III. SOUTENIR ET VALORISER LES FILIÈRES EN ALTERNANCE

« Sur les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, 200 000 ont une formation générale relativement faible et sont dépourvus de qualification professionnelle.» 43 ( * ) . Tel était, il y a 29 ans, le constat établi par M. Jacques Legendre, alors secrétaire d'État en charge de la formation professionnelle, au cours des débats parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n° 80-526 du 12 juillet 1980 relative aux formations professionnelles alternées organisées en concertation avec les milieux professionnels. Soulignant déjà, en avril 1980, « l'impression de tourner en rond pour qui ne peut trouver un emploi faute d'expérience, et qui ne peut en acquérir puisqu'il n'a pas encore pu travailler » , le secrétaire d'État présentait alors au Parlement la première loi française systématisant le recours à la pédagogie nouvelle que constituait l'alternance, destinée à permettre aux jeunes de trouver à la fois une qualification et une expérience.

Aujourd'hui, à l'issue de la scolarité obligatoire, c'est à dire en fin de 3 e , près de 40 % des élèves - selon une part stable depuis dix ans - s'engagent dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit sous contrat d'apprentissage . Il convient de rattacher à ces deux filières d'alternance les contrats de professionnalisation , ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans ainsi qu'aux demandeurs d'emplois âgés de 26 ans ou plus qui relèvent de la formation professionnelle.

Ce premier constat structurel renvoie donc à celui de la diversité de l'offre de formations en alternance qui s'explique essentiellement pour des raisons historiques et se manifeste à heure actuelle par des canaux de financement distincts. Cette « segmentation » soulève des interrogations sur la nécessité de mutualiser les moyens de formation, notamment en zone rurale. Par exemple, comme l'a souligné le rapport d'information sur la formation professionnelle 44 ( * ) : « il est difficile de former des groupes de trois ou quatre apprentis ou de trois ou quatre lycéens, ce qui occasionne des suppressions de postes et des transferts à des lycées professionnels ou à l'apprentissage. Les conflits sont relativement permanents sur ce point ». Ainsi l'éclatement entre les statuts - lycéen, apprenti, stagiaire, jeune en contrat de professionnalisation - « ne favorise pas une gestion optimale des structures de formation, ce qui est particulièrement dommageable pour assurer le maintien et le remplissage de certaines filières aux débouchés porteurs mais peinant à recruter » .

Lors de son audition, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a toutefois souligné les avantages de la formation en alternance sous contrat pour le jeune et pour l'employeur qui peut apprécier directement ses qualités. Il a précisé qu'un peu plus de 11 % des jeunes sont aujourd'hui formés dans un dispositif en alternance, avec d'excellents résultats en termes d'insertion professionnelle, puisque 80 % d'entre eux trouvent un emploi durable en moins d'un an . Il a estimé souhaitable, à terme, qu'un jeune sur quatre ou cinq soit formé en alternance, d'une part, en diversifiant les secteurs qui ont recours à ce type de formation et, d'autre part, en incitant financièrement toutes les entreprises à accueillir des jeunes : l'objectif, en 2015, serait d'atteindre la proportion de 20 % des jeunes en alternance, soit 850 000 environ au lieu des quelques 600 000 à l'heure actuelle .

Au titre des priorités dictées par l'urgence, la mission souligne qu'une des données fondamentales pour la jeunesse française demeure, aujourd'hui, le degré extrêmement élevé de la sensibilité de l'emploi des débutants à la conjoncture économique , qu'a parfaitement analysé le représentant du CEREQ. Les « coups d'accordéon » qui se transmettent à l'embauche des jeunes appellent le développement de dispositifs publics contracycliques.

Dans ce cadre, le caractère alarmant de la situation conjoncturelle au cours des premiers mois de 2009 a conduit le Gouvernement à annoncer des mesures de soutien pour contrecarrer la diminution des contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

La mission a identifié, sur le terrain, un certain nombre de difficultés qui appellent à compléter cette panoplie conjoncturelle pour que les objectifs fixés puissent être rapidement atteints. A plus long terme, la mutualisation des moyens de financements des formations en alternance demeure nécessaire, tout comme le développement et la pleine reconnaissance d'une filière professionnelle prestigieuse et attractive.

En même temps, comme le suggère l'audition du CEREQ, la sensibilité de l'emploi des débutants à la conjoncture économique apparait comme un révélateur des cloisonnements structurels qui subsistent dans la société française. Ces blocages alimentent largement le « malaise » des jeunes, par ailleurs incités, par le processus moderne de « déculpabilisation de la peur » analysé par M. Luc Ferry, à exprimer leurs craintes ou à relayer non seulement celles de leurs parents, mais aussi, à l'occasion, celles du monde éducatif, contribuant ainsi paradoxalement à endiguer les tentatives de réforme et de décloisonnement de notre système de formation.

A. LA PANOPLIE DES VOIES DE FORMATION EN ALTERNANCE

1. Le développement de l'apprentissage

a) Des effectifs croissants


• 400 000 apprentis

Depuis une vingtaine d'années, l'apprentissage, auparavant limité aux CAP, est progressivement devenu une voie de formation pour toutes les formations professionnelles. Cet essor de l'apprentissage dans les années 1990 s'est principalement traduit par le développement des formations dans les niveaux IV (bac professionnel) à I (diplôme d'ingénieur).

De 2000 à 2004, les effectifs globaux ont avoisiné 365 000 apprentis ; ils ont ensuite progressé pour atteindre environ 400 000 en 2007, dont 100 000 relevant de l'enseignement supérieur , selon les estimations du rapport public thématique de la Cour des comptes sur « la formation professionnelle tout au long de la vie », publié en octobre 2008. Il convient de rappeler que le Plan de cohésion sociale et la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, qui comportent un important volet de développement de l'apprentissage et d'amélioration du statut des apprentis, avaient pour objectif de porter leur nombre de 360 000 en 2004 à 500 000 d'ici 2009, afin notamment de conduire les jeunes vers l'emploi et de répondre au défi du renouvellement des générations dans les entreprises du secteur artisanal.


• 60 % des apprentis visent un CAP ou un BEP

La répartition entre les niveaux de formation continue d'évoluer avec une baisse régulière du niveau V (CAP et BEP). Cependant, la formation au niveau V demeure majoritaire puisqu'elle rassemble plus de 60 % des apprentis . Bien implanté dans l'artisanat, le commerce et l'industrie, l'apprentissage pourrait se développer dans les services, notamment dans le secteur sanitaire et social.

En outre, les données fournies par la DARES pour l'année 2005 signalent les caractéristiques suivantes:

- près de 49 % des apprentis sont âgés de 17 ans ou moins , plus de 41 % ont entre 18 et 21 ans et seuls moins de 10 % sont âgés de 22 ans et plus ;

- quatre secteurs d'activité accueillent une large majorité des apprentis : l'industrie (21 %), la construction (23 %), le commerce (24 %), les services aux particuliers (20 %) ;

- près des deux tiers des apprentis sont formés dans des entreprises de moins de dix salariés , dont 40 % dans des entreprises de quatre salariés ou moins ; la part des apprentis accueillis dans des entreprises de plus de 250 salariés est passée de 5 % en 1995 à 9,4 % en 2005. Le développement de l'apprentissage dans les grandes entreprises est appelé à s'intensifier : en 2006, 1 300 entreprises ont signé la Charte de l'apprentissage. Un premier bilan établi fin 2006 montre une hausse moyenne du nombre d'apprentis entre 2005 et 2006 de 36 % pour les entreprises du CAC 40, soit une augmentation de quelque 10 000 apprentis.

* 43 A.N., séance du 29 avril 1980.

* 44 Rapport d'information n° 365 (2006-2007) de M. Bernard Seillier, présenté au nom de la mission commune d'information sur la formation professionnelle.

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