3. Valoriser le respect des normes sociales et environnementales
Tout en s'inquiétant des excès de certains dispositifs ou de la rapidité de leur mise en oeuvre , votre commission s'est accordée sur l'importance de conserver dans notre pays le haut niveau de ses standards sociaux et environnementaux . Il est en effet exclu que la concurrence nouvelle qu'imposent les pays émergents conduise à un nivellement par le bas des exigences de développement auxquels sont légitimement attachés nos concitoyens.
Cette position de principe ne doit cependant pas s'entendre comme la soumission à un ordre international qui admettrait durablement des différences si significatives que la rationalité économique des investisseurs les conduirait nécessairement à accélérer le rythme des délocalisations jusqu'à déchirer définitivement le tissu industriel des pays de l'OCDE. C'est pourquoi tous les efforts de ces derniers doivent tendre, dans le cadre des négociations internationales menées au sein des différents organismes de la régulation mondiale, au rattrapage aussi rapide que possible de leurs standards par les pays en développement .
Mais le chemin est si long que la période d'adaptation prendra un temps certain. Aussi un pays comme le nôtre doit-il, en attendant, explorer toutes les pistes susceptibles de rendre cohérentes l'aspiration de nos concitoyens à un développement équilibré et durable et la nécessité de conserver un outil industriel performant et rentable. Si votre commission propose par ailleurs nombre de suggestions visant à améliorer l'offre des produits , il lui semble, dans cette perspective spécifique, pertinent d'agir également sur la demande . A cet égard, deux types d'incitations pourraient être envisagées : la responsabilisation des consommateurs et l' orientation des achats publics .
a) La responsabilisation des consommateurs
Un des facteurs portant atteinte à la loyauté de la concurrence entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères est qu'elles ne sont pas soumises aux mêmes obligations normatives . Ainsi, les législations française et communautaire imposent de multiples prescriptions en matière sociale et environnementale qui ne s'appliquent qu'aux processus de production localisés sur le territoire : à de rares exceptions près, portant notamment sur la sécurité, les produits importés ne sont donc pas contraints de respecter ces normes. Une partie des différentiels de prix de vente s'explique ainsi par les différentiels de coûts de production résultant de cette situation.
Si le citoyen est tellement exigeant en matière de normes sociales et environnementales, on pourrait admettre que le consommateur qu'il est aussi ne le soit pas moins dans ses arbitrages consuméristes. C'est d'ailleurs sur ce postulat que sont fondées toutes les politiques de labellisation dans les secteurs agricole et alimentaire. Pour votre commission, un tel axiome devrait également rendre pertinentes des mesures plus importantes d'information du consommateur en ce qui concerne les produits manufacturés , afin de le responsabiliser davantage.
D'une part, la mention d'origine , déjà indiquée pour de nombreux produits, devrait être généralisée . Elle permet de signaler de manière subliminale la qualité supposée du produit et son intensité potentielle en normes de production respectueuses des standards occidentaux . Certes, il ne s'agit pas de vérités systématiques, nombre de biens fabriqués dans les pays émergents offrant une qualité désormais similaire à ceux produits dans les pays industrialisés. Il n'est toutefois pas exclu que cette obligation n'induise pas d'utiles modifications des habitudes consuméristes , voire de celles des commerçants : il a en effet été indiqué à votre groupe de travail que l'absence de mention d'origine pouvait permettre à certaines marques, notamment dans le secteur de l'habillement, de dégager des marges excessives en vendant au prix « européen » des articles exclusivement confectionnés dans des pays à bas coûts. Une meilleure information des consommateurs pourrait sans aucun doute mettre fin à ce type de dérive : si elle n'apporterait pas nécessairement d'amélioration à la situation des productions nationales, au moins pourrait-elle éventuellement permettre celle du pouvoir d'achat des Français ! En tout état de cause, votre commission observe que le gouvernement italien vient précisément de lancer une grande campagne nationale d'information sur le « Made in Italy » qui répond au même objectif d'orientation de la consommation domestique .
Cependant, cette indication d'origine n'est pas toujours suffisante pour inciter l'acquéreur à choisir des produits fabriqués dans les pays industrialisés, en particulier lorsque la différence des prix est très forte . En outre, il est vrai que la segmentation croissante des processus de production relativise l'intérêt de l'information fournie . S'il est techniquement possible de définir une origine géographique, par exemple en retenant le site de confection le plus important du processus, ou celui qui dégage globalement le plus de valeur ajoutée, il n'en reste pas moins que la traçabilité totale serait inopérante tant elle serait complexe . Dès lors, un produit pourrait afficher une mention d'origine, par exemple française, alors même que plusieurs de ses composants seraient produits dans des pays où les normes sociales et environnementales sont moins élevées qu'en France.
Aussi votre commission suggère-t-elle de compléter cette mesure par la définition de labels avertissant clairement et visiblement le consommateur que le producteur et ses fournisseurs respectent tous les normes sociales et environnementales applicables dans la zone géographique de chalandise . Comme on peut penser que la fiabilité du label ne pourrait, pour l'essentiel, être assurée que pour des productions nationales ou européennes , cette distinction renforcerait l'indication de l'origine géographique (129 ( * )). De tels labels offriraient ainsi au consommateur-citoyen un choix véritable, ce qui pourrait renforcer l'attrait des produits respectant ces normes, même s'ils sont plus onéreux .
* (129) Ce système de labellisation aurait aussi évidemment un rôle incitatif à l'égard des pays émergents qui, pour les respecter, devraient notamment favoriser le développement du syndicalisme, conformément aux souhaits exprimés lors de leur audition devant votre groupe de travail par MM. Marc Deluzet et Emmanuel Mermet, Secrétaires confédéraux de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et M. Jean-Claude Hazouard, Secrétaire de la Fédération Hacuitex de la CFDT.