Jeudi 12 mai 2011
M.
André Marcon,
président de l'Assemblée des chambres
françaises
de commerce et d'industrie (ACFCI)
M. François Patriat , président . - Notre mission a déjà entendu des représentants des collectivités locales, des usagers, des syndicats, ainsi que des ministres, des hauts fonctionnaires et la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire (DATAR). Votre point de vue nous intéresse d'autant plus que les chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont également engagées dans un processus de réforme. En quelque sorte, vous faites votre propre RGPP. Une comparaison entre ces deux mouvements menés en parallèle paraît donc d'autant plus instructive.
M. André Marcon, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) . - La réforme des CCI a en effet été accomplie, comme la RGPP, en vue de pouvoir dégager des économies. Elle n'a pas été simple à mener mais elle répond à une forte contrainte qui va peser sur les recettes des chambres dans les années à venir. Comme chacun le sait, une fusion n'est jamais facile à réaliser. Celle des chambres a suscité beaucoup de débats, mais la réorganisation est désormais en cours.
La RGPP représente pour nous un élément positif dans la mesure où elle vise à restructurer et à réorganiser efficacement les services de l'Etat. La question qu'elle pose réside dans le maintien du niveau de service de la part de l'Etat dans un contexte de réduction des moyens. De notre point de vue, cette réforme souffre d'un manque de lisibilité, notamment concernant les partenaires qui sont désormais amenés à dialoguer avec les CCI. D'une manière générale, on peut regretter une certaine perte de la culture commune qui faisait jusqu'à présent la force des services de l'Etat. On constate par ailleurs des différences notables dans les réponses qui sont apportées aux CCI selon les départements.
Dans la région Languedoc-Roussillon par exemple, il est manifeste que la logique des « silos » qui caractérisait les services de l'Etat, a été remplacée par une approche plus globale facilitant les relations de travail. En revanche, dans la région Bretagne, la lisibilité de la réforme est faible et on doit déplorer non seulement l'absence d'une stratégie globale mais aussi des interférences dans les actions menées dans le domaine international. Sur ce dernier point, on peut regretter la disparition de la direction régionale du commerce extérieur (DRCE) qui garantissait auparavant une meilleure répartition des compétences. Du point de vue des petites et moyennes entreprises (PME), il est difficile de trouver un interlocuteur dans chaque service de l'Etat.
Au niveau départemental, la relation avec les services de l'Etat est très bonne dans les Alpes-maritimes et dans le Gers, par exemple. On peut cependant déplorer une moindre fluidité dès lors qu'on passe au niveau régional.
Au total, la RGPP doit encore réaliser des progrès pour une plus grande efficacité au niveau territorial. Ces difficultés sont d'ailleurs très comparables à celles rencontrées dans le cadre de la réforme des CCI et de la mise en place des CCI territoriales prochainement rattachées à la région.
M. François Patriat , président . - N'y a-t-il pas une contradiction entre la volonté de l'Etat de resserrer ses moyens sur les missions régaliennes et la reprise en main de certaines autres missions (missions exportation, innovation, apprentissage...) ? Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des CCI, vous avez opté, à juste titre, pour privilégier le niveau régional. Il en est de même dans le cadre de la RGPP, mais l'échelon départemental est par ailleurs conforté par les lois de 2004 et 2010 relatives à la décentralisation et à l'organisation territoriale. N'y a-t-il pas là une seconde contradiction ?
M. André Marcon . - Nous constatons des redondances entre les structures de l'Etat et nous souhaitons un Etat « architecte » qui permette de répondre à la question : qui fait quoi et comment ?
La réduction des effectifs de l'Etat a en outre pour effet d'affaiblir l'offre en ingénierie. Selon nous, l'Etat doit désormais s'appuyer sur une ingénierie extérieure.
Nous souhaitons également que l'Etat soit « animateur » dans des domaines tels que l'action à l'international, l'intelligence économique ou l'innovation par exemple. Il s'agit là d'une condition d'efficacité et de réduction de la dépense.
Alors qu'auparavant les chambres avaient un très bon contact avec les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), il n'en va pas de même avec les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Il faut donc maintenant renouer avec un système plus efficient au coeur duquel l'Etat devient « animateur ».
M. Dominique de Legge , rapporteur . - Quel bilan tirez-vous de la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), en particulier dans l'aide qu'elles peuvent apporter aux jeunes entreprises ?
Quel jugement portez-vous sur le fonctionnement des DREAL ? Leur action porte-t-elle sur l'accompagnement des entreprises ou plutôt sur la seule application des réglementations ?
La mise en oeuvre du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) a fait l'objet d'appréciations contradictoires devant notre commission. Quel impact a-t-il, selon vous, sur les professionnels de l'automobile et les usagers ?
Quelles sont les conséquences de Chorus en matière de délais de paiement ?
Quelles sont vos préconisations pour améliorer les résultats actuels de la RGPP ?
M. André Marcon . - Après une phase d'expérimentation, les DIRECCTE ont fait de grands progrès. Elles doivent toutefois concilier des cultures différentes entre les ex-DRIR et les anciennes directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation (DDEFT), cette situation ne facilitant pas le lancement des projets.
Du côté des DREAL, il faut déplorer qu'elles ne soient plus centrées sur l'opérationnel. Auparavant, avec les DRIRE, il était possible de parler directement à l'ingénieur.
Dans le domaine des cartes grises, les premières difficultés ont été assez vite résolues. La filière automobile n'a pas donné de consignes particulières concernant la commission perçue par les professionnels procédant aux opérations d'immatriculation. Empiriquement, on constate que cette commission s'élève en général entre quarante euros et cinquante euros.
M. François Patriat , président . - Hier, le préfet de la Vendée nous disait que les professionnels de l'automobile remplissent mal les pièces du dossier et qu'il était nécessaire ensuite de refaire le travail dans les préfectures.
M. André Marcon . - Nous n'avons pas eu ce retour du terrain. S'agissant de l'entrée en application de Chorus, il nous semble que ce nouveau système d'information correspond à une initiative intéressante visant à gagner en efficience dans le domaine de la commande publique. Je veux toutefois souligner que cette commande publique ne doit pas systématiquement relever du niveau national, car le service après-vente a besoin de proximité pour être efficace.
La première de nos préconisations consisterait à définir plus clairement les rôles de l'échelon régional et du niveau départemental, notamment dans le cas des services économiques. Nous sommes candidats pour faire de la maîtrise d'oeuvre. Ainsi, par exemple, des référents PME pourraient utilement être mis en place avec le concours des CCI qui disposent d'une excellente connaissance du terrain. Actuellement, on confie des missions aux chambres sans augmenter leurs moyens : la gestion de l'aide aux demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise (ACCRE), les contrats d'apprentissage...
La deuxième de nos préconisations réside dans la recherche d'une plus grande simplification, celle-ci passant notamment par la dématérialisation. Cette dématérialisation débouche malheureusement trop souvent sur de véritables usines à gaz et les résultats seraient probablement meilleurs si cette démarche était initiée avec une plus grande proximité du terrain.
M. Jean-Luc Fichet . - La RGPP a-t-elle des implications s'agissant des relations entre les chambres consulaires ?
M. André Marcon . - Lors de la récente réforme des CCI, on est passé à côté de la chance de créer une chambre économique regroupant le commerce, les métiers, l'industrie... La France est le seul pays en Europe ne disposant pas d'une telle chambre. Je milite fortement pour ma part en faveur de l'interconsulaire qui a donné de bons résultats, par exemple, dans le Massif central.
M. Adrien Gouteyron . - Vous nous avez fait part des différences de réponses données par l'Etat selon les départements. Il existe en effet dans notre pays une très grande diversité de situations en fonction des régions et des départements.
J'aimerais savoir ce qui caractérise désormais, selon vous, le rôle des préfets. Y a-t-il des différences entre les préfets dans le domaine de l'animation des politiques ?
M. André Marcon . - Les pôles d'excellence rurale (PER) constituent un bon exemple des différences de réponses que peut donner l'Etat selon les territoires. J'ai personnellement eu beaucoup de difficultés avec ma préfecture lorsque j'ai voulu monter un PER. La préfecture de département m'en a en effet dissuadé en m'assurant que ce pôle ne serait pas éligible à l'aide. Ce PER a cependant reçu le plein agrément de la préfecture de région ainsi qu'à Paris, sans difficulté. On m'a même dit que je n'avais pas assez demandé ! J'ai apporté mon soutien à d'autres projets dans le Gers et dans le Gard avec l'aide active des préfectures de département.
M. François Patriat , président . - De ce que vous nous expliquez, je comprends donc que l'Etat a perdu en compétence du fait de la RGPP.
M. André Marcon . - Avant la RGPP, le préfet de région était d'abord un préfet de département. Selon mon expérience personnelle en Auvergne, cette tendance s'est inversée et il est certain que les préfets de région doivent avant tout se préoccuper de la région.
M. François Patriat , président . - Vous avez créé des antennes territorialisées des CCI, ce qui est intéressant dans le cadre de la réflexion sur le lien entre la région et le département.
J'ai beaucoup porté la dématérialisation dans ma région avec notamment la création d'une plateforme dématérialisée de services aux entreprises qui fonctionne bien (« e-Bourgogne »).
M. André Marcon . - Les CCI territoriales ne sont pas des antennes territorialisées mais des établissements publics rattachés à la région et où chaque département est représenté par des élus. Elles visent à permettre certaines mutualisations telles que dans le domaine de la paie par exemple.
Lorsqu'on réfléchit à la dématérialisation, encore faut-il prendre soin que les systèmes puissent se parler entre eux. A cet égard, il convient de travailler en « cluster », c'est-à-dire en « grappes » afin de permettre l'appropriation du nouvel outil par le plus grand nombre, comme ce fut le cas en Bourgogne. Pour réussir la dématérialisation, il faut simplifier et passer outre une administration trop souvent marquée par le respect de procédures rigides.
M. Dominique de Legge , rapporteur . - Comment est ressentie par les entreprises la fusion des services des impôts et de ceux du Trésor dans les nouvelles directions départementales des finances publiques ?
M. André Marcon . - Cette fusion est trop récente pour qu'on puisse en tirer un bilan. Elle renvoie toutefois à une simplification utile mettant fin à une séparation des services qui était assez kafkaïenne.