EXAMEN EN COMMISSION

Réunie, le mercredi 4 juillet 2012, sous la présidence de M. David Assouline, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré sur l'application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. David Assouline , président . - Je remercie la présidente, Annie David, et les membres de la commission des affaires sociales de nous accueillir dans leur salle de réunion. Après le crédit à la consommation, la communication audiovisuelle, le droit au logement opposable, et juste avant la loi pénitentiaire, grandes causes assez consensuelles dans l'hémicycle, nous abordons la loi de 2005 sur les droits des personnes handicapées. Nos rapporteurs, Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, ont mené un travail colossal, dont je tiens à les remercier. Cela a commencé par une table ronde, qui a réuni presque toutes les grandes associations, dans une atmosphère de confiance. Cette loi très ambitieuse comportait une centaine d'articles. Voici le rapport le plus volumineux que nous ayons examiné. Nos rapporteurs vont nous en faire une présentation complète qui vous permettra d'en juger. Notre vote qui interviendra après la discussion portera sur l'autorisation de le publier et non sur son contenu. J'invite chacun à la concision afin de laisser place à nos échanges, avant d'examiner la loi pénitentiaire.

Mme Claire-Lise Campion , rapporteure . - Je veux d'emblée souligner le plaisir que j'ai eu à travailler avec Isabelle Debré. La qualité de nos échanges, respectueux et constructifs, a beaucoup apporté à notre travail. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est un texte essentiel que nous avons souhaité examiner dans son ensemble. Les domaines couverts étant extrêmement larges, il a fallu d'emblée faire des choix. Aussi notre rapport, qui apporte des éléments de réflexion et d'analyse, doit-il être perçu comme un point de départ. Il demandera à être complété sur certains aspects importants : l'autisme, que la présidente Annie David a inclus dans notre programme de travail, et qui donnera lieu, à la fin de l'année, à un colloque sous l'égide de la commission des affaires sociales ; l'accompagnement des élèves handicapés par les assistants de vie scolaire (AVS), qui fait l'objet d'un groupe de travail national ; le chantier de l'accessibilité, dont il est nécessaire de dresser l'état d'avancement d'ici 2015.

Aboutissement de trois années de réflexion partagée entre les gouvernements successifs, le Parlement et les associations, la loi du 11 février 2005 a profondément modifié la politique en faveur des personnes handicapées, trente ans après la loi fondatrice de 1975. Elle définit le handicap, en intégrant pour la première fois toutes les formes de déficience (physique, sensorielle, mentale, cognitive, psychique), au-delà de l'approche strictement médicale, et en soulignant le rôle de l'environnement. Elle instaure également un droit à la compensation des conséquences du handicap, reposant sur le projet de vie de la personne handicapée. Elle ouvre ensuite l'accès des personnes handicapées à tous les droits fondamentaux reconnus aux citoyens : à l'inadaptation de la cité, la loi répond par l'accès de tous à tout. Enfin, elle met en place une nouvelle gouvernance, associant étroitement les personnes handicapées et leurs représentants.

Très ambitieuse, la loi « Handicap » entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. Cette approche transversale constitue sa force, mais aussi sa faiblesse : elle exige un travail colossal de pilotage. Sept ans après son adoption, sa mise en oeuvre n'est pas encore achevée.

Le bilan réglementaire est positif puisque 99 % des textes d'application ont été publiés. En revanche, l'objectif d'une publication intégrale des mesures réglementaires dans les six mois suivant la promulgation de la loi, n'a pu être tenu en raison des expertises juridiques nécessaires et des concertations menées.

Tout n'a pas été mis en oeuvre pour faire prendre conscience de l'importance et de la nécessité d'une large mobilisation et de l'engagement de chacun.

Compte tenu du champ très vaste de la loi, nous avons décidé de nous concentrer sur ses quatre axes principaux : la compensation du handicap et les maisons départementales des personnes handicapées, la scolarisation des enfants handicapées, la formation et l'emploi des personnes handicapées, l'accessibilité à la cité.

Nous avons procédé à de nombreuses auditions et effectué cinq déplacements : les deux premiers dans nos départements respectifs (les Hauts-de-Seine et l'Essonne), les deux suivants dans des départements présidés par deux collègues de la commission des affaires sociales, l'Aisne et la Marne - je tiens à remercier René-Paul Savary et Yves Daudigny , présidents de ces conseils généraux, pour leur accueil, leur présence à nos côtés et des échanges qu'ils nous ont permis d'entretenir avec les maisons départementales, les services départementaux et les associations ; enfin, nous nous sommes rendues en Belgique pour y étudier la scolarisation des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes.

Pour mettre fin au traditionnel parcours du combattant des personnes handicapées et de leurs familles, la loi a créé des guichets uniques, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), appelées à devenir les lieux d'accueil, d'information, d'orientation et d'évaluation de leurs besoins.

Opérationnelles depuis 2007, les MDPH constituent une innovation majeure dans l'architecture institutionnelle de la politique du handicap. Même si de nombreuses difficultés de fonctionnement persistent, elles ont apporté un réel progrès en termes de service public, en permettant l'accès à un interlocuteur unique de proximité, une simplification des démarches administratives, une certaine humanisation de l'instruction des dossiers et une forte implication des associations.

Six ans après leur création, les MDPH font face à une inflation d'activités préjudiciable à la qualité du service rendu : les délais de traitement sont encore trop longs, l'approche globale des situations individuelles est mise à mal, le suivi des décisions n'est pas toujours assuré. Il en résulte un profond sentiment de mécontentement et de déception chez grand nombre d'usagers. C'est le principal constat de notre blog, lequel a connu un vif succès, plus de 800 internautes ayant répondu au questionnaire en ligne.

Selon la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les demandes de prestation de compensation du handicap (PCH) ont augmenté de 43 % en 2009, de 30 % en 2010, et de 24 % au premier semestre 2011. Cependant, de très fortes disparités dans les pratiques des MDPH menacent l'équité de traitement des personnes handicapées sur le territoire : le taux d'accord moyen, pour la PCH, varie de 33 % à 84 % selon les départements. Les efforts déployés par la CNSA n'ont pas permis, jusqu'ici, de résorber les écarts entre départements ; il faut donc aller beaucoup plus loin dans l'harmonisation des pratiques.

La raréfaction des ressources publiques suscite l'inquiétude : comment garantir aux MDPH des moyens pérennes pour assumer leurs missions ? La signature de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens entre les MDPH, la CNSA, les conseils généraux et l'Etat, prévue par l'article 4 de la loi « Blanc » du 28 juillet 2011, devrait fixer clairement la participation de chaque financeur et offrir une certaine stabilité, au-delà de la stricte annualité budgétaire. Nous devons toutefois être vigilants sur les textes d'application de cet article. La dernière rédaction proposée par les services ministériels, en supprimant la référence au montant des concours des membres du groupement d'intérêt public, laisse en effet craindre une non-avancée, voire un recul par rapport à la situation actuelle. Je rappelle, à ce sujet, que la participation financière des principaux contributeurs se répartit comme suit : 39 % pour les conseils généraux, 35 % pour l'Etat, 21 % pour la CNSA, dont la contribution n'augmente plus depuis trois ans.

Au-delà de leur avenir financier, les MDPH s'interrogent sur le sens même de leur mission : resteront-elles cantonnées à des tâches opérationnelles ou pourront-elles mettre à profit leur connaissance des publics et de leurs besoins à des fins plus stratégiques ? De réelles perspectives d'évolution se dessinent dans ce nouveau service public, comme l'émergence d'une fonction d'observation et d'analyse des besoins territoriaux. La MDPH de l'Aisne a ainsi créé, en interne, un observatoire du handicap.

Afin d'améliorer le fonctionnement des MDPH, nous proposons notamment  le transfert des compétences de notification et de fabrication de la carte européenne de stationnement aux directions départementales de la cohésion sociale ; la simplification des démarches administratives pour les demandes de renouvellement ; l'intensification des actions de la CNSA en faveur de l'harmonisation des pratiques des MDPH, afin de garantir l'équité de traitement sur le territoire.

La reconnaissance d'un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale est l'avancée majeure de la loi de 2005. La prise en charge des surcoûts de toute nature liés au handicap est assurée par la PCH.

Prestation cousue main, la PCH offre une réponse individualisée aux besoins des personnes handicapées, qui passe par l'élaboration de plans personnalisés de compensation, ayant permis d'améliorer le montant et la diversité des aides attribuées. Après un démarrage assez lent, le nombre d'allocataires ne cesse d'augmenter ; il est passé de 8 900 en 2006 à 160 000 en 2010.

La PCH demeure cependant incomplète au regard des objectifs initiaux : son périmètre ne prend pas suffisamment en compte les aides humaines ; la suppression des barrières d'âge n'a pas été réalisée ; la prestation accordée aux enfants se révèle inadaptée à leurs besoins. Sachant que les dépenses de PCH pèsent déjà pour 1,4 milliard d'euros dans les budgets des conseils généraux et que le taux de concours de la CNSA ne cesse de se dégrader (de 60% en 2009 à 37% en 2011), ces mesures se heurtent inévitablement à un obstacle financier.

Je rappelle, par ailleurs, que la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), entrée en vigueur l'année dernière, a entraîné l'éviction d'anciens bénéficiaires, du fait de conditions d'éligibilité plus restrictives.

Les mesures que nous proposons s'attachent à mieux répondre aux besoins des personnes handicapées tout en ne sous-estimant pas la contrainte financière qui est la nôtre aujourd'hui : la suppression de la limite d'âge actuelle de soixante-quinze ans pour demander la PCH, pour les personnes qui étaient éligibles avant soixante ans ; la pérennisation des fonds départementaux de compensation, dont l'action est indispensable pour diminuer les restes à charges des personnes handicapées et de leurs familles. En 2010, 38% de l'apport de ces fonds provenaient des caisses primaires d'assurance maladie et 35% des conseils généraux. Leur pérennité n'est, à terme, pas assurée en raison du rythme incertain des abondements, en particulier venant de l'Etat.

Mme Isabelle Debré , rapporteur . - A mon tour je souligne combien il m'a été agréable de travailler avec Claire-Lise Campion. Je reconnais toutefois avoir été un peu frustrée : nous aurions pu disposer de plus de temps pour approfondir cette loi très vaste.

La deuxième partie du rapport est consacrée à la scolarisation des enfants handicapés. La loi de 2005 reconnaît en effet à tout enfant handicapé le droit d'être scolarisé dans l'école de son quartier ; la scolarisation en milieu ordinaire constitue désormais le droit commun. Elle peut prendre deux formes : la scolarisation dite individuelle  dans les classes ordinaires avec accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire individuel (AVS-i), la scolarisation dite collective dans les classes adaptées (« Clis » à l'école primaire et « Ulis » au collège et au lycée). Le parcours de scolarisation repose sur une approche globale et pluridisciplinaire mise en oeuvre par la MDPH à travers le projet personnalisé de scolarisation.

Le constat est unanime : la loi de 2005 a permis un réel mouvement d'ouverture de l'école de la République sur le monde du handicap. Preuve en est l'augmentation d'un tiers du nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire depuis 2006, soit 55 000 enfants supplémentaires accueillis.

Ces bons résultats doivent cependant être nuancés car on estime à 20 000 le nombre d'enfants handicapés sans solution de scolarisation. Ce chiffre est toutefois à prendre avec précaution dans la mesure où il n'existe pas d'outil statistique national permettant de chiffrer précisément le nombre d'enfants handicapés scolarisables.

Cette avancée quantitative ne s'est pas accompagnée d'une avancée qualitative de même ampleur. Les situations vécues par les familles varient considérablement selon les départements : les temps hebdomadaires de scolarisation sont très aléatoires, et les projets personnalisés de scolarisation sont de qualité hétérogène, voire inexistants. Des ruptures surgissent au sein des parcours de scolarisation  du fait de la difficulté à poursuivre la scolarité en milieu ordinaire dans le second degré et d'un accès encore très limité à l'enseignement supérieur. L'accompagnement en milieu ordinaire a échoué : le recours croissant aux assistants de vie scolaire (AVS), insuffisamment formés et recrutés sur des contrats précaires, ne répond pas de manière pertinente aux besoins. Sur ce sujet, nous avons découvert une initiative très intéressante dans le département de la Marne : la création d'un service spécialisé d'accompagnement scolaire et social. Grâce à «  Cap intégration », neuf enfants handicapés sont accompagnés tout au long de la journée, à l'école et dans leurs activités périscolaires.

Nous observons aussi l'insuffisante formation des enseignants, qui se sentent souvent démunis devant le handicap d'un élève, et relevons un manque de coopération entre le secteur médico-social et l'éducation nationale, qui se caractérise par un cloisonnement des filières préjudiciable à la qualité de la prise en charge.

Ce constat nous conduit à proposer les mesures suivantes : l'élaboration d'un outil statistique national évaluant précisément le nombre d'enfants handicapés non scolarisés ; le développement de référentiels communs entre académies et entre MDPH afin d'harmoniser les pratiques sur le territoire ; la réactivation, dès le mois de septembre prochain, du groupe de travail sur les AVS afin de définir un véritable cadre d'emploi et d'améliorer leurs débouchés professionnels ; le renforcement de la problématique du handicap dans la formation initiale et continue des enseignants ; la promotion de la coopération entre les sphères médico-sociale et éducative.

J'en viens à notre déplacement en Belgique. L'autisme est Grande Cause Nationale 2012. Si nous ne pouvions matériellement pas traiter ce sujet dans son intégralité, nous tenions à nous rendre sur place afin de comprendre pourquoi de plus en plus d'enfants handicapés français sont scolarisés dans des établissements belges.

Contrairement à la France, qui a fait de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire une priorité, la Belgique a privilégié l'enseignement spécialisé, même si l'intégration dans l'enseignement ordinaire existe aussi. Dans les écoles d'enseignement spécialisé, comme celle que nous avons visitée en zone transfrontalière, les enfants sont accueillis dans des classes à petit effectif (six élèves par classe), et encadrés par deux intervenants, un enseignant spécialisé et un professionnel paramédical.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi 3 000 enfants français sont aujourd'hui scolarisés dans de tels établissements : la prise en charge est centrée sur les besoins spécifiques de chaque enfant ; les équipes éducatives, particulièrement bien formées, font preuve d'un grand pragmatisme en recourant à différentes méthodes d'apprentissage (Teacch, ABA, PECS...) ; l'enfant et ses parents sont accompagnés et conseillés tout au long du parcours scolaire par un service spécialisé.

Les progrès réalisés par les enfants sont remarquables : des petits arrivés à l'école dans un état très grave (mutisme, comportements violents...) parviennent, quelques mois plus tard, à communiquer, à faire des activités, à ne plus être effrayés par la présence d'autrui, voire à tenir une conversation - je vous renvoie à notre rapport sur ce sujet passionnant.

Sa troisième partie est consacrée à la formation et à l'emploi des personnes handicapées.

La loi de 2005 consacre un changement de paradigme : traditionnellement appréhendé à partir de l'incapacité, l'emploi de la personne handicapée s'apprécie désormais à partir de l'évaluation de ses capacités. L'intégration professionnelle devient un élément à part entière de la citoyenneté.

Dans la continuité de la loi du 10 juillet 1987, la loi « Handicap » maintient l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés pour tous les employeurs, privés et publics, de vingt salariés ou plus, dans la proportion de 6 % de l'effectif total, en leur permettant de répondre à cette exigence selon diverses modalités. Elle étend aux employeurs publics la contribution annuelle financière pour compenser le non-respect de l'obligation d'emploi, en créant le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

La loi prévoit, par ailleurs, la mise en oeuvre de politiques régionales concertées d'accès à la formation et à la qualification professionnelles, et charge les MDPH d'évaluer leur employabilité et de les orienter vers le marché du travail.

Cette politique à la fois incitative et coercitive porte ses fruits.  Dans le secteur privé, 65 % des établissements assujettis employaient directement au moins un travailleur handicapé en 2009, contre 53 % en 2006 ; la proportion d'établissements à quota zéro est passée de 35 % à 11 % sur la même période ; le nombre d'établissements contribuant à l'association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) est en constante diminution. Dans le secteur public, le nombre d'employeurs contribuant au FIPHFP a diminué de 13 % entre 2007 et 2011 ; sur la même période, le nombre de recrutements de handicapés a plus que doublé pour atteindre 14 000. Malgré ces constats encourageants, le taux d'emploi demeure en deçà de l'objectif des 6 % : il ne s'établit qu'à 2,7 % dans le privé, tandis qu'il est de 4,2 % dans le public. Le taux d'emploi global des personnes handicapées est, quant à lui, nettement inférieur à celui de l'ensemble de la population active (35 % contre 65 %) et le taux de chômage, deux fois plus important (20 % contre 10 %).

Le principal obstacle à l'accès et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées est leur faible niveau de qualification : 83 % d'entre elles ont aujourd'hui une qualification égale ou inférieure au CAP ou au BEP. C'est pourquoi, il est indispensable de relever le niveau de qualification des personnes handicapées, ce qui suppose d'agir prioritairement en direction des jeunes, en leur permettant d'accéder aux études supérieures, en mieux les informant sur les parcours d'études possibles, en les rapprochant du monde de l'entreprise.

Nous proposons aussi un réel accès à la formation professionnelle, en rendant les lieux et le contenu des formations accessibles, en accompagnant les travailleurs handicapés tout au long de leur parcours professionnel, en accélérant la mise en oeuvre des politiques régionales concertées.

Nous souhaitons également rendre effective l'obligation d'accessibilité des lieux de travail posée par la loi de 2005, en publiant l'arrêté nécessaire.

Enfin, nous insistons sur la nécessité d'encourager les entreprises à mettre en oeuvre des actions positives comme l'aménagement des postes de travail, la prévention des licenciements pour inaptitude, l'amélioration de la qualité des accords exonératoires.

Mme Claire-Lise Campion , rapporteure . - Dans la quatrième partie de notre rapport, nous nous intéressons à la question de l'accessibilité.

Jusqu'alors limitée au seul handicap moteur, la notion d'accessibilité a été étendue par la loi de 2005 à tous les types de handicap et à tous les domaines de la vie en société. On parle désormais d'accessibilité universelle pour désigner l'élimination de toutes les barrières à l'accomplissement des activités quotidiennes. Cette approche s'adresse non seulement aux personnes atteintes d'une déficience, mais aussi à toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l'autre, à une situation de handicap, temporaire ou durable. Au regard du vieillissement de la population, l'enjeu est considérable.

La loi pose un principe général d'accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie, dans les dix ans suivant sa publication, et se fixe pour objectif la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société.

Nous constatons l'absence criante de données sur l'état d'avancement de la mise en accessibilité. La loi n'a, en effet, pas prévu de remontées d'informations obligatoires de la part des acteurs publics ou privés concernés. Même l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle n'est pas en mesure de dresser un bilan exhaustif. Le retard est important, en dépit de réels progrès. Le baromètre de l'accessibilité de l'association des paralysés de France (APF) affiche, certes, des résultats en constante progression, mais seuls 15 % des établissements recevant du public (ERP) seraient actuellement accessibles.

Parmi les services publics, les mairies, les théâtres, les équipements sportifs, les piscines et les bureaux de poste sont les plus avancés. Les transports en commun et la voirie le sont beaucoup moins. Les schémas directeurs d'accessibilité des transports collectifs ont été élaborés avec trois ans de retard sur le calendrier prévu et 5 % seulement des plans d'accessibilité de la voirie ont été adoptés !

Dans le secteur privé, les centres commerciaux et les cinémas ont réalisé d'importants travaux, tandis que les commerces de proximité et les cabinets médicaux ou paramédicaux sont encore très en retard.

A trois ans de l'échéance, force est de reconnaître que l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera pas accessible.

Cette date peut sembler très ambitieuse au regard de l'ampleur de la tâche à accomplir et des contraintes techniques, financières et administratives. La fixation d'un délai à moyen terme était néanmoins indispensable pour tirer les leçons des résultats décevants de la loi de 1975, éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique en faveur de l'accessibilité.

Plusieurs facteurs expliquent le retard pris. L'échelonnement, sur plusieurs années, de la publication de la quarantaine de textes réglementaires nécessaires, a retardé d'autant la mise en oeuvre concrète des mesures. Le portage politique a été insuffisant : autant la loi de 2005 a été voulue et soutenue au plus haut sommet de l'Etat, autant la mise en oeuvre de son volet accessibilité n'a pas mobilisé les pouvoirs publics autant qu'elle aurait dû. Les nombreuses tentatives de dérogations législatives ou réglementaires pour le bâti neuf en attestent. Enfin, l'appropriation de l'objectif d'accessibilité a été insuffisante, sur le terrain, chez les décideurs publics comme chez les acteurs privés.

En tout état de cause, reculer la date de 2015 n'est pas envisageable, ni souhaitable ; ce serait un très mauvais signal envoyé aux personnes handicapées et à leurs familles, chez qui la loi de 2005 a suscité un formidable espoir ; cela aurait un effet contreproductif, en démobilisant les acteurs et en décalant les travaux en cours ou programmés. En outre, une telle décision serait interprétée comme une forme de renoncement à un chantier, certes très ambitieux, mais dont l'enjeu sociétal justifie que l'on s'y attèle véritablement.

Aussi, est-il indispensable d'impulser, dès à présent, une nouvelle dynamique en  créant les conditions d'un meilleur pilotage national des enjeux de l'accessibilité ; en mettant en oeuvre, avant l'échéance de 2015, un système de remontées d'informations obligatoires ; en dressant, d'ici 2010, un bilan exhaustif du chantier de l'accessibilité sous la forme d'un rapport remis au président de la République ; en lançant une véritable démarche d'acculturation à la notion d'accessibilité universelle. Le projet de création d'une agence nationale à l'accessibilité universelle, porté par le président de la République, accélérera la mutualisation des outils méthodologiques et permettra la promotion des bonnes pratiques.

Jamais une loi n'aura à ce point structuré l'ensemble d'une politique publique. De l'avis de tous, la loi du 11 février 2005 est « une très belle loi » , qui affirme à la fois de grands principes et pose les jalons d'une politique forte en faveur des personnes handicapées. Des avancées significatives ont été réalisées dans tous les domaines mais, comme toute réforme ambitieuse, le bilan reste, sept ans après, en deçà des espoirs initiaux. Comme nous l'ont très justement fait remarquer plusieurs acteurs du secteur, « la loi de 2005 reste à déployer » .

M. David Assouline , président . - J'ai conscience que les délais ont été courts, mais le panorama que vous dressez de l'application de cette loi est déjà très complet. Notre commission doit faire avec les moyens dont elle dispose, en étroite collaboration avec les commissions permanentes. C'est la raison pour laquelle nous devions rendre notre rapport avant que les commissions permanentes entrent pleinement dans la session extraordinaire. Cela renforce votre exploit : en un temps réduit, vous avez accompli un travail exceptionnel.

Mme Annie David , présidente de la commission des affaires sociales . - Je remercie David Assouline et les rapporteures, en m'associant aux félicitations pour leur travail. Elles n'ont malheureusement pas eu le temps d'exposer la totalité de leurs trente-cinq propositions. La commission des affaires sociales débat régulièrement de la problématique du handicap, en particulier des MDPH, des AVS et de l'accessibilité. Je suis d'accord avec vous : il faut impérativement réactiver ce groupe de travail sur les AVS, qui avait été mis en sommeil, pour permettre à notre collègue Paul Blanc de mener sa mission sur la scolarisation des enfants handicapés. Je suis d'autant plus satisfaite de votre proposition que plusieurs de mes collègues et moi-même avons souvent rappelé la nécessité de mettre fin au statut précaire de ces personnes.

Mme Catherine Deroche . - Ce rapport est très important, notamment pour les collectivités locales. Sur l'accessibilité, il convient de rappeler les coûts rédhibitoires qu'elles supportent, les grandes difficultés techniques auxquelles elles font face, notamment lorsqu'il s'agit de mettre aux normes les bâtiments publics anciens dont elles ont la charge. Il faut trouver des solutions pour les aider à faire face à ce chantier.

Quant aux travaux publics, dans le département du Maine-et-Loire, le conseil général, qui a en charge les transports scolaires, doit rendre accessibles les arrêts de bus en milieu rural, pour un coût colossal, afin de transporter quelques enfants qui sont actuellement acheminés en taxi. Des familles d'enfants handicapés nous pressent de consacrer davantage de moyens à l'accueil des enfants en milieu scolaire, au lieu de dépenser tant d'argent pour aménager des arrêts de bus en rase campagne. On veut tout faire, en même temps, en 2015. Vient un moment où l'on se heurte au principe de réalité. Il faudra trouver une aide au financement pour les collectivités.

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Bravo !

M. Alain Milon . - A mon tour de remercier les rapporteurs pour leur excellent travail. L'accessibilité entraîne des coûts considérables pour les collectivités locales. Après qu'elles ont consenti tous ces efforts, mis en place des bateaux pour faciliter l'accès des personnes handicapées, que constatent les parents qui, comme moi, ont adopté des enfants handicapés ? Ils ne peuvent pas accéder aux trottoirs, ni circuler, parce que des automobilistes se garent au mépris des droits des handicapés. A vos trente-cinq propositions, j'ajoute une trente-sixième : mettre en place une campagne d'éducation du public au respect des aménagements de voirie permettant l'accessibilité des personnes handicapées.

M. Georges Labazée . - Pouvez-vous nous éclairer sur le sens de votre proposition sur l'intensification des actions de la CNSA en matière des pratiques des MDPH afin de garantir l'équité de traitement sur le territoire ? L'accessibilité des transports scolaires pose de vrais problèmes aux départements. Nombreux sont les renouvellements de marchés de transports scolaires, pour une période qui enjambe 2015. Les transporteurs s'apprêtent à renouveler leur flotte dans le cadre de l'application de la loi. L'amortissement qu'ils demandent pour l'acquisition de nouveaux matériels est souvent prohibitif, représentant un surcoût de cinq à six millions d'euros dans mon département, sachant que dans les zones rurales, les transporteurs sont souvent en situation de monopole.

Mme Isabelle Pasquet . - Je suis ravie de ce rapport, dont nous avions ressenti la nécessité lors du débat sur la loi « Blanc ». Il vient de nous être distribué, ce qui rend difficile de s'exprimer sur son contenu : j'aurais préféré en disposer plus tôt.

Je fais partie de ceux qui regrettent que le groupe de travail sur les AVS ait été mis en sommeil et non réactivé.

Paul Blanc a rédigé un rapport intéressant sur la scolarisation des enfants handicapés, qu'il convient d'utiliser. Il faut néanmoins aller plus loin dans notre réflexion sur ce sujet.

Sur la gouvernance et le rôle du comité interministériel du handicap (CIH), il serait intéressant de demander au gouvernement de réfléchir à la manière de le réactiver, de telle sorte que nous, parlementaires, puissions intégrer la notion de handicap dans les textes que nous élaborons. L'inscription du handicap dans notre culture passe évidemment par l'éducation de nos concitoyens à l'intégration des personnes handicapées dans notre société. Le CIH peut jouer, à cet égard, un rôle important.

M. David Assouline , président . - Comme c'est le cas dans toutes les commissions, et à la différence des commissions d'enquête ou des missions d'information où l'on se prononce sur le fond, le rapport n'est pas distribué avant son examen par les commissaires. Je rappelle d'ailleurs que le vote portera uniquement sur l'autorisation de publication et non sur le contenu du rapport.

M. Jean-Noël Cardoux . - Ce rapport très dense préconise de simplifier les démarches administratives pour des demandes de renouvellement. Il faudrait effectivement formuler des propositions concrètes pour alléger le fonctionnement des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) : dans mon département, elle se réunit tous les matins de neuf heures à dix-huit heures. Ne pourrait-on pas, par exemple, faire passer les demandes de renouvellement globalement et sans étude préalable, généraliser les listes bloquées, ou encore alléger le fonctionnement des équipes médico-sociales ? Par ailleurs, quand le quorum n'est pas atteint, on est exposé à des risques d'annulation des décisions. On a peut-être péché par excès d'administration.

En matière d'accessibilité, j'insiste sur le fait que, s'agissant des bâtiments publics, les maires seront, en 2015, pénalement responsables, ce qui dissuade certains d'entre eux de se représenter en 2014. Aussi, sans remettre en cause les objectifs et le calendrier posés par la loi, ne pourrait-on pas, par voie de circulaire, harmoniser les pratiques des services déconcentrés de l'Etat afin d'éviter les excès de zèle, tel celui dont j'ai eu connaissance, dans mon département, à propos de l'aménagement de l'église ancienne d'une petite commune ? Une porte latérale avait été aménagée ; il faudra également s'occuper du porche, pourtant classé...

M. Yves Détraigne . - Il faut du bon sens !

Mme Michelle Meunier . - Merci d'aborder les choses de façon transversale, ce qui est rare. En amont de la scolarisation, parlons aussi de la parentalité. La politique familiale ne devrait-elle pas prendre davantage en compte les besoins des parents pour lesquels l'arrivée d'un enfant handicapé est souvent un bouleversement ? Ne faudrait-il pas aussi former davantage les professionnels de la petite enfance ?

Mme Catherine Procaccia . - Ce rapport est un état des lieux de la loi particulièrement utile. Une question aux deux rapporteurs : qu'est-ce qui, à l'occasion de ce travail, vous a surprises ? Enfin, qu'il y a-t-il à retirer de l'exemple de la politique de scolarisation menée en Belgique ?

Mme Claire-Lise Campion , rapporteure. - Nous avons été très attentives à la question des coûts induits notamment pour les collectivités territoriales par les règles d'accessibilité comme par les autres obligations. S'il n'est pas imaginable de revenir sur l'échéance de 2015, il est en effet nécessaire de disposer d'un bilan de toutes les actions menées, afin de savoir ce qu'il reste à accomplir pour parvenir à l'objectif d'accessibilité. A mesure que nous nous rapprocherons de cette échéance, nous devrons faire preuve de beaucoup de pragmatisme. Si des dérogations existent pour les monuments historiques, tel ne saurait à mes yeux être le cas pour des bâtiments neufs, d'où la nécessité d'un effort de formation, en premier lieu des architectes.

Une dynamique a été initiée qui se vérifie dans les chiffres. Ne la cassons pas en donnant le signal d'un retour en arrière. Nous devons aller au terme avec pragmatisme car, de nombreuses personnes, y compris les représentants des personnes handicapées, ont attiré notre attention sur la question du coût.

La CNSA pourrait jouer le rôle de tête de réseau en encourageant les échanges d'expérience, en identifiant et en généralisant les bonnes pratiques, en élaborant des référentiels pour que les procédures soient mieux harmonisées sur le territoire, en organisant des rencontres nationales entre les représentants des MDPH, ou encore en mettant en place des sessions de formation décentralisées.

Mme Isabelle Debré , rapporteur. - Nous avons beaucoup discuté de l'accessibilité. Si les études d'impact avaient été obligatoires en 2005, nous n'aurions sans doute pas été aussi sévères avec les élus locaux. Le bon sens et le pragmatisme seront de mise : il est peu probable que tous les ERP seront conformes aux normes d'accessibilité des handicapés en 2015.

Alain Milon a souligné le problème d'éducation de nos concitoyens : celle des enfants, comme le disait Napoléon, commençant par celle de leurs parents. Des campagnes du type « si tu prends ma place, prends mon handicap », déjà lancée dans le domaine du stationnement doivent être poursuivies.

Notre rapport aborde l'accueil de la petite enfance, sachant qu'au-delà de la formation du personnel, j'ai pu constater que l'accueil d'un enfant handicapé dans une crèche exige au moins un quart-temps supplémentaire. Pourtant, c'est absolument nécessaire pour habituer très tôt les autres enfants à la différence.

Pour répondre à Catherine Procaccia, ce qui m'a le plus frappée, c'est à quel point cette loi représente une très grande avancée. Même s'il reste encore beaucoup à accomplir, 55 000 enfants supplémentaires ont été accueillis à l'école. Ce n'est pas rien !

Quant à la Belgique, nous en sommes revenues toutes les deux très étonnées par ce modèle empreint d'un très grand pragmatisme. Nous avons ainsi visité une ancienne maison de famille transformée en lieu d'accueil pour les enfants autistes, ce que la règlementation interdirait chez nous. La sortie de secours était un toboggan. Autre exemple : comme l'un des enfants autistes arrachait tout ce qui était au mur, il avait été tout simplement décidé d'y dessiner des tableaux.

Mme Claire-Lise Campion , rapporteure. - Plutôt que des surprises, nous avons davantage fait des constats, à commencer par celui de la forte implication des équipes dans les MDPH ; il faut aider à simplifier les règles de gestion de ces structures.

M. René-Paul Savary . - Merci d'avoir dressé le bilan d'une loi complexe. Un mot sur la Belgique dont je suis frontalier. Dans ce pays, ce ne sont pas les familles qui portent les établissements, et le handicap est appréhendé de manière globale, au sein d'un même lieu, et non par spécialités, comme c'est le cas chez nous où handicaps moteur et sensoriel sont souvent distingués sous la pression de lobbys très puissants. En Belgique, le pragmatisme a prévalu sur l'administratif.

Le bilan fait apparaître des avancées incontestables. Mais l'application insuffisante de la loi s'explique par son caractère parfois inapplicable ainsi que financièrement insupportable. Aller plus loin suppose de revoir les compétences, le conseil général, chef de file en la matière ne disposant ni des moyens, ni de l'ensemble des responsabilités.

Posons nous aussi quelques questions. Premièrement, comment se fait-il qu'il y ait toujours autant de bénéficiaires de l'ACTP, alors que leur nombre devrait baisser depuis la création de la PCH ? La première, versée sans factures justificatives, semble plus adaptée aux besoins des familles. Ensuite, là où dix personnes faisaient fonctionner une commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep), il y en a cinquante pour faire fonctionner une MDPH, ce qui induit un coût terrible, la CNSA n'étant plus le principal financeur. On peut toujours faire des statistiques ou mettre aux normes des bâtiments vides, pendant ce temps on ne répond pas aux préoccupations des personnes handicapées ! D'ailleurs les associations commencent elles aussi à voir les choses de façon différente.

Problème de compétence s'agissant des AVS, pris en charge par l'éducation nationale dans la partie scolaire, alors que l'enfant a besoin d'être accompagné par la même personne aussi pour ses activités périscolaires.

Le principal problème est que les décideurs ne sont pas les payeurs. Il faut faire confiance aux conseils généraux qui assument déjà la responsabilité de la dépendance des personnes âgées. Tout cela doit évoluer, car il est impensable que pour les parents d'enfants handicapés, ce soit toujours un parcours du combattant. Trop de personnes souffrent encore.

M. Dominique Watrin . - Des départements frontaliers comme le Nord ou le Pas-de-Calais qui envoient beaucoup d'enfants en Belgique, n'ont pas, d'une façon générale, le même jugement sur tous les établissements médicaux sociaux belges, car les situations sont très disparates. On ne peut pas laisser dire qu'ils font tout mieux que nous.

Mme Isabelle Debré , rapporteur. - Attention, notre rapport ne traite pas des établissements d'hébergement, mais des écoles spécialisées.

M. Dominique Watrin . - Très bien, car chez nous, la tendance est aujourd'hui au rapatriement de ces enfants.

Mme Dominique Gillot . - L'inventaire de cette loi le montre, les moyens existent, les contraintes et les sanctions aussi. Ce sont l'adhésion politique et le pragmatisme qui manquent. Je plaiderai pour que la nouvelle étape que vous appelez de vos voeux soit plus culturelle que réglementaire, de façon à préparer une prise en charge globale et naturelle du handicap. Il faut voir les individus avant de voir leur infirmité, et envisager leurs aptitudes avant leurs insuffisances. Une meilleure intégration suppose aussi d'éviter le découpage pratiqué dans les MDPH, qui finalement, en alourdissant les procédures, créent de la frustration.

Il serait d'ailleurs intéressant d'analyser les raisons de la réussite belge en matière d'éducation, sachant que l'intégration à tout prix constitue quelquefois une perte de chance pour l'enfant du fait des contraintes qu'elle lui impose ainsi qu'aux adultes qui l'entourent. Les établissements spécialisés sont parfois beaucoup mieux adaptés.

La formation doit, au-delà des enseignants, s'adresser aux médecins et aux professionnels de santé. S'il ne relève plus d'une spécialisation médicale, le handicap subit une autre forme de spécialisation qui lui est dommageable, car elle n'envisage les personnes que sous l'angle de leur handicap, perçu comme une injustice que la société doit réparer.

Préférons une approche globale, rendant le handicap plus visible et considérant l'apport des personnes handicapées comme un atout dans la construction d'une société plus juste et plus égalitaire. Sachons faire preuve de plus de pragmatisme et de bon sens dans l'application de la loi.

Mme Aline Archimbaud . - Je me réjouis de la demande de relance du groupe de travail sur les AVS, urgente et prioritaire. En matière d'emploi, il est indispensable que le taux de 6 % de personnes handicapées devienne très vite effectif dans le secteur public, qui doit donner l'exemple ; on ne peut se réjouir qu'il ne soit que de 4,5 %. Dans le secteur privé, la loi de 2005 n'envisageait, me semble-t-il, la pénalité financière des entreprises que comme une mesure transitoire destinée à leur donner le temps nécessaire pour s'équiper, se former et recruter. Nous ne pouvons accepter une situation dans laquelle on considérerait qu'il est possible, en payant, de s'exonérer de ses obligations légales. Peut-être faut-il vérifier précisément l'usage des fonds versés à l'Agefiph ? En tout cas, cela ne peut pas durer éternellement.

La question de l'accessibilité des bâtiments historiques ne doit pas être abordée avec dogmatisme. En revanche, pour les autres bâtiments, la date de 2015 doit absolument être préservée car son abandon enverrait un très mauvais signal. Renforçons plutôt le pilotage politique et financier de ce processus et exigeons des propriétaires des calendriers contraignants.

Mme Samia Ghali . - Nos collègues ont mis en évidence les limites et l'hypocrisie de la loi. Il n'est en effet pas nécessaire de créer une énième commission de réflexion sur les AVS pour savoir que nous en manquons, qu'il faut en embaucher davantage afin d'aider les familles dans leur véritable parcours du combattant. L'école dite « normale » n'est cependant pas adaptée à tous les enfants, et l'on a besoin d'établissements spécialisés alors que par exemple, aucun n'est prévu dans les Bouches-du-Rhône.

M. Jean Desessard . - Très bien !

M. Philippe Bas . - Ce rapport est d'autant plus remarquable que le sujet traité est très vaste. La loi de 2005 est une des grandes lois de la République et, comme tous les textes qui affirment des droits, comme le préambule de la Constitution de 1946, elle impose un objectif qui ne se traduit pas immédiatement dans les faits. Reposant sur l'idée d'une compensation du handicap elle-même fondée sur les capacités des personnes handicapées, elle a initié au sein de notre société un mouvement qui doit se poursuivre.

Toutefois un certain nombre de difficultés demeurent, les moyens des MDPH n'ayant pas suivi, ce qui laisse nombre d'entre elles exsangues. Nous avons besoin que l'Etat contribue davantage, que la progression des crédits médico-sociaux reprenne son rythme, et que la règle des 6% en matière d'emploi redevienne une priorité des pouvoirs publics.

S'agissant de l'accessibilité, nous n'atteindrons pas les objectifs fixés en 2015, une impulsion nouvelle est nécessaire et certaines exigences, manifestement trop lourdes, comme c'est le cas en matière de transport, mériteraient d'être redéfinies et adaptées. Nous gagnerions également à redéfinir la notion d'accessibilité généralisée.

M. Jacky Le Menn . - Cette loi ambitieuse a engagé un processus qui n'est pas terminé. Il bute sur une contrainte financière, liée notamment à divers aspects du financement de la PCH par les conseils généraux : leurs dépenses pour la PCH s'élèvent déjà à 1,4 milliard d'euros, alors que les barrières d'âge n'ont pas été supprimées et que les aides humaines n'ont pas été intégrées. La bonne volonté manque moins que l'argent, et nous serons appelés à définir des priorités dans le cadre de l'examen, à l'automne, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les contraintes sont aussi culturelles, comme en témoignent la question du stationnement, le cloisonnement des métiers entre l'éducatif d'une part, et le médico-social d'autre part, ainsi que les problèmes d'accès à l'emploi - 20 % de taux de chômage ! Le processus engagé appelle des choix politiques et financiers.

M. David Assouline , président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que notre temps est très contraint, la commission des lois se réunissant actuellement sur l'un de nos rapports.

M. Yves Daudigny . - Puisque le temps nous est compté, je ne ferai qu'un constat : les conseils généraux sont les seuls à assumer les responsabilités financières des nouvelles missions des MDPH.

L'accueil des personnes handicapées, mineures et majeures, en Belgique ne mériterait-il pas à lui seul de faire l'objet d'un rapport ? Avez-vous eu écho de difficultés relatives à l'application des nouvelles modalités d'attribution de l'AAH et au système d'information des MDPH ?

M. Philippe Bas . - Il fallait organiser nos travaux différemment.

M. David Assouline , président. - Le sujet suscite une forte affluence, en témoignent les quarante collègues présents et les très nombreuses interventions.

Mme Patricia Schillinger . - Les ministères devraient se concerter davantage lorsqu'il s'agit de mettre en place une loi. Cela vaut notamment pour l'éducation nationale : à force de supprimer des postes, il m'est impossible d'accueillir un enfant handicapé dans une classe qui compte déjà trente-trois élèves !

En matière d'accessibilité, le Sénat devrait donner l'exemple car j'ai honte quand des citoyens ne peuvent y accéder.

Serait-il peut-être envisageable d'adresser à mi-parcours un questionnaire aux maires pour savoir s'ils ont les moyens de respecter l'échéance de 2015 ? Pourquoi les harceler si l'on est sûr qu'ils ne seront pas en mesure de respecter le calendrier ? Pourquoi imposer des travaux dans une école deux ans avant un regroupement ?

Ce ne sont pas des autobus qui assurent le ramassage scolaire mais des cars qui ne sont pas accessibles aux handicapés. Enfin, une proposition : pour garantir l'accès des personnes handicapées aux toilettes qui leurs sont réservées, ne pourrait-on leur remettre une clef ?

M. David Assouline , président. - Afin de respecter nos contraintes, je propose de mettre la publication du rapport aux voix. Il pourra ainsi être mis à la disposition des différents acteurs, à commencer par la commission des affaires sociales.

La publication du rapport est autorisée.

Mme Claire-Lise Campion , rapporteure . - Tous mes remerciements, notamment à vous, monsieur le Président, et à Yves Daudigny qui suggère de poursuivre le travail sur l'accueil des personnes handicapées en Belgique. Nous sommes volontaires pour poursuivre ce travail.

Mme Colette Giudicelli . - N'oublions pas que les enfants autistes deviendront des adultes, qu'il faudra prendre en charge. On ne pourra jamais faire face avec la règlementation actuelle.

Mme Annie David , présidente de la commission des affaires sociales . - Nous y reviendrons lors de notre colloque relatif à l'autisme.

Mme Isabelle Debré , rapporteur . - Je serais moi aussi très heureuse de pouvoir poursuivre ces travaux avec Claire-Lise Campion. Il est vrai que l'autisme mériterait que l'on s'y attarde davantage. En attendant le colloque prochainement organisé au Sénat, je vous renvoie au rapport de Valérie Létard. Pour conclure, je pose la question suivante : avons-nous les moyens financiers humains et sociétaux de nos ambitions ?

M. Philippe Bas . - Totalement d'accord !

Mme Isabelle Debré , rapporteur . - Rome ne s'est pas faite en un jour... Abroger la date de 2015 enverrait un très mauvais signal. Sachons, toutefois, opérer avec pragmatisme les bons choix dans ce domaine passionnant et douloureux car il mêle l'humain et la question des moyens financiers.

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