II. LES OUTILS DE LA PAC : REPÈRES POUR UNE RÉFORME

A. LES INSTRUMENTS DE GESTION DES MARCHÉS AGRICOLES : PRIVILÉGIER UNE APPROCHE PRAGMATIQUE

1. Un changement de paradigme pour l'Europe
a) Le démantèlement progressif des outils de régulation

La PAC a été construite sur la régulation des marchés, essentiellement par des prix institutionnels qui servaient de référence aux prix du marché et par une intervention sur l'offre en retirant les productions lorsque le prix du marché s'éloignait du prix indicatif fixé par l'Union. La réorientation progressive de la PAC vers le marché s'est traduite par une réduction drastique de ces mécanismes et un alignement partiel sur les prix mondiaux.

Pourquoi ce changement de modèle de la PAC ? D'une part, les garanties des prix et d'écoulement de la production avaient fini par générer des surproductions de plus en plus coûteuses pour le budget de l'Union. La PAC était victime de son succès. D'autre part, l'UE se conformait - voire anticipait - à l'accord sur l'agriculture dans le cadre du GATT - devenu l'Organisation mondiale du commerce (OMC) - conclu à l'issue de la négociation de l'« Uruguay round » qui prévoyait trois dispositions: l'accès aux marchés (la suppression des prélèvements agricoles et la baisse des droits de douane sur les importations), la suppression des subventions à l'exportation, qui devra être effective d'ici la fin 2013 (et qui ne représentent plus qu'environ 650 millions d'euros par an, soit 1,1 % du budget de la PAC) et la baisse des soutiens internes à la production. Sur ce point, l'accord distingue les mesures qui ont pour effet de stimuler directement la production agricole et celles considérées sans effet direct. A ce titre, les mécanismes d'intervention ou de stockage privé ont du être réduits.

Sur les 43 milliards annuels consacrés au premier pilier, il y a 39 milliards d'aides directes et seulement 4 milliards d'interventions sur les marchés prises en charge par le Fonds européen agricole de garantie, le FEAGA (restitutions aux exportations et stockage). Moins de 7 % des crédits sont désormais consacrés à la régulation des marchés, alors qu'en 1991 ils représentaient la quasi-totalité du budget de la PAC - qui était lui-même plus important en pourcentage du PNB de l'Union.

Inventaire des outils de régulation des marchés agricoles

Le règlement n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, dit règlement « OCM unique » arrête, pour chaque produit agricole, les outils de régulation pouvant être mis en oeuvre. La palette est large, mais la mise en oeuvre varie selon les types de production. Certains outils, prévus par les textes, ne sont pas utilisés.

L'intervention publique correspond au stockage public. L'Union achète une partie de la production pour soutenir les prix lorsque ceux-ci descendent en dessous des prix de référence. Ceux-ci sont fixés actuellement à un niveau très bas qui, souvent, ne couvre pas les coûts de revient (exemples de prix de référence : 101,31 euros/t pour les céréales, 404 euros/t pour le sucre blanc, 246 euros/100 kg de beurre). Les volumes achetés sont écoulés ultérieurement dans des conditions évitant autant que possible toute perturbation du marché. Toutes les productions agricoles n'y sont pas éligibles, notamment les fruits et légumes.

L'OCM unique prévoit aussi des aides au stockage privé afin d'aider les producteurs à retenir une partie de leur production. Le montant de l'aide est fixé en tenant compte des frais de stockage et de l'évolution prévisible des prix de marché. La viande, l'huile d'olive, le sucre blanc et les produits laitiers sont les principales productions éligibles.

Des mesures exceptionnelles de soutien au marché sont aussi prévues en cas de maladies animales, de perte de confiance des consommateurs. Les céréales ou le sucre peuvent aussi bénéficier de mesures complémentaires en cas de baisse des prix en dessous du prix d'intervention (retrait d'une partie de la production...). Des mesures d'adaptation non quantitative de l'offre aux exigences du marché peuvent aussi être mises en oeuvre par la Commission dans le secteur de la viande et des plantes vivantes.

Deux secteurs sont encore soumis à un régime de quotas : le lait et le sucre. Les quotas de lait devraient être supprimés en 2015. Ce régime ne soutient pas directement les prix à la différence des précédents, mais prévoit des pénalités en cas de dépassement de certaines limites.

Des aides au soutien de la demande sont parfois permises. Par exemple, une aide à la fourniture de produits laitiers aux élèves ou une aide à l'achat de crème, de beurre et de beurre concentré à prix réduit par les armées, les institutions et collectivités sans but lucratif...

Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union peut recourir à des restitutions à l'exportation lorsque les prix mondiaux sont inférieurs aux prix européens. La différence est couverte pour permettre de s'aligner sur les prix mondiaux. A l'importation, des droits de douane variables selon les produits sont perçus. Des contingents existent également, notamment sur la viande bovine en provenance des États membres du Mercosur. Enfin, l'aide alimentaire peut être assimilée à une mesure de soutien aux marchés lorsqu'elle est massive comme aux États-Unis. Ce n'est pas le cas en Europe.

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