II. L'AMPLEUR CROISSANTE DU RESTE À CHARGE PESANT SUR LES DÉPARTEMENTS DU FAIT DES DÉPENSES DE SOLIDARITÉ A ÉTÉ RECONNUE PAR LE GOUVERNEMENT, ET A CONDUIT À UN ACCORD LE 16 JUILLET 2013

A. LE CONTENU DE L'ACCORD

Le groupe de travail Etat/départements installé par le Premier ministre le 28 janvier 2013 s'est accordé sur le montant annuel des dépenses des départements découlant des trois allocations personnelles de solidarité, évalué à 15 milliards d'euros , et sur un « constat partagé » chiffrant à 4,6 milliards d'euros par an le manque à gagner des conseils généraux a u regard des compensations accordées par l'Etat.

L'accord conclu le 16 juillet 2013 accorde aux départements environ 2,2 milliards d'euros supplémentaires par an pour financer les dépenses de solidarité à compter de 2014 .

Cette somme se compose de :

- 827 millions d'euros prélevés sur les frais de gestion pris par le MINEFI pour assurer la collecte de la taxe sur le foncier bâti ;

- 1,3 milliard d'euros potentiellement attendus du relèvement du taux plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 à 4,5 %.

Par ailleurs, le Premier ministre a déclaré que la totalité du RSA devrait relever de la « solidarité nationale » d'ici la fin du quinquennat en cours, sans pour autant donner de calendrier.

Il a également annoncé, le 1 er septembre 2013, un relèvement de 2% par an du RSA jusqu'en 2017 avec effet immédiat.

L'analyse de cet accord par l'Assemblée des départements de France est la suivante :

Application de l'accord du 16 juillet 2013
sur le financement des allocations individuelles de solidarité

Le cadre de l'accord

La déclaration de l'Elysée du 22 octobre 2012 dernier a acté un premier engagement fixant l'objectif pour l'Etat de créer les conditions de mise en place, à compter de 2014, des ressources pérennes et suffisantes permettant aux départements de faire face au financement des trois allocations individuelles de solidarité.

Sur un cumul de dépenses qui, de 2002 à 2012 s'élève à 112 milliards d'euros, le reste à charge pour les départements s'établit en effet, pour cette période, à plus de 40 milliards d'euros, c'est-à-dire, pour 2012, 6,3 milliards d'euros (estimation basse) sur 15,6 milliards d'euros de dépenses annuelles, soumettant la situation financière des départements à un effet de ciseaux inexorable.

Suite à cet engagement - et après une phase de travail en commun jamais observée par le passé -, l'accord de Matignon du 16 juillet dernier a permis d'apporter une première réponse significative à ce problème en période de crise financière et de restrictions des dépenses publiques.

L'accord est articulé autour de principes forts :

- un dispositif qui s'étale sur les années 2014 et 2015 et qui fera l'objet d'un bilan fin 2015 ;

- un dispositif, destiné à prendre en compte les décalages financiers des trois allocations (RSA, APA, PCH), qui s'attache à régler notamment la question du financement du RSA (allocation de solidarité nationale pour laquelle les départements ne disposent d'aucune marge de manoeuvre de décision, et dont le montant est/sera revalorisé afin de tenir compte du plan de lutte contre la pauvreté et l'exclusion). Les conditions d'évolution de l'APA ayant vocation à être examinées en complément dans le cadre de la loi sur l'autonomie ;

- la finalisation annoncée d'un accord-cadre précisant, de manière détaillée, les engagements réciproques de l'Etat et des départements.

Le dispositif financier repose, quant à lui, sur deux composantes :

- un fonds de compensation péréquée abondé par le transfert des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), soit environ 827 millions d'euros pour cette année. Ce fonds doit « contribuer à garantir à l'ensemble des conseils généraux un meilleur financement » des trois AIS ;

- le relèvement possible du taux des DMTO en 2014 et 2015 à hauteur maximale de 4,50% au lieu de 3,80% qui aujourd'hui est le taux qui s'applique par défaut, tous les départements ayant atteint ce seuil.

Il convient de rappeler à cet égard que l'objectif des départements dans le cadre de ce dispositif n'était pas de gagner en autonomie fiscale mais bien d'obtenir par quelques moyens que ce soit une couverture financière des allocations supérieure à l'actuelle.

Le montant potentiel des deux parties du dispositif s'élève environ à 2,127 milliards d'euros (827 millions d'euros pour les frais de gestion et 1,3 milliard d'euros - sans doute un peu moins). Ce montant potentiel est bien entendu très en-deçà des sommes restant à la charge des départements au titre des allocations. Il représente un peu moins du tiers du reste à charge annuel (2,1 milliards d'euros/6,2 milliards d'euros : 33%), le seul montant des 827 millions d'euros couvrant, quant à lui, 13,5 % de ce reste à charge.

Il est donc essentiel que ce montant global soit le plus possible la référence de compensation, sauf à vider l'accord de son contenu et ne le limiter qu'au seul transfert des frais de gestion de la taxe foncière.

La mise en oeuvre de l'accord

Les axes directeurs

Deux principes ont rapidement prévalu parmi les présidentes et présidents de conseils généraux :

- d'une part le souhait que le montant potentiel maximal (2,13 milliards d'euros) soit bien le montant de référence.

En effet, l'acceptation politique de cet accord dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité, qui soustrait par ailleurs 476 millions d'euros par an au titre de la baisse des dotations d'Etat, suppose que le montant total attribué soit significatif eu égard aux enjeux et alors que les attributions du fonds de soutien 1 ere et seconde parts (170 millions d'euros) disparaissent ;

- d'autre part, que soit intégré dans un fonds spécifique et unique , alimenté par les 827 millions d'euros, la totalité du produit issu du déplafonnement des DMTO (1,3 milliard d'euros), donnant lieu à une répartition péréquée entre départements.

Dans cette hypothèse, le déplafonnement du taux de DMTO de 3,8% à 4,5% ne passe donc pas par une décision individuelle et c'est bien un fonds spécifique qui donne lieu à répartition péréquée.

Cette position est justifiée par plusieurs constats :

- tout d'abord, le fait que 15 départements concentrent aujourd'hui 50 % des DMTO. De leur volonté d'augmenter leur taux dépend donc l'opérationnalité du dispositif quelle que soient les modalités choisies (fonds DMTO ou fonds spécifique) ; or, pour différentes raisons, plusieurs départements pourraient ne pas procéder à cette augmentation se privant de ressources supplémentaires mais privant aussi un levier de compensation possible ;

- ensuite, même s'ils procédaient tous à cette augmentation, en raison même des potentialités de ressources très inégales par cette voie entre départements (rapport de 1 à 20), le niveau de recettes fiscales supplémentaires serait inversement proportionnel au reste à charge, accroissant encore les inégalités entre départements ;

- enfin, en raison de la faible capacité redistributive du fonds actuel de péréquation DMTO, comme le groupe de travail de l'ADF consacré au potentiel fiscal et financier a pu le montrer.

Ce constat provient de plusieurs défauts, dont le principal est l'existence de plafonds qui limitent de fait la somme à redistribuer. Considérant que 15 départements concentrent 50% du produit, soit 3,4 milliards d'euros en 2012, on comprend que la redistribution de 339 millions d'euros (fonds 2013) n'a que peu d'impact sur la correction de l'inégale distribution géographique de cette recette.

Par conséquent, avec un tel mode de fonctionnement, seulement 14 à 16% des nouvelles recettes provenant du déplafonnement donnerait lieu à péréquation en 2015 alors que l'on observe une corrélation négative entre le reste à charge et les DMTO. Ainsi, pour 2015 et 2016, le fonds de péréquation DMTO corrigera pour moins du quart (globalement) l'effet de localisation potentiel du nouveau levier fiscal attribué aux départements.

Le constat est donc clair : faire reposer la majeure partie de la compensation (partielle) des allocations de solidarité sur le total libre choix des départements et dans le cadre du fonds de péréquation actuel revient à permettre à certains d'entre eux de creuser l'écart avec les plus pauvres pour autant soumis à des restes à charge importants.

Les modalités

Pour éliminer les dysfonctionnements, il est essentiel tout d'abord que le différentiel de 0,7 point (entre 3,8 % et 4,5%) soit garanti.

L'ADF préconise un prélèvement budgétaire enlevant à chaque département le produit que représente la multiplication de son assiette de DMTO par un taux de 0,7%. Chaque département désireux de retrouver tout ou partie du produit ainsi perdu pourrait prendre une délibération d'augmenter son taux dans la limite de 4,5%.

Dans ce cadre, une répartition de ce fonds doit être établie selon des modalités faisant consensus au niveau des départements et de l'Etat.

L'ADF propose à cet égard une simulation reposant sur des principes simples et péréquateurs partant du reste à charge pour chaque département avec une prise en compte plus importante du RSA et une pondération issue du nouveau potentiel fiscal défini par l'ADF. Il est à noter que toute simulation issue de ces principes convient quel que soit le montant du fonds (827 millions d'euros et 2,1 milliards d'euros).

La loi de finances

Le PLF prévoit l'intégration de l'accord AIS en deux parties : le transfert des frais de gestion de la taxe foncière aux départements (A 26), et le déplafonnement des DMTO en partie dépenses (A 58).

L'ADF demande donc que les principes qu'elle pose soient examinés à l'occasion de l'examen de l'article 58.

Page mise à jour le

Partager cette page