M. Jean-Jacques Brot,
préfet de la Vendée
M. François Patriat , président . - Nous sommes heureux de vous recevoir, monsieur le préfet. Vous connaissez bien les territoires, puisque vous avez été affecté à Mayotte, en Eure-et-Loir, en Vendée, mais aussi à Tokyo et en Guadeloupe. Or notre mission s'efforce de dresser un bilan objectif de la RGPP et de son impact sur les collectivités. J'ai rencontré jeudi soir un sous-préfet qui me disait que la RGPP était nécessaire, que les choses allaient bien pour les cadres A et B, mais qu'il voyait chaque semaine des cadres C pleurer, accablés de travail. En Haute-Saône, la DDT demande des mois pour répondre à une question sur les points d'eau et les zones humides. Nous comprenons tous que l'Etat doive se réformer, et les collectivités assumer les tâches qui leur ont été déléguées. Mais ces dernières ont été très affectées, par exemple, par la réforme des cartes scolaire, militaire et judiciaire.
Sur la RGPP, on entend deux discours contradictoires : les uns invoquent les contraintes économiques et vantent les succès de la réforme, les autres déplorent les problèmes de terrain qui s'ensuivent. Il y a eu des réussites, comme la réforme des finances. Mais dans l'ensemble, les maires se plaignent de la complication des procédures : auparavant, ils s'adressaient à la DDA au sujet de l'eau, à la DDE au sujet des routes, à présent ils ne savent même pas s'ils doivent se tourner vers le département ou la région. Quel est d'ailleurs, selon vous, le rôle respectif des préfets de régions, des préfets de départements et des sous-préfets ?
M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée . - Merci de m'avoir invité. Pour ma part, je reste assez sceptique sur l'efficacité de la RGPP, même si je conçois que les traités européens et l'objectif de réduction des déficits publics la rendent nécessaire. Le principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a été appliqué sans trop de discernement, et après la fermeture de divisions et de sous-préfectures viendra peut-être celle de préfectures... Prenons garde !
Je nuancerai cependant les propos que j'avais tenus devant la mission d'information sénatoriale sur la tempête Xynthia. La RGPP et la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) ont eu des effets positifs, comme la création de directions départementales interministérielles (DDI) qui sont de mieux en mieux connues des élus, même si des efforts restent à faire. La réorganisation des services régionaux me laisse plus dubitatif. En règle générale, on assiste au transfert des moyens financiers et humains du niveau départemental au niveau régional, non sans lien avec la réforme concomitante des collectivités territoriales. Mais le département demeure un échelon de proximité indispensable : c'est là que s'adressent en premier lieu les élus, les chefs d'entreprises et les responsables associatifs. Un palier a été atteint, et il serait dangereux d'aller plus loin dans la baisse des moyens.
Encore une fois, il y a eu des succès, comme les DDI. Les ministères des affaires sociales, du travail, de l'agriculture, de l'intérieur ont joué le jeu. Cependant il y a encore des îlots de résistance : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) rechigne, ce qui a des conséquences directes au sein des directions départementales de la protection des populations (DDPP). On a créé des mastodontes régionaux comme les agences régionales de santé (ARS) ou les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). En 2011, au terme d'un prétendu « dialogue de gestion », les cinq directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) des Pays-de-la-Loire ont cédé 80 postes, mais la Dreal n'en a gagné que deux... Les réorganisations sont parfois absurdes : 40 ETP avaient été transférés de la DDTM de Vendée vers la Dreal des Pays-de-la-Loire, mais celle-ci a dû nous renvoyer des ingénieurs après la tempête Xynthia, lorsque mes services ont dû préparer les plans d'hiver...
La RGPP et la RéATE, mises en oeuvre contre l'avis du personnel et sans grande concertation avec les préfets, ont donc produit des résultats mitigés. Les trois DDI de Vendée forment avec les directeurs de la préfecture une équipe soudée et loyale, bien comprise du président et des vice-présidents du conseil général, ainsi que des communes et EPCI. Mais au niveau régional, la conférence administrative régionale qui se réunit toutes les six semaines passe plus de temps à examiner les budgets opérationnels de programmes (BOP) qu'à définir des politiques publiques. Le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) est de moins en moins un chargé de mission, et il assume de plus en plus la gestion des BOP.
Quant au droit d'évocation, il n'a pas trouvé à s'appliquer en Pays-de-la-Loire, mais il est parfois dévoyé. Le préfet coordonnateur du bassin d'Orléans, mon ami M. Michel Camus, s'est mis en tête de régler les arrêtés-cadres de limitation des usages de l'eau dans tous les départements du bassin, sans aucune base juridique. Souhaitant en outre que la plupart des communes adoptent un plan communal de sauvegarde, il m'a fait savoir qu'il écrirait à tous les maires du bassin. Mais en vertu de l'article 72 de la Constitution, je suis maître dans mon département !
J'espère qu'il n'y aura pas de deuxième vague de la RGPP, pas plus pour les cadres A que pour les cadres B ou C. Dans le cas contraire, je me verrais dans l'obligation d'allonger le délai de délivrance des titres, par exemple. Quoi qu'il en soit, je ferai tous mes efforts pour continuer à aider les communes et intercommunalités, ainsi que les entreprises qui s'installent, et à assurer un contrôle de légalité rigoureux, faute de quoi on s'exposera à des catastrophes, comme les vingt-neuf morts de la tempête Xynthia.
M. François Patriat , président . - Merci d'avoir parlé avec franchise, réalisme et expérience. Nous entendons parfois des discours convenus.
M. Dominique de Legge , rapporteur . - J'avais déjà apprécié votre liberté de ton lors de la mission sur la tempête Xynthia. La réforme de l'administration territoriale de l'Etat et celle des collectivités territoriales privilégient l'échelon régional. Mais le département reste l'échelon de proximité. Quelles sont vos relations avec le préfet de la région Pays-de-la-Loire ? Le considérez-vous comme un supérieur hiérarchique ?
Vous avez dit que face à la pénurie, il vous faudrait bientôt faire des choix, mais quelles sont vos marges de manoeuvre ? On raisonne en général verticalement et par ministère. La règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a surtout touché les services déconcentrés de l'Etat, et les services départementaux plus que les régionaux, car le préfet de région procède aux arbitrages.
Quel rôle les sous-préfectures peuvent-elles encore jouer? Sont-elles nécessaires, selon vous, pour que l'Etat reste proche des citoyens et des élus ?
Les services déconcentrés ont un caractère de plus en plus interministériel, mais les préfets dépendent toujours du ministère de l'intérieur. Ne serait-il pas plus judicieux de vous rattacher au Premier ministre ? Vous avez eu raison d'évoquer quelques mastodontes : les ARS, mais aussi les services des finances et de l'éducation nationale.
Je voudrais aussi aborder la question de l'ingénierie publique. Vous l'avez dit à l'occasion de la tempête Xynthia : il vous paraît impossible que les préfectures continuent à instruire les dossiers de permis de construire et à assurer en même temps le contrôle de légalité, car c'est être à la fois juge et partie. Qu'est-ce donc que les collectivités peuvent continuer à attendre de l'Etat ? Pour ce qui est du contrôle de légalité, contrôlez-vous tous les actes, comme la loi l'impose en principe ? Ou lesquels contrôlez-vous en priorité ?
M. Jean-Jacques Brot . - Comme vous l'avez dit, les moyens humains et financiers continuent à être alloués verticalement, et le dialogue de gestion n'a pas lieu entre le préfet de région et celui du département, mais par exemple entre la DDTM, la Dreal et le ministère de l'écologie. Un lien quasi hiérarchique s'est créé entre les DDTM et les Dreal, et le préfet de département est peu à peu mis hors jeu.
Mes relations avec le préfet de région, dans le Centre comme en Pays-de-la-Loire, ont toujours été excellentes, et nous n'avons même pas trouvé le moyen d'appliquer le droit d'évocation du préfet de région, même si je souhaiterais que la Vendée et la Loire-Atlantique coordonnent leurs politiques sur l'éolien off-shore , l'extraction de granulats marins ou la défense contre la mer. Mais vu le champ immense des politiques publiques et le temps requis par les arbitrages sur les BOP, nos rapports sont condamnés à rester un peu superficiels. J'aimerais d'ailleurs passer plus de temps à définir les politiques publiques qu'à discuter des moyens. La gestion des demandes d'asile a été transférée des départements aux régions ; en conséquence, les autorisations provisoires de séjour sont délivrées en quatre semaines au lieu de deux jours, et l'on doit pour loger les nouveaux venus puiser sur le BOP 177 destiné aux personnes sans domicile fixe. Voilà un bel exemple d'inefficacité de la RGPP !
Quant aux sous-préfectures, leur rôle doit évoluer, mais il faut absolument les maintenir si l'on veut éviter un déséquilibre entre le chef-lieu et le reste du département. En Vendée, la sous-préfecture de Fontenay-le-Comte a vu ses effectifs diminuer de moitié ; elle ne s'occupe plus de contrôle de légalité et ne délivre plus de titres, mais se concentre sur l'accompagnement des entreprises et des collectivités, notamment pour les programmes de développement territorial. Aux Sables-d'Olonne, plusieurs services de délivrance de titres ont été maintenus, ainsi que des services d'ingénierie territoriale : aide aux collectivités, aux entreprises, mais aussi aux associations pour l'hébergement d'urgence ou l'accueil des gens du voyage. Les sous-préfectures assurent des missions de proximité, et il faut y maintenir des cadres A, B et C.
Sur la carte des sous-préfectures, j'exprimerai un avis qui n'est peut-être pas celui du ministère de l'intérieur. Dans les départements ruraux, sans doute est-il possible de regrouper certaines sous-préfectures, là où elles sont nombreuses comme dans les Deux-Sèvres, en Charente-Maritime ou en Gironde, mais il faut veiller à ce que les gens n'aient pas à parcourir des kilomètres pour une carte d'identité ou un passeport. Dans les zones urbaines sensibles, en revanche, il est indispensable de maintenir toutes les sous-préfectures existantes, voire d'en créer. A Boulogne-Billancourt, par exemple, la sous-préfecture a joué un rôle crucial dans la politique de la ville, avec les collectivités et les associations.
Depuis 1802, le corps préfectoral dépend du ministère de l'intérieur, mais nos missions de plus en plus interministérielles rendent tout à fait légitime que l'on s'interroge sur un rattachement au Premier ministre. Sur le BOP 133, qui définit les moyens alloués aux DDI, notre interlocuteur est déjà le secrétariat général du Gouvernement. D'ailleurs, en vertu de l'article 72 de la Constitution, le préfet représente tous les membres du Gouvernement.
Sur l'ingénierie publique, je répéterai ce que j'ai dit l'an dernier. Depuis lors, l'affaire Xynthia est passée à l'ère médiatico-judiciaire, et le maire se défend en arguant que la DDE a instruit les dossiers et la préfecture exercé son contrôle de légalité. Il est indispensable que les collectivités se dotent de services d'ingénierie publique ou recourent par convention aux services de bureaux d'études.
M. François Patriat , président . - Avec quel argent ?
M. Jean-Jacques Brot . - Cela suppose bien sûr de revoir les dotations. Mais le système actuel ne garantit ni le préfet, ni les maires contre les poursuites.
En 2010 la préfecture de Vendée a reçu 88 990 actes, elle en a effectivement contrôlé 12 191, elle a émis des observations sur 241 d'entre eux et n'en a déféré que dix -dont neuf dans le domaine de l'urbanisme et un seul concernant la fonction publique territoriale. Il faut s'interroger sur les modalités d'exercice du contrôle de légalité. Faut-il sélectionner de manière aléatoire les actes, ou identifier des « dossiers à fort enjeu », comme dans l'administration fiscale ? En Vendée, l'urbanisme et les marchés publics me semblent être les sujets prioritaires. Quoi qu'il en soit, nous devons disposer de structures juridiques fortes. La préfecture de Vendée compte quatre bureaux d'études consacrés au contrôle juridique interministériel, dont un qui ne s'occupe que de contentieux interministériel, et nous gagnons la plupart de nos procès.
Comme je l'ai dit à l'assemblée des maires, la baisse de nos moyens nous obligera à faire des choix. Ma préfecture perd sept emplois par an, et compte désormais moins de deux cents agents pour 636 000 habitants, alors que la commune des Herbiers en compte 230 pour 15 000 habitants... Quoi qu'il arrive, je continuerai à aider les responsables consulaires et les entreprises, notamment au sujet des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) qui posent de redoutables problèmes juridiques, et à assurer le contrôle de légalité pour protéger les élus autant que la préfecture.
La mutualisation a réussi lorsqu'elle ne s'est pas faite de manière technocratique. Nous n'avons pas attendu la RGPP pour mettre en place le standard commun à Nantes et La-Roche-sur-Yon, ni pour mutualiser certaines fonctions juridiques ; je compte le faire aussi pour la communication. En revanche, mutualiser les achats au niveau national par le biais de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) ne fait faire aucune économie.
Les préfectures et sous-préfectures ne doivent pas être privées des moyens humains et financiers dont elles ont besoin. Je suis obsédé par la proximité, surtout en cette période de crise sociale : le nombre de surendettés a augmenté de 50 % en Vendée. Les citoyens comme les élus ont besoin du corps préfectoral ; ils ont besoin d'être écoutés, je dirai même d'être aimés.
M. Gérard Miquel . - Dans le Lot, j'ai soutenu les efforts de réorganisation de l'ancien préfet M. Georges Geoffrey. Mais votre exposé me confirme dans le sentiment que le jacobinisme n'est pas mort en France ; il a même repris une nouvelle vigueur depuis quelque temps. Certes, les collectivités doivent assumer les compétences qui leur ont été attribuées. Mais peut-on faire remonter tous les dossiers au niveau régional, alors que la région Midi-Pyrénées est plus grande que la Belgique ? Vous n'imaginez pas la difficulté que l'on a à obtenir un avis de la DREAL ! Il était question de construire une plateforme de distribution de Mr Bricolage pour le grand Sud-Ouest, et d'abattre pour cela quelques chênes du Causse : il a fallu un an pour obtenir le permis de construire ! Les inspecteurs d'établissements classés ne connaissent plus le terrain, et je ne parle même pas des ARS... Les élus ont besoin d'un Etat facilitateur, mais on ne fait que compliquer les choses.
M. Jean-Jacques Brot . - Je connais bien le Lot, puisque j'ai une maison à Cavagnac. Votre diagnostic est juste. Autrefois, pour obtenir un avis sur un plan local d'urbanisme, on se tournait vers la DDE ou la DDT, mais aujourd'hui il faut s'adresser à la Dreal. Les agents de la Dreal se prononcent depuis le chef-lieu de région -Toulouse ou Nantes- sans jamais se déplacer sur le terrain, et le préfet de département doit parfois se battre pour obtenir la révision d'un avis négatif. En mars 2010, un mois après Xynthia, je voulais entreprendre des travaux d'urgence à La-Faute-sur-Mer pour consolider un cordon dunaire, mais un fonctionnaire de la Dreal n'était pas d'accord ; pour me couvrir, j'ai écrit que si je n'étais pas autorisé à faire ces travaux, la Dreal répondrait des conséquences d'une inondation, et éventuellement des morts, et c'est alors seulement que j'ai obtenu gain de cause. Mais que de temps et d'agent perdus !
La décentralisation devait s'accompagner d'une déconcentration des services de l'Etat. C'est cet équilibre que perturbe la RGPP. Les élus locaux et les préfets travaillent chaque jour ensemble sur le terrain, pour l'intérêt général ; ils sont d'ailleurs co-responsables des défaillances et, le cas échéant, co-inculpés. Il est absurde qu'un préfet de bassin veuille se mêler des plans de prévention des risques d'incendie, car ce sont le préfet de département et le maire que la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 rend responsables devant les tribunaux !
Face à l'émiettement et à l'avalanche normative, il faut retrouver le bon sens républicain. Vous avez raison de mettre en cause un mauvais jacobinisme, qu'il ne faut pas confondre avec celui d'un grand républicain comme Clemenceau. Revenons à une vision départementaliste, à une proximité garante du pacte républicain. Nos concitoyens, de même que les élus égarés par les rapides évolutions réglementaires, ont besoin d'être entendus et soutenus.
M. Gérard Bailly . - Pensez-vous que les conséquences de la RGPP soient les mêmes dans les départements où sont situés les chefs-lieux de région, et où le préfet de région est aussi préfet de département ?
Qui a eu l'idée saugrenue de faire traiter au niveau régional les questions environnementales ? Dans ce domaine plus qu'ailleurs, il faut être proche du terrain et pouvoir se déplacer. J'ai posé une question écrite au Gouvernement à ce sujet, mais je n'ai pas eu de réponse.
Nous avons voté plusieurs lois de simplification du droit. Constatez-vous dans les faits une simplification des normes ?
Des maires se plaignent que certains fonctionnaires leur mettent des bâtons dans les roues pour prouver que le système ne fonctionne pas. Pensez-vous que cela soit fondé ?
Enfin, les agriculteurs étaient inquiets de la suppression des directions départementales de l'agriculture, et craignaient même que l'instruction des dossiers n'échappe au ministère de l'agriculture pour être confiée à celui de l'équipement. Qu'en est-il réellement ?
M. Jean-Jacques Brot . - Pour répondre à votre première question, les préfets de région sont accaparés par les dossiers régionaux -finances, visites ministérielles, etc.- et ils n'ont pas le temps de s'occuper des questions départementales : M. Jean Daubigny, préfet des Pays-de-la-Loire et de Loire-Atlantique, s'en plaignait récemment auprès de moi.
Je ne sais pas qui a eu le vice de vouloir confier aux préfectures de région la gestion de l'environnement, mais c'est un vice répandu ! Un décret en préparation prévoit de transférer au niveau régional les commissions départementales des objets mobiliers -chargées de classer les objets au patrimoine et d'assurer leur entretien- et par conséquent les conservateurs des objets d'art et antiquités. Mais dans ce domaine comme dans celui de l'environnement, il faut être proche du terrain, sillonner le pays, travailler avec les sociétés savantes dans un cas, les associations de chasseurs ou de pêcheurs de l'autre ! Une manie technocratique de la régionalisation s'est emparée de certains cercles parisiens...
On est bien loin d'assister à une simplification des normes ! Cela fait des mois que je demande à cor et à cri une simplification des dispositions du code minier relatives à l'extraction de granulats en mer. Actuellement, le code impose une enquête publique, puis une concertation conduite par le préfet de département et le préfet maritime, après quoi le ministre chargé de l'industrie établit le titre minier, pour qu'enfin le préfet de département puisse délivrer l'autorisation. On pourrait faire plus simple ! Le sujet est sensible, puisque l'extraction peut abîmer les côtes.
De même, le nouveau système d'immatriculation des véhicules nous fait perdre le temps gagné grâce au passeport biométrique, car les documents établis par les professionnels doivent le plus souvent être revus en préfecture.
M. François Patriat , président . - Et c'est le contribuable qui paie !
M. Jean-Jacques Brot . - Il paie même deux fois, chez le garagiste, et pour financer le travail des préfectures.
On se heurte indéniablement aux résistances de certains syndicats, mais aussi d'agents des anciennes directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui estiment que leur culture n'est pas compatible avec celle des directions des services vétérinaires. Pour manifester leur mécontentement, ils se montrent extrêmement tatillons : au Puy-du-Fou, ils sont allés vérifier huit fois que l'on vendait bien du jambon de Vendée... En revanche, France Domaine fait un travail remarquable : suite à la tempête Xynthia, nous avons acheté en huit mois 660 propriétés. Il est rare que les résistances viennent des ministères. Mais je me suis trouvé dans une situation ubuesque lorsque j'ai voulu faire réparer le portail de la sous-préfecture de Fontenay, endommagé par un malfaiteur ; il s'agissait de recourir au BOP 309, qui finance les travaux dans les immeubles appartenant à l'Etat. Il a fallu quatre mois pour obtenir l'autorisation d'effectuer ces travaux, d'un coût de 356 euros ! Naturellement, j'avais fait réparer le portail sans attendre...
Les agriculteurs étaient inquiets, en effet, de la disparition des DDA, et en Vendée comme en Eure-et-Loir ils ont fait pression pour que l'ancien directeur de l'agriculture prenne la tête de la nouvelle direction départementale de l'équipement et de l'agriculture (DDEA). Mais ils ont été rassurés de voir que le préfet continuait à s'occuper des problèmes : eau, nitrate, phosphore, etc.
M. Jean-Luc Fichet . - Vous avez parlé de bon sens républicain. Eh bien ! le bon sens implique de sauvegarder des échelons de proximité dans l'administration de l'Etat. Je suis de plus en plus inquiet de l'avenir des sous-préfectures, car j'entends à ce sujet les avis les plus variés : certains disent qu'elles sont devenus superflues dans les campagnes, d'autres au contraire considèrent qu'il faut les y maintenir pour éviter que les usagers ne parcourent des distances trop longues, mais qu'ailleurs la préfecture suffit.
Il est heureux que certaines sous-préfectures subsistent, encore faudrait-il qu'elles aient les moyens de fonctionner. Je suis maire de Lanmeur, dans le Finistère, et je m'adresse de moins en moins à la sous-préfecture, car je tombe le plus souvent sur un répondeur téléphonique... D'après M. Alain Rousset, plutôt que de maintenir des sous-préfectures dénuées de moyens, il vaut mieux préserver les services publics essentiels : santé, éducation, etc. Qu'en pensez-vous ? Les sous-préfectures sont-elles vouées à disparaître ?
On se proposait, grâce à la RGPP, de faire des économies. Ce but est-il atteint ?
M. Jean-Jacques Brot . - Je me suis mal fait comprendre : je considère que les sous-préfectures sont indispensables, surtout dans les zones urbaines sensibles où elles travaillent en étroite collaboration avec les associations et les élus dans les domaines de la politique de la ville et de la sécurité. Dans certains départements ruraux, il est peut-être possible d'en regrouper, afin de préserver le conseil aux élus et aux entreprises tout en maintenant des services de délivrance des titres à une distance raisonnable des usagers. A la sous-préfecture de Fontenay-le-Comte, je vous l'ai dit, on ne délivre plus de titres, mais il y aura bientôt une « maison des services publics » où je compte installer peut-être les inspecteurs de l'éducation nationale -j'avais pensé à l'établissement public du marais poitevin, mais celui-ci est appelé à se développer, les agences et établissements publics de l'Etat étant beaucoup moins affectés par la RGPP que les services préfectoraux... Aux Sables-d'Olonne, il y aura bientôt un troisième fonctionnaire de catégorie A, et je compte installer la subdivision de la mer. Le sous-préfet doit être un facilitateur, et même s'il n'est pas compétent sur tous les dossiers, il sait à qui s'adresser.
La RGPP a-t-elle fait faire des économies à l'Etat ?
M. François Patriat , président . - M. Baroin parle de 7 milliards.
M. Jean-Jacques Brot . - De par ma fonction, je ne peux qu'acquiescer...
M. François Patriat , président . - Monsieur le préfet, merci : ce fut une des auditions les plus vivantes que nous ayons menées. Si notre rapport est à l'avenant, je crois qu'il pourra recueillir l'assentiment général.