B. LES TRAVAUX DU COMITÉ CONSTANS

Le comité chargé de préfigurer le registre - dit « comité Constans », du nom de M. Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), chargé d'en assurer la présidence - a rendu ses conclusions en juillet 2011 au terme de plusieurs mois de travaux.

1. La méthode de travail et les priorités
a) Une étude de 117 pages élaborée en dix mois

Le comité, dont la composition a été fixée par décret, était composé de 17 membres 23 ( * ) :

- M. Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier ;

- un député (Mme Arlette Grosskost) ;

- un sénateur (M. Philippe Dominati) ;

- un représentant du ministre chargé de l'économie ;

- un représentant de la Banque de France ;

- un membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;

- quatre représentants des établissements de crédit ;

- deux représentants des associations de consommateurs ;

- deux représentants des associations familiales ;

- un représentant d'un organisme accordant des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises ;

- un représentant d'une association intervenant dans le domaine de la lutte contre l'exclusion et de l'insertion sociale ;

- un représentant du secteur du commerce de détail.

Entre septembre 2010 et juin 2011, treize réunions plénières du comité ont eu lieu. Parallèlement, deux groupes de travail ont été institués au sein du comité et se sont réunis chacun à seize reprises : l'un consacré à la protection des données et droits d'accès et de rectification, piloté par la CNIL, l'autre chargé d'étudier les aspects techniques du fichier, piloté par la Banque de France.

Le rapport du comité Constans étudie successivement les différentes hypothèses concernant :

- l'identification des personnes enregistrées ;

- la nature des informations inscrites dans le registre ;

- l'amélioration des données négatives et l'avenir du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ;

- les conditions d'accès des établissements de crédit et d'autres organismes ;

- la traçabilité et la conservation des données ;

- l'exercice des droits d'information, d'accès et de rectification par les consommateurs ;

- les coûts et la tarification du registre ;

- les modalités de déclaration et de consultation des informations ;

- les aspects de droit communautaires ;

- la gouvernance, les voies recours, le contrôle et les sanctions ;

- le fonctionnement et la gestion du registre ;

- les modalités et les délais de mise en place du registre.

b) La priorité : un fichier simple et opérationnel

Conformément à la mission définie par la « loi Lagarde », le comité, sans se prononcer sur l'opportunité d'un « fichier positif » en France, s'est attaché à « préciser les conditions auxquelles un registre national des crédits pourrait répondre à sa finalité de prévention du surendettement et de meilleure information des prêteurs sur la solvabilité des emprunteurs » 24 ( * ) .

Soulignant le risque, qu'il estimait bien réel, de construire une « usine à gaz » dans ce domaine, M. Emmanuel Constans a affirmé, à l'occasion des rencontres de l'Association française des Sociétés Financières (ASF), en novembre 2011, que le comité de préfiguration avait respecté son objectif premier : « faire simple ».

Toujours à l'occasion des rencontres de l'ASF, M. Constans a précisé que les propositions formulées dans le rapport comportaient des limitations, la principale étant celle concernant le nombre de données enregistrées dans le fichier, jugée indispensable selon lui.

L'enjeu étant de déterminer un identifiant efficace et opérationnel , le comité Constans a estimé que la solution à privilégier était celle d'un identifiant sécurisé dérivé du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR, plus connu sous la dénomination de « numéro Insee » ou numéro de sécurité sociale). M. Emmanuel Constans a reconnu que cette solution était critiquée, mais a souligné qu'elle permettait d'éviter les erreurs. Parallèlement, la protection des données personnelles a été un souci permanent du comité, la France attachant une importance particulière à cette garantie de liberté individuelle.

Synthèse du rapport du comité chargé de préfigurer
la création d'un registre national des crédits aux particuliers

Le comité préconise que le registre des crédits présente les principales caractéristiques suivantes :

- un système d'identification au sein du registre des crédits reposant sur la création d'un identifiant sécurisé dérivé du NIR ;

- l'enregistrement des seules données relatives aux crédits consentis par les établissements de crédit et les organismes de microcrédit habilités, à l'exclusion des autres dettes et charges et des autorisations de découvert remboursables dans un délai inférieur à trois mois ;

- l'enregistrement des informations relatives aux crédits suivantes :

Informations générales enregistrées pour toutes les catégories de crédit :


• informations permettant d'identifier le crédit : numéro de référence du crédit au sein de l'établissement de crédit, nom et code de l'établissement, code guichet concerné ;


• catégorie de crédit : prêt personnel, crédit renouvelable, prêt affecté ou lié, autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à trois mois, crédits immobiliers ou regroupements de crédits ;


• date de la dernière mise à jour effectuée pour chaque crédit.

Les éléments permettant d'identifier l'établissement prêteur ne seront pas restitués lors des consultations.

Informations enregistrées concernant chaque crédit amortissable : montant emprunté et date de la dernière échéance.

Informations enregistrées concernant chaque crédit renouvelable : montant du plafond de l'autorisation consenti et activité ou inactivité du crédit.

Informations enregistrées pour chaque autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à trois mois : montant de l'autorisation consentie.

- une restitution des données lors des consultations du registre sur une base agrégée et non détaillée « ligne de crédit par ligne de crédit » ;

- la mise en place d'une certaine profondeur historique des données permettant de suivre l'évolution de la situation de la personne concernée au cours d'une période de quelques mois précédant la date de la consultation ;

- s'agissant de la situation personnelle, l'enregistrement des données d'état civil suivantes : nom de famille, nom d'usage, prénom(s), date et lieu de naissance, sexe ;

- une amélioration des données négatives recensées actuellement dans le FICP :


• afin de compléter les informations actuelles concernant les incidents de paiement constituant des signaux d'alerte sur une dégradation de la situation financière ;


• afin de permettre de différencier les personnes qui sont inscrites pour un incident de paiement ponctuel ou qui sont à l'origine d'impayés répétés ;


• en mettant en place une profondeur historique pour les informations négatives.

- la mise en place à terme d'un fichier unique, qui comporterait un module spécifique pour les informations négatives, et la suppression à terme du FICP ;

- l'autorisation de consulter les données positives et négatives du registre des crédits par les établissements de crédit uniquement avant l'octroi d'un crédit, cette consultation préalable étant obligatoire pour l'ensemble des crédits ;

- la traçabilité aux fins de preuve, permettant aux établissements de crédit de prouver qu'ils ont bien rempli leurs obligations de consultation du registre, assurée par les établissements de crédits ;

- la traçabilité aux fins de contrôle, qui a pour objectif de permettre, outre la bonne gestion du registre, le contrôle du respect de ses finalités, assurée par la Banque de France ;

- la délivrance de l'information aux personnes concernées requise par la loi « Informatique et Libertés » au même moment que l'information précontractuelle fournie préalablement à la conclusion du contrat de crédit ;

- la mise en place et le développement privilégié d'une modalité d'exercice par internet du droit d'accès des personnes aux données les concernant ;

- la création d'un comité de gouvernance du registre , présidé par le Gouverneur de la Banque de France, et composé de représentants de toutes les parties prenantes (établissements de crédit, associations familiales et de consommateurs notamment).

Le comité a estimé qu'un délai de mise en oeuvre technique d'environ 24 mois serait nécessaire à compter de l'adoption de la loi et de la fourniture d'un cahier des charges détaillé . Au-delà de ce délai, la mise en oeuvre opérationnelle du registre pourra être envisagée lorsqu'une partie suffisamment importante des données du stock des crédits existants aura été reprise.

( Source : rapport du comité chargé de préfigurer la création d'un registre national des crédits aux particuliers)

2. Les aspects essentiels du registre des crédits aux particuliers dessiné par le comité Constans
a) L'importance de la fiabilité de l'identification des personnes enregistrées dans le fichier

Lors de l'examen des différentes solutions techniques envisageables, le comité a recherché celle qui offrait la plus grande fiabilité. Il lui « est apparu assez vite que les modalités de consultation et d'identification utilisées actuellement dans le cadre du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) étaient insuffisantes pour être utilisées avec toute la fiabilité nécessaire dans le futur registre qui recensera beaucoup plus de personnes ».

Le comité constate que la clé de consultation utilisée par le FICP génère un nombre significatif de doublons , c'est-à-dire l'existence de plusieurs fiches pour une même interrogation. En outre, les données d'état civil enregistrées dans le FICP n'apparaissent elles-mêmes pas de nature à garantir une bonne identification des personnes et à éviter, entre autres, la création de plusieurs fiches pour une même personne. Ainsi, les données d'état civil d'environ 10 % des personnes inscrites dans le FICP n'ont pas été certifiées par l'INSEE lors des vérifications effectuées par la Banque de France auprès du répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) et ne sont donc pas suffisamment fiables. Ainsi, environ 7 % des consultations du FICP donnent lieu à des réponses multiples , parmi lesquelles l'établissement de crédit doit identifier la personne concernée.

Ainsi, l'identification de la personne dans le FICP, tant en ce qui concerne l'enregistrement des données que les modalités de consultation, n'apparaît pas suffisamment fiable. Les risques d'erreurs, de doublons et d'homonymies liés à une identification sur la base des données d'état civil seraient en outre démultipliés par l'accroissement significatif du nombre de personnes qui seraient enregistrées dans le registre des crédits par rapport à celles enregistrées dans le FICP (rapport de 1 à 10 d'après les estimations 25 ( * ) ).

Quatre autres options ont été écartées par le comité en raison de leur fiabilité jugée insuffisante :

- l'utilisation des données d'état civil, à l'exemple du fichier national des comptes bancaires (FICOBA) ;

- l'utilisation du numéro fiscal ;

- la création d'une carte personnelle ad hoc spécifique au secteur du crédit ;

- l'utilisation des titres d'identité sécurisés.

Le rapport fait observer que dans les pays étrangers où un identifiant national est utilisé dans un champ très étendu , comme c'est par exemple le cas en Belgique où le numéro national de registre 26 ( * ) est utilisé comme identifiant pour la centrale des crédits, celui-ci n'est en général pas ou peu signifiant, c'est-à-dire qu'il est composé de façon aléatoire . En Belgique, ce numéro peut être utilisé (sous réserve de l'autorisation de la Commission de protection de la vie privée) « par des organismes publics ou privés de droit belge pour les informations nécessaires à l'accomplissement de tâches d'intérêt général qui leur sont confiées par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance ou de tâches reconnues explicitement comme telles ». Le numéro de registre est mentionné sur la carte d'identité et peut être utilisé par exemple pour l'identification des emprunteurs dans des bibliothèques ou des débiteurs des compagnies de distribution de gaz et d'électricité.

Le Numéro d'Inscription au Répertoire (NIR)
et le Répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP)

Le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP), tenu par l'INSEE depuis 1946, est l'image des registres d'état civil. Il est mis à jour très régulièrement grâce aux bulletins statistiques de l'état civil établis et adressés par les communes à la suite de naissances, décès, reconnaissances, et mentions portées en marge des actes de naissance pour les personnes nées en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer (DOM).

Dans ce répertoire ne figurent que des informations sur l'état-civil : le nom de famille et parfois le nom d'usage (ou nom marital), les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance, la date et le lieu de décès pour les personnes décédées, le numéro de l'acte de naissance (et de décès) ainsi que le numéro d'inscription au répertoire (NIR).

Ce numéro d'identification unique de l'individu est formé de 13 chiffres : le sexe (1 chiffre), l'année de naissance (2 chiffres), le mois de naissance (2 chiffres), le lieu de naissance (5 chiffres) et un numéro d'ordre (3 chiffres) qui permet de distinguer les personnes nées au même lieu à la même période. Une clé de contrôle à 2 chiffres complète le NIR ; elle sert à vérifier la cohérence d'ensemble du numéro.

Le NIR est attribué dès l'inscription dans le RNIPP, c'est à dire quelques jours seulement après la naissance. Le NIR est également attribué aux personnes nées à l'étranger, sur demande, ce qui couvre les personnes travaillant en France et celles bénéficiant d'une couverture sociale à un titre ou à un autre. La section dite « Hors Métropole » du RNIPP recense ces personnes. Elle n'est pas gérée par l'INSEE, qui ne gère que la section « Métropole et DOM », mais par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Cette section recense les personnes nées à l'étranger et dans les collectivités d'outre-mer.

Aujourd'hui il y a environ 100 millions de personnes inscrites au RNIPP, correspondant à des personnes vivantes mais également aux personnes décédées dont le répertoire conserve l'inscription.

( Source : rapport du comité chargé de préfigurer la création d'un registre national des crédits aux particuliers)

En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est particulièrement vigilante face au risque de généralisation de l'identification par le NIR dans tous les actes de la vie quotidienne, au risque de faciliter les interconnexions de fichiers et les détournements de finalités, voire des discriminations, par exemple en fonction du lieu de naissance 27 ( * ) .

Dans ce contexte, les administrations se sont dotées jusqu'à présent d'un identifiant spécifique : SPI pour l'identifiant fiscal, NUMEN pour le personnel de l'éducation nationale, etc. Ce principe de « cantonnement » , selon lequel chaque sphère d'activité doit être dotée d'identifiants sectoriels, a été réaffirmé récemment par le législateur, qui a pris position lors du choix de l'identifiant du dossier médical personnel (DMP), pour lequel l'utilisation directe du NIR avait été rejetée. En application de l'article 18 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, l'utilisation du NIR est, en effet, considérée comme équivalente à l'utilisation du registre national d'identification des personnes physiques (RNIPP).

Le comité Constans préconise donc de créer un identifiant sécurisé à partir du NIR , les garanties indispensables concernant l'encadrement de l'usage et la limitation des accès à ce numéro ainsi que la préservation des droits et libertés des individus étant apportées après avis de la CNIL. L'identifiant préconisé par le comité serait le NIR ayant fait l'objet d'un « double hachage » 28 ( * ) . Le comité souligne que le NIR ne serait pas utilisé comme identifiant dans le registre des crédits, mais uniquement lors de l'inscription et de la consultation du registre .

Au titre des garanties de protection des données personnelles, le comité prévoit que le NIR serait collecté par les établissements de crédit en vue de la création par la Banque de France de l'identifiant sécurisé et pour la consultation du registre. En revanche, il ne serait pas stocké en clair durablement par les établissements de crédit et tous les échanges entre ces derniers et la Banque de France seraient chiffrés de façon à assurer un maximum de sécurité. Les établissements de crédit seraient autorisés à détenir provisoirement le NIR pendant la durée nécessaire à la consultation du registre dans le cadre de l'instruction d'une demande de crédit ou à l'inscription d'un crédit dans le registre. A l'issue de ces opérations, le NIR ne serait pas conservé et serait détruit à la diligence des établissements de crédit. Le comité ajoute que des modalités précises de collecte, d'utilisation et de conservation du NIR, déterminées après avis de la CNIL, devraient être mises en place afin d'apporter les garanties nécessaires en termes de protection des données personnelles.

b) La limitation des données enregistrées aux seuls crédits

Le comité Constans a très clairement posé le principe selon lequel le registre n'avait pas vocation à être un outil de scoring et à se substituer à l'analyse de solvabilité effectuée dans le cadre d'un dialogue entre l'établissement prêteur et son client, que la « loi Lagarde » a consacré comme un élément central du processus d'offre de crédit.

Le comité préconise donc la mise en place d'un registre comportant non pas l'intégralité des informations relatives à l'emprunteur mais des éléments d'appréciation de son niveau d'endettement susceptibles de fournir aux établissements de crédit des signaux d'alerte sur sa solvabilité et les risques de dégradation de sa situation financière afin de prévenir les situations de surendettement. Seuls les crédits seraient donc enregistrés dans le fichier. Les ressources de l'emprunteur (revenus, patrimoine immobilier et épargne) ainsi que les charges de la vie courante (loyers, impôts, dépenses de téléphonie et internet, d'énergie, etc.) en seraient exclues .

En effet, le comité a estimé, d'abord, que l'enregistrement de ces éléments serait disproportionné compte tenu de leur sensibilité en termes d' atteinte potentielle à la vie privée . Il fait également observer que ces informations, comme celles sur les crédits, sont dans tous les cas demandées à l'emprunteur par les établissements de crédit lors d'une demande de crédit, le cas échéant sur la base de pièces justificatives, afin de procéder à l'analyse de solvabilité. Enfin, l'enregistrement et la mise à jour de ces informations requièrent la participation au fonctionnement du fichier, et donc le cas échéant l'accès au fichier, d'un grand nombre de personnes (employeurs, caisses de sécurité sociale, bailleurs, administrations fiscales, opérateurs téléphoniques, etc.), ce qui multiplierait les coûts et les sources d'erreurs.

Le comité estime que l'ensemble des crédits , quelle que soit leur nature, doit être recensé dans le registre dès lors qu'ils ont été consentis à des fins non professionnelles . Cela concerne donc aussi bien les crédits immobiliers que les crédits à la consommation sous toutes leurs formes. Au sein de ces derniers, on compte également les microcrédits « personnels », mais pas les microcrédits « professionnels » destinés à permettre le financement d'une création d'entreprise.

Le comité a, en revanche, décidé d' exclure du périmètre du registre les autorisations de découvert de moins de trois mois. En effet, bien que les découverts bancaires figurent dans 57 % des dossiers de surendettement, leur nature est différente de celle des autres crédits.

Le comité a également examiné la question de l'enregistrement éventuel des prêts accordés par des proches (membres de la famille, amis), par les employeurs, par les caisses d'allocations familiales, voire les prêts d'honneur accordés par des associations, qui sont également pris en compte dans l'analyse de solvabilité effectuée par les établissements de crédit.

Néanmoins, le comité préconise de ne faire figurer dans le registre que des informations sur les dettes contractées auprès des établissements de crédit, en raison des risques d'atteinte à la vie privée et dans un souci de simplicité constamment réaffirmé par le comité. En effet, la multiplication des catégories de personnes, au-delà des établissements de crédit, susceptibles d'alimenter le fichier serait source d'importantes complexités à la fois techniques et juridiques.

La question de l'enregistrement des dettes accumulées sur les charges courantes a été particulièrement approfondie par le comité. En effet, ses membres se sont accordés pour constater que l'apparition puis l'aggravation de « dettes de la vie courante » pouvaient être les signes précurseurs d'une dégradation plus profonde de la situation financière des particuliers. Les dettes de la vie courante s'accumulent ainsi avant que les premiers défauts n'apparaissent dans les remboursements de crédits, que les emprunteurs s'efforcent de repousser autant que possible, en particulier pour les crédits immobiliers. Dans l'analyse de solvabilité effectuée par les établissements de crédit, l'endettement résultant des crédits et celui résultant des autres charges sont ainsi mis sur le même plan. Ce type de dettes (impayés de loyers et charges locatives, factures impayées d'eau, d'électricité, de gaz, de téléphone, de santé, de transport notamment, ainsi que les dettes fiscales) figure, à un niveau moyen moindre que les dettes de crédit, dans 76 % des dossiers de surendettement. Il constitue donc clairement un signal de fragilité financière.

Le comité préconise que des études soient menées par ailleurs afin de mieux comprendre le rôle des dettes de la vie courante dans la dégradation de la situation financière des emprunteurs. Ces travaux devraient également permettre d'identifier le rôle « prédictif » que ces signaux précoces pourraient jouer pour la détection d'une éventuelle situation de surendettement.

Les travaux du comité montrent ainsi que le répertoire national des crédits aux particuliers ne peut être considéré comme l'unique solution au problème du surendettement . L'analyse détaillée de la solvabilité du demandeur de crédit reste indispensable pour avoir une vision éclairée de sa situation financière et de sa capacité à emprunter.

c) Conditions d'accès au répertoire

L'article 6 de la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés précisant qu'un traitement ne peut porter sur des données à caractère personnel que si ces données « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités », le comité Constans préconise une définition claire et limitative des finalités du registre des crédits par le texte qui instituerait ce dernier.

Ainsi, il considère que les établissements de crédit ne doivent être autorisés à consulter le registre des crédits qu'avant l'octroi d'un crédit . Cette consultation préalable doit être obligatoire pour l'ensemble des crédits susceptibles d'être déclarés dans le registre, y compris les crédits immobiliers.

Le comité recommande que les données concernant la personne se portant caution puissent également être consultées le cas échéant.

Afin notamment d'éviter les détournements de finalités du fichier, le comité estime que le motif pour lequel l'établissement de crédit consulte le registre doit être indiqué par l'établissement lors de chaque consultation.

Enfin, le comité préconise de permettre une utilisation des informations contenues dans le registre, sous réserve d'anonymisation et dans des conditions qui devront être précisées, à des fins statistiques et de recherche, en vue notamment de permettre d'améliorer les connaissances sur l'endettement et les crédits souscrits par les particuliers ainsi que sur leurs évolutions dans la durée.

Compte tenu de ses préconisations relatives aux motifs de consultation du fichier, le comité recommande que l'accès à ce dernier soit réservé aux organismes suivants :

- établissements de crédit et organismes habilités à distribuer des microcrédits ;

- commissions de surendettement ;

- Banque de France et Autorité de contrôle prudentiel ;

- Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Le comité estime par ailleurs qu'il serait nécessaire de prévoir une interdiction, assortie de sanctions pénales, de demander la remise d'une copie des informations figurant dans le registre pour des personnes qui n'y ont pas accès, ainsi que, pour les personnes non autorisées, d'accéder au registre pour y collecter des informations .

d) Coût et tarification du répertoire

Tout en soulignant l'ampleur de la difficulté de l'évaluation des coûts de mise en place et de fonctionnement du registre des crédits « sur la base de grandes orientations et d'hypothèses parfois particulièrement complexes à déterminer », le comité a jugé indispensable de procéder à cette estimation.

Sur la base d'un fichier recensant 25 millions de personnes et 100 millions de lignes enregistrées, la Banque de France a estimé à :

- 15 à 20 millions d'euros les coûts d'investissement ;

- 30 à 35 millions d'euros les coûts annuels de fonctionnement .

Ces coûts de fonctionnement correspondent notamment aux travaux de gestion du fichier, de maintenance et d'amélioration de la qualité des informations recensées, aux travaux statistiques, de facturation et d'analyse des risques, aux coûts de mise à disposition des données, aux coûts liés à l'exercice du droit d'accès (vérification de l'identité des demandeurs, gestion des identifiants d'accès, etc.).

A travers leurs associations professionnelles, la Fédération bancaire française (FBF) et l'Association française des sociétés financières (ASF), les établissements de crédit ont fourni des estimations du coût que représenterait la mise en place d'un registre des crédits aux particuliers. La FBF et l'ASF ont précisé que ces estimations devaient être analysées avec précaution, dans la mesure où elles étaient fondées sur l'extrapolation de données communiquées par des établissements représentatifs.

Les évaluations communiquées par la FBF et l'ASF sont les suivantes :

- coûts d'investissement : entre 525 et 820 millions d'euros ;

- coûts de fonctionnement : entre 37 et 76 millions d'euros par an .

Concernant la tarification de la consultation du registre des crédits, le comité Constans préconise de retenir, comme pour le FICP, le principe d'une tarification reposant sur la volumétrie des interrogations et sur le mode de consultation utilisé . L'objectif de cette tarification est de permettre de couvrir l'intégralité des coûts d'investissement et de gestion du fichier par les organismes qui le consultent.

Ainsi, la tarification du FICP est fondée sur un schéma dans lequel les organismes choisissent un niveau d'abonnement en fonction de la volumétrie de leurs besoins d'interrogations. Ces niveaux d'abonnement comportent une dégressivité des tarifs.

A titre d'exemple, le prix de base pour une consultation par télétransmission du FICP est de 0,25 euro et le tarif de la consultation la centrale des crédits belge est de 0,50 euro. Le coût de consultation des principaux fichiers recensant des données positives dans d'autres pays est, selon le comité, compris entre 0,20 et 0,60 euro hors taxe. Il doit être noté toutefois que les modalités d'alimentation, de consultation et de tarification de ces fichiers sont très variables.


* 23 Arrêté du 17 août 2010 portant nomination au comité chargé de préfigurer la création d'un registre national des crédits aux particuliers.

* 24 Préambule du rapport du comité chargé de préfigurer la création d'un registre national des crédits aux particuliers.

* 25 Le FICP comporte actuellement environ 2,5 millions de personnes enregistrées, alors que le nombre de personnes détenant un crédit est évalué à 25 millions.

* 26 Le numéro belge comporte 11 chiffres, dont les six premiers sont signifiants car ils reprennent la date de naissance du titulaire.

* 27 Pour illustrer le caractère historiquement « sensible » de cet identifiant, il convient de rappeler que l'inventeur de notre numéro de sécurité sociale est le contrôleur général des armées René Carmille, spécialiste de la mécanographie par cartes perforées, qui, historiquement, le destinait à préparer la remobilisation de l'armée, dissoute par l'armistice de 1940. A l'origine, René Carmille avait prévu un matricule à douze chiffres, appelé « numéro de Français » : deux pour l'année de naissance, deux pour le mois de naissance, deux pour le département de naissance, trois pour la commune de naissance et trois pour un numéro d'ordre dans le mois de naissance. Pour son utilisation à objet civil, et non militaire, le numéro de Français devait inclure les femmes. C'est pourquoi fut ajouté un treizième chiffre en première colonne, pour le sexe : 1 ou 2.

* 28 Le « hachage » est une fonction mathématique qui génère une empreinte à partir d'une donnée. Cette empreinte se présente sous la forme d'une chaîne de caractères non signifiants qui ne permet pas de retrouver la donnée initiale. La probabilité que deux données distinctes génèrent la même empreinte est très faible.

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