b) Les « trois univers » de l'apprentissage
Le Cereq, dont les représentants ont été entendus par la mission d'information, rappelle, dans une étude publiée en octobre 2005, qu'au-delà d'une idée séduisante par sa simplicité, l'apprentissage est surtout en France une « institution » éclatée en histoires distinctes.
- Un premier ensemble essentiellement artisanal , constitue la clé de voûte de certaines professions réglementées comme celles de coiffeur, employé de pharmacie ou prothésiste. Il joue aussi un rôle essentiel dans le renouvellement d'entreprises du commerce alimentaire et de l'hôtellerie- restauration notamment. Cet apprentissage s'inscrit dans une relation de formation professionnelle de proximité, souvent dans des micro-entreprises. Le pilotage est assuré par des organisations patronales sur un territoire limité, la ville ou le département. Les liens entre maître d'apprentissage et apprenti relèvent souvent d'une relation privée à laquelle vient se juxtaposer la formation délivrée en CFA. Centré sur les CAP, l'évolution des effectifs de cet ensemble se situe à contre-courant de l'évolution générale de l'apprentissage. Ainsi, entre 1995 et 2003, les effectifs d'apprentis ont globalement augmenté mais ils ont diminué de 13 % dans les métiers de l'alimentation et de la cuisine, et de 16 % dans l'hôtellerie-restauration. Ces métiers sont pour certains saturés, tel coiffeur ou employé de pharmacie. D'autres sont devenus peu attractifs pour les jeunes qui s'orientent aujourd'hui vers l'apprentissage. D'un niveau scolaire plus élevé, ces jeunes sont peut-être moins enclins à admettre les nombreuses contraintes d'horaires comme celles ayant cours dans l'hôtellerie-restauration ou le commerce de détail.
Les organisations entendues par la mission ont manifesté leur volonté de contrecarrer cette évolution . Pour faire connaitre aux jeunes leurs secteurs, le représentant de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) a confirmé à la mission la possibilité pour les chambres des métiers de répondre à d'éventuelles sollicitations des établissements scolaires pour organiser des stages de découverte. Compte tenu des besoins de transmission d'entreprises artisanales, il convient de susciter des vocations et les réseaux consulaires souhaitent travailler dans ce sens. En outre, les entreprises artisanales ressentent la nécessité de développer des contacts avec les étudiants de l'enseignement supérieur .
- Un second ensemble de formations professionnelles par apprentissage est issu des mouvements d'éducation populaire de l'après-guerre. Il relève de la stratégie explicite de branches professionnelles - le bâtiment et la mécanique automobile en constituent les deux grands exemples - dont l'objectif est la production collective de quali?cations négociables sur un « marché professionnel » où puisent des entreprises de différentes tailles. C'est ce modèle que consacre la loi du 16 juillet 1971 fondatrice de l'apprentissage actuel. Les CFA de ce secteur, articulés en réseau et solidement ?nancés, ont béné?cié de l'essor de l'apprentissage. Quand la conjoncture d'un secteur d'activité est favorable, les effectifs d'apprentis progressent : ainsi, entre 1995 et 2003, le nombre d'apprentis dans le bâtiment s'est accru de près de 25 % au niveau CAP et BEP, et de plus de 130 % au niveau baccalauréat. Lorsque le secteur recrute peu, un glissement de l'apprentissage s'opère du niveau CAP et BEP vers le niveau baccalauréat, comme ce fut le cas pour l'électricité et la mécanique automobile entre 1995 et 2003.
- Le troisième ensemble, qui a connu l'expansion la plus nette au cours des quinze dernières années, relève du « nouvel apprentissage ». Investi massivement par l'enseignement supérieur, les écoles de commerce, les écoles d'ingénieurs, les sections de techniciens supérieurs et les universités, il prépare à des professions qui auparavant étaient alimentées soit par des diplômés ayant suivi un enseignement général ou technologique par la voie scolaire, soit par la promotion interne ou la formation continue des salariés : cadres et techniciens commerciaux, cadres de gestion, métiers de la banque et de l'assurance, ingénieurs de production... C'est cet ensemble qui a connu l'expansion la plus nette : le nombre de formations accessibles par apprentissage et la proportion d'apprentis ont fortement augmenté.