B. UN BILAN EN DEMI-TEINTE

1. L'emploi des personnes handicapées progresse dans le secteur privé et la fonction publique, mais demeure en deçà de l'objectif affiché
a) Dans le secteur privé, des efforts certains, mais un taux d'emploi encore très faible

Un taux d'emploi de 2,7 % 23 ( * )

Selon une étude de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de novembre 2011 24 ( * ) , 322 300 travailleurs handicapés étaient, en 2009, employés dans les 128 400 établissements assujettis à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés .

En équivalent temps plein (ETP) sur l'année, ces salariés handicapés représentaient 2,7 % des effectifs des établissements assujettis n'ayant pas signé d'accord relatif à l'emploi des personnes handicapées. C'est dans l'industrie que ce taux d'emploi était le plus élevé (3,4 %), tandis qu'il était plus bas dans le tertiaire (2,4 %).

Comme le montre le tableau ci-dessous, le taux d'emploi a augmenté entre 2006 et 2009 , passant de 2,3 % à 2,7 %.

Taux d'emploi des travailleurs handicapés dans les établissements privés assujettis (en ETP)

2006

2,3 %

2007

2,4 %

2008

2,6 %

2009

2,7 %*

Source : Dares

* Attention, les données 2009 ne sont pas strictement comparables aux données des années antérieures, la loi du 1 er décembre 2008 ayant modifié le décompte des bénéficiaires de l'OETH.

Cette progression doit cependant être prise avec précaution , dans la mesure où elle s'explique, principalement, par un changement des modalités de décompte des bénéficiaires de l'OETH inscrit dans la loi du 1 er décembre 2008 (cf. encadré). A périmètre constant, le taux d'emploi n'aurait pas progressé de 0,1 % entre 2008 et 2009.


Le décompte des bénéficiaires de l'OETH : les modifications apportées
par la loi du 1 er décembre 2008

Depuis la loi du 11 février 2005 , les bénéficiaires de l'OETH sont décomptés de différentes façons : nombre d'unités au sens de la loi, nombre de personnes physiques et nombre d'emplois en équivalent temps plein. Jusqu'en 2008, les décomptes étaient opérés de la façon suivante.

- Nombre d'unités au sens de la loi : le décompte des bénéficiaires de l'OETH dépend de la nature de leur contrat de travail et de la validité de leur reconnaissance. Un salarié handicapé en CDI ou en CDD compte pour unité, s'il a été présent au moins six mois sur l'année, qu'il soit à temps partiel ou complet ; en dessous de six mois de présence, il n'est pas recensé et ne compte pas ; un salarié intérimaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure (hors secteur protégé) compte au prorata de son temps de travail sur l'année. La valeur d'un bénéficiaire est corrigée de la durée de validité de sa reconnaissance si celle-ci s'achève en cours d'année ;

- Nombre de personnes physiques : tous les salariés sont comptés pour un mois, comme précédemment, un salarié handicapé en CDI ou CDD n'est recensé que s'il est présent au moins six mois au cours de l'année ;

- Nombre d'emplois en équivalent temps plein : par rapport au décompte au sens de la loi, la différence provient de la prise en compte des bénéficiaires en CDI ou en CDD au prorata de leur temps de travail sur l'année.

A partir de l'exercice 2009, de nouvelles mesures sont entrées en vigueur

La règle des six mois de présence dans l'établissement est supprimée et le mode de décompte des différents contrats de travail harmonisé. Ainsi, dès lors que son temps de travail est égal au moins à un mi-temps, un salarié bénéficiaire compte pour une unité et ce quel que soit son type de contrat (CDI, CDD, intérim, mise à disposition). Cette valeur du bénéficiaire est ensuite proratisée en fonction de son temps de présence dans l'année et de la durée de validité de sa reconnaissance.

Si le temps du travail du bénéficiaire est inférieur à la moitié de la durée légale ou conventionnelle (moins d'un mi-temps), il compte alors pour une demi-unité proratisée également sur la durée de présence dans l'établissement pour l'année concernée et la durée de validité de sa reconnaissance. Ces modifications impactent ainsi le décompte des bénéficiaires en personnes physiques, en unités au sens de la loi, mais également les équivalent-temps plein (dont le calcul dépend des effectifs physiques).

Les stagiaires peuvent être pris en compte comme auparavant dans la limité de 2 % de l'effectif d'assujettissement. Néanmoins, les catégories de stages permettant aux établissements de remplir leur obligation d'emploi ont été élargies et leur durée minimale pour prise en compte raccourcie de 150 à 40 heures. En effet, depuis 2005, seuls les stagiaires de la formation professionnelle ayant effectué au moins 150 heures dans l'année de référence pouvaient être recensés.

Ainsi, en raison de la modification du mode de décompte des bénéficiaires rentrée en vigueur en 2009, on ne peut effectuer de comparaison directe avec les années 2006 à 2008 (2005 et les années antérieures étant elles dans le champ de la loi de 1987). Il est toutefois possible de comparer les résultats à champ législatif constant, c'est-à-dire en appliquant les règles législatives de 208 à l'année 2009. En revanche, il n'est pas possible de simuler les résultats des années antérieures avec la nouvelle législation, les bénéficiaires présents moins de six mois n'étant jusqu'en 2008 pas recensés dans la déclaration.

Les modalités de réponse à l'OETH

Parmi les établissements privés assujettis à l'OETH en 2009, 39 % enregistraient un quota de travailleurs handicapés inférieur à 6 % et 61 % affichaient un quota égal ou supérieur à 6 % ou avaient signé un accord agréé exonératoire .

Le tableau ci-dessous  témoigne des progrès réalisés depuis 2006 :

- 65 % des établissements assujettis employaient directement au moins un travailleur handicapé en 2009 ; ils étaient 53 % en 2006 ;

- 29 % répondaient entièrement à l'OETH en employant uniquement des travailleurs handicapés, contre 26 % en 2006 ;

- 26 % n'employaient directement aucun travailleur handicapé ou n'étaient pas couverts par un accord agréé exonératoire, contre 40 % en 2006 ;

- 9 % avaient signé un accord exonératoire, contre 6 % en 2006.

La proportion d'établissements à « quota zéro » , c'est-à-dire ceux ayant répondu à leur obligation uniquement en versant une contribution à l'Agefiph, a fortement reculé ; elle est passée de 35 % en 2006 à 11 % en 2009 . Cette évolution s'explique en large partie par l'application, pour la première fois en 2009, de la pénalité financière prévue par la loi.

Répartition des établissements assujettis selon les modalités de réponse à l'obligation d'emploi

en %

2006

2007

2008

2009**

Emploi direct de travailleurs handicapés

53

56

58

65

Travailleurs handicapés seulement

26

26

27

29

Travailleurs handicapés + sous-traitance avec le secteur protégé

8

7

8

9

Travailleurs handicapés + sous-traitance avec le secteur protégé + contribution financière à l'Agefiph

7

9

9

12

Travailleurs handicapés + contribution financière à l'Agefiph

12

15

15

15

Pas d'emploi direct de travailleur handicapé

40

37

34

26

Contribution financière à l'Agefiph seulement

35

29

25

11

Contribution financière Agefiph + sous-traitance avec le secteur protégé

5

8

9

15

Etablissements avec accord spécifique*

6

7

8

9

Total

100

100

100

100

* Les établissements ayant un accord relatif à l'insertion des travailleurs handicapés en vigueur sont présentés à part en raison du décalage entre le nombre de bénéficiaires déclarés et la liste nominative des travailleurs handicapés servant au calcul de cet indicateur. Les établissements ayant un accord ne renseignent en effet pas nécessairement cette liste nominative.

** Les données de 2009 ne sont pas strictement comparables aux données des années antérieures. La loi du 1 er décembre 2008 a modifié le mode de décompte des bénéficiaires.

Lecture : 65 % des établissements assujettis en 2009 ont employé directement des travailleurs handicapés.

Champ : établissements de 20 salariés ou plus du secteur privé et public à caractère industriel et commercial ; France entière.

Source : Dares

La diminution du nombre d'établissements contribuant à l'Agefiph

Les modifications apportées par la loi de 2005 pour renforcer l'OETH ont entraîné un pic de la contribution des établissements en 2006, permettant à l'Agefiph de constituer des réserves.

Depuis, la collecte ne cesse de diminuer, 484 millions d'euros ont été perçus en 2011 au titre de l'année 2010. Deux raisons expliquent cette inversion de tendance :

- la diminution, continue depuis 2006, du nombre d'établissements contribuant à l'Agefiph . Ainsi, 58 132 entreprises avaient versé, en 2006, une contribution compensatrice contre 47 520 en 2010, soit une baisse de 6 % . C'est la preuve que de plus en plus d'entreprises ont recours à des actions positives en faveur de l'emploi des personnes handicapées ;

- sous l'effet de la crise économique, un nombre non négligeable d'entreprises est passé sous le seuil des vingt salariés et n'est donc plus assujetti à l'obligation d'emploi.

b) Dans le secteur public, une progression réelle, mais lente

Un taux d'emploi de 4,2 %

Au 1 er janvier 2010, 10 214 employeurs publics étaient assujettis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

Ces employeurs comptaient, à cette date, 187 217 travailleurs handicapés dans leurs effectifs, avec une répartition de 38 % pour l'Etat et divers (établissements publics de sécurité sociale, organismes consulaires, la Poste), 38 % pour la fonction publique territoriale et 24 % pour la fonction publique hospitalière.

Le taux d'emploi de travailleurs handicapés pour l'ensemble des employeurs publics 25 ( * ) s'élevait à 4,2 % , contre 3,7 % en 2006 , avec la répartition suivante : 3,3 % pour l'Etat et divers, 5 % pour la fonction publique hospitalière et 5,1 % pour la fonction publique territoriale.

Le taux d'emploi direct est, quant à lui, passé de 3,5 % en 2006 à 3,9 % en 2010.

Les modalités de réponse à l'OETH

En 2010, parmi les employeurs publics assujettis :

- 48 % s'acquittaient de leur obligation par l'emploi de travailleurs handicapés et équivalents (sous-traitance et réalisation de dépenses liées à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, à l'accueil et au maintien dans l'emploi de personnes lourdement handicapées, à l'aménagement des postes de travail), ainsi que par le versement d'une contribution au FIPHFP ;

- 44 % par l'emploi de travailleurs handicapés et équivalents ;

- 8 % uniquement par le versement d'une contribution au FIPHFP.

La diminution du nombre d'employeurs publics contribuant au FIPHFP

Entre 2007 et 2011, le nombre d'employeurs publics contribuant au FIPHFP a baissé de 13 % grâce à la progression du taux d'emploi.

Paradoxalement, la contribution au FIPFHP a augmenté entre 2007 et 2010, passant de 110 millions d'euros à 214 millions, tendance qui s'explique par l'augmentation, sur cette période, de l'assiette de la contribution (20 % de l'assiette théorique en 2006 et 100 % en 2010).

Depuis 2011, les montants perçus par le fonds sont en diminution , du fait de l'augmentation du nombre d'établissements publics s'acquittant de leur obligation d'emploi par des actions positives en faveur des travailleurs handicapés (emploi direct et indirect, dépenses diverses).

Deux données sont particulièrement révélatrices de la dynamique d'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique :

- l'augmentation significative du nombre annuel de recrutement: de 6 000 en 2006, celui-ci est passé à 14 000 en 2011 ;

- le doublement du nombre annuel de maintien dans l'emploi : de 7 500 en 2006, celui-ci a atteint 15 000 en 2011.

c) L'inégalité de traitement entre secteur public et secteur privé en matière d'obligation d'emploi des personnes handicapées

Dans une communication du 29 février 2012 adressée aux ministres du budget, des solidarités et de la fonction publique, puis transmise aux commissions parlementaires compétentes, la Cour des comptes dresse le constat d'une grave inégalité de traitement entre secteur public et secteur privé en ce qui concerne l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Des règles qui majorent le taux d'emploi dans le secteur public

La Cour note tout d'abord que le secteur public bénéfice d'un mode de dénombrement des bénéficiaires de l'OETH plus favorable que le secteur privé , ayant pour conséquence de majorer le taux d'emploi de personnes handicapées dans la fonction publique.

En effet, sont ajoutés à la liste des bénéficiaires de l'OETH les titulaires d'un emploi réservé, les agents bénéficiant d'une allocation temporaire d'invalidité et les agents reclassés.

Or, ces trois catégories réunies représentent plus de la moitié des bénéficiaires de l'OETH recensés dans le secteur public.

Par ailleurs, la Cour souligne la difficulté à effectuer une comparaison stricte des taux d'emploi dans le secteur privé et le secteur public , dans la mesure où les modes de décompte des effectifs (effectif d'assujettissement, effectif total et effectif de bénéficiaires) et de calcul de la contribution ne sont pas similaires.

Elle estime que « ces différences dans les modes de computation sont d'autant plus anormales que la loi du 11 février 2005 a réaffirmé l'objectif de soumettre aux mêmes obligations secteur public et secteur privé [...] » .

Des employeurs publics exclus de l'OETH

La Cour observe ensuite que le périmètre de l'OETH dans le secteur public fait l'objet d'une interprétation restrictive fondée sur le seul statut juridique de certains employeurs publics .

Selon l'interprétation de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), c'est le statut de l'employeur, et non le statut des personnels, qui constitue le critère d'assujettissement des employeurs au FIPHFP. Sont ainsi considérées comme exclues de toute contribution au fonds les structures publiques suivantes (la liste n'est pas exhaustive) :

- les institutions constitutives des « pouvoirs publics » : Présidence de la République, assemblées parlementaires, la chaîne parlementaire, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République ;

- le Conseil économique, social et environnemental ;

- les juridictions (judiciaires, administratives et financières) ;

- les autorités administratives indépendantes) ;

- la totalité des groupements d'intérêt public (Gip) ;

- la Banque de France.

Pour la Cour, « ce constat appelle une clarification indispensable du champ d'application de l'obligation d'emploi au sein du secteur public, qu'il s'agisse d'institutions d'Etat ou de certains organismes sui generis » .


* 23 Il s'agit du taux d'emploi réel c'est-à-dire la part des salariés handicapés dans l'effectif total des entreprises assujetties à l'OETH en équivalent temps plein.

* 24 « L'emploi de travailleurs handicapés dans les établissements de vingt salariés ou plus du secteur privé : bilan de l'année 2009 », Dares Analyses, novembre 2011, n° 081.

* 25 Il s'agit du taux d'emploi légal, lequel est défini par le rapport entre, d'une part, la somme obtenue en ajoutant aux bénéficiaires de l'OETH, des équivalents bénéficiaires, calculés à partir de certaines dépenses prévues par le code du travail (contrats de sous-traitance, dépenses liées à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, au maintien dans l'emploi des personnes lourdement handicapées, à l'aménagement des postes de travail), d'autre part, l'effectif physique total rémunéré.

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