c) Une attitude ambiguë de l'Agefiph vis-à-vis des Cap Emploi
Le réseau Cap Emploi regroupe des organismes labellisés dont la mission est de favoriser la préparation à l'emploi, le placement et l'accompagnement dans l'emploi des travailleurs handicapés. Au nombre de 119, répartis sur le territoire national, ces organismes ont fait la preuve de leur efficacité : ainsi, en 2005, ils ont contribué à l'insertion professionnelle réussie de plus de 46 000 personnes handicapées.
La loi du 11 février 2005 a pris la mesure de ce succès et a les dotés d'un véritable statut :
- désormais regroupés sous la dénomination juridique d' « organismes de placement spécialisés », les Cap Emploi participent au dispositif - mis en oeuvre par l'Etat, le service public de l'emploi, l'Agefiph et le fonds « Fonction publique » - d'insertion professionnelle et d'accompagnement des personnes handicapées pendant leur période d'adaptation au poste de travail ;
- une base légale est donnée au dispositif national de pilotage du réseau Cap Emploi : ainsi, les grands principes d'intervention des organismes de placement spécialisés doivent être précisés dans la convention d'objectifs triennale passée entre l'Etat et l'Agefiph. Un comité national comprenant l'Etat, le service public de l'emploi, l'Agefiph, le FIPHFP et des représentants des Cap Emploi s'assure de la mise en oeuvre pratique de ces grandes orientations ;
- les conditions du financement de l'activité des Cap Emploi sont clarifiées : dans la mesure où les Cap Emploi interviennent auprès des personnes handicapées sans distinguer si leur projet professionnel est orienté vers le secteur privé ou public, la loi pose le principe d'un cofinancement de leur activité par l'Agefiph et le FIPHFP. Ses modalités sont définies par une convention de coopération passée entre les deux fonds. Les Cap Emploi doivent ensuite faire l'objet d'un conventionnement préalable pour prétendre à leurs financements.
Mais compte tenu du silence de la loi sur l'autorité compétente pour conventionner les Cap Emploi, il est fait aujourd'hui des interprétations divergentes de ces dispositions.
L'Agefiph déduit de la disposition selon laquelle que la convention passée avec chaque Cap Emploi doit se faire dans le respect des orientations fixées par la convention nationale d'objectifs passée entre l'Etat et l'Agefiph, que la convention agréant les Cap Emploi et celle portant sur leur financement constituent un seul et même outil, placé entre ses mains.
Elle considère donc qu'elle est responsable du choix des organismes devant ou non être conventionnés et donc financés, ce qui aurait pour conséquence une obligation d'organiser cette sélection le cadre d'un appel d'offre. Forte de cette interprétation, elle a d'ores et déjà prévenu les membres du réseau Cap Emploi que l'attribution de ses financements s'effectuerait désormais dans ce cadre.
Une telle interprétation n'a pas tardé à soulever les inquiétudes des Cap Emploi qui craignent de se voir mis en concurrence, comme l'ANPE avant eux, avec des opérateurs privés, agences d'intérim ou agences de placement privées.
Votre commission estime donc nécessaire de rappeler fermement qu'elles étaient les intentions du législateur lors du vote de la loi du 11 février 2005 :
- même si le financement du réseau incombe à l'Agefiph, le législateur a souhaité que l'Etat conserve ses responsabilités de pilotage du dispositif Cap Emploi : en témoigne d'ailleurs la création du comité national de pilotage, auquel participent l'Etat et le service public de l'emploi. Il n'a donc jamais été question de confier à la seule Agefiph le conventionnement des Cap Emploi ;
- en prévoyant le conventionnement des Cap Emploi, la volonté du législateur était avant tout de garantir que les financements attribués aux Cap Emploi l'étaient avec une véritable contrepartie de qualité de service. Il est en effet indispensable que les Cap Emploi soient soumis à des objectifs en termes de résultats, qu'ils se soumettent à une évaluation régulière de ces derniers et que les pouvoirs publics puissent tirer les conséquences d'un dysfonctionnement profond ou des mauvais résultats chroniques en déconventionnant une structure.
La question du conventionnement des Cap Emploi doit donc être examinée à l'aune de ces deux exigences du législateur :
- si la convention reconnaissant la qualité d'organismes de placement spécialisés et celle prévoyant leur financement sont une seule et même convention, l'interprétation de l'Agefiph selon laquelle ces conventions relèvent de sa compétences et selon laquelle elle doit procéder aux choix de ses prestataires dans le cadre d'un appel d'offre est juste. Mais pour respecter la volonté du législateur, il est alors indispensable que l'Etat participe à la définition des objectifs fixés aux Cap Emploi et qu'il soit cosignataire de la convention ;
- si l'on souhaite au contraire préserver deux démarches distinctes, il faut alors admettre que le conventionnement des Cap Emploi relève de la seule compétence de l'Etat et que l'Agefiph, comme le FIPHFP, ont ensuite compétence liée pour financer les structures préalablement choisies par lui.
Selon votre commission, un élément doit conduire à opter pour la seconde solution : la création du fonds « Fonction publique » et l'inscription dans la loi de sa vocation à cofinancer les Cap Emploi. Si l'on respecte la logique de la première option, on est en effet obligé d'admettre la possibilité pour le FIPHFP de conventionner lui aussi des organismes de placement spécialisés, et rien ne garantit dans ce cas que les appels d'offre passés par les aux financeurs aboutiront à des choix concordants.
Le risque serait alors grand de voir se développer deux réseaux parallèles et spécialisés, ce qui ne serait favorable ni aux personnes handicapées, qui se trouveraient face à un dispositif entièrement cloisonné, ni les financeurs eux-mêmes, compte tenu des risques de doublon d'une telle solution.
Votre commission plaide donc pour un conventionnement préalable des Cap Emploi par l'Etat. Elle insiste toutefois sur le fait que la démarche de qualité exigée des Cap Emploi ne sera efficace dans ce cadre que pour autant que les services de l'Etat accepteront d'utiliser réellement la possibilité de déconventionner un organisme. Un investissement de l'Etat dans le contrôle de l'activité des Cap Emploi est donc nécessaire.