M. Vincent Descoeur, Président,
et de Mme Chantal Robin Rodrigo, Secrétaire générale,
de l'association nationale des élus de la montagne
(ANEM)

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M. Didier Guillaume , vice-président . - Quel bilan général faites-vous de la RGPP ? Quel est l'impact de la RGPP sur les territoires de montagne ? Comment les services y sont-ils rendus ? Avez-vous été consultés ou interrogés dans le cadre de la mise en place de la RGPP ?

Mme Chantal Robin Rodrigo, secrétaire générale de l'association nationale des élus de la montagne (ANEM) . - Pour nous, la loi de 1985 sur la montagne tient lieu de pierre angulaire. Elle prend en compte les spécificités des territoires de montagne, tant du point de vue géographique que du point de vue climatique. Nous ne sommes pas opposés à la réforme de l'Etat, mais la RGPP a été menée à marche forcée, que ce soit dans le cas de La Poste, des écoles ou encore des hôpitaux. Concernant la réforme de la carte hospitalière, je souligne ici qu'on accouche de plus en plus souvent dans les ambulances. La RGPP a été conduite sans concertation et dans la précipitation. On s'interroge à propos du devenir des sous-préfectures et de certains autres services. Il ne nous paraît pas possible de faire de l'aménagement du territoire dans ces conditions là. De même, les suppressions de postes d'enseignants sont bien souvent inadmissibles dans les zones de montagne. Il faut en effet tenir compte non seulement des distances, mais aussi des temps de déplacement dans ces territoires.

M. Vincent Descoeur, président de l'association nationale des élus de la montagne (ANEM) . - Le maintien des services publics dans les zones de montagne est plus difficile qu'ailleurs du fait de la dispersion des populations. Il faut en effet autant tenir compte sur ces territoires des délais de transport que de la distance elle-même. Dans le cadre de la RGPP, nous avons été informés mais pas concertés. Cette politique doit s'accompagner d'une approche territoriale, au risque dans le cas contraire de déboucher sur un amoindrissement de la qualité du service rendu. Ainsi, par exemple, dans le domaine de l'éducation, les départements de montagne risquent d'être désorganisés par la politique actuellement menée. Le service public de l'éducation tend à s'éloigner des familles et, même si le taux d'encadrement constaté dans les établissements situés en montagne est parfois élevé, ce critère n'est pas pertinent du fait de l'organisation particulière des classes dans les zones de montagne. La limite de l'exercice conduit avec la RGPP réside dans la notion de seuils.

Nous avons réussi à préserver la présence du service postal en zone de montagne, mais dans le cas de l'éducation nationale, les familles vont être confrontées au problème des distances.

L'excessive régionalisation des services publics entraîne l'éloignement des centres de décision et des compétences. Par exemple, dans le cas du rapprochement des directions départementales de l'équipement (DDE) et des directions régionales de l'environnement (DIREN), on n'a pas abouti à un schéma optimal et des difficultés se posent en matière de déneigement. Avant la RGPP, l'Etat assurait une assistance technique qui est désormais très éloignée des collectivités locales. Celles-ci tendent à substituer à cette assistance des agences techniques départementales. Les départements ont ainsi multiplié le développement de certains services parallèlement à la mise en place de la RGPP. Cette tendance nécessite de définir de nouveaux critères d'appréciation du service public.

Mme Chantal Robin Rodrigo . - J'insiste sur le problème posé par la désertification médicale. Dans les régions touristiques, on ne tient pas compte de l'afflux saisonnier de population. De ce fait, il existe un fort risque de santé lié à l'enjeu des distances et des difficultés climatiques. Or, le service public de la santé est bel et bien primordial. De ce point de vue, la récente loi sur la santé n'a malheureusement rien changé. Il aurait fallu une réelle concertation. Nous sommes arrivés aujourd'hui au bout du bout. Cela est d'autant plus regrettable que la démographie redémarre dans les zones de montagne et qu'il faut encourager cette reprise.

M. Didier Guillaume , vice-président . - Y-a-t-il une corrélation entre la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite et la baisse de la qualité du service public en zone de montagne ? Par ailleurs, qui possède réellement le pouvoir entre le préfet de région et celui de département ? Y-a-t-il une volonté de maintenir les sous-préfectures ?

M. Vincent Descoeur . - Le préfet demeure incontestablement un interlocuteur pour les collectivités locales, mais la RGPP s'est accompagnée de la montée en puissance du préfet de région. Aujourd'hui, l'interlocuteur des élus pour la question des routes est la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui relève du niveau régional et pas départemental.

Il faudrait certainement un vrai débat sur l'avenir des sous-préfectures. Mais l'Etat ne doit pas se contenter d'une présence au niveau régional. Les intercommunalités n'ont malheureusement pas la taille critique pour monter des services d'ingénierie.

Mme Chantal Robin Rodrigo . - Le préfet n'a plus aucun pouvoir sur l'organisation des territoires du point de vue de la santé. Concernant les sous-préfectures, les conseils généraux ont dû depuis longtemps suppléer aux carences de l'Etat, ce qui a notamment entraîné une hausse des impôts locaux.

M. Vincent Descoeur . - L'évolution actuelle pose la question du seuil minimum en deçà duquel l'Etat ne peut pas descendre. L'Etat devrait passer des conventions d'objectif (dans le domaine de l'éducation, de la santé...), faire une pause dans les réformes et se poser la question du maillage minimum nécessaire au maintien de la qualité des services publics sur tout le territoire. Dans le secteur de l'éducation, on doit privilégier les zones rurales et la banlieue.

M. Didier Guillaume , vice-président. - Faut-il des critères différenciés selon les zones ?

M. Vincent Descoeur . - Oui, c'est une évidence. Ceci n'est d'ailleurs pas difficile à conceptualiser et on pourrait parfaitement définir une règle du jeu claire avec l'Etat. Cette année, les objectifs fixés à l'éducation nationale ne sont pas compatibles avec le maintien d'un juste maillage du territoire.

Mme Chantal Robin Rodrigo . - Ces préoccupations ont d'ailleurs été parfaitement bien reprises par le Médiateur de la République dans son dernier rapport.

M. Vincent Descoeur . - Nous avons bien conscience toutefois qu'il n'est pas possible d'apporter une réponse à chaque problème.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Je comprends que pour bien aborder les territoires de montagne, il faut tenir compte de leurs spécificités, tant en terme de densité que de temps de transport et de distance. Toutefois, dans le cadre de l'accès aux soins, ces spécificités sont moins grandes et certaines fermetures d'hôpitaux peuvent se justifier.

A quoi servent aujourd'hui les sous-préfectures ? Sont-elles là pour marquer une présence de l'Etat ou apporter un service ? Quel est votre avis sur le regroupement des trésoreries ? Comment concilier l'existence de l'échelon départemental avec la prééminence de la région ? A cet égard, la fusion des DDE et des DIREN me paraît plutôt positive.

Dans le domaine de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, si les collectivités locales acceptent des compétences, il faut aussi qu'elles en acceptent les conséquences. Quelle est selon vous, dans ces conditions, la place des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ? N'avez-vous pas le sentiment que, dans le secteur de l'ingénierie, l'Etat se désengage progressivement ?

M. Vincent Descoeur . - La mise en place des nouvelles directions départementales des finances publiques (DDFiP) n'a pas suscité de traumatismes locaux. Aujourd'hui, on compte environ 45 communes par trésorerie.

Le déclin de l'assistance technique traditionnellement accordée par l'Etat pose le problème du nécessaire transfert de compétences. On le voit par exemple dans le domaine de l'assainissement de l'eau. Nous prévoyons la création d'une agence technique qui répondra aux appels d'offres. Il n'est toutefois pas normal qu'un élu ne puisse pas avoir un interlocuteur technique clairement identifié sur des problématiques liées au désenclavement.

Certes, les sous-préfectures doivent évoluer. Mais quels services faut-il laisser pour assurer la proximité du service public ? Le sous-préfet demeure à la fois un interlocuteur et un vrai recours, mais il devrait avoir des collaborateurs plus spécialisés.

Mme Chantal Robin Rodrigo . - Le sous-préfet est le premier représentant de l'Etat, en ce qu'il est le plus proche des élus locaux. S'il doit certainement évoluer dans ses missions et moderniser son mode d'action, il ne doit certainement pas disparaître.

En zone de montagne, les intercommunalités ne pourront guère dépasser quelques milliers d'habitants, ce qui pose un problème de taille critique.

M. Vincent Descoeur . - On n'attend pas tout de l'Etat. Par exemple, on a créé une mission d'assistance pour l'eau, qui est désormais l'interlocutrice d'environ 200 communes. Le sous-préfet devrait être un « développeur ». Il faut préciser que les communes ont aussi besoin d'une assistance juridique, tout comme les pôles d'excellence régionaux (PER) ont besoin d'un chef d'orchestre.

M. Didier Guillaume , vice-président . - Dans les zones de montagne, la population est-elle mobilisée ?

M. Vincent Descoeur . - La population est très sensible aux questions qui ont trait au service public de l'éducation, à La Poste, à la démographie médicale... Si l'Etat voulait bien consacrer un peu de temps et de matière grise à améliorer sa présence sur le territoire, il ne serait pas très difficile d'optimiser les moyens mis en oeuvre. Il y a parfois des contraintes insurmontables (comme par exemple les programmes scolaires dans les collèges) mais une dose de bon sens serait la bienvenue.

M. Didier Guillaume , vice-président . - A propos de la question des normes, il y a des seuils en deçà desquels on ne peut pas descendre. C'est par exemple le cas pour les maternités. Mais, en même temps, la fermeture d'une maternité a un impact sur les territoires. Aussi, les normes ne devraient-elles pas être différenciées selon les territoires ? Cela permettrait notamment de sauver certains hôpitaux en zone de montagne.

Mme Chantal Robin Rodrigo . - Il faut encourager les coopérations, y compris entre le public et le privé, pour éviter les doublons. La vie d'une femme peut être mise en danger si elle est trop éloignée d'un hôpital et je veux rappeler que les petites maternités présentent parfois des statistiques meilleures que les grandes. Il faut absolument préserver la proximité du service public.

M . Vincent Descoeur . - La tarification à l'activité tend à précipiter la chute de certains établissements de santé. Mais la fermeture d'une maternité peut aussi s'accompagner du renforcement du pôle « urgences ».

Mme Chantal Robin Rodrigo . - Une maternité qui ferme, c'est un hôpital entier qui est ébranlé.

M. Didier Guillaume , vice-président . - Il faut certes tenir compte des effets en chaîne d'une telle fermeture.

M . Vincent Descoeur . - Bien sûr et il faut insister sur l'égalité du service rendu, quels que soient les territoires.

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