3. Renforcer l'organisation des producteurs et des filières
a) Le rôle irremplaçable des organisations de producteurs
La complexité croissante de l'économie agricole et les rapports de force par trop défavorables avec les fabricants placent souvent les agriculteurs en position de faiblesse. Surtout s'ils sont isolés. Une meilleure organisation des producteurs et des filières apparaît indispensable pour deux types d'actions.
Un premier type d'actions porte sur l'aide à l'exploitation, qu'il s'agisse de diversifier la production et les débouchés, accroître la valeur-ajoutée de la production, développer la formation, utiliser les marchés à terme, affiner la connaissance du marché, partager des équipements communs ou instaurer des mécanismes de solidarité en cas de crise.
Un deuxième type d'action vise à renforcer le pouvoir de négociation face à l'aval des filières. La négociation d'un prix est - hélas - toujours un rapport de force entre un acheteur et un vendeur. Dans de nombreux secteurs, le rapport est totalement déséquilibré. C'est le cas du secteur laitier : en moyenne, dans l'Union européenne, on compte un acheteur pour cent producteurs. En France, l'éleveur livre son lait sans savoir le prix qu'il recevra, puisque la facture - la paye du lait - est établie par l'acheteur... Cette situation paradoxale est bien connue et crée une dépendance. Les producteurs isolés n'auront jamais l'influence suffisante pour peser dans une négociation.
Cette dispersion des agriculteurs entretient une logique d'affrontement entre les producteurs et l'aval des filières, là où d'autres pays privilégient une logique de partenariat. L'exemple des Pays-Bas est ainsi à l'opposé du modèle français. Dans la plupart des filières, quatre ou cinq organisations de producteurs couvrent près de 100 % de la production. Elles prennent le plus souvent la forme de coopératives. Cette concentration favorise le développement de partenariats avec la recherche, notamment l'Institut universitaire de Wageningen, et la contractualisation avec tous les acteurs de la filière.
Il ne s'agit pas d'idéaliser le système néerlandais. Comme l'a appelé M. Albert Jan Maat, président du LTO, principal syndicat agricole néerlandais, le secteur agricole a souffert comme les autres de la crise de 2008-2009 et la distribution est tout aussi féroce qu'en France quand il s'agit de négocier les prix. Mais l'organisation des producteurs et des filières permet de mettre en place des stratégies communes pour tirer vers le haut l'ensemble des acteurs. M. Albert Jan Maat a ainsi évoqué un récent accord entre la filière bovine et les distributeurs pour que ceux-ci acceptent de répercuter plus justement dans leur prix d'achat le coût de l'amélioration du bien-être animal pour les éleveurs. À la suite de cet accord, le LTO a dépensé près de 200.000 euros en frais d'analyse juridique pour défendre ce dossier devant l'autorité de la concurrence néerlandaise qui a finalement validé l'accord.
Cette culture du réseau n'est pas aussi bien diffusée dans tous les États membres, en particulier en France.