Audition de M. Wolfgang WODARG,
médecin
épidémiologiste,
ancien président de la sous-commission
de la santé
de l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe
(mercredi 16 juin 2010)
M. François Autain, président - Mes chers collègues, nous accueillons M. Wolfgang Wodarg, expert épidémiologiste, ancien président de la sous-commission de la santé de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Wolfgang Wodarg prête serment.
M. François Autain, président - Je vous remercie.
Je vous demanderai également, puisque cette audition est publique et en application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, de nous faire connaître, si vous en avez, vos liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits.
M. Wolfgang Wodarg - Je n'en ai pas.
M. François Autain, président - Merci.
Je vous propose de commencer l'audition par un exposé liminaire puis de répondre aux questions de notre rapporteur, M. Alain Milon, et des membres de la commission. Vous avez la parole.
M. Wolfgang Wodarg - Je suis médecin interne et, pendant treize ans, j'ai dirigé une institution en tant que directeur de la santé publique dans le Nord de l'Allemagne.
J'ai été responsable de la prévention et du traitement d'épidémies grippales. J'ai créé une sentinelle, un instrument de monitoring au cours des années 1980 ; pendant de longues années, tous les ans, j'ai observé les différentes vagues grippales.
J'ai contacté des écoles, de grandes entreprises mais aussi beaucoup d'hôpitaux généralistes et autres institutions, de sorte que j'avais toujours une juste impression du nombre de malades dans le contexte des vagues grippales. Je sais donc qu'il existe un certain nombre d'infections.
Sur une population d'environ 200 000 personnes, on dénombrait environ quarante hospitalisations et quatre décès au cours d'une saison grippale normale, parfois un peu plus, parfois un peu moins.
J'aimerais expliquer pourquoi, peu après la déclaration de la pandémie par l'OMS, je me suis montré très sceptique concernant ce qui s'est passé au Mexique où il n'y a eu que quelques cas manifestes, utilisés peu après pour créer un scénario qui a effrayé le monde entier.
Les données du professeur Neil Ferguson montraient que les chiffres ont rapidement augmenté mais le nombre global des cas ne dépassait pas 600.
Si je compare cela avec ma région, ce qui a été présenté était ridicule mais a servi de base à des calculs. M. Neil Ferguson a calculé le nombre de personnes qui prennent l'avion à Mexico pour se rendre quelque part dans le monde. Des dizaines de milliers de personnes sont dans ce cas. Sur 600 malades, on a appris plus tard que la grippe n'avait pas toujours été confirmée. Des erreurs ont donc été commises dans les statistiques et le nombre a dû être révisé.
Cette base de données était donc extrêmement peu fiable mais très impressionnante. La vitesse de propagation d'une infection, même légère, est conforme à la vitesse de déplacement des avions modernes. Cela vaut pour toutes les maladies.
Le second argument a été qu'il s'agissait d'un virus nouveau ; ce n'est pas tout à fait juste car la grippe porcine est connue chez l'homme ; les virus changent constamment et il existe des mutants, de nouvelles combinaisons. L'infection est donc possible pour beaucoup de ceux qui n'ont pas encore été en contact. Certes, le H1N1, en 2009, comportait un composant nouveau mais d'autres étaient connus et ont été reconnus par le système immunitaire. Les personnes âgées sont tombées malades beaucoup plus rarement que les autres, étant déjà immunisées.
L'évolution des épidémies grippales au cours des décennies écoulées est également due à la façon dont on traite les complications. Lorsque l'état général est mauvais et qu'il n'y a pas d'antibiotique, des infections pulmonaires surviennent. C'est pourquoi beaucoup de gens sont morts de la grippe. L'introduction des antibiotiques a changé les choses. Après la guerre, on était mieux nourri et les complications mieux traitées. En moyenne, la mortalité due à la grippe est maintenant très faible.
La grippe de Hong Kong a créé quelques pics, ainsi que la grippe asiatique mais tout cela ne démontre pas qu'il faille vraiment prendre peur.
On peut dire que des virus qui se répandent rapidement doivent satisfaire à certains critères. Tout d'abord, ils ne doivent pas tuer leurs hôtes ou les neutraliser. Lorsqu'un virus rend son hôte malade très rapidement, le patient reste à la maison. Il ne doit pas être source de contagion pour les autres mais si le virus laisse les personnes en assez bonne santé, les gens sortent et contaminent les autres. Les virus peu dangereux se transfèrent donc beaucoup plus rapidement que d'autres. C'est une connaissance épidémiologique de base.
Le H1N1 s'est répandu très rapidement dans certains secteurs de la population. Les écoliers n'étaient pas vraiment malades, sauf cas exceptionnels. Les conséquences graves étaient assez rares. Il s'agissait pour la plupart de personnes ayant déjà des handicaps de santé ; cette légère grippe a fait le reste mais en nombre beaucoup plus faible que pour d'autres états grippaux.
Tout cela est évident et on le savait déjà lorsque l'OMS, le 11 juin 2009, a déclaré l'état d'alerte 6 face à la pandémie de grippe A (H1N1). Ces arguments étaient connus : l'OMS les a pourtant complètement ignorés !
Fin août, début septembre, à la fin de l'hiver austral, on a su quelles avaient été les victimes après que les cas aient été observés en Australie par un service de santé très compétent. Il s'agissait d'une grippe peu sévère. Pour ce qui est de la répartition par âge, cette grippe a souvent touché les jeunes et beaucoup moins les personnes plus âgées dont la moitié était immunisée contre ce virus.
L'OMS connaissait ces résultats mais ne les pas utilisés pour annoncer la fin de l'alerte, au contraire ! On a paniqué les populations en prétendant que cela pouvait empirer. L'OMS a continué à attiser la peur. Du point de vue scientifique, il n'y avait aucune raison à cela. Il n'existe pas d'argument concret. C'est tout simplement une affirmation gratuite mais qui a fait croître les ventes de vaccins et d'antiviraux dans les parties du monde où elles n'avaient pas encore débuté.
Les Australiens ont dit qu'il n'y avait pas de raison de procéder ainsi mais l'OMS n'a pas eu de réaction et a continué à semer la panique, affirmant que le pire était à redouter. L'OMS avait déjà pratiqué de la sorte au moment de la grippe aviaire, en 2005. Cette maladie existe chez les oiseaux depuis dix ans : les oiseaux tombent malades et ne peuvent plus accomplir leur migration. Aujourd'hui, on sait que les médecins ont peut-être davantage répandu la grippe aviaire que les oiseaux eux mêmes !
M. Klaus Stöhr, qui était responsable du « Task force » épidémiologique, a conseillé d'acheter de l'Optaflu et du Virenza...
M. François Autain, président - L'Optaflu correspond-il au Tamiflu chez nous ?
M. Wolfgang Wodarg - Non, c'est un vaccin de Novartis.
M. Stöhr a ensuite intégré Novartis et travaille dans les mêmes domaines, ce qui est étonnant !
Les Australiens, lors de leur évaluation, ont montré que des mesures d'hygiène très simples permettaient de juguler l'épidémie, comme dans le cas du SRAS. Hong Kong avait accepté l'aide de la communauté internationale et, grâce à des mesures appropriées, on a pu venir à bout du virus sans vaccination. On peut faire la même chose lors d'une épidémie de grippe. L'Australie a d'ailleurs prévu des mesures autres que la vaccination en cas de nouvelle épidémie grippale.
On envoie les gens chez le médecin lorsqu'on soupçonne un début de grippe ; ils y rencontrent d'autres personnes qui peuvent avoir des problèmes - asthme, etc. C'est ainsi que l'on crée la contagion dans les salles de consultation !
Du point de vue de la prévention, ce qui s'est passé et qui se passe encore souvent est une hérésie. Nous pouvons empêcher les maladies uniquement en adoptant des comportements adaptés. Les possibilités ne sont pas épuisées. Chacun ne jure que par la vaccination. La mortalité a été moindre que ce que l'on avait annoncé. La grippe saisonnière entraîne une mortalité supplémentaire de 0,5 million d'individus dans le monde.
Le virus H1N1 a fait entre 17 000 et 18 000 morts mais il faut dire que l'on ne différencie pas, au plan statistique, si les gens sont morts directement ou indirectement de la grippe, du fait d'un asthme par exemple. Lorsque les tests sanguins ont révélé que les gens étaient positifs, ce qui était le cas de beaucoup de personnes âgées, on a prétendu que c'était à cause de la grippe. Ceci dénature les statistiques. Il y a beaucoup moins de cas que ce qui a été déclaré.
On a ainsi créé une pandémie. Mon collègue Thomas Jefferson a déjà dû vous l'expliquer. La définition a été modifiée - je l'ai dit - et cela a été une des raisons pour lesquelles je me suis élevé contre ce qu'a fait l'OMS. Pour que l'on puisse parler de pandémie, il faut que la maladie soit grave. L'OMS a retiré le critère de gravité de sa définition. C'est ainsi que cette maladie légère a pu être déclarée comme une pandémie. On a créé la peur.
La communication de l'OMS au sujet des critères a donc été très mauvaise. L'OMS aurait dû dire que cette grippe était légère et qu'il ne fallait pas avoir peur, qu'elle progressait certes très vite mais que c'était normal et qu'elle était moins grave que la grippe saisonnière. Or, L'OMS ne l'a jamais fait. Ceux que l'OMS considère comme les meilleurs virologues nous ont donc induits en erreur et ont procédé à de fausses affirmations.
Beaucoup d'autorités nationales l'ont fait savoir et certains instituts nationaux en étaient conscients. Le 19 mai, avant la déclaration de pandémie, lors d'une conférence de presse, de nombreux Etats ont demandé à l'OMS pourquoi elle modifiait sa définition. La Grande-Bretagne, le Japon et la Chine ont protesté ainsi que quinze autres pays. L'OMS a affirmé avoir entendu le message puis, entre le 19 mai et le 11 juin, le groupe d'experts - dont les noms sont tenus secrets - s'est réuni en affirmant qu'il fallait déclarer la pandémie. Les arguments et les calculs que j'ai indiqués ont alors joué un rôle très important.
Je ne sais si M. Neil Ferguson a fait partie de ce groupe mais je pense que c'est le cas - bien que je n'en sois pas certain. Ce groupe existe toujours et il est toujours secret. Même le Conseil de l'Europe n'a pu savoir qui en est membre et reste très étonné que l'OMS ne joue pas cartes sur table !
M. François Autain, président - M. Neil Ferguson a donc participé à ce groupe ?
M. Wolfgang Wodarg - J'ai dit que M. Neil Ferguson est un des conseillers principaux de l'OMS. Je ne sais pas comment ce groupe d'experts est composé et j'aimerais savoir si M. Neil Ferguson a défendu les arguments de l'OMS que je vous ai montrés qui ont été utilisés pour justifier la pandémie.
M. François Autain, président - M. Neil Ferguson est-il membre du groupe de travail scientifique européen sur la grippe (ESWI) ?
M. Wolfgang Wodarg - Oui.
Depuis 2005, à différents niveaux et dans différents pays dans le monde entier, des discussions ont eu lieu concernant la préparation en cas de pandémie. Ceci a été fait à la demande de l'OMS. Des négociations ont eu lieu entre les entreprises pharmaceutiques et les gouvernements. Beaucoup de pays dans le monde ont signé des contrats applicables en cas de pandémie.
En Allemagne, ces contrats ont été signés avec GSK. Des contrats avec la France comportent des formulations analogues prévoyant que le Gouvernement français est obligé d'acheter ces vaccins. Il est intéressant de constater qu'en Allemagne, comme certainement en France, GSK et d'autres entreprises ont surtout vendu des vaccins avec adjuvants et des vaccins multidoses.
Les adjuvants devaient être vendus entre 6 et 8 euros ; GSK était obligé de mettre les vaccins à disposition pour une somme allant de 1 à 1,20 euro. Cela tient au fait que les virus ne peuvent être brevetés mais que les adjuvants bénéficient de brevets des différentes entreprises. Les prix s'en ressentaient donc.
Ces vaccins étant considérés comme antipandémiques, l'EMA à Londres et d'autres autorités à travers le monde, y ont vu une raison suffisante pour accorder des autorisations.
En cas d'urgence, on ne peut évidemment pas vraiment veiller à la qualité de la thérapeutique. Lorsqu'on a du temps, on peut étudier les effets secondaires. Si ce n'est pas le cas, on en accepte davantage. Le vaccin anti-H1N1 a donc été autorisé, en dépit de ses défauts. Les adjuvants étaient là pour produire davantage de vaccins avec moins de virus et plus rapidement. C'est pourquoi les entreprises ont imaginé cette stratégie.
Novartis a développé un autre vaccin afin de résoudre le problème autrement, non avec des oeufs de poule mais en utilisant des cellules provenant de tumeurs qui croissent très vite et qui sont donc utilisées comme substrats des virus. On peut ainsi créer des virus plus rapidement et mettre à disposition beaucoup plus de vaccins.
C'est une bonne idée mais on n'a jamais essayé de savoir si des impuretés provenant de ces cellules tumorales ne pourraient être source de cancers chez les patients. On ne peut pas dire que ce n'est pas le cas. On aurait dû s'en préoccuper avant de vacciner des millions de gens. On a accepté un risque énorme en prétendant qu'il s'agissait d'une pandémie dangereuse. C'est ainsi que les autorisations ont été données. Les Australiens ont dit, dès décembre, qu'il n'y avait aucune raison, en 2009, de traiter la maladie différemment d'une autre grippe. On aurait pu se donner du temps et renoncer à ces vaccins sans ces effets secondaires possibles. On ne l'a pas fait et le label de la pandémie a facilité les ventes.
La France a été encore plus rapide : le 9 mars, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a signé avec Sanofi le contrat concernant la production de vaccins. C'était visionnaire puisqu'on ne parlait pas encore du Mexique mais Sanofi était déjà là ! Ce sont des faits : l'industrie pharmaceutique, à travers le monde, a été très active et a beaucoup investi. La pression des investisseurs était naturellement énorme pour que ces investissements aient un bon rendement. L'OMS a donc dû essayer de leur prêter main forte ! C'est l'explication qui s'impose. L'OMS a dit que la comparaison entre la grippe H1N1 et la grippe saisonnière revenait à comparer des pommes et des poires. En principe, ce n'est pas faux mais il faut ajuster les échelles d'une année sur l'autre avant de créer une nouvelle base de décisions. Cela n'a pas été fait ; les affirmations ne sont donc plus fiables. Plus personne ne peut procéder à des comparaisons épidémiologiques.
Il est intéressant de relever qu'en Allemagne, tout comme en France et en Asie, le personnel médical, qui connaît très bien les grippes, n'a pas cru à tout cela et ne s'est pratiquement pas fait vacciner. En temps normal, un quart du personnel médical se fait vacciner contre 10 % au maximum cette fois-ci. Les médecins, les infirmières et autres personnels bien informés n'ont donc pas cru l'OMS ! C'est impressionnant et inquiétant.
Répondant à une étude du British Medical Journal , l'OMS a estimé que l'on pourrait penser que l'Organisation travaille pour l'industrie mais a fait valoir qu'elle présentait des définitions épidémiologiques et biologiques claires. Il reste néanmoins énormément de questions pour ce qui est des critères et de leur pertinence scientifique. En fait, il n'existe pas de réponse ! Tout cela a été arrangé par ce comité d'experts, à huis clos et en quelques jours. L'OMS ne présente aucune documentation. C'est une erreur grave et une pratique obscure.
Le Conseil de l'Europe a préparé un rapport qui sera publié la semaine prochaine ; le Conseil de l'Europe voudrait contrôler l'OMS sur le plan parlementaire, jouer le rôle de modérateur et représenter les élus afin de garantir une plus grande transparence et d'assurer une meilleure politique de communication.
Aussi longtemps qu'il existera des gens qui vivent de la panique et qui reçoivent davantage d'argent lorsque la population a peur, émergeront des maladies nouvelles. Il est donc important que l'on ne puisse influencer l'industrie de la santé. Il faut pour cela séparer la santé publique des intérêts économiques. Il convient d'être très strict sur ce point, sous peine de perdre des ressources et de porter atteinte à la santé des populations à cause de vaccinations dont ils n'ont pas besoin et qui créent la plupart du temps des effets secondaires.
M. François Autain, président - Merci.
La parole est au rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur - Vous avez dit que le Conseil de l'Europe souhaitait, dans le cadre de la publication qui se fera la semaine prochaine, intervenir dans le contrôle de l'OMS, ce qui me semblerait être une bonne solution.
Toutefois, lorsque nous sommes allés rendre visite à l'OMS il y a quelques jours, nous nous sommes aperçus que pratiquement 80 % des financements de l'OMS étaient maintenant des financements de fondations privées, en particulier américaines.
Les conditions de contrôle parlementaire européen de l'OMS passeront-elles par un financement européen de l'Organisation ?
M. Wolfgang Wodarg - C'est en effet un problème très important. Les autorités publiques de santé, à tous les niveaux - et je puis le dire pour beaucoup de pays à l'exception peut-être de la Scandinavie - ont été affaiblies depuis quelques années. La santé est devenue un marché et beaucoup d'Etats pensent qu'il peut créer des emplois. Cela signifie que ces pays vont vivre des malades. Du point de vue économique, c'est aberrant et au plan éthique, c'est pire encore !
Je pense que l'OMS a été mal financée et qu'on a trop voulu économiser. En 1998, à Davos, lors du Sommet économique, on a dit que l'OMS devait créer un partenariat public-privé en matière de santé. En 2001, une expertise a mis en garde contre ce partenariat. On prévoyait déjà ce qui allait arriver aujourd'hui. A l'époque, on n'en a pas tenu compte. L'OMS a créé des règles de transparence qu'on n'a pas utilisées. Les acteurs qui fournissent de l'argent sont devenus de plus en plus importants. Les fondations américaines travaillent souvent avec l'industrie pharmaceutique. Elle est très habile et passe par d'autres qui travaillent pour elles, comme les instituts scientifiques. Elle crée des carrières pour les scientifiques et finance des programmes d'aide pour le tiers monde. C'est du marketing qui sert à défendre ses intérêts partout à travers le monde.
Ce marketing est souvent criminel. Depuis des années, l'industrie pharmaceutique marche sur des cadavres et c'est inacceptable ! La responsabilité publique doit faire en sorte d'assurer la santé. Il faut investir suffisamment pour être indépendant de l'industrie. On peut demander son avis, lui poser la question de savoir ce qu'elle peut faire et à quel prix mais la décision n'a pas à être prise par l'industrie elle-même. Or, pour l'instant, les choses sont mélangées et l'industrie crée et participe à des partenariats public-privé.
M. Alain Milon, rapporteur - Dans la mesure où les Etats financent de moins en moins l'OMS, sont-ils tenus d'accepter les décisions prises par l'OMS, en particulier dans le cadre d'une pandémie ?
M. Wolfgang Wodarg - Que les Etats se retirent du financement de l'OMS est une chose ; le second problème est de savoir qui, dans les Etats souverains, décide de la santé publique. Jusqu'où un Etat peut-il faire confiance à ses propres instituts ? Travaille-t-il aussi avec l'industrie ? S'il en est ainsi, c'est dangereux.
Si les Etats sont indépendants, avec des services de santé forts, et regardent de près ce que propose l'OMS, c'est moins dangereux. Tout au plus les conflits entre les Etats et l'OMS se feront jour lors de l'Assemblée mondiale des services de santé.
En France, au Japon, en Corée, en Inde et dans de nombreux Etats d'Asie ainsi qu'en Grande-Bretagne, en Pologne, en Scandinavie et en Allemagne, on est en train de commencer les discussions. Il est vrai qu'en Allemagne, on ne discute pas encore assez. Les médias commencent timidement à en parler mais l'industrie pharmaceutique est un annonceur important pour eux. Ils vivent en grande partie du marketing de l'industrie pharmaceutique. Il y a là un mélange malheureux. Je ne sais pas s'ils voulaient être agréables à leurs annonceurs mais il est permis de le croire.
M. Alain Milon, rapporteur - Vous avez dit devant le Conseil de l'Europe qu'une définition des pandémies excluant toute référence à leur gravité pose de sérieux problèmes en termes d'organisation des réponses aux crises pandémiques et de perception sociale des risques sanitaires, du fait de la panique à laquelle cela peut donner lieu dans la population.
On nous a objecté - en particulier à l'OMS - qu'il était difficile de donner une définition objective et incontestable du critère de gravité qui pourrait permettre de caractériser une pandémie. Que pensez-vous de cette objection ? Comment pourrait-on selon vous formuler ce critère ?
M. Wolfgang Wodarg - J'ai beaucoup discuté avec des collègues du fait de savoir comment on pourrait progresser. Les Australiens sont les plus avancés en la matière. Je puis à ce propos vous présenter certains travaux scientifiques.
Aujourd'hui, il faut acheter le vaccin. C'est l'effet principal de la décision prise par l'OMS de déclarer le stade 6 de la pandémie. De nombreuses mesures peuvent être différentes d'un Etat à l'autre, les populations étant différentes, le mode de vie étant différent, etc.
Il est important d'informer les gens du comportement à adopter, les hôpitaux, les médecins, afin de savoir qui doit être hospitalisé et qui doit demeurer chez lui pour qu'il n'y ait pas de contagion inutile. On ne l'a pas fait. On a créé la panique, surtout pour ce qui est des enfants que les parents ont amené chez le médecin beaucoup plus souvent que d'habitude, même en cas de simple rhume.
Les plans pandémiques sont toujours nationaux ; l'OMS peut jouer un rôle important mais les services nationaux doivent pouvoir être assez forts pour décider de ce qu'il faut faire sur place.
On a demandé aux fabricants de produire des vaccins. Nous savons qu'un dixième seulement de toutes les infections sont dus à des virus grippaux. Beaucoup d'autres, comme le SRAS, l'adénovirus, le rhinovirus, etc. rendent aussi malades et génèrent des complications. Ils constituent 90 % des affections grippales et là, on ne fait rien !
Les transports aériens permettent également des contaminations très rapides et il est nécessaire de prendre des mesures de prévention bien échelonnées au plan national. L'OMS peut tenir lieu de prestataire de services ; pour l'instant, elle est simplement à l'origine des profits des industries. Jusqu'à présent, les choses se sont très mal passées.
M. Alain Milon, rapporteur - Vous avez indiqué que préparés rapidement, les vaccins pouvaient présenter des risques. Or la vaccination contre la grippe pandémique ne semble pas avoir provoqué d'effets indésirables graves. A-t-on sous-estimé la probabilité que de tels effets surviennent ?
M. Wolfgang Wodarg - En tant que parlementaire, j'ai toujours dit que la pharmacovigilance ne devait pas être exercée par ceux qui prennent les décisions. Ce n'est pas le cas en Allemagne et dans d'autres pays.
Je pense qu'il faut à l'avenir séparer ces fonctions.
M. François Autain, président - En France, l'AFSSAPS autorise la mise sur le marché du médicament et effectue en même temps la pharmacovigilance. Qu'en est-il en Allemagne ?
M. Wolfgang Wodarg - C'est également le cas en Allemagne. C'est pourquoi les statistiques sur les effets secondaires ne sont pas très utiles.
Les Australiens ont fait un travail de pionnier en la matière mais ils ont utilisé un autre vaccin. M. Peter Culligan a constaté qu'en fonction du dosage, on pouvait constater des convulsions et une fièvre supérieure à 39 chez 30 à 50 % des enfants.
En Allemagne, sur 2 000 effets secondaires, environ 600 sont des cas sévères. La mortalité due à la vaccination est inférieure à 100. C'est comparable aux victimes que fait la maladie. Le bénéfice est donc très douteux. Le réseau Cochrane a essayé de clarifier la situation. M. Thomas Jefferson vous a dit que pour les personnes âgées, la vaccination n'était utile que lorsque celles-ci vivent dans des établissements. Lorsqu'elles vivent chez elles, d'autres conseils seraient beaucoup plus utiles. Tout dépend des personnes que l'on veut vacciner et de l'indication. On doit poser des questions aux gens : quelle est leur maladie, leur anamnèse ? Il faut réfléchir avec eux à l'utilité de la vaccination. Un médecin qui vaccine sans discussion, sans anamnèse ni indication commet une erreur médicale. Ce sont des millions d'erreurs médicales qui ont été commises dans le contexte de cette soi-disant pandémie. Elles ne seront probablement jamais poursuivies. Chaque vaccination inutile est un acte criminel, une atteinte au corps !
Mme Marie-Thérèse Hermange - Un expert nous a dit que les expérimentations sur les animaux tendaient à prouver que des problèmes respiratoires pouvaient découler de la vaccination. En avez-vous entendu parler ?
M. Wolfgang Wodarg - En effet, nous avons utilisé de petits rapaces dont le modèle se rapproche de l'homme pour déterminer s'il existait des complications pulmonaires mais cela n'indique pas grand-chose sur le degré de danger pour l'homme.
Suivant l'âge et le sexe des personnes, les risques sont tout à fait différents. On a souvent dit que les femmes enceintes couraient un risque important mais on a observé très peu de cas, mis à part quatre cas au Mexique mais ces femmes avaient des risques graves par ailleurs et en sont mortes.
Il faut donc certainement approfondir cet aspect des choses mais ces indications ne peuvent être comparées directement avec la situation chez l'homme.
M. Alain Milon, rapporteur - J'ai cru comprendre qu'il y avait eu en Allemagne 600 cas de convulsions hyperthermiques post-vaccinales. Ai-je bien compris ?
M. Wolfgang Wodarg - Ces convulsions fiévreuses ont été observées en Australie sur 30 à 50 % des enfants vaccinés, selon le rapport de M. Peter Culligan. C'est beaucoup et très inquiétant.
En Allemagne, environ 600 cas sur 1 900 ont développé des effets secondaires graves après la vaccination pour un peu moins de 100 cas de mortalité.
C'est une documentation très difficile à obtenir sur Internet. Les données sont fort peu transparentes. On se demande pourquoi car c'est extrêmement important. C'est le professeur Loebbe, de l'Institut Paul Ehrlich, qui dirige l'autorité responsable de la pharmacovigilance en Allemagne.
M. Alain Milon, rapporteur - Le fonctionnement des instances nationales et internationales d'expertise au cours de cette crise conduit à s'interroger sur l'organisation et les conditions d'application des dispositifs de prévention des conflits d'intérêts. Quelles mesures suggéreriez-vous en ce sens ?
M. Wolfgang Wodarg - Je pense que l'on ne pourra l'éviter. Il faudra que les scientifiques se justifient devant les instances parlementaires et soient absolument indépendants. On pourra ainsi leur faire confiance car ils seront loyaux envers l'Etat et l'industrie ne pourra les acheter.
Si tel est le cas, il n'y a pas de raisons d'avoir peur. L'industrie pourra raconter n'importe quoi, il y aura en face d'elle des gens à qui l'on pourra faire confiance. Ce sera donc beaucoup moins grave.
Il n'existe pas de contrôle parlementaire de l'OMS. Il est très important d'assurer la transparence là où c'est possible et il faudra pouvoir faire confiance à nos instituts nationaux. C'est coûteux mais cela s'amortit sur le long terme. Les Scandinaves l'ont prouvé : la Suède est le seul pays qui, avec l'Estonie, se présente bien sous l'angle financier en Europe. On y considère que les malades coûtent cher. Il faut donc veiller à ce que les populations soient en bonne santé et tout mettre en oeuvre pour favoriser la prévention. Les Suédois sont fiers de dépenser peu d'argent pour que les gens restent en bonne santé ! La part consacrée aux dépenses de santé est relativement beaucoup moins importante par rapport à leur PIB que dans d'autres pays européens et le niveau de santé de la population est meilleur qu'ailleurs !
Si l'on considère que le marché de la santé doit générer des bénéfices, il ne faut pas s'étonner que l'industrie nous vende des produits chers, dont nous n'avons pas besoin et qui ne guérissent pas les gens !
M. François Autain, président - Y a-t-il des questions ? Plus personne ne demandant la parole, je vous remercie pour votre contribution.