2. Quelles politiques de substitution ? Conserver ce qui fonctionne et apprendre à gérer le risque
Si, à moyen-long terme il est encore possible d'imaginer une meilleure régulation mondiale des marchés agricoles, au moins pour les cultures stratégiques que sont les céréales ou les oléagineux, l'horizon proche de la réforme de la PAC oblige à réfléchir à des solutions plus pragmatiques dans le contexte actuel. C'est en maniant une large palette d'outils que la volatilité agricole et ses effets peuvent être contenus.
a) Ne pas désarmer unilatéralement
Les outils actuels de régulation des marchés doivent tous être maintenus, à l'exception des restitutions à l'importation qui devront être supprimées à la fin 2013 conformément aux règles de l'OMC.
Ces outils, en particulier l'intervention, ont montré leur efficacité, même relative, au cours de la crise du lait en 2008-2009. Ils constituent un filet de sécurité en cas d'effondrement des prix.
Il en va de même pour les barrières douanières et les contingents sur les importations. Les niveaux actuels doivent être maintenus, sous peine de voir disparaître certaines filières fragiles, en particulier les filières bovine et ovine exposées à la concurrence des pays d'Amérique du sud. L'élevage bovin est une filière structurante pour nos territoires qu'il n'est pas envisageable d'abandonner, au même titre que la filière laitière qui lui est liée.
Pour ces secteurs, une politique renforcée d'intervention serait même concevable. Le prix de référence mériterait d'être calculé en fonction des données du marché européen plutôt que sur la base d'un marché mondial assez artificiel et imparfait. Le marché mondial des céréales a une profondeur ( 29 ( * ) ) que n'ont pas les marchés mondiaux de la viande ou du lait.
Cette politique du statu quo est d'autant plus impérieuse que les négociations dans le cadre du cycle de Doha peuvent se débloquer à tout moment, même si elles semblent au point mort aujourd'hui. Adopter une réforme de la PAC qui réduirait encore un peu plus les outils de régulations à notre disposition aurait pour effet immédiat de nous priver de marges de négociation vis-vis de nos partenaires de l'OMC.
b) Améliorer les mécanismes d'intervention
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la crise du lait en 2008-2009. En premier lieu, la réactivité de l'intervention peut être améliorée. Les présidents des commissions des affaires européennes et de l'agriculture du Parlement polonais ont estimé que « l'efficacité de l'intervention dépend moins de la nature des mesures que du temps de réaction. Dans la procédure actuelle, les ministres doivent demander à la Commission européenne qui procède à un examen, consulte... avant de prendre une décision qui intervient au mieux, six mois après. C'est trop long. La rapidité s'impose dans les situations de crise. Deux mois est un délai maximum ».
En second lieu, les outils de connaissance et de prévision de l'évolution de l'offre et de la demande demeurent imparfaits. On voit la crise lorsqu'elle est déjà là. L'instabilité des marchés agricoles requiert la mise en place d'outils plus fins pour prévenir les crises. Chaque semaine gagnée est cruciale compte tenu de l'inertie qui caractérise les cycles de production agricole. On songe à la création d'observatoires des prix et des marchés au sein des filières. Des interprofessions à l'échelle européenne seraient certainement le cadre le plus approprié pour surveiller les marchés et dialoguer avec la Commission européenne.
* (29) C'est la capacité à exécuter sur un marché de nombreuses transactions avec des volumes importants sans faire bouger de façon significative les prix à la hausse ou à la baisse. Elle est d'autant plus forte que le nombre de titres admis sur les marchés est important et que la fréquence des transactions est élevée. A contrario , un marché peu liquide subira une décote car le risque pris par l'investisseur est plus important.