2. Un pilier de plus en plus solide
a) Un pilier soutenu de façon presque unanime

Malgré ses inconvénients évoqués, le deuxième pilier, construit en 1999 par assemblage (des mesures rurales de la PAC ancienne et de mesures de la politique de cohésion) est devenu de plus en plus solide, budgétairement et politiquement.

Après les ajustements successifs du cadre financier pluriannuel, le deuxième pilier devrait bénéficier de 96  milliards d'euros sur la période 2007-2013, soit 32 % du montant affecté au premier pilier de la PAC et 28 % du montant affecté à la politique de cohésion. Mais, surtout, le deuxième pilier recueille un soutien massif dans la quasi-totalité des États membres. Même si le cofinancement est une contrainte budgétaire parfois lourde, le très large éventail des mesures proposées au cofinancement communautaire permet à chaque État, chaque région, chaque agriculteur, de « piocher » dans celle qui lui convient. Tel va choisir l'ICHN, tel autre marquera sa préférence pour les mesures de compétitivité. Dans les nouveaux États membres, la priorité est à la modernisation des exploitations, à l'achat de matériel agricole. Même les États les plus hostiles à la PAC sont favorables au deuxième pilier, non seulement parce qu'il pourrait alléger la charge du budget communautaire (la règle du cofinancement se substituerait au financement communautaire intégral), mais parce que les actions sont perçues comme plus utiles et plus défendables aux yeux de l'opinion. Le gouvernement néerlandais ou le parlement britannique, par exemple, recommande la disparition progressive - « flatening » - du premier pilier et le transfert des fonds vers le 2 e pilier, pour améliorer les infrastructures et les services dans les zones rurales (37 ( * )) .

b) L'exception française

Il y a dans cette belle harmonie une exception : la France. La France a contribué à la construction de la première PAC. Celle de l'organisation des marchés, de la production et de la productivité. Le tournant de 1992 a été un premier accroc à cette conception, mais vite accepté car les agriculteurs français ont été les bénéficiaires des nouvelles subventions européennes. En revanche, le tournant de 1999 a plutôt été perçu comme une concession aux pressions politiques du moment.

Si le développement rural pouvait, à la rigueur, rejoindre le champ de la PAC, l'insistance sur les questions environnementales a été souvent perçue comme une contrainte, une accusation implicite, voire même une remise en cause du travail de l'agriculteur. En dépit des soutiens répétés, y compris au plus haut niveau de l'État, au rôle de l'agriculture dans le développement durable (38 ( * )) , les préoccupations environnementales sont parfois plus vues comme des contraintes que comme des opportunités par les agriculteurs et les organisations professionnelles. Le monde agricole peut garder quelques réticences à s'engager vers le développement durable. Même si les efforts individuels et professionnels sont incontestables, globalement le deuxième pilier est loin d'être prioritaire chez la plupart des agriculteurs français qui sont entrés dans cette logique « à reculons » . L'analyse budgétaire montre clairement que la France est un acteur secondaire du deuxième pilier.

De surcroît, dans cet ensemble, les dépenses strictement environnementales ne sont pas, en France, prioritaires. La part consacrée aux mesures agroenvironnementales dans le budget global de développement rural est l'un des plus faibles de l'Union européenne, derrière le Portugal. Pour la France, le deuxième pilier, c'est avant tout l'ICHN (une dépense publique de 3,5 milliards sur la période 2007-2013 financée à 55 % par l'Union européenne) (39 ( * )) loin devant les MAE (2 milliards de dépenses publiques).

Répartition des dépenses agricoles entre États membres (sélection)

1 er pilier
2009 (millions d'euros)

% dans
le total

2 e pilier
2009
(millions d'euros)

2 e pilier
2007-2013 (millions d'euros)

% dans le total
2007-2013

France

9 495

20,4 %

780

6 442

7,3 %

Allemagne

6 376

13,7 %

930

8 113

9,2 %

Espagne

6 216

13,4 %

619

7 214

8,2 %

Italie

5 156

11,1 %

357

8 292

9,4 %

Pologne

2 037

4,4 %

1 043

13 230

15 %

Total

46 472

100 %

8 209

88 294

100 %

Répartition des dépenses publiques* du développement durable

France

Allemagne

Italie

Royaume-Uni

Pologne

Axe 1 : Compétitivité

4 174

3 701

6 434

945

7 187

Axe 2 : Environnement et paysages
dont MAE

6 178

2 068

5 533

3 371

6 981

3 702

6 823

4 521

5 546

2 303

Axe 3 : Qualité de vie en milieu rural

804

3 006

1 414

675

3 430

TOTAL

11 903

13 240

16 687

8 956

17 218

Source : Commission - DG agri rural development in UE - rapport 2009

*Dépense totale publique = financement UE + dépense publique nationale

Toute orientée vers les crédits du premier pilier, la France n'a ni profité des crédits, ni saisi les occasions d'évolution offertes par le deuxième pilier. Ou, pour le dire plus simplement, la France a tardé à prendre le tournant du développement durable. Alors qu'il paraît très probable que ce deuxième pilier sera renforcé dans la prochaine programmation, elle en paie aujourd'hui le prix.


* (37) House of Lords - The future of CAP - 7° session 207/2008, Volume I § 245 et 246.

* (38) « Souvent mise au banc des accusés de la détérioration de notre environnement, l'agriculture est en réalité un contributeur essentiel du développement durable de notre pays. Du fait de sa diversité, elle participe aussi bien à la lutte contre le réchauffement climatique qu'au maintien de la biodiversité et à la qualité des paysages... ». Lettre de mission du Président de la République au Ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - 11 juillet 2007.

* (39) L'ICHN est vitale pour le maintien d'une activité d'élevage en montagne comme le souligne la motion précitée de l'Association nationale des élus de la montagne.

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