b) Un retour en arrière improbable

L'extrême volatilité des prix agricoles a bouleversé l'équilibre économique des exploitations en Europe. Quand les prix chutent brutalement en dessous des coûts de revient, c'est la survie d'une filière qui est en cause. Des cours élevés n'impliquent pas nécessairement que les revenus le soient si le prix des intrants augmente aussi. Surtout, l'instabilité obscurcit l'horizon économique et rend périlleux tout projet d'investissement à moyen-long terme. Or, compte tenu de la longueur des cycles de production, il est indispensable que les agriculteurs européens retrouvent de la visibilité.

Comment recréer un environnement économique plus stable pour l'agriculture européenne ? Quelles solutions face à la volatilité des prix ? Plusieurs organisations agricoles sont tentées de revenir à une PAC garantissant des prix dits justes, déconnectés des prix mondiaux compte tenu de l'autosuffisance de l'Union sur de nombreux produits.

Ce scenario de prix administrés n'est pas envisageable. Il n'existe pas de majorité ni même de minorité au sein de l'Union pour défendre cette option. L'Union européenne ne reviendra pas sur l'ouverture et le choix du marché. Surtout pour revenir à une PAC administrée qui a fait la preuve de ses limites. On rappellera que les dérives de la PAC se sont produites alors même que les États disposaient de tous les leviers : le choix des prix, des volumes, des moments d'intervention...

En second lieu, les marges de manoeuvre en matière de régulation sont très encadrées par les règles de l'OMC. Les négociations en cours au sein de cette organisation dans le cadre du cycle de Doha devraient restreindre encore un peu plus les possibilités d'intervention sur les marchés. A moins de se retirer de l'OMC, une option souhaitée par la Coordination rurale par exemple, mais qui ne peut être considéré comme une option raisonnable.

Faut-il abandonner pour autant tout espoir de réduction de la volatilité des prix agricoles ?

c) Vers une régulation mondiale ?

La volatilité des prix agricoles a deux causes majeures : les caractéristiques propres aux marchés agricoles et le contexte plus général d'instabilité des monnaies et des marchés financiers.

Les réponses à ce dernier aspect dépassent très largement la seule question agricole. Elles s'inscrivent dans la dynamique actuelle d'une meilleure régulation des marchés financiers dans le cadre du G 20. Il faut aussi espérer que la déclaration des ministres des finances du G 20, le 22 octobre 2010 en Corée du Sud, signe le début d'une résorption des déséquilibres des changes entre les principales monnaies mondiales. La surévaluation de l'euro pénalise particulièrement les exportations européennes.

En ce qui concerne les marchés agricoles proprement dits, les réflexions débutent, mais le climat est propice à des avancées. La stabilité des marchés agricoles figure désormais à l'agenda prioritaire du G 20. Ainsi, à l'occasion de la réunion du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) qui s'est tenu à la FAO du 11 au 16 octobre 2010, M. Bruno Le Maire, ministre français de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, et M. Guilherme Cassel, ministre brésilien du développement agraire, ont présenté une contribution conjointe portant notamment sur la lutte contre la volatilité des prix des matières premières agricoles, la France et le Brésil proposant ainsi quatre grandes mesures :

- améliorer la transparence des informations sur les niveaux des stocks mondiaux de céréales, pour coordonner les politiques nationales ;

- inciter à la création de stocks alimentaires nationaux ou régionaux ;

- promouvoir la mise en place de mécanismes financiers innovants pour protéger les agriculteurs de la volatilité des prix, notamment en instaurant un mécanisme de garantie des prix ;

- mieux réguler les marchés des dérivés de matières premières agricoles.

Le groupe de travail se rallie à ces propositions, sans ignorer les obstacles immenses : dans quel cadre organiser la gouvernance mondiale ? Comment définir ce qu'est un bon prix pour des agricultures aussi diverses ? Une politique de stockage mondial est elle réalisable et même réaliste? Comment gérer les stocks, comment répartir les coûts... ?

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