Audition de MM. Laurent DEGOS, président,
Gilles BOUVENOT,
président de la commission de la transparence,
Raoul BRIET,
président de la commission affections
de longue durée et
qualité du parcours de soins
et François ROMANEIX, directeur
général,
de la Haute Autorité de santé
(HAS)
(mercredi 16 juin 2010)
M. François Autain, président - Mes chers collègues, nous accueillons MM. Laurent Degos, président, Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence, Raoul Briet, président de la commission affections de longue durée et qualité du parcours de soins et François Romaneix, directeur général, de la Haute Autorité de santé.
Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, MM. Laurent Degos, Gilles Bouvenot, Raoul Briet et François Romaneix prêtent serment.
M. François Autain, président - Merci.
Je vous demanderai également, puisque cette audition est publique et en application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, de nous faire connaître, si vous en avez, vos liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits.
M. Laurent Degos - Je n'ai pas de conflits d'intérêts.
M. François Autain, président - Avez-vous des liens d'intérêts ? Ce n'est pas la même chose !
M. Laurent Degos - Je n'ai pas de liens d'intérêts.
M. Gilles Bouvenot - Je n'ai pas de liens d'intérêts.
M. Raoul Briet - Je n'en ai pas.
M. François Romaneix - Je n'ai pas de liens d'intérêts. Ma déclaration sur le site de l'HAS est publique, comme celle des membres du collège.
M. François Autain, président - Je vous propose de nous faire un exposé liminaire. La parole est à M. Laurent Degos.
M. Laurent Degos - La HAS évalue les produits et les actes de santé en vue de leur remboursement et de leur bon usage. Nous émettons des recommandations de bonnes pratiques de santé publique et de sécurité des soins et nous avons également une tâche de certification des établissements de santé et de l'information médicale. Nous avons aussi un rôle en matière de développement professionnel continu. Enfin, nous aidons à la prise en charge des maladies chroniques.
Autour de moi se trouvent M. Gilles Bouvenot, spécialiste de l'évaluation des médicaments et des produits de santé, et M. Raoul Briet, membre du collège, qui a pris en charge tout ce qui concerne les conflits d'intérêts.
La HAS n'a eu dans l'histoire de la campagne de vaccination qu'une seule saisine qui a eu lieu le 6 janvier 2010 ; elle provenait de la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé et des sports. La réponse a été apportée dans l'heure qui a suivi.
Cette saisine demandait l'avis de la HAS pour un remboursement de l'acte de vaccination contre la grippe A à un tarif précis. J'avais été averti durant le week-end précédent que nous risquions d'avoir cette saisine ; c'est pourquoi nous avons fait en sorte que la commission spécialisée et le collège puissent se réunir pour donner une réponse rapide et simple. Celle-ci a confirmé que les médecins généralistes pouvaient pratiquer la vaccination. Cela vous paraît évident mais il fallait le dire !
En revanche, la tarification ne relevait pas de notre ressort et nous avons dissocié notre avis au motif que la HAS n'a pas de compétences en matière de prix.
Le 6 janvier 2010, nous étions en pleine période d'analyses. Il suffit de voir les interviews de M. Frédéric Keck, le 9 janvier 2010, dans Le Monde et l'article de M. Thierry Saussez, directeur de l'information du Gouvernement, le 14 janvier, dans le même journal.
La HAS n'a fait l'objet d'aucune autre saisine. Elle n'a pas eu à évaluer les vaccins contre la grippe A, contrairement aux autres vaccins, ceux-ci n'étant pas remboursés mais fournis par les pouvoirs publics. Elle a évalué les différents médicaments antiviraux selon son agenda usuel. Elle n'a fait aucune recommandation particulière sur ce sujet pour ne pas gêner le ministère, émetteur unique d'informations.
M. François Autain, président - Avez-vous la possibilité de vous autosaisir ? La législation vous y autorise - t - elle ?
M. Laurent Degos - On en a la possibilité mais, en période de crise, nous avons pour règle de ne pas interférer avec l'émetteur unique que constitue le ministère, qui prend en charge cette crise.
M. François Autain, président - Il n'est pas prévu dans la législation que vous ne puissiez pas vous autosaisir en cas de crise ? C'est en quelque sorte une jurisprudence.
M. Laurent Degos - En quelque sorte...
M. François Autain, président - Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué que vous n'étiez pas frustré - d'autant moins que vous auriez pu vous autosaisir et que vous ne l'avez pas fait !
Néanmoins, on peut s'interroger sur le fait qu'à partir du moment où un médicament est financé par l'Etat, il ne soit plus soumis à votre pouvoir d'évaluation !
Par ailleurs, ne vous paraît - il pas étonnant, compte tenu des avis que vous avez formulés à propos de l'efficacité de l'oseltamivir, que l'Etat se soit doté d'une réserve de 34 millions de traitements à efficacité faible et n'en ait utilisé que 500 000 ? Cela ne vous paraît-il pas paradoxal ?
M. Laurent Degos - Pour ce qui est du vaccin, il a quand même été examiné par les instances de sécurité sanitaire, l'EMA ou l'AFSSAPS ainsi que par le HCSP. Notre rôle est de dire si un médicament doit ou non être remboursé. Or, celui-ci n'a pas été proposé au remboursement puisqu'il était fourni gratuitement.
Pour ce qui est du Tamiflu, je laisse M. Gilles Bouvenot répondre à votre question.
M. Gilles Bouvenot - Je confirme, s'il en était besoin, que la HAS, par sa commission de transparence interposée, n'est impliquée dans l'évaluation d'un vaccin que si la firme qui souhaite exploiter ce vaccin en demande le remboursement par la solidarité nationale. Dans les cas qui nous préoccupent, il n'y avait pas de raison que ce vaccin entre dans ce circuit.
Le Tamiflu - oseltamivir - a été évalué à de nombreuses reprises par la HAS. Il a même été évalué un an avant sa création puisque vous disposez de cinq avis, de 2004 à 2009, en passant par 2006, 2007 et 2008, 2002 étant la date de l'octroi de l'AMM.
M. François Autain, président - J'ai un avis de la commission de transparence de 2002.
M. Gilles Bouvenot - C'est très antérieur à la commission actuelle.
C'est donc un médicament que nous avons vu et revu, sans changer d'avis en aucune manière.
Sur les cinq avis de la commission de la transparence, trois se sont faites dans le cadre de procédures naturelles, et en particulier la demande de renouvellement quinquennal puisque nous sommes tenus de réévaluer les produits de santé cinq ans après leur inscription et deux ont été rendus sur saisine de la DGS, qui nous a demandé de confirmer notre avis. Les saisines de la DGS se rapportent à 2007 et 2008 mais il n'y a pas eu de saisine en 2009. Cela signifie que l'avis de la HAS d'octobre 2009 est un avis traditionnel, cinq ans après le premier avis de 2004.
Qu'avons - nous pensé de ce médicament au cours de ces cinq saisines ? Nous avons d'abord observé ses effets possibles dans le domaine curatif. Le Tamiflu raccourcit - il la durée d'une grippe installée et réduit - il le risque de complications ? A cinq reprises, la réponse a été que le service médical rendu ne justifiait pas une prise en charge par la solidarité nationale.
Cela ne signifie pas que le médicament est inefficace mais qu'il ne l'est pas assez pour justifier un remboursement.
Le Tamiflu réduit de 24 heures seulement la durée de la grippe. Nous avons donc considéré que ce raccourcissement ne justifiait pas la prise en charge.
Je voudrais cependant insister sur le fait que si l'intérêt du Tamiflu se conçoit bien dans le cadre d'une situation normale de grippe saisonnière, il est très difficile pour les experts de la HAS d'extrapoler ces données à une situation de pandémie. J'y reviendrai ultérieurement...
M. François Autain, président - Le British Medical Journal , paru en novembre, dit le contraire ! Selon lui, même pour la grippe saisonnière, il ne présente pas beaucoup d'intérêt ! Qui doit - on croire ? La différence est que l'oseltamivir traite la grippe en une semaine et le paracétamol en sept jours !
M. Gilles Bouvenot - Je suis bien d'accord avec vos propos : l'effet du Tamiflu en curatif est très modeste. Il raccourcit la grippe de 24 heures.
Nous avons considéré trois types de situation. Dans le cas de sujets sains, le service médical rendu est insuffisant. S'agissant des sujets présentant une comorbidité, susceptible d'une décompensation, par exemple respiratoire, le service médical rendu est faible. Enfin, pour certains patients, en particulier immunodéprimés ou à risque mais présentant une contre - indication au vaccin, le service médical rendu est modéré.
Chaque fois que la HAS a rendu un avis sur ce médicament, elle s'est efforcée de répéter la même chose sur ses performances mais surtout que le Tamiflu ne devait pas être un alibi pour l'absence de vaccination qui est la pierre angulaire de la prise en charge préventive de la grippe.
M. François Autain, président - Ainsi que les mesures physiques !
M. Gilles Bouvenot - Bien sûr, les mesures barrières jouent sûrement un rôle important et nous avons du mal à certains moments à préciser, à l'intérieur d'une prévention globale, ce qui peut relever de tel élément ou de tel autre.
Pourquoi avoir proposé une telle utilisation ? Etant sous serment, comme devant l'Assemblée nationale, vous ne serez pas étonné que la réponse que je vais vous faire soit la même ! Quel est mon point de vue ?
Quand on est dans une situation de grande peur, face à une pandémie dont on ignore ce qu'elle provoquera, comme c'était le cas à son début, on cherche à conjuguer tous les moyens les plus efficaces - comme la vaccination et les traitements d'appoint. Pour moi, le Tamiflu ne pouvait que relever de cette dernière catégorie. Faut - il pour autant le rejeter ? En conscience et sous serment, je ne le pense pas !
La peur était - elle justifiée ? C'est une autre question mais, dans une telle situation, tous les moyens thérapeutiques étaient bons à prendre. C'est l'expert qui parle...
M. François Autain, président - Les médecins n'ont pas eu vraiment peur ! Savez - vous combien de doses ont été prescrites sur les 34 millions ?
M. Gilles Bouvenot - Je n'en ai aucune idée !
M. François Autain, président - 500 000 ! La peur n'était donc pas si grande.
M. Gilles Bouvenot - Je ne suis pas surpris.
M. François Autain, président - ... Et seulement 5 % à titre préventif, qui est la meilleure indication que vous préconisiez, ce qui veut dire que les médecins vous lisent attentivement !
M. Gilles Bouvenot - J'ai une grande confiance dans le corps médical et j'espère qu'il a confiance en la HAS !
M. François Autain, président - Il a sûrement confiance mais il ne doit pas lire toutes ses productions !
Avez - vous été saisi pour ce qui est du traitement préemptif, nouveau concept que j'ai rencontré en lisant les comptes rendus du CLCG, qui a piétiné vos plates - bandes en matière d'évaluation, concept également repris par l'AFSSAPS et par la DGS ? C'est un traitement qui semblait intéressant. Je sais que vous n'avez pas à être saisi des extensions d'AMM parce que c'est gratuit mais vous avez peut - être un avis sur ce traitement préemptif.
M. Gilles Bouvenot - Nous n'avons pas été saisis et, personnellement, je n'ai pas d'avis sur ce type de traitement.
M. Alain Milon, rapporteur - Permettez - moi de réagir à vos propos sur la notion de peur et de panique. C'est une notion reprise pour excuser les décisions prises ensuite par les autorités.
Or, cette peur et cette panique sont intervenues après les déclarations de l'OMS. L'OMS a, assez souvent, déclaré que nous étions dans une période de pandémie mais a toujours dit que si celle - ci pouvait avoir un passage d'homme à homme rapide, elle n'était pas grave.
En revanche, pour pouvoir donner sa définition de la pandémie, elle a supprimé la notion de gravité.
On se retrouve dans cette situation assez paradoxale d'une « grippette » pandémique pour laquelle, dans l'hémisphère Sud et jusqu'en juillet prochain, l'OMS maintient une phase 6.
Quel est votre sentiment ?
M. Laurent Degos - La HAS n'a pas réfléchi sur ce point mais j'y répondrai cependant.
Tout d'abord, je n'ai pas prononcé le mot « peur ». Il y a la crainte, la peur puis la panique. La crainte est encore raisonnée, la peur le devient moins et la panique est collective. Il y a probablement des gradations dans l'attention que l'on porte à un événement.
Vous avez raison de dire qu'il y a un changement de terminologie dans ce qu'on a appelé une pandémie. La sévérité et la mortalité faisaient notamment partie de la définition commune de la pandémie.
Le New England Journal of Medicine , le 10 juin dernier, a publié une étude de Hong Kong dans laquelle ses auteurs estiment, après avoir repris tous les critères, qu'il s'agit d'une grippe saisonnière.
A posteriori , avec des critères très précis et scientifiques, on peut effectivement remettre en question ce qui s'est passé. C'est lorsqu'on est passé à côté d'un événement que l'on peut en rechercher calmement les causes, sans rechercher les responsabilités. C'est ce que nous faisons. Or, les articles actuels font état d'une grippe à la sévérité modeste.
M. François Autain, président - Même des autorités politiques - et non des moindres - dès le 5 mais 2009, disaient que cette grippe était moins grave qu'une grippe saisonnière. Il s'agit de Mme Janet Napolitano, secrétaire à la sécurité intérieure des Etats-Unis !
On ne l'entendait pas en France mais il n'empêche qu'à cette époque, il existait déjà des autorités politiques qui avaient pris le risque - si risque il y avait - de dire ce que pouvait être cette grippe.
M. Alain Milon, rapporteur - Mme Margaret Chan l'a dit aussi, dès le 14 mai.
M. François Autain, président - C'était après le 5 !
M. Alain Milon, rapporteur - Ce n'est pas si mal ! Il n'y en avait pas beaucoup qui le disaient à l'époque !
M. François Autain, président - C'est vrai.
M. Alain Milon, rapporteur - Vous n'avez pas à intervenir quand les vaccins et les antiviraux sont pris en charge par la collectivité nationale. Je le regrette.
Cela étant, il existe un problème de bon usage et vous n'avez pas non plus été consulté sur le bon usage de la vaccination.
Lors d'une audition précédente, on nous a parlé de convulsions hyperthermiques post-vaccinales en Australie chez un certain nombre d'enfants.
Même dans ce cadre, vous n'avez donc pas été consultés. Trouvez-vous cela normal ? Ne pensez-vous pas qu'à l'avenir, vous devriez l'être plus facilement ?
M. Laurent Degos - Il faut un seul émetteur lorsque les pouvoirs publics prennent quelque chose en charge.
En second lieu, nous sommes saisis pour tout ce qui concerne les produits par les laboratoires eux-mêmes qui nous demandent une évaluation. Dès lors, nous nous préoccupons du bon usage.
Il faut poser la question à M. Gilles Bouvenot pour savoir si cette notion a été évoquée au sein de la commission de la transparence...
M. Gilles Bouvenot - Non, nous n'avons pas été saisis. La commission de la transparence est intégrée à la HAS. Elle ne pense donc pas différemment.
La commission de la transparence a quand même tenu une séance, le 20 ou le 21 octobre 2009 sur le Tamiflu. Il est évident que des conversations ont eu lieu entre ses membres à propos du produit et de sa réévaluation.
Nous avons cette habitude de répondre à des saisines ou à des obligations réglementaires. Il ne pouvait venir à l'esprit des membres de la commission de s'exprimer alors que personne ne le leur demandait.
Pour nous, dès lors qu'on nous demandait de revoir un produit cinq ans après, comme il est naturel de le faire et dès lors que nous n'avions pas à nous prononcer dans le contexte de cette pandémie, nous ne l'avons bien entendu pas fait.
M. François Autain, président - Estimez-vous que c'est normal ? Souhaitez-vous ou non, à l'avenir, être sollicité par le Gouvernement, même en cas de pandémie, pour tester soit un vaccin, soit un antiviral ?
M. Gilles Bouvenot - Il y a eu pour nous deux phénomènes dont celui de l'urgence. Or, interroger une instance peut ralentir la prise de décisions.
En second lieu, lorsque les pouvoirs publics prennent en charge un domaine, nous avons pour habitude de ne rien faire pour interférer avec l'émetteur unique. Il ne paraît pas raisonnable de brouiller les messages dans un tel contexte.
Autant on peut féliciter le président de la HAS d'avoir fait en sorte que le collège réponde dans la journée à la saisine ministérielle portant sur l'acte de vaccination, autant il aurait été impossible à la commission de la transparence de la HAS de se prononcer dans des délais aussi brefs.
M. Alain Milon, rapporteur - Vous avez dit à l'Assemblée nationale que l'efficacité de la vaccination pour la grippe saisonnière était reconnue. Nous avons plutôt entendu des avis contraires et il nous a été dit en tout cas que l'on manquait d'études démontrant cette efficacité. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?
M. François Autain, président - Sur quel niveau de preuve vous fondez-vous pour évaluer un vaccin et le vaccin saisonnier ? Quelle est votre méthodologie ?
M. Gilles Bouvenot - Je vous répondrai sans détour. Lorsque ces produits nous arrivent, ils doivent avoir fait la preuve de leur efficacité. Nous ne faisons que conforter l'idée qu'ils sont efficaces mais le rapport bénéfice-risque, c'est-à-dire l'efficacité a été démontrée par le dossier présenté à l'instance d'enregistrement, en l'occurrence l'EMA pour le H1N1. Pour d'autres vaccins, ce peut être une agence nationale.
Ce sont des essais contrôlés et lus de manière critique par les experts. Nous nous autorisons cependant une lecture critique du dossier, qui nous conforte dans l'idée que ces vaccins sont efficaces. Sur quoi nous fondons-nous ? Nous nous fondons sur le pouvoir immunogène du vaccin qui est démontré mais qui constitue un critère intermédiaire et sur l'évolution générale au cours des années, c'est-à-dire le fait que ces grippes saisonnières épidémiques sont maîtrisées. En particulier, on protège grâce à ce vaccin les personnes à risque - je pense aux personnes âgées.
Beaucoup d'autres experts ont dû vous le dire : j'attire très solennellement l'attention de la commission sénatoriale sur l'importance de l'image que la vaccination doit avoir dans la population. Il serait consternant qu'elle soit remise en cause parce qu'un vaccin paraîtrait moins efficace ou ferait l'objet de publications critiques.
Dans le domaine de l'évaluation, en dehors de l'urgence, nous attendons d'avoir un certain recul pour nous prononcer, la littérature pouvant nous faire évoluer. Aujourd'hui, je crains que la mise en doute de l'efficacité d'un vaccin porte préjudice à la réputation scientifique de bons vaccins.
Le Parlement a confié à la HAS la mission d'améliorer, par tous les moyens à sa disposition, la prise en charge des patients et la qualité des soins, ce qui inclut la prévention. Je ne crois pas que l'on puisse remettre en cause l'efficacité générale de la vaccination, même après l'épisode H1N1. Le jour où la population n'aura plus confiance dans les vaccins, je ne sais pas ce que deviendra la santé publique ! A mon avis, elle régressera !
M. François Autain, président - Pour qu'un vaccin soit crédible, il faut qu'il soit sûr et que son indication soit bien posée mais dès qu'un vaccin est controversé, on doit peut-être penser à ne pas l'utiliser. C'est ce qui s'est passé aux Etats-Unis, qui ont choisi des vaccins sans adjuvant. On a parfois intérêt à vacciner en fonction de ce que ressent la population.
A-t-on fait des essais randomisés, en double aveugle versus placebo, des vaccins contre la grippe saisonnière ? C'est une preuve irréfutable qui permettrait de réhabiliter cette vaccination, qui a énormément souffert de cet épisode qui risque de s'étendre à des vaccinations d'une utilité incontestable, comme la variole, la poliomyélite ou le tétanos.
M. Alain Milon, rapporteur - Le président de la commission et le rapporteur sont convaincus de l'utilité de la vaccination. S'il fallait la défendre, nous le ferions. Lorsqu'on a posé la question à l'EMA sur l'efficacité de la vaccination, il nous a été répondu que le vaccin contre la grippe A (H1N1)v était efficace à 70 %. C'est un chiffre extrêmement intéressant mais il s'agit d'une efficacité immunobiologique.
Par ailleurs, la population et les élus de terrain ont parfois ressenti que la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 a été mise en place hors du système médical et a entraîné un certain mécontentement - pour ne pas dire autre chose - du corps médical. Pour la vaccination en général l'effet est dramatique. Cette campagne a entraîné une défiance vis-à-vis de ce système de vaccination et entraînera peut-être une défiance vis-à-vis de la vaccination générale, ce qui est dramatique.
Il n'empêche que le mal est fait et que si l'on veut mettre à nouveau en avant la vaccination, il faut que l'on arrive à prouver que l'efficacité clinique existe. Dans le cas contraire, on risque une perte totale de la confiance de la population dans la vaccination. C'est notre sentiment et notre désespoir à tous deux.
M. Gilles Bouvenot - Je n'éluderai pas votre question mais je vais vous décevoir.
Le plus haut niveau de preuve est celui que vous avez cité, monsieur le président. Je ne puis vous répondre sur ce qui s'est passé. Je n'ai pas vu le dossier H1N1...
M. François Autain, président - Je parlais du vaccin saisonnier.
M. Gilles Bouvenot - Une sorte de tradition scientifique - qui vaut ce qu'elle vaut - dit que, pour les vaccins, les études immunologiques et observationnelles sont un niveau de preuve assez satisfaisant et suffisant. Dans certaines situations, la comparaison avec un placebo ne serait en effet pas éthique. Dès lors qu'une antériorité dans l'utilisation du vaccin a démontré son intérêt, il est extrêmement difficile de revenir en arrière et de faire des comparaisons avec un placebo.
Nous avons pris le vaccin saisonnier en route, ce vaccin existant depuis quelques décennies. Nous n'avons donc fait que voir ce qui avait été compilé en matière d'études observationnelles. C'est pourquoi je n'ai pas en tête d'étude clinique comparative pour la grippe saisonnière.
M. François Autain, président - Cela confirme ce que je pensais ! Pensez-vous qu'il soit cependant souhaitable de recourir à de tels essais ? On pourrait les pratiquer sur des personnes n'ayant jamais été vaccinées contre la grippe. Elles ne risquent pas une maladie grave ou mortelle. Certes, la grippe est mortelle mais moins que certaines autres maladies ! Est-ce techniquement possible ?
M. Gilles Bouvenot - C'est techniquement possible mais je n'ai probablement pas la légitimité voulue pour répondre à votre question, bien que celle-ci soit intéressante, la HAS n'étant pas en charge de la démonstration de l'efficacité des vaccins.
M. Alain Milon, rapporteur - La gestion de la grippe H1N1 a fait apparaître une certaine complexité dans l'organisation des instances consultatives en matière sanitaire et l'on peut par ailleurs se demander si ces instances disposent des moyens nécessaires. Avez-vous des observations à formuler sur ces deux points ?
Comment organiser efficacement, ce qui est certainement difficile, une « expertise d'urgence » en matière sanitaire ?
M. Laurent Degos - Nous avons effectivement remarqué, au sein du collège, qu'il existait pour le vaccin une multiplicité d'instances qui interviennent pour évaluer leur sécurité, leur efficacité et décider de leur remboursement. C'est sûrement un sujet qui mérite réflexion. Faut-il diminuer le nombre d'étapes ? Ce n'est pas à moi d'en juger. Faut-il raccourcir ce temps ? Qui, en période d'urgence, doit être consulté ? Or, cette fois, les parties consultées ont été celles relatives à la sécurité des médicaments et le HCSP. La HAS ne l'a pas été.
On peut toutefois se poser la question de savoir si on ne peut apporter une simplification dans l'évaluation des vaccins.
M. François Autain, président - Savez-vous quelle structure a été consultée en urgence pour apprécier l'opportunité de la vaccination ?
M. Laurent Degos - Ce sont l'EMA et l'AFSSAPS...
M. François Autain, président - Non, c'est le CLCG. La DGS, avant même de consulter le HCSP, a consulté d'abord le CLCG, qui est un organisme très bien structuré, qui a toutes les qualités qui manquent à la HAS. C'est sur son avis que l'on a commandé les 94 millions de doses ! Cela s'est fait, je crois, un dimanche, au téléphone : c'est dire les conditions rigoureuses dans lesquelles ont été prises des décisions importantes !
C'était pour vous éclairer, au cas où vous n'auriez pas suivi les choses, ayant été tenu en dehors de cette affaire.
M. Laurent Degos - Je parlais des vaccins en général et pas forcément de celui contre la grippe.
M. François Autain, président - Nous sommes quant à nous surtout intéressés par les vaccins contre la grippe - pour le moment en tout cas !
M. Alain Milon, rapporteur - La HAS a fait des efforts importants pour se doter d'une Charte de déontologie et se donner les moyens de gérer les conflits d'intérêts. L'application de ce dispositif pose-t-il des problèmes et exige-t-il beaucoup de moyens ?
Pensez-vous que toutes les instances d'expertise sanitaire ont les moyens de se doter des mêmes outils ?
Faudrait-il à votre avis compléter les textes législatifs relatifs à la déclaration des liens d'intérêts et à la gestion des conflits d'intérêts, par exemple pour améliorer la publicité des liens d'intérêts et permettre le contrôle des déclarations publiques d'intérêts ?
Enfin, pensez-vous que les dispositions dites du « Sunshine Act » récemment introduites dans la loi américaine peuvent être efficaces ? Sont-elles, selon vous, transposables en France ?
M. Laurent Degos - Il ne faut pas confondre intérêts et conflits d'intérêts. Heureusement que les scientifiques éprouvent de l'intérêt pour ce qu'ils font ! Les conflits d'intérêts reflètent une situation ou une posture particulière d'aide à la décision.
En second lieu, la déclaration ne suffit pas. Que fait-on avec cette déclaration ? On peut soit exclure, soit gérer ce conflit d'intérêts. Cela dépend des situations.
Déclaration, gestion et exclusion sont donc trois moments différents. La déclaration, en soi, est un état des lieux mais non une gestion du conflit d'intérêts.
La loi Obama tend donc à améliorer la déclaration mais ne dit pas grand chose sur la gestion elle-même. Ce qui vous importe et qui nous importe en tout cas, c'est le fait de savoir ce que l'on fait de cette gestion.
Enfin, pour ce qui est de la HAS, il existe deux situations particulières. La première concerne la transparence ; une commission sert de tampon et de filtre. C'est un moyen de gérer ces conflits d'intérêts. Quant aux recommandations de bonnes pratiques, c'est le groupe lui-même qui les établit et il n'y a donc pas de commission intermédiaire. C'est en ce sens que nous avons encore plus de travail dans la gestion des conflits d'intérêts. C'est pourquoi la HAS a fortement travaillé sur ce sujet, base même de notre mission.
M. Raoul Briet - Chaque année, depuis que la HAS existe, on essaye d'ajouter une pierre à l'édifice en rendant les déclarations publiques, en mettant en place un groupe largement composé d'experts extérieurs, en publiant une charte de déontologie, en revoyant récemment notre guide de déclaration publique d'intérêt.
On a eu à gérer une approche un peu anglo-saxonne : il ne suffit pas d'être convaincu que l'expert est honnête ; il faut que l'on soit en situation de convaincre l'extérieur - usagers, médias, responsables politiques - que l'on a pris le maximum de dispositions pour être sûr qu'il n'existe pas de biais dans l'expertise qui nous est donnée.
Il faut bien voir que pour la HAS, qui a bien sûr des moyens significatifs, ce travail est un travail de masse, lourd, qui recourt chaque année à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'experts dont on doit contrôler les déclarations d'intérêts, que l'on doit rendre publiques le plus vite possible sur le site.
En second lieu, la formalité est souvent ressentie comme paperassière par les experts eux-mêmes et comme une mise en cause de principe de leur honnêteté, d'où des difficultés relationnelles.
M. Gilles Bouvenot a eu la gentillesse de me convier à une réunion de la commission de la transparence afin d'expliquer les raisons de ces déclarations.
M. François Autain, président - Il n'y a pas de honte à travailler avec un laboratoire, bien au contraire !
M. Raoul Briet - Bien sûr ! La déclaration protège non seulement la HAS mais également l'expert lui-même, cette formalité, une fois remplie, permettant de rendre des comptes à la collectivité !
La troisième difficulté : la déclaration publique d'intérêts permet de cerner le moins mal possible ce qui est en cause. Ce sont des intérêts juridiques, matériels, financiers, plutôt directs.
Chacun sait que les intérêts intellectuels, de chapelle, de corporations, d'idées sont importants - certains diraient plus importants - dans l'évaluation que les intérêts matériels ; or, par nature, ils résistent à une appréhension sous forme de formulaires et de déclarations. On ne s'y intéresse pas et la matière est plus difficile à cerner.
Même dans le champ des intérêts financiers, il reste à savoir où s'arrêter dans le degré de précision. Doit-on quantifier les intérêts déclarés ? Doit-on raisonner en valeur absolue ou relative par rapport à la rémunération d'un expert ? Comment doser le principe qui veut que l'on fasse confiance à l'expert qui engage sa responsabilité lorsqu'il fait sa déclaration ? On ne peut se contenter de classer une déclaration sans poser de questions ni compléter une instruction. Jusqu'où être inquisitorial et en quelles circonstances, compte tenu de nos moyens ?
Enfin, il faut doser le conflit d'intérêts : est-il de nature à compromettre l'indépendance de l'expertise ? Cet intérêt est-il majeur ou mineur ? C'est affaire de discernement et d'appréciation. Dans un certain nombre de cas, on peut difficilement faire autrement, si l'on veut une expertise scientifiquement irréprochable et de qualité, que de recourir à un expert dont les déclarations d'intérêts le mettent en situation de conflit d'intérêts majeur. La rareté ou la spécificité de la maladie ou du médicament fait qu'on y est tenu. C'est ensuite à nous de prendre les dispositions pour justifier les raisons pour lesquelles nous avons, en dépit de ces déclarations d'intérêts, eu recours à ses services et comment nous avons fait en sorte de ne pas nous retrouver pieds et poings liés par cet expert.
Tout cela suppose aussi beaucoup de traçabilité. Nous croyons beaucoup, à la HAS, à l'idée de tracer, documenter, justifier les raisons qui ont conduit à choisir tel expert plutôt que tel autre et surtout à choisir un expert en dépit de sa déclaration d'intérêts, ayant considéré que le bénéfice s'attachant à son concours était supérieur au risque.
Tout cela suppose un gros effort de formalisation, de justification et de transparence vis-à-vis de l'extérieur.
En termes de perspectives, ma religion n'est pas faite pour déterminer si les textes suffisent aujourd'hui. Je pense qu'on ne peut attendre d'eux davantage que ce qu'ils peuvent apporter. Un travail de mise en oeuvre doit être fait.
La transparence vis-à-vis de l'extérieur est peut-être un excellent moyen. Elle oblige à répondre à toutes les questions et nous place en situation de responsabilité. Cette systématisation est probablement une bonne réponse.
Chaque autorité ou chaque agence peut-elle faire le même travail ? Chacune a sa zone de responsabilités. Elles rendent une expertise, font le choix de leurs experts et je ne crois pas que l'on puisse déléguer à une entité tierce la possibilité de désigner tel ou tel expert sur tel ou tel sujet.
En revanche, de bonnes pratiques communes, des règles communes, des échanges d'expériences, d'outils, le fait que l'on parvienne - on y travaille avec l'AFSSAPS - à simplifier la déclaration des experts pour aboutir aussi vite que possible à une mise en commun des déclarations auprès des différentes agences ou hautes autorités nous paraît une manière pertinente de faire progresser les choses.
M. François Autain, président - Ces considérations ont-elles présidé à la nomination de la présidente du groupe que vous avez créé concernant la maladie d'Alzheimer ? J'avais d'ailleurs posé une question écrite à ce sujet. On m'a répondu sans me répondre !
M. Laurent Degos - Il s'agit de Mme Florence Pasquier.
M. François Autain, président - Je ne voulais pas citer son nom mais elle a travaillé à la commercialisation de Donépézil, substance active entrant dans la composition de deux ou trois médicaments contre la maladie d'Alzheimer - qui, entre nous, ne sont pas très efficaces. Je ne sais si la HAS l'a dit.
M. Laurent Degos - Elle l'a dit !
M. François Autain, président - S'agit-il d'un « loupé » ? Cela vous a-t-il échappé ?
M. Laurent Degos - Le FORMINDEP nous a interpellés sur ce sujet et a fait une grande publicité autour.
Il s'agit d'une personne de très grande qualité, reconnue par toute la communauté neurologique traitant la maladie d'Alzheimer. Elle avait en outre un travail à faire sur la partie non médicamenteuse de la prise en charge de cette affection. Enfin, cette personne a travaillé sur l'investigation de ces médicaments auprès de ses patients. Je crois qu'on est tous très heureux d'avoir des médicaments précocement dans notre pays grâce aux investigateurs de haute qualité qui permettent de tester ces médicaments.
Investiguer un médicament constitue-t-il déjà un conflit d'intérêts ? Ce n'est pas être consultant. Il ne s'agit pas d'argent. Les essais thérapeutiques sont maintenant « multicentriques », afin d'être solides. Ils sont menés dans tous les centres mondiaux où travaillent des scientifiques de haute valeur. Si on le leur interdit, ils perdront leur aura scientifique. Ce n'est pas parce que l'on fait de la recherche clinique que l'on est en grand conflit d'intérêts !
Pour en revenir à cette personne...
M. François Autain, président - Il y en avait d'autres !
M. Laurent Degos - Il y en avait une autre en lien avec le diabète...
M. François Autain, président - Le cas que nous évoquons est une personnalité emblématique.
M. Laurent Degos - En effet. Elle en est convenue et en a pris son parti après cette longue discussion et avoir été attaquée de tous bords...
M. François Autain, président - Elle n'a pas été attaquée : on l'a informée !
M. Laurent Degos - Elle a été fortement attaquée dans les médias. La HAS a donc estimé qu'il lui fallait expliquer pourquoi cet expert de la maladie d'Alzheimer a été choisi et comment...
M. François Autain, président - Il n'y en avait vraiment pas d'autres ?
M. Laurent Degos - Non. Peut-être y en a-t-il d'autres mais c'est ainsi que nous avançons progressivement. Nous avons pris la décision que chaque fois qu'un expert risque d'être attaqué parce qu'il existe un réel conflit d'intérêts, il faut qu'il existe une traçabilité et qu'on le protège.
De ce fait, s'il y a le moindre procès, c'est contre la HAS qu'il faut le mener et non contre l'expert. Nous cherchons une traçabilité totale en expliquant pourquoi il a été choisi, dans quelles conditions, pour quelles recommandations.
M. François Autain, président - A mon sens, cela ne suffit pas. A tout le moins, une présidente d'une telle structure ne devrait pas avoir de liens d'intérêts. C'est en cela que M. Gilles Bouvenot constitue un exemple à suivre !
M. Laurent Degos - Je suis d'accord avec vous. Lorsqu'on fait une évaluation de médicament, la commission de la transparence sert de filtre. Lorsqu'on fait une recommandation de bonnes pratiques, c'est un groupe de professionnels qui s'expriment. Si on prend des professionnels qui ne connaissent pas le sujet, on ne sait ce qu'ils diront.
Par ailleurs, les Allemands sont dans la même problématique. Nous nous sommes posé ensemble la question de savoir si la traçabilité suffit. Si nous sommes en difficulté, on prendra un président qui n'a rien à voir avec le sujet. Un néphrologue pour la maladie d'Alzheimer ou un neurologue pour une maladie du rein.
M. François Autain, président - Cela étant, je connais des tas de gérontologues qui n'ont pas de liens d'intérêts et qui sont très compétents en matière de maladie d'Alzheimer. Ils sont toutefois peu favorables à la prescription de ces médicaments qu'ils considèrent comme inutiles ! Ce n'est peut être pas le but recherché !
M. Laurent Degos - La recommandation n'était pas médicamenteuse.
M. François Autain, président - Ce n'est pas ce que j'ai lu !
M. Laurent Degos - On a appris en marchant. Tout ceci se fait progressivement, en s'améliorant. A chaque expérience déplaisante, on doit améliorer les choses. C'est ainsi que l'on avance.
M. Raoul Briet - Notre réflexion nous conduit à envisager aujourd'hui de confier la présidence d'un groupe d'experts sur une recommandation à une personnalité qui a la capacité à présider mais qui, pour autant, ne fait pas partie du ou des grands spécialistes du sujet étudié. Cette position que nous avons fait nôtre ne va pas tout à fait de soi dans le monde qui nous entoure. Nous allons donc dans cette direction.
M. François Autain, président - Prenez l'exemple de la commission d'enquête sénatoriale sur la grippe H1N1 : le président est totalement incompétent en matière de grippe ; il n'empêche qu'il préside.
Je pense qu'il faut de plus en plus éviter de recourir à des médecins qui ont des liens d'intérêts. Vous n'aurez ainsi plus de conflits d'intérêts. C'est l'objectif et je ne saurais trop vous encourager à vous engager dans cette voie.
Cette fois-ci, le conflit d'intérêts a été rendu public par le FORMINDEP ; la prochaine fois, ce sera peut-être quelqu'un d'autre ! Ce n'est pas selon moi une expérience qui doit être répétée.
M. Laurent Degos - C'est grâce à ces verges que nous nous améliorons. Nous nous sommes améliorés immédiatement après ! C'est grâce à ces moments difficiles que l'on essaie d'avancer.
M. François Autain, président - La parole est aux commissaires.
M. Marc Laménie - Quelle est votre approche - rejoignant en cela la question du rapporteur - à propos de la notion de confiance vis-à-vis de la vaccination contre la grippe H1N1 ? Comment les maires de petites communes, que nous sommes parfois, peuvent-ils faire passer le message sur le terrain avec l'aide des préfets, des services de l'Etat ?
M. Laurent Degos - La confiance est à la base même de l'acte de santé publique. Un refus de la population empêche toute action. Il faut donc retrouver cette confiance. J'espère que cette commission pourra y aider.
Si on veut aller plus loin, à qui le citoyen fait-il confiance en matière de santé ? A son médecin, peut-être plus qu'à tout autre ! Il faut donc tenter de retrouver ce lien fort entre le médecin et son patient.
M. François Autain, président - Je reste sur une déception, le président Gilles Bouvenot n'ayant pas répondu à ma question concernant les 33,5 millions de doses d'oseltamivir. N'êtes-vous pas étonné que le Gouvernement n'ait pas suivi vos recommandations et ait commandé une telle quantité de ce médicament dont on ne sait plus que faire ? Peut-être avez-vous des idées en la matière. Je proposais qu'on en tapisse les routes ou qu'on ravale les façades avec la poudre de ce produit !
M. Gilles Bouvenot - J'ai en effet oublié de répondre à votre question. Il n'est pas ici question de l'éluder mais il est très difficile de répondre. J'ai une certaine conception de ce à quoi peut servir le Tamiflu et à qui le donner dans le cas général de la grippe saisonnière. Autrement dit, les recommandations de la HAS concernant le Tamiflu correspondent à des populations que nous avons chiffrées.
Sachez que, chaque fois que nous rendons un avis sur un médicament, nous sommes tenus de préciser la « population cible ».
Si, en cas de grippe saisonnière, on commande 34 millions de boites alors que la HAS estime la population cible à 600 000 personnes, cela fait plus que m'étonner.
En revanche, dans le cas d'une pandémie, alors que l'on se demandait qui tiendrait la barre si tout le monde était atteint, je ne sais combien de millions de boîtes il faudrait acheter !
M. François Autain, président - Pensez vous que 34 millions soient suffisants ?
M. Gilles Bouvenot - Cela me paraît confortable.
M. François Autain, président - Vous me rassurez ! On se contentera de cette réponse.
M. Gilles Bouvenot - Je ne peux en dire plus.
M. François Autain, président - Je comprends. Merci de votre contribution.