c) Le rôle des investissements internationaux
Dans les années quatre-vingt, la contribution des investissements internationaux, suscitée en particulier par la DATAR, a été décisive pour réindustrialiser. Des usines nouvelles conçues à l'échelle du marché européen par des groupes internationaux, notamment dans les filières des produits de consommation (hygiène) ou des biens intermédiaires (composants électroniques), ont cherché à se localiser au mieux en occupant les sites des établissements nationaux devenus obsolètes. L'Union européenne bénéficiait d'une vague de projets asiatiques comme ceux de Daewoo ou de Clarion dans des secteurs connaissant des limitations aux importations, mais l'attrait des politiques incitatives d'accueil engagées, la qualité des réseaux d'infrastructures et la mise à disposition d'emprises foncières importantes, ont également forcé la décision de groupes européens. Enfin, les départements frontaliers comme le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle ont pu attirer des projets allemands en valorisant les caractéristiques de leur main d'oeuvre : efficacité professionnelle, modération salariale, proximité et bilinguisme.
Ainsi, comme le rappelle à titre d'exemple le tableau suivant, l'implantation de grandes entreprises internationales a amorcé et crédibilisé la reconversion des bassins concernés, qui se trouvaient en compétition avec d'autres sites d'Irlande, du Mezzogiorno italien et d'Espagne pour d'importants projets d'investissements internationaux mobiles :
Bassins en reconversion |
Principale entreprise industrielle |
Longwy |
Allied Signals |
Pompey |
Clarion |
Neuves-Maisons |
Adidas |
La Ciotat |
Gemplus |
La Seyne |
Coca-Cola |
Briey |
Sovab Renault |
Fameck |
Thyssen Krupp |
On relèvera, s'agissant de ce dernier projet, que l'implantation de l'équipementier automobile Thyssen Krupp dans les anciens bâtiments de Daewoo a, selon notre collègue M. Jean-Pierre Masseret, non seulement réduit le risque de délocalisation du site dans la partie orientale de l'Allemagne, mais aussi permis la création de 350 emplois supplémentaires (sur les 1.008 emplois nouveaux créés dans la région grâce aux investissements étrangers, principalement dans la logistique et dans la sous-traitance automobile).
D'une manière générale, le poids des investissements et des effectifs d'entreprises à capitaux étrangers s'est accru depuis 1987 en France . Tandis que l'emploi industriel total dans les entreprises de plus de 20 salariés diminuait de 724.000 entre 1987 et 2000, l'effectif employé dans les entreprises à capitaux étrangers s'accroissait de 100.000, passant de 713.000 à 813.000. Quand à la proportion des effectifs de ces entreprises dans l'emploi total, il progressait sur la période de près de 10 points, témoignant ainsi de la contribution des investissements étrangers à l'animation du marché du travail.
Cette politique d'accueil de ces investissements a été bénéfique pour la plupart des régions françaises , à l'exception de l'Ile-de-France et de la Corse, ainsi que, dans une moindre mesure, de l'Auvergne, de PACA et de la Franche-Comté, comme en témoigne le tableau de la page suivante (la première série concerne les effectifs des entreprises à capitaux étrangers et leur variation en nombre absolu et en pourcentage , la seconde série indique la proportion de l'emploi total régional constituée par les salariés des entreprises à capitaux étrangers et leur évolution en points de pourcentage sur la période ).
La région Alsace a particulièrement bénéficié des investissements directs étrangers et son modèle de développement exogène, fondé sur leur attraction, a très bien fonctionné jusqu'à présent. Plus petite région de France en superficie et ne représentant que 2,9 % de la population nationale, elle occupe le deuxième rang, après l'Île-de-France, quant à la valeur du ratio PIB/emploi. Son économie ouverte sur l'international, grâce à sa proximité de l'Allemagne et de la Suisse, l'a propulsée au rang des principales plate-formes d'accès aux marchés européens. D'après les renseignements fournis à votre groupe de travail par le Conseil régional, les plus importants investisseurs étrangers en Alsace sont
Evolution des effectifs dans les entreprises à capitaux étrangers par région
Région |
1987 |
2000 |
? |
? % |
1987 |
2000 |
? |
Alsace |
50.000 |
58.000 |
+8.000 |
+13,8 % |
36,9 % |
46,9 % |
+10 pts |
Aquitaine |
19.000 |
28.000 |
+9.000 |
+47,4 % |
18,7 % |
32,7 % |
+14 pts |
Auvergne |
15.000 |
13.100 |
-1.900 |
-12,7 % |
18,8 % |
19,0 % |
+0,2 pt |
Basse-Normandie |
9.000 |
19.100 |
+9.100 |
+101,1 % |
11,9 % |
29,2 % |
+17,3 pts |
Bourgogne |
26.000 |
31.200 |
+5.200 |
+20,0 % |
23,6 % |
33,8 % |
+10,2 pts |
Bretagne |
8.000 |
20.500 |
+11.500 |
+143,8 % |
9,8 % |
22,1 % |
+12,3 pts |
Centre |
49.000 |
54.600 |
+5.600 |
+11,4 % |
29,3 % |
38,2 % |
+8,9 pts |
Champagne-Ardenne |
25.000 |
28.300 |
+3.800 |
+15,2 % |
25,3 % |
35,4 % |
+10,1 pts |
Corse |
< 1.000 |
< 1.000 |
NS |
NS |
9,0 % |
8,2 % |
-0,8 pt |
Franche-Comté |
17.000 |
17.400 |
+400 |
+2,4 % |
15,0 % |
18,8 % |
+3,8 pts |
Haute-Normandie |
35.000 |
36.700 |
+1.700 |
+4,9 % |
25,0 % |
34,0 % |
+9,0 pts |
Île-de-France |
172.000 |
119.400 |
-52.600 |
-30,6 % |
23,4 % |
29,0 % |
+5,6 pts |
Languedoc-Roussillon |
7.000 |
8.800 |
+1.800 |
+25,7 % |
15,7 % |
28,0 % |
+12,3 pts |
Limousin |
5.000 |
7.000 |
+2.000 |
+40,0 % |
13,4 % |
23,9 % |
+10,5 pts |
Lorraine |
43.000 |
45.200 |
+2.200 |
+5,1 % |
27,1 % |
36,3 % |
+9,2 pts |
Midi-Pyrénées |
13.000 |
30.300 |
+17.300 |
+133,1 % |
13,2 % |
34,8 % |
+21,6 pts |
Nord-Pas-de-Calais |
43.000 |
53.500 |
+10.500 |
+24,4 % |
15,7 % |
27,1 % |
+11,4 pts |
Pays de la Loire |
27.000 |
50.800 |
+3.800 |
+14,1 % |
13,9 % |
27,8 % |
+13,9 pts |
Picardie |
42.000 |
45.500 |
+3.500 |
+8,3 % |
31,4 % |
40,2 % |
+8,8 pts |
Poitou-Charentes |
11.000 |
18.900 |
+7.900 |
+71,8 % |
14,8 % |
27,7 % |
+12,9 pts |
Provence Côte d'Azur |
28.000 |
27.000 |
-1.000 |
-3,6 % |
25,7 % |
33,0 % |
+7,3 pts |
Rhône-Alpes |
74.000 |
99.900 |
+25.900 |
+35,0 % |
18,7 % |
29,0 % |
+10,3 pts |
Ensemble |
718.000 |
813.300 |
+93.300 |
+13,0 % |
21,4 % |
31,0 % |
+9,6 pts |
NS : non significatif Source : SESSI
l'Allemagne (52 %), la Suisse (17 %), les États-Unis et le Canada (8 %). Dans sa réponse au questionnaire adressé aux régions, M. Adrien Zeller, Président du Conseil régional d'Alsace, estime que cette politique porte ses fruits : 51 % des responsables de PME et 28 % des dirigeants de grandes entreprises étrangères souhaiteraient maintenir et développer leurs investissements en Alsace, à l'instar des laboratoires américains Lilly qui devraient procéder prochainement à 100 recrutements à Fegersheil pour le lancement de nouvelles molécules. A l'inverse, seulement 8 % des dirigeants d'entreprises étrangères de moins de 150 salariés et 15 % des patrons de sociétés plus importantes envisageraient une réduction de leur présence en Alsace, au profit de l'Europe de l'Est et de l'Asie du Sud-Est. Ces informations corroborent celles d'une récente enquête réalisée par la Direction régionale de la Banque de France, qui conclut à un faible risque de délocalisations massives dans cette région dans les prochaines années.