d'activité, relève de la même juridiction , permettant un traitement plus homogène et efficace des affaires, dans une logique de bloc de compétence . Ainsi, un contentieux entre professionnels libéraux ou entre exploitants agricoles, ou encore une procédure de redressement judiciaire concernant ces mêmes entrepreneurs, relèverait du tribunal de commerce.

Par conséquent, le tribunal de commerce deviendrait un véritable tribunal économique ou tribunal des entreprises . À l'inverse, le tribunal de grande instance se trouverait allégé de certaines affaires , correspondant à des contentieux quelque peu accessoires car ils concernent exclusivement des professionnels.

Proposition n° 60 :

Étendre la compétence du tribunal de commerce à l'ensemble des entreprises, pour en faire un réel tribunal économique et recentrer la mission civile du tribunal de première instance, et élargir en conséquence le corps électoral des juges consulaires.

Une telle perspective d'extension de la compétence des tribunaux de commerce exige une concertation préalable approfondie avec les différentes organisations représentant les professions concernées, ainsi, à l'évidence, qu'un élargissement du corps électoral des tribunaux de commerce aux membres de ces professions. Cet élargissement suppose de disposer, pour l'organisation des opérations électorales, de listes fiables des entreprises et entrepreneurs pouvant avoir la qualité d'électeur.

Compte tenu du calendrier de ses travaux, votre mission n'a pas été en mesure d'approfondir davantage cette idée de tribunal économique, aux compétences étendues à tous les acteurs économiques. Toutefois, l'initiative précitée du Sénat, consistant à étendre la compétence et le corps électoral des juges consulaires aux artisans, constitue une étape importante du législateur dans cette direction.

Au surplus, d'autres contentieux de nature uniquement économique et relevant du tribunal de grande instance pourraient être transférés au tribunal de commerce, dès lors qu'aujourd'hui rien ne justifie plus cette compétence du tribunal de grande instance. Il en est ainsi, en particulier, des litiges entre bailleur et preneur en matière de baux commerciaux , ce qui allègerait d'autant la charge contentieuse des tribunaux de grande instance.

Pareille évolution de la compétence des tribunaux de commerce supposerait peut-être de réévaluer le nombre de juges consulaires dans chaque tribunal, dont votre mission rappelle qu'ils sont bénévoles. Elle serait en tout cas cohérente avec le renforcement des obligations de formation et des exigences déontologiques applicables à ces juges non professionnels 188 ( * ) .

S'agissant des conseils de prud'hommes, ainsi que cela a été évoqué devant votre mission par plusieurs membres du Conseil supérieur de la prud'homie, il conviendrait d'envisager la réduction du nombre global de conseillers prud'hommes , qui n'a pas été modifié dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. En effet, dans le cadre de cette réforme, l'engagement politique avait été pris de maintenir inchangé le nombre global de conseillers prud'hommes, ce qui a conduit à une augmentation du nombre moyen de conseillers par conseil de prud'hommes , sans que le nombre d'affaires le justifie pour autant dans toutes les juridictions.

Sans préjudice d'une réflexion sur les moyens de remédier aux longs délais de traitement des affaires prud'homales - laquelle devra intégrer une évaluation des effets de la récente réforme de la procédure prud'homale 189 ( * ) -, lorsque le nombre total d'affaires au sein d'un conseil de prud'hommes ne permet pas à chaque conseiller prud'homme d'en traiter un nombre suffisant pour acquérir une réelle compétence juridictionnelle, la réduction du nombre de conseillers est à envisager, à condition que les délais ne soient pas déjà dégradés, de façon à améliorer la qualité des décisions. À cet égard, le taux d'appel des jugements des conseils de prud'hommes s'élevait au niveau très élevé de 68,3 % en 2014, signe de la situation difficile de ces juridictions.

Une telle perspective suppose un examen au cas par cas , en lien avec le président et le vice-président du conseil de prud'hommes ainsi qu'avec le président du tribunal de grande instance correspondant. En tout état de cause, lors de ses déplacements, votre mission a été alertée sur les difficultés de fonctionnement de très petits conseils de prud'hommes . Une telle problématique peut aussi être appréhendée sous l'angle de la réévaluation de la carte judiciaire, que propose votre mission par ailleurs 190 ( * ) .

Proposition n° 61 :

Réduire le nombre de conseillers prud'hommes dans les conseils de prud'hommes, lorsqu'il n'est pas justifié par un nombre important d'affaires, pour renforcer l'efficacité juridictionnelle et la qualité des décisions, sans dégrader les délais de jugement.

Une telle évolution devrait s'accompagner d'une répartition plus pertinente des conseillers entre les sections du conseil de prud'hommes (agriculture, industrie, commerce, activités diverses et encadrement), pour mieux tenir compte de l'évolution différenciée du nombre d'affaires de chaque section, résultant des évolutions économiques et de l'emploi propre à chaque secteur.

Dans le futur système de désignation comme dans l'ancien système d'élection 191 ( * ) , les conseillers prud'hommes sont affectés dans une section du conseil de prud'hommes. Le code du travail prévoit que le nombre de conseillers par collège dans chaque section est fixé par décret pour chaque conseil de prud'hommes 192 ( * ) , ce qui est une procédure lourde s'agissant de la répartition des juges au sein de la juridiction, à comparer au mécanisme de l'ordonnance annuelle de roulement du président du tribunal de grande instance pour l'affectation des magistrats du siège. Or, selon les informations portées à la connaissance de votre mission, en particulier par les membres du conseil supérieur de la prud'homie, il arrive fréquemment que l'activité contentieuse soit très inégalement répartie entre les sections.

Il serait ainsi utile, pour tenir compte de l'évolution de l'activité de chaque section - laquelle peut être affectée par des tendances de long terme, déjà évoquées, mais également par des contentieux de masse liés au contexte local (fermeture d'un site industriel...) - comme des éventuelles vacances de mandat de conseiller, de permettre le transfert de conseillers prud'homaux d'une section à l'autre de façon permanente .

En l'état du droit, le président du conseil de prud'hommes, après avis conforme du vice-président et avec l'accord du conseiller intéressé, peut affecter un conseiller dans une autre section, pour une durée de six mois renouvelable deux fois, en cas de « difficulté provisoire de fonctionnement d'une section » 193 ( * ) . Il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire, prise par ordonnance non susceptible de recours. Par dérogation, l'article 2 de la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes a permis que ces affectations, tout en restant temporaires, puissent être renouvelées plus de deux fois, de façon transitoire jusqu'au prochain renouvellement général des conseillers prud'hommes. Ce dispositif transitoire a été conçu dans la mesure où le mandat en cours des conseillers prud'hommes a été prorogé de cinq à neuf ans 194 ( * ) - pour avoir le temps de concevoir la réforme de leurs conditions de désignation -, ce qui a accru le nombre des vacances.

Or, les difficultés résultant de la répartition des conseillers entre les sections semblent structurelles, selon les observations exprimées devant votre mission, et sont liées notamment à l'intervention d'un décret. Dans ces conditions, votre mission juge pertinent de prévoir un dispositif permanent d'affectation durable d'un conseiller dans une autre section. Dans la mesure où toutes les sections traitent des mêmes types de litiges, dans des secteurs économiques différents, les compétences juridictionnelles qui sont exigées des conseillers sont similaires dans toutes les sections.

Pareille décision pourrait, par exemple, être prise par le président, après avis conforme du vice-président et accord de l'intéressé, comme c'est déjà le cas, mais également après avis conforme du premier président de la cour d'appel, par exemple, compte tenu du caractère durable de la décision.

Proposition n° 62 :

Revoir la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud'hommes et permettre de la modifier en cours de mandat, pour l'adapter à l'évolution de l'activité contentieuse au sein de chaque section.

3. Réaffirmer le rôle essentiel du juge chargé des contentieux de proximité, en renforçant ses capacités de conciliation

Parallèlement au regroupement des juridictions de première instance, il importe de proposer aux citoyens, selon diverses modalités, une justice de proximité capable de régler les litiges de la vie courante. Les tentatives récurrentes mais peu concluantes ces dernières années de restaurer, sous différentes formes, les justices de paix en sont l'illustration.

La mise en place du tribunal de première instance s'inscrit dans cette perspective, en permettant le traitement de contentieux plus nombreux, et notamment de certains contentieux familiaux, outre le contentieux traité aujourd'hui par le tribunal d'instance, au plus près du justiciable. Ce tribunal devra comporter des juges chargés des litiges de proximité, ayant notamment pour mission de promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges, outils particulièrement adaptés pour traiter les difficultés de la vie courante.

Pour lui permettre de rendre une justice de qualité et éviter qu'il ne se retrouve noyé sous une charge de travail excessive comme le juge d'instance actuellement, ce magistrat chargé des contentieux de proximité devra pouvoir s'appuyer sur une équipe performante, particulièrement compétente dans le domaine de la conciliation.

a) La disparition des justices de paix : un vide qui n'a pu être comblé

Les justices de paix ont été créées par une loi des 16 et 24 août 1790 pour répondre aux cahiers de doléances, rédigés à l'occasion de la réunion des États généraux au printemps 1789. L'objectif de cette loi était de mettre en place une juridiction de proximité ayant son siège au chef-lieu de chaque canton et composée de magistrats présentant des caractéristiques différentes de celles des juges professionnels. Cette justice était gratuite et se caractérisait par une absence de représentation obligatoire par des auxiliaires de justice. Les juges de paix se prononçaient en équité et non en droit.

Les justices de paix avaient une double mission : tenter de concilier les parties et, à défaut, trancher le litige. La loi du 12 juillet 1905 relative aux justices de paix énumérait leurs compétences (contestations entre hôteliers et voyageurs, celles relatives à la correspondance, actions relatives à l'élagage des arbres, etc.). Elles étaient donc chargées de régler les litiges de la vie courante.

Quant aux juges de paix eux-mêmes, l'élection instituée en 1790 a rapidement cédé le pas à la nomination de personnes dotées d'une autorité morale et d'une situation sociale établies. Si, en 1790, l'accès à ces fonctions ne nécessitait aucune qualification juridique particulière, la « judiciarisation » de la société et la complexification des contentieux ont conduit le législateur à exiger, à partir de 1926, une licence en droit, deux années d'activité dans un barreau ou une étude notariale et la réussite à un examen professionnel.

La professionnalisation des juges de paix et le regroupement des justices de paix, débuté en 1929, ont constitué les prémices de la disparition de ces juridictions originales.

En outre, le maillage cantonal s'est révélé inadapté face à l'urbanisation croissante. En 1958, il ne restait plus que 700 juges de paix pour 2 092 cantons, ce qui s'est traduit par un éloignement de la justice de paix pour les justiciables. Par l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation judiciaire, les justices de paix ont été supprimées et remplacées par les tribunaux d'instance 195 ( * ) .

b) L'échec des juridictions de proximité, une répétition de l'histoire

• La création des juridictions de proximité en 2002

Les juridictions de proximité ont été créées par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, complétée par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité et par la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Jusqu'à leur suppression effective, au 1 er juillet 2017, les juridictions de proximité sont localisées au tribunal d'instance. L'article L. 231-2 du code de l'organisation judiciaire dispose qu'« il y a au moins une juridiction de proximité dans le ressort de chaque cour d'appel ». L'accès au juge de proximité est gratuit et l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire.

Comme le juge d'instance, le juge de proximité doit tenter de concilier les parties (article 829 du code de procédure civile). Il peut déléguer cette tentative préalable de conciliation à un conciliateur de justice (article 831 du même code). En cas de succès de la conciliation, il homologue le constat d'accord des parties. Ce n'est qu'en cas d'échec de la conciliation qu'il tranche le litige en droit.

Les compétences et le statut du juge de proximité

Conçue à l'origine comme la juridiction des petits litiges de la vie quotidienne, la juridiction de proximité, qui statue à juge unique, exerce ses compétences tant en matière civile qu'en matière pénale.

Compétences des juges de proximité

Le juge de proximité est ainsi compétent pour trois types de litiges civils :

- les actions personnelles ou mobilières jusqu'à une valeur de 4 000 euros. Il statue alors en dernier ressort et sa décision ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation (articles L. 231-3 et R. 231-3 du code de l'organisation judiciaire) ;

- les demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros. La décision du juge de proximité est alors susceptible d'appel ;

- les injonctions de payer et de faire, pour un montant inférieur à 4 000 euros.

En matière pénale, le juge de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes. Toutefois, le tribunal de police reste compétent pour juger les contraventions de la quatrième classe en cas de diffamation ou d'injure non publique (articles 521 et R. 41-11 du code de procédure pénale).

Les requêtes en validation des compositions pénales peuvent être portées, selon la nature de la contravention, devant la juridiction de proximité. Le président du tribunal de grande instance peut toutefois déléguer au juge de proximité la validation de l'ensemble des compositions pénales contraventionnelles du ressort (article 41-3 du code de procédure pénale).

Enfin, le président du tribunal de grande instance peut désigner des juges de proximité de son ressort pour siéger en qualité d'assesseur au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel.

Statut des juges de proximité

Bien que magistrats non professionnels, les juges de proximité sont nommés pour sept ans par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et sont soumis au statut de la magistrature 196 ( * ) , ils prêtent serment et sont inamovibles.

Ils exercent leur fonction à temps partiel et perçoivent une indemnité de vacation. Ils peuvent poursuivre une activité professionnelle en parallèle, sous certaines conditions.

Ils sont recrutés dans la société civile parmi les praticiens du droit (exercice d'au moins 4 ans d'une profession judiciaire ou 25 ans dans un service juridique d'une administration ou d'une entreprise). Ils peuvent être âgés de 35 à 75 ans.

Ils suivent une formation initiale d'une dizaine de jours à l'École nationale de la magistrature puis réalisent un stage probatoire d'environ un mois avant d'être nommés. Une fois installés, ils doivent suivre une formation continue 197 ( * ) .

• La suppression des juridictions de proximité par la loi du 13 décembre 2011

Les juridictions de proximité ont été supprimées à peine dix ans après leur création par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, même si cette suppression a ensuite été différée au 1 er juillet 2017.

En 2002, notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck et notre regretté collègue Pierre Fauchon, rapporteurs du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, avaient estimé que confier « les petits litiges de la vie quotidienne à des juges non professionnels, dont les qualités humaines et psychologiques seront au moins aussi importantes pour la qualité de leurs décisions que leurs compétences juridiques », serait un « un progrès incontestable » 198 ( * ) . Ils avaient néanmoins relevé que « la création d'un ordre supplémentaire de juridiction de première instance » risquait de « rendre plus complexes encore les règles de [répartition de] compétence entre juridictions ».

En 2008, six ans après la création des juridictions de proximité, le rapport de la commission sur la répartition des contentieux, présidée par M. Serge Guinchard, révélait que les craintes du Sénat s'étaient réalisées. La commission relevait ainsi que « l'institution d'un nouvel ordre de juridiction a considérablement compliqué l'organisation judiciaire en matière civile et conduit à des situations que plusieurs auteurs ont pu qualifier d'ubuesques ou de kafkaïennes, notamment lorsqu'en l'absence de juge de proximité les fonctions de ce dernier sont exercées par le juge d'instance » 199 ( * ) . Elle estimait que ce nouvel ordre de juridiction n'avait pu, « au-delà des qualités humaines des juges de proximité qui le composent, atteindre les objectifs ambitieux qui lui étaient assignés, d'une justice réconciliée avec les usagers ».

Comme pour les juges de paix en leur temps, la technicité des dispositions régissant certains litiges de la vie quotidienne a amené à relever les exigences de qualification des juges de proximité 200 ( * ) , qui n'ont donc pu trouver leur place dans l'organisation judiciaire, réduisant à néant l'ambition d'une justice de proximité qui aurait été fondée sur l'équité.

Enfin, la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, en portant le taux de compétence de la juridiction de proximité en matière civile de 1 500 à 4 000 euros, lui avait confié un contentieux de masse, alors que les juges de proximité devaient, initialement, répondre au besoin de disponibilité et d'écoute des justiciables.

Pour l'ensemble de ces raisons, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 précitée a supprimé les juridictions de proximité. À cette occasion, le Sénat avait plaidé, sans succès, contre la suppression de la compétence civile dévolue aux juges de proximité, estimant que les juges d'instance ne pourraient absorber la charge de ce contentieux, en raison de la faiblesse de leurs effectifs 201 ( * ) .

La suppression des juridictions de proximité devait initialement intervenir au 1 er janvier 2013. À cette date, les juges de proximité, dont la fonction était préservée, devaient être rattachés aux tribunaux de grande instance.

La loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité a repoussé cette suppression au 1 er janvier 2015, puis la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 au 1 er janvier 2017 et, enfin, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle au 1 er juillet 2017, compte tenu de la difficulté de la transition à organiser vers les tribunaux d'instance.

Votre mission regrette cependant que la juridiction de proximité, avant d'être supprimée, n'ait jamais été mise en situation de fonctionner correctement, en raison d'une absence criante de moyens. Le nombre de juges de proximité à recruter avait été évalué à 3 000 magistrats en 2002. Or, aujourd'hui, on en compte seulement 562...

À cela s'ajoute, comme l'ont souligné les représentants des juges de proximité entendus par votre mission, des débuts difficiles pour ces magistrats. De fait, dès l'entrée en vigueur de la réforme, ils ont pris leurs fonctions sans formation appropriée, alors qu'ils avaient à connaître de contentieux parfois très techniques. Par la suite, une formation à l'École nationale de la magistrature a été mise en place, ainsi qu'un stage probatoire de six mois, mais l'image des juges de proximité était irrémédiablement ternie au sein de l'institution judiciaire.

• La fusion des juges de proximité avec les magistrats exerçant à titre temporaire

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature a fusionné le statut des juges de proximité avec celui des magistrats exerçant à titre temporaire.

Pour devenir magistrat exerçant à titre temporaire, les juges de proximité en fonction au 1 er juillet 2017 devront transmettre leur candidature aux chefs de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils résident, qui procèderont à leur instruction.

À compter du 1 er juillet 2017, le contentieux civil traité par les juges de proximité sera transféré , dans sa totalité, aux tribunaux d'instance . Les magistrats à titre temporaire pourront seulement être appelés à siéger au sein de la formation collégiale du tribunal de grande instance. Ils auront en revanche compétence exclusive pour statuer sur toute injonction de payer.

En matière pénale , les magistrats à titre temporaire pourront constituer un tribunal de police pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes, ainsi que sur celles de cinquième classe relevant de la procédure de l'amende forfaitaire 202 ( * ) . Ils pourront aussi statuer sur les ordonnances pénales et valider les compositions pénales.

Quant à leur statut , à compter du 1 er juillet 2017, en tant que magistrat exerçant à titre temporaire, ils seront nommés pour 5 ans après une formation probatoire au sein de l'École nationale de la magistrature. Leur mandat pourra être renouvelé une fois. Le cumul avec une activité professionnelle demeurera permis sous certaines conditions.

Les représentants des juges de proximité, entendus par votre mission, ont regretté cette évolution de leur statut, qui fait disparaître, dans leur titre, toute référence à la proximité.

c) La nécessité de renforcer la justice de proximité : le tribunal d'instance, puis le juge chargé des contentieux de proximité au sein du tribunal de première instance

En 1958, les tribunaux d'instance ont succédé aux juges de paix. Composés de magistrats professionnels, ils sont devenus l'échelon de proximité privilégié. À la suite de la réforme de la carte judiciaire, engagée en 2007 203 ( * ) , plus d'un tiers des tribunaux d'instance ont cependant été supprimés, leur nombre passant de 476 à 307 au 1 er mars 2017.

Le tribunal d'instance est une juridiction facilement accessible. En application de l'article 829 du code de procédure civile, il peut être saisi par assignation, mais également par requête conjointe remise au greffe, par la présentation volontaire des parties devant le juge ou, pour les litiges de moins de 4 000 euros, par une simple déclaration au greffe. L'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire et la procédure, orale, est rapide et peu formaliste.

Comme le soulignait notre regretté collègue Pierre Fauchon en 2002, dans son rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi organique relatif aux juges de proximité, « les tribunaux d'instance ont dû faire face à un encombrement croissant, imputable, d'une part, au développement d'un contentieux de masse 204 ( * ) et, d'autre part, à l'augmentation du ?besoin de justice"» 205 ( * ) .

Votre mission s'est donc trouvée confrontée à une équation difficile à résoudre. Comment renforcer la justice de proximité, assurée par des tribunaux d'instance surchargés et demain par les juges du tribunal de première instance chargés des contentieux de proximité, sans pour autant se heurter aux difficultés rencontrées par les juridictions de proximité ?

Tirant les leçons de l'échec de la mise en place d'un nouvel ordre de juridiction, en parallèle des tribunaux d'instance, elle n'a pas cédé à l'idée de proposer le rétablissement des justices de paix, écartant ainsi une vision empreinte de nostalgie d'une justice de proximité quelque peu idéalisée.

S'appuyant sur la proposition de création du tribunal de première instance, elle s'est employée à doter le futur juge chargé des contentieux de proximité des moyens appropriés pour exercer ses missions.

• Renforcer les effets de l'intervention des conciliateurs, alliés du juge chargé des contentieux de proximité

L'article 128 du code de procédure civile, applicable devant l'ensemble des juridictions, dispose que « les parties peuvent se concilier, d'elles-mêmes ou à l'initiative du juge, tout au long de l'instance ». Lorsque la conciliation intervient à l'initiative du juge, celui-ci peut déléguer sa mission à un conciliateur de justice, en application de l'article 129 du même code.

Cependant, l'essentiel des saisines du conciliateur est d'origine conventionnelle, c'est-à-dire qu'elles émanent des parties elles-mêmes. Seuls 15 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire.

Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations entre propriétaire et locataire et le droit de la consommation.

En 2015, les 1 919 conciliateurs de justice ont été saisis de 122 539 affaires. 72 035 affaires ont été conciliées, soit un taux de réussite d'environ 59 %, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.

Comme l'ont relevé les représentants de Conciliateurs de France, fédération nationale des associations de conciliateurs de justice, ces bons résultats reposent sur le fait que les parties « co-élaborent » une solution à leur litige avec l'aide du conciliateur. La conciliation contribue à régler les difficultés relationnelles de personnes appelées à se revoir.

Même en cas d'échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suivra est facilitée car les différentes demandes auront déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Ce succès est également lié aux conciliateurs eux-mêmes. Pour reprendre les termes utilisés par les représentants de l'Association nationale des juges d'instance, lors de leur audition par votre mission, « le conciliateur de justice, par son implication dans les cantons, qui le conduit à aider les parties à trouver une issue amiable à leur litige, a une fine connaissance des solutions qui peuvent, le plus souvent, satisfaire les justiciables ».

Compte tenu de ces résultats, la loi a prévu certaines hypothèses dans lesquelles la conciliation est obligatoire.

La conciliation comme préalable obligatoire à la saisine du tribunal d'instance

Devant le tribunal d'instance, ou la juridiction de proximité jusqu'au 1 er juillet 2017, lorsque le juge est saisi par voie d'assignation, l'article 829 du code de procédure civile prévoit une tentative de conciliation préalable obligatoire 206 ( * ) . L'article 831 précise que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation ».

En application de cet article, l'obligation de conciliation ne concerne pas les demandes formées par une requête conjointe remise au greffe.

Elle ne s'appliquait pas non plus, jusqu'à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, aux demandes formées par déclaration au greffe, c'est-à-dire aux demandes dont le montant n'excédait pas 4 000 euros.

L'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 a étendu l'obligation de conciliation préalable aux demandes formées par déclaration au greffe 207 ( * ) . Cette tentative de conciliation doit alors être menée par un conciliateur de justice.

La mise en place de l'obligation de tentative de conciliation préalable pour les demandes formées par déclaration au greffe a pour objectif d'alléger la charge de travail des juridictions, lorsque les conciliations aboutissent, puisque les saisines de ces juridictions par déclaration étaient au nombre de 120 647 en 2013, soit 59,2 % de l'activité des juridictions de proximité et 15,98 % de celle des tribunaux d'instance.

Lorsqu'un accord est trouvé dans le cadre de la conciliation, l'une des parties peut soumettre le constat d'accord à l'homologation du juge d'instance afin qu'il lui confère force exécutoire, sauf si l'autre partie s'y oppose 208 ( * ) .

Source : commission des lois du Sénat.

Les conciliateurs ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d'instance.

L'article 2 du décret prévoit que les conciliateurs sont choisis parmi les personnes justifiant d'une expérience juridique d'au moins trois ans, particulièrement qualifiées pour ces fonctions en raison de leurs compétences et de leur activité antérieure. Ils ne sont soumis à aucune obligation spécifique de formation.

Ils sont nommés pour un an par le premier président de la cour d'appel après avis du procureur général. À l'issue de sa première année d'activité, le conciliateur peut, à sa demande, être reconduit dans ses fonctions pour une période renouvelable de cinq ans.

Les conciliateurs exercent leurs fonctions bénévolement et reçoivent un remboursement forfaitaire annuel des frais qu'ils engagent à hauteur de 464 euros. Ce remboursement peut être porté à 928 euros sur autorisation des chefs de cour et sur présentation de justificatifs 209 ( * ) . Cette somme est destinée à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d'affranchissement qu'ils exposent dans l'exercice de leurs fonctions.

La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation ont adhéré à la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.

Lors de l'examen du projet de loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, notre collègue Yves Détraigne, rapporteur de votre commission des lois, avait mis en garde le Gouvernement contre les difficultés que rencontreraient probablement les conciliateurs de justice, compte tenu de leur nombre insuffisant, pour mettre en oeuvre la nouvelle obligation de tentative de conciliation préalable à la saisine du juge d'instance 210 ( * ) .

Les difficultés rencontrées pour recruter un nombre suffisant de conciliateurs

Le dispositif de conciliation préalable obligatoire devant les tribunaux d'instance repose sur un pari risqué : celui de la capacité des conciliateurs de justice d'absorber le surplus d'affaires qui leur seront ainsi confiées.

Bien qu'il ne soit pas aisé de quantifier les effets de cette réforme, l'étude d'impact annexée au projet de loi de modernisation de la justice du XXI e siècle 211 ( * ) , reprenant les travaux de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) 212 ( * ) , faisait état de 45 000 nouvelles demandes venant s'ajouter à la charge de travail actuelle des conciliateurs, ce qui constituait une hausse de leur activité de 33 %.

Les conciliateurs eux-mêmes avaient relevé que, dans certains ressorts, on manquait déjà de conciliateurs et que les candidats pour exercer ces fonctions n'étaient pas nombreux. Cette situation était notamment liée à l'insuffisance du défraiement reçu, qui ne permettait pas de couvrir les frais réellement engagés pour l'exercice de la fonction.

Ce constat était également partagé par l'inspection générale des services judiciaires, qui relevait qu'en 2013, les conciliateurs étaient au nombre de 1 788, soit une moyenne de 3 pour 100 000 habitants, avec une répartition très inégale sur le territoire.

Selon ce rapport, « les acteurs déplor [ent] la difficulté à susciter des vocations pour une fonction exigeante en termes de compétences, sans attrait financier, peu connue et manquant à l'évidence de reconnaissance .

« Aussi, la plupart des candidats, hormis les anciens magistrats, [sont] recrutés grâce à la mobilisation de réseaux de connaissance des conciliateurs en exercice. Ce mode de recrutement ne favoris [e] pas une mixité des profils, alors même que les contentieux exigent des compétences diversifiées .

« (...) En outre, face à ces difficultés de recrutements, l'âge moyen des conciliateurs augment [e]. Quasiment tous les conciliateurs [sont] retraités, en raison de l'investissement exigé par ces fonctions bénévoles. La moyenne d'âge se situe entre 66 et 70 ans, mais 17,5 % des conciliateurs ont plus de 76 ans ».

De plus, avec la généralisation de la tentative de conciliation préalable, se pose la question de la formation des conciliateurs. En effet, si l'École nationale de la magistrature propose un module de formation spécifique pour les conciliateurs, cette formation ne revêt pas un caractère obligatoire. En 2014, 762 conciliateurs de justice ont suivi une ou plusieurs de ces formations de quelques jours. Cette absence de formation peut constituer une difficulté, encore accentuée par la nécessité de recruter de nouveaux conciliateurs pour faire face à l'augmentation de leur activité.

Source : rapport n° 121 (2015-2016) de M. Yves Détraigne,
fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi
portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, pages 35 et s.

Pour renforcer l'équipe entourant le juge d'instance, votre commission s'est inspirée des travaux de la mission d'information de votre commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice, dans son rapport présenté en 2002 : Quels métiers pour quelle justice ? 213 ( * ) Ce rapport proposait, en lieu et place des juges de proximité, nouvel ordre de juridiction autonome, de créer un corps de magistrats non professionnels, les « juges de paix délégués », rattachés au juge d'instance et dotés de pouvoir élargis pour le règlement des conflits en amont d'une procédure judiciaire.

Les accords intervenus par l'entremise des « juges de paix délégués » auraient eu automatiquement force exécutoire.

« En cas de désaccord, et dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure, le juge de paix délégué transmettrait au juge [d'instance en tant que juge] de proximité le constat de désaccord, accompagné de sa proposition de règlement du conflit. Le juge de proximité aurait la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience . (...)

« Le juge de paix délégué ne pourrait donc pas imposer une solution aux parties sans l'aval du juge de proximité. Son autorité serait d'autant plus reconnue que ses propositions de règlement seraient fréquemment validées par le juge de proximité ».

Compte tenu du développement important du rôle des conciliateurs de justice, à travers notamment la mise en place d'une tentative de conciliation obligatoire avant la saisine du juge d'instance, votre mission a choisi de confier les fonctions imaginées pour ce « juge de paix délégué » aux conciliateurs.

En permettant aux conciliateurs , en cas d'échec de la conciliation, de transmettre au juge saisi du litige une proposition de solution , ce dispositif permettrait de mettre à profit le travail objectif réalisé par le conciliateur , qui a rencontré les parties et s'est rendu sur place le cas échéant. Ainsi, le juge n'aurait pas à refaire ce travail.

Cette proposition a trouvé un écho dans les propos tenus par les représentants de l'Association nationale des juges d'instance, lors de leur audition par votre mission. Ceux-ci ont également imaginé permettre aux conciliateurs de recommander une solution au juge, tout en prenant soin de ne pas transmettre d'informations reçues sous le sceau de la confidentialité.

Interrogés sur ce point par votre mission, les représentants des conciliateurs de justice ont également insisté sur la nécessité de ne pas trahir le secret des échanges qui ont lieu au cours de la conciliation, sous peine de fragiliser son efficacité, car le secret est la condition de la confiance. En cas d'échec, ils ne transmettraient au juge qu'une base de solution envisageable, motivée en fait et si possible en droit.

Ainsi, le juge ne s'immiscerait pas dans le processus de conciliation et, bien sûr, garderait entière son indépendance d'analyse.

Selon les représentants de l'Association nationale des juges d'instance, il ne pourrait être envisagé d'aller plus loin en confiant au conciliateur de justice le soin de trancher directement le litige en cas d'échec de la conciliation. Ils ont en effet considéré que s'appuyer sur cette compétence acquise pour lui conférer une mission juridictionnelle constituerait une erreur, dans la mesure où son mode de recrutement et de fonctionnement n'a pas pour effet de lui faire acquérir les compétences juridiques et les garanties constitutionnelles d'indépendance sans lesquelles le juge ne peut rendre de décision. Votre mission partage ce sentiment.

Proposition n° 63 :

Donner force exécutoire aux accords trouvés par les parties dans le cadre de la conciliation préalable à la saisine du juge chargé des contentieux de proximité ou réalisée au cours d'une procédure judiciaire.

En cas de désaccord, et dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, prévoir que le conciliateur transmet au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige, dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation. Cette proposition serait également transmise aux parties pour leur permettre de demander, le cas échéant, à être entendues par le juge.

Le juge aurait alors la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience, à moins que l'une d'entre elles demande à être entendue.

Quant à la capacité pour les conciliateurs d'absorber ce renforcement de leurs compétences, cette proposition ne fait que prolonger une mission qui leur a d'ores et déjà été dévolue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée.

Les questions soulevées à l'occasion de l'examen de ce texte sur la capacité des conciliateurs, de par leur nombre et de par leur qualification, à absorber l'obligation de tentative de conciliation préalable à la saisine du tribunal d'instance sont bien réelles.

Les représentants de l'Association nationale des juges d'instance ont estimé que la réforme envisagée nécessiterait de disposer d'un conciliateur pour 15 000 habitants 214 ( * ) , ce qui supposerait, selon votre mission, de lancer une ambitieuse campagne de recrutements assortie de moyens conséquents.

Votre mission souligne par ailleurs l'importance de disposer d'un maillage territorial serré de conciliateurs de justice. Contrairement à la situation actuelle d'une répartition territoriale très variable 215 ( * ) , les conciliateurs devraient être présents auprès de l'ensemble des juges chargés des contentieux de proximité, en nombre suffisant dans le ressort de chaque tribunal de première instance.

De plus, sans remettre en cause le caractère bénévole des activités des conciliateurs qui, selon eux, constitue un gage de leur indépendance, votre mission estime opportun de prévoir une véritable indemnisation, lorsqu'ils interviennent dans le cadre d'une conciliation judiciaire .

Les représentants des conciliateurs de justice, lors de leur audition par votre mission, ont eu une formule tout à fait parlante à cet égard : les conciliateurs sont les « mécènes » de la justice. Le remboursement des frais qui leur est accordé, malgré sa revalorisation récente, reste bien inférieur au montant des frais réellement engagés. Ils ont souhaité qu'une réflexion soit engagée pour calquer leurs conditions d'exercice sur celles applicables aux délégués du procureur ou aux délégués du Défenseur des droits.

Une telle revalorisation financière aurait probablement pour effet de lever l'un des obstacles au recrutement de nouveaux conciliateurs.

Par ailleurs, votre mission estime urgent de doter les conciliateurs du matériel informatique nécessaire à l'exercice de leurs missions. Il est parfaitement indécent et inéquitable que les conciliateurs fournissent, sur leurs deniers personnels, les ordinateurs et les imprimantes utilisés dans le cadre de leurs fonctions.

Les représentants des conciliateurs ont également estimé nécessaire de disposer d'un socle de formation minimale, permettant d'harmoniser les pratiques et d'actualiser les connaissances.

Proposition n° 64 :

Lancer un ambitieux plan de recrutement de conciliateurs de justice, pour qu'ils soient en nombre suffisant pour accomplir les missions qui leur sont confiées sur l'ensemble du territoire.

Tout en préservant le caractère bénévole de la fonction de conciliateur de justice, les doter des moyens matériels indispensables à l'exercice de leurs missions.

S'appuyer sur les associations de conciliateurs de justice pour inciter les intervenants à suivre les formations initiales et continues d'ores et déjà proposées par l'École nationale de la magistrature.

• Créer des « délégués du juge », placés auprès du juge chargé des contentieux de proximité

À l'heure actuelle, la procédure ordinaire pour saisir le tribunal d'instance (ou la juridiction de proximité) est la demande en justice formée par assignation. L'article 829 du code de procédure civile dispose que cette demande est formée « à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ». Il entre donc dans les fonctions premières du juge d'instance, héritier en cela des anciennes justices de paix, de concilier les parties .

Pour améliorer la mise en oeuvre de cette mission légale de conciliation confiée au juge, à côté du renforcement du rôle des conciliateurs de justice bénévoles, votre mission a imaginé de le doter d'assistants. Évoluant au sein de la juridiction, ces assistants pourraient exercer cette mission de conciliation par délégation du juge, mais aussi proposer la rédaction de projets de jugement , à la suite de l'échec de la conciliation ou pour d'autres contentieux de proximité.

Le recrutement de ces assistants, dénommés « délégués du juge » , se ferait sous le statut des juristes assistants , créé par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle 216 ( * ) .

Pour devenir juriste assistant, le candidat doit justifier :

- d'un diplôme de doctorat en droit ou d'un diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat ;

- de deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique ;

- d'une compétence qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions.

Si ces conditions permettent le recrutement de profils spécialisés, appelés à intervenir auprès des magistrats qui traitent certains contentieux bien spécifiques, elles permettent également de recruter des juristes de terrain, compétents pour connaître des contentieux de proximité, lesquels sont parfois extrêmement techniques.

Les fonctions de « délégués du juge », exercées auprès du juge chargé des contentieux de proximité, pourraient également être proposées aux greffiers , en fin de carrière par exemple, accompagnées d'une revalorisation statutaire adaptée.

En effet, comme l'ont souligné certains de leurs représentants, les greffiers affectés aux tribunaux d'instance sont particulièrement polyvalents et ont une très bonne connaissance des contentieux de proximité. Comme le ministère d'avocat n'y est pas obligatoire, le greffier est déjà en contact direct avec le justiciable.

Ces nouvelles fonctions apporteraient aux greffiers la reconnaissance et le renforcement d'un rôle qu'ils exercent déjà actuellement en matière de conciliation. Lors de leur audition, les représentants de l'Association nationale des juges d'instance ont en effet relevé qu'au sein des tribunaux d'instance, il est fréquent qu'un greffier soit affecté à un service chargé de traiter les demandes d'homologation d'accord et « il est souvent le meilleur connaisseur de la qualité du travail des conciliateurs de son ressort, bien plus que le magistrat coordonnateur des tribunaux d'instance ».

Il ne s'agit pas ici de reprendre le projet de greffier juridictionnel, puisque le « délégué du juge » ne trancherait pas le litige, mais préparerait le jugement.

Par ailleurs, la création de cette nouvelle fonction pourrait permettre de faire face à l'insuffisance du nombre de conciliateurs de justice, compte tenu de l'accroissement de leurs missions.

Enfin, selon votre mission, la création de cette véritable « équipe de conciliation », placée auprès du juge d'instance puis du juge qui aurait la charge des contentieux de proximité au sein du tribunal de première instance, implique de prévoir une coordination efficace des différents acteurs de la conciliation qui interviennent auprès de la juridiction.

Il serait donc pertinent d'envisager de confier cette coordination au juge chargé des contentieux de proximité ou, par délégation du juge, comme l'ont proposé les représentants de l'Association nationale des juges d'instance, à un greffier. À cet égard, votre mission estime que le « délégué du juge », s'il est ancien greffier, aurait le profil parfait pour exercer ces fonctions de coordination.

Proposition n° 65 :

Permettre aux juges chargés des contentieux de proximité d'être assistés de « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants ou issus du corps des greffiers, auxquels ils pourraient confier leur mission de conciliation et, en cas d'échec de celle-ci, qui seraient compétents pour rédiger un projet de jugement. Outre la conciliation, ces « délégués du juge » pourraient intervenir pour réaliser toute autre mission qui leur serait déléguée par le juge.

Proposition n° 66 :

Organiser la coordination des différents acteurs de la conciliation intervenant auprès du juge chargé des contentieux de proximité. Confier ces fonctions au juge lui-même qui pourrait les déléguer, si la juridiction en est dotée, à un « délégué du juge » issu du corps des greffiers.


* 149 Voir infra pages 225 , 106 et 71 .

* 150 Articles L. 231-3 et L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire.

* 151 Articles L. 221-4 et suivants et R. 221-3 et suivants du code de l'organisation judiciaire.

* 152 Article L. 123-3 du code de l'organisation judiciaire.

* 153 Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance . Rapport d'information n° 54 (2013-2014) de Mme Virginie Klès et M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur la justice de première instance, déposé le 9 octobre 2013. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-054-notice.html

* 154 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_Marshall_2013.pdf

* 155 Articles R. 212-3 et R. 212-62 du code de l'organisation judiciaire.

* 156 Article R. 222-39 du code de l'organisation judiciaire.

* 157 Commandée par Mme Christiane Taubira, alors garde des sceaux, cette mission visait à étudier la situation du ressort de 8 des 22 tribunaux de grande instance supprimés dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire de 2008, dont l'application s'est échelonnée entre janvier 2009 et janvier 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_1_Rapport_Dael_missioncartejudiciaire_2013.pdf

* 158 Voir supra page 79 .

* 159 Voir supra page 76 .

* 160 Voir infra page 198 .

* 161 L'organisation judiciaire française, en 1958, reposait encore sur le schéma mis en place lors de la période révolutionnaire. La loi des 16 et 24 août 1790 avait créé les justices de paix et les tribunaux de district, ceux-ci ayant été scindés entre tribunaux de première instance et tribunaux d'appel par la réforme judiciaire opérée par la loi du 27 ventôse an VIII (18 mars 1800).

* 162 En application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 163 Article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 164 Article R. 222-1 du code de l'organisation judiciaire. Le juge-directeur est soit le magistrat le plus gradé du tribunal d'instance soit, à défaut, un magistrat du tribunal d'instance nommé par le président du tribunal de grande instance.

* 165 Hormis le rôle du juge départiteur dans la procédure prud'homale et la place du parquet dans les procédures collectives devant les tribunaux de commerce.

* 166 Voir note précédente.

* 167 Entrée en vigueur le 1 er décembre 1967, la loi n° 65-1002 du 30 novembre 1965 portant réforme des greffes des juridictions civiles et pénales et supprimant la vénalité des charges avait prévu une période transitoire de dix ans au cours de laquelle ont coexisté des fonctionnaires des greffes et des officiers publics et ministériels dans les juridictions. Par ailleurs, la loi n° 79-44 du 18 janvier 1979 a transformé les personnels des greffes des conseils de prud'hommes, fonctionnaires départementaux depuis 1946, en fonctionnaires de l'État.

* 168 Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Mata-Utu (Wallis-et-Futuna), Papeete (Polynésie française) et Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon).

* 169 Il existe deux tribunaux de grande instance en Guadeloupe et deux tribunaux de grande instance à La Réunion. Le tribunal de grande instance de Basse-Terre, compétent pour les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, régies par l'article 74 de la Constitution, comporte une chambre détachée à Saint-Martin.

* 170 Voir supra page 150 .

* 171 Hors particularités de l'organisation judiciaire des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, il existe à ce jour six chambres détachées d'un tribunal de grande instance, dont deux outre-mer :

- Dole, chambre détachée du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier ;

- Guingamp, chambre détachée du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.

- Marmande, chambre détachée du tribunal de grande instance d'Agen ;

- Millau, chambre détachée du tribunal de grande instance de Rodez ;

- Saint-Laurent-du-Maroni, chambre détachée du tribunal de grande instance de Cayenne ;

- Saint-Martin, chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre.

* 172 Articles R. 212-20 et R. 212-21 du code de l'organisation judiciaire.

* 173 Article R. 212-18 du code de l'organisation judiciaire.

* 174 Voir notamment Conseil constitutionnel, décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (cons. 15).

* 175 Voir notamment Conseil constitutionnel, décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (cons. 24).

* 176 Voir supra page 65 .

* 177 Article L. 123-3 du code de l'organisation judiciaire :

« Il est institué un service d'accueil unique du justiciable dont la compétence s'étend au-delà de celle de la juridiction où il est implanté. Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures. »

* 178 20 millions d'euros ont été dédiés à des travaux à cette fin en 2016.

* 179 Article 48-1 du code de procédure pénale.

* 180 Articles L. 121-3 et R. 121-1 du code de l'organisation judiciaire.

* 181 Article R. 212-20 du code de l'organisation judiciaire.

* 182 Contentieux de l'expropriation, pension alimentaire, référé...

* 183 Des maisons de la justice et du droit dites de nouvelle génération, à partir de 2008, ont pu être créées sans affectation d'un personnel judiciaire.

* 184 Voir, à titre d'illustration, le premier alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce :

« Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas. »

* 185 Personnes inscrites au registre du commerce et des sociétés, tenu par les greffes des tribunaux de commerce. Les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des litiges entre commerçants ou entre sociétés commerciales et des litiges relatifs aux actes de commerce (article L. 721-3 du code de commerce) ainsi que des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises commerciales et artisanales (livre VI du code de commerce).

* 186 Personnes inscrites au répertoire des métiers, tenu par les chambres de métiers et de l'artisanat. Il s'agissait d'une mise en cohérence, car les tribunaux de commerce étaient déjà compétents pour la prévention et le traitement des difficultés des entreprises artisanales, mais pas leur contentieux.

* 187 Associations, fondations, coopératives, etc.

* 188 En application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 189 La réforme de la procédure devant les conseils de prud'hommes résulte de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (articles 258 et 259) et du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail.

* 190 Voir infra page 208 .

* 191 À compter du prochain renouvellement des conseillers prud'hommes, à la fin de l'année 2017, pour un début de mandat en janvier 2018, les conseillers prud'hommes salariés et employeurs ne seront plus élus pour cinq ans, mais désignés pour quatre ans sur proposition des organisations syndicales représentatives.

* 192 Article L. 1423-2 du code du travail.

* 193 Article L. 1423-10 du code du travail.

* 194 Les dernières élections prud'homales ont eu lieu en 2008.

* 195 Voir supra page 147 .

* 196 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 197 La formation initiale des juges de proximité comprend d'une part, lors du recrutement, 2 jours d'information et de formation à Paris, suivis de 10 jours de formation à l'École nationale de la magistrature (ENM) à Paris, d'autre part un stage probatoire en juridiction de 25 ou 35 jours selon le choix du Conseil supérieur de la magistrature, ou un stage préalable en juridiction, non probatoire, de 25 jours. La formation continue, réformée par le décret n° 2007-17 du 4 janvier 2007, est obligatoire pour tout juge de proximité en exercice, à raison de 5 jours par an pendant les trois premières années, et comprend un total maximum de 35 jours sur la durée des fonctions.

* 198 Rapport n° 370 (2001-2002), fait au nom de la commission des lois par MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, pages 14 et 15. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l01-370/l01-3701.pdf

* 199 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, commission sur la répartition des contentieux présidée par M. Serge Guinchard , page 204. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fsr/var/storage/rapports-publics/084000392.pdf

* 200 Dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le Conseil constitutionnel avait estimé que les dispositions relatives aux juges de proximité ne pourraient entrer en application qu'après la promulgation d'une loi statutaire apportant les garanties d'indépendance et de capacité appropriées à l'exercice des fonctions juridictionnelles qui leur étaient confiées par la loi déférée.

Dans sa décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 sur la loi organique relative aux juges de proximité, il avait émis une réserve d'interprétation selon laquelle la compétence juridique et l'aptitude à juger des candidats aux fonctions de juge de proximité devraient être strictement appréciées et les places prévues chaque année non nécessairement pourvues en totalité. Il avait ensuite censuré une disposition, estimant que le législateur avait commis une erreur manifeste d'appréciation, en permettant aux anciens responsables de services administratifs, économiques ou sociaux justifiant de 25 ans dans des fonctions d'encadrement de se porter candidats aux fonctions de juge de proximité sans exiger de connaissances ou d'expérience juridiques.

* 201 Selon les données fournies par l'Association nationale des juges d'instance à Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la justice du projet de loi de finances pour 2012, le coût du transfert du contentieux civil vers les juges d'instance représentait 109 équivalents temps plein de magistrats. Rapport pour avis n° 112 (2011-2012) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois, sur les crédits dédiés à la justice et à l'accès au droit du projet de loi de finances pour 2012, déposé le 17 novembre 2011, page 63. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-112-13/a11-112-131.pdf

* 202 Article 523 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 203 Voir infra page 209 .

* 204 Par exemple dans le domaine de la consommation (crédit, surendettement, etc.) ou en matière de litiges locatifs.

* 205 Rapport n° 404 (2001-2002) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif aux juges de proximité, déposé le 25 septembre 2002, pages 10 et 11. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l01-404/l01-4041.pdf

* 206 Cet article dispose en effet que « la demande en justice est formée par assignation à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ».

* 207 L'article 4 a prévu trois exceptions à cette obligation : si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord, si les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, si l'absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime.

* 208 Articles 833 et 1541 du code de procédure civile.

* 209 Ce remboursement a été revalorisé par un arrêté du 21 décembre 2016 relatif à l'indemnité forfaitaire destinée à couvrir les menues dépenses des conciliateurs de justice. Il était précédemment de 232 euros et pouvait atteindre 458 euros.

* 210 Rapport n° 121 (2015-2016) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, déposé le 28 octobre 2015, pages 34 et suivantes. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l15-121/l15-1211.pdf

* 211 Étude d'impact annexée au projet de loi, pages 46 et 47.

* 212 Rapport n° 22-15, avril 2015, de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) sur le développement des modes amiables de règlement des différends, réalisé avec l'appui du secrétariat général à la modernisation de l'action publique, page 27. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/2015_THEM_Rapport_definitif_reglement_conflits.pdf

* 213 Quels métiers pour quelle justice ? Rapport d'information n° 345 (2001-2002) de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois, sur l'évolution des métiers de la justice, déposé le 3 juillet 2002, pages 201 et 202. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-3451.pdf

* 214 Il y a aujourd'hui en moyenne, trois conciliateurs pour 100 000 habitants.

* 215 Rapport n° 121 (2015-2016) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, déposé le 28 octobre 2015, page 36. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l15-121/l15-1211.pdf

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