LA PLACE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, SOURCE D'INQUIÉTUDES QUANT À LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DU PLAN D'INVESTISSEMENT

La place que prendront les collectivités territoriales dans la réalisation du plan d'investissement, en particulier dans l'identification, le financement et la conduite des projets, est importante à au moins deux titres :

- en premier lieu, elle contribuera à garantir la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne, le plan d'investissement présentant aussi un enjeu d'aménagement du territoire ;

- en second lieu, elle renforcera la capacité à atteindre les objectifs du plan d'investissement et donc son succès.

Or, le contexte est marqué par un recul sensible de l'investissement local en France . La Cour des comptes, dans le troisième rapport qu'elle consacre aux finances publiques locales 13 ( * ) , présenté le 13 octobre dernier, rappelle que les collectivités locales assurent 58 % de l'investissement public, dont l'évolution est un enjeu à la fois macroéconomique et de développement local. Alors que les dotations financières de l'État diminuent de façon importante (10,75 milliards d'euros sur trois ans), les dépenses d'investissement locales ont diminué, entre 2013 et 2014, de 9,2 %, et de 14,1 % pour les seules communes. Il est probable, selon la Cour, que cette situation soit appelée à perdurer : « Le recul de l'investissement local paraît devoir accompagner la baisse de la DGF jusqu'en 2017 ». La Cour des comptes considère que, dans un tel contexte, « la sélection des investissements locaux doit être renforcée, en généralisant leur programmation pluriannuelle et en introduisant l'évaluation de leur utilité socio-économique ». Vos rapporteurs estiment que le plan d'investissement pour l'Europe, en finançant des projets soutenant l'investissement local, pourrait contribuer à la réalisation de ces objectifs .

Toutefois, les interrogations initiales que vos rapporteurs avaient soulevées demeurent, en ce qui concerne tant l'adaptation du plan d'investissement aux besoins des collectivités territoriales que le niveau et les modalités de leur association à sa mise en oeuvre.

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE QUI RÉPOND IMPARFAITEMENT AUX BESOINS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les modalités de financement du Plan d'investissement pour l'Europe privilégient des prêts, des instruments relevant du marché des capitaux et des garanties et contre-garanties destinés à mobiliser, grâce à un effet de levier, des fonds privés, et excluent les subventions.

Or, ce modèle économique n'apparait pas répondre, ou alors très imparfaitement, aux besoins des collectivités territoriales. Celles-ci ont l'habitude de bénéficier de subventions publiques, au niveau tant national qu'européen, les fonds structurels et d'investissement européens répondant également à cette logique de subventions. C'est pourquoi le modèle économique du plan d'investissement n'est guère adapté a priori au financement des investissements locaux, le plus souvent assuré au moyen de subventions.

Cette situation pose problème car les secteurs visés par le FEIS, en particulier les infrastructures de transport, requièrent généralement des subventions. Leur rentabilité n'est en effet atteinte que sur le long terme et n'intéresse guère en premier lieu les investisseurs privés. C'est particulièrement le cas en France où la plupart des investissements sont initiés par les collectivités territoriales. Comme s'en étaient déjà inquiétés vos rapporteurs, le FEIS pourrait alors rencontrer des difficultés pour trouver suffisamment de projets éligibles au plan d'investissement, ce qui risquerait de compromettre la réalisation de ses objectifs.

Par ailleurs, un problème de communication trouvant sa source dans des discours excessivement optimistes de la Commission européenne doit être mentionné. Le plan d'investissement a pu être ressenti ou interprété initialement par les collectivités territoriales comme un dispositif de subvention supplémentaire, ce qui a d'abord suscité un certain enthousiasme. Incompréhension ou mauvaise interprétation, toujours est-il que le retour à la réalité a engendré de la déception, voire, aujourd'hui, de l'indifférence de la part des instances locales.

Pourtant, le Plan d'investissement pour l'Europe présente des opportunités réelles pour les collectivités territoriales . Tout d'abord, il convient de rappeler que son but est d'augmenter le volume des investissements en Europe. Cela s'appuie sur deux leviers : permettre à la BEI et au FEI d'accroître le nombre d'opérations qu'ils faisaient déjà ; accorder un financement à des projets plus risqués financièrement mais intéressant directement les collectivités territoriales . Les projets seront toujours à adresser à la BEI qui, lors de l'instruction du dossier, proposera son éligibilité à la garantie du FEIS. Les collectivités territoriales ne changent donc pas d'interlocuteur en Europe : la BEI reste l'interlocuteur central du dispositif .

Ensuite, il convient de souligner que la souplesse du dispositif permet aux collectivités territoriales qui bénéficient des subventions reçues au titre de la politique de cohésion, c'est-à-dire les régions, d'investir dans des projets éligibles au FEIS . Cela impliquera de leur part deux évolutions : il faudra désormais monter des dossiers plus complexes que par le passé ; surtout, il importera de sortir d'une logique dite de subvention pour porter des projets d'investissement rentables à long terme.

Toutefois, des inquiétudes avaient pu apparaître sur les conséquences que les modalités de financement du plan d'investissement auraient pu avoir sur la préservation des fonds structurels. Il existe aujourd'hui plutôt une confusion entre les projets relevant de la politique de cohésion et ceux qui pourraient être financés par le FEIS. Il paraît nécessaire de la dissiper et d'obtenir à cette fin des informations claires de la Commission européenne. Une brochure présentant la complémentarité des différents fonds européens avec le fonds d'investissement stratégique devrait paraître au début de l'année 2016 .

Enfin, et d'une manière plus générale, l'exemplarité des premiers projets pourrait s'avérer déterminante et constituer en soi un véritable effet de levier . Dans la mesure où beaucoup (acteurs publics et privés) ne savent pas ce que sont ces projets qui étaient refusés hier et qui seront adoptés aujourd'hui et demain, le financement des premiers projets soumis pourrait avoir un effet d'entraînement et d'émulation non négligeable sur l'ensemble du territoire européen. Il importe donc d'assurer une bonne communication autour de ces opérations.


* 13 Cour des comptes ; Les finances publiques locales - Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; octobre 2015.

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